Question de M. BOURQUIN Martial (Doubs - SOCR) publiée le 22/03/2018

M. Martial Bourquin attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les pratiques douteuses de General Electric (GE) hydro à Grenoble.
La presse avait révélé à l'époque que, dans la nuit du 16 au 17 février 2018, une roue de turbine de trente-sept tonnes et 4,60 mètres de diamètre avait été sortie discrètement de l'usine GE hydro de Grenoble afin de prendre la direction d'un sous-traitant en Italie. Ce transfert s'est fait en pleine nuit, sans qu'en soient informés les salariés censés le valider, et ce alors que l'usine a annoncé la suppression de quarante-cinq postes sur cinquante. Ces informations n'ont jamais été démenties.

Dans le cadre de l'accord passé en 2014, l'État bénéficiait d'une option d'achat sur les 43,82 millions d'actions au capital d'Alstom prêtées par Bouygues. Ce rachat aurait permis à l'État de conserver un droit de regard sur la fusion entre Alstom et Siemens et de garantir les intérêts de la France dans le cadre de sa politique de stratégie industrielle. Pourtant, le Gouvernement a renoncé récemment à cette option d'achat, et cela alors que le bénéfice aurait été de l'ordre de 350 millions d'euros pour l'État.
Lors du rachat en 2015 du pôle énergie d'Alstom, GE s'était engagé à créer 1 000 emplois nets en France d'ici à la fin 2018, sous peine d'une pénalité de 50 000 euros par emploi non créé. Or, un plan social menace 345 des 800 emplois sur le site de Grenoble.
Aujourd'hui, les salariés de GE hydro se sentent abandonnés alors que le président de la République, alors ministre de l'économie, avait promis la préservation des « intérêts nationaux » devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale le 11 mars 2015. Les accords n'ont pas été respectés, il est donc temps pour le Gouvernement de sanctionner GE.
Il attire son attention sur le non-respect des engagements de GE sans que l'État ne s'indigne.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 25/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 24/07/2018

M. Martial Bourquin. Monsieur le secrétaire d'État, j'avais adressé cette question au mois de mars dernier, lorsque la presse avait révélé que, dans la nuit du 16 au 17 février 2018, une roue de turbine de 37 tonnes et de 4,6 mètres de diamètre était sortie discrètement de l'usine General Electric Hydro de Grenoble, et cela en toute illégalité et sans que le comité d'entreprise en soit informé.

Ma question datant – aucune réponse ne lui a véritablement été apportée depuis lors –, je vais essayer de l'actualiser.

Monsieur le secrétaire d'État, General Electric devait créer 1 000 emplois sur le territoire français ; je ne suis pas sûr qu'il en ait créé 400. Une amende de 50 000 euros était prévue par emploi non créé, ce qui représente environ 34 millions d'euros. Allez-vous l'appliquer ? Cette sanction ne serait d'ailleurs pas qu'une sanction, car la filière énergie est en difficulté. Elle doit se redéployer dans d'autres systèmes que les turbines à vapeur et a besoin pour cela d'investissements.

Monsieur le secrétaire d'État, allez-vous appliquer cette sanction ? Celle-ci est prévue par l'accord, mais si vous ne prenez pas une décision avant octobre 2018, il sera trop tard.

J'en viens à ma seconde question. Plusieurs cabinets de conseil internationaux ont pris position concernant la fusion de Siemens et d'Alstom. Tous font le même constat que le Sénat, dont j'avais été le rapporteur de la mission d'information sur Alstom, à savoir que l'accord est totalement déséquilibré entre Siemens et Alstom, qui s'est fait racheter pour zéro euro par Siemens.

Allez-vous rééquilibrer cet accord ? C'est une nécessité pour les 8 000 salariés des douze sites Alstom et pour les 27 000 salariés qui travaillent pour les sous-traitants d'Alstom en France.

Monsieur le secrétaire d'État, j'attends avec empressement votre réponse à ces deux questions. Sachez que nombre de salariés d'Alstom et de la sous-traitance attendent les réponses du Gouvernement sur des questions aussi décisives que la politique industrielle.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur Bourquin, Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, étant retenu par le G20 en Argentine, il m'a demandé de vous répondre.

Le Gouvernement est particulièrement vigilant sur le suivi des engagements pris par General Electric au moment de l'acquisition des activités énergie d'Alstom. Ces activités sont confrontées à une conjoncture très défavorable des marchés, alors même que la concurrence internationale, notamment chinoise, s'est fortement développée.

Cela a conduit à une nécessaire consolidation qui affecte aussi bien les activités reprises d'Alstom que leur repreneur lui-même. Le groupe General Electric a lancé au niveau mondial, et indépendamment des activités reprises d'Alstom, une restructuration profonde de l'ensemble de ses activités énergie.

Les engagements pris par General Electric, notamment en matière d'emploi, n'ont pas pour objet d'interdire à l'entreprise de restructurer ses opérations lorsqu'elle l'estime nécessaire. En revanche, ces restructurations doivent être compensées par la création d'emplois nouveaux dans des secteurs jugés prometteurs par l'entreprise. General Electric a ainsi développé en France des activités nouvelles liées au numérique et aux énergies marines renouvelables.

Les engagements pris par General Electric s'étendent jusqu'à la fin de l'année 2018, et, comme vous l'avez rappelé, leur respect devra s'apprécier formellement à cette échéance.

Le ministre de l'économie et des finances a d'ailleurs reçu le président-directeur général du groupe, John Flannery, le 14 juin dernier. Celui-ci a indiqué que le groupe n'atteindrait pas son objectif de création de 1 000 emplois dans un contexte difficile, du fait de l'évolution défavorable de ses marchés historiques dans le secteur de l'énergie. Le ministre de l'économie regrette vivement cette situation et a demandé au P-DG que le groupe prenne toutes les dispositions nécessaires pour s'y conformer au mieux.

Le ministre a également demandé que des perspectives claires soient données pour les années à venir à chacun des sites industriels de General Electric en France, afin d'assurer la pérennité de l'activité et des emplois associés. Une nouvelle rencontre aura lieu à l'automne, pour examiner les propositions de General Electric dans ce cadre.

S'agissant de la restructuration du site de Grenoble, le Gouvernement s'est particulièrement mobilisé pour s'assurer que General Electric propose aux salariés concernés des conditions d'accompagnement à la hauteur des moyens du groupe. Les modalités de mise en œuvre de ce plan ont fait l'objet d'un accord signé entre la direction de General Electric et les organisations syndicales, le 22 mai dernier.

Le Gouvernement considère que le rapprochement est une chance, qui donnera naissance à un leader mondial, apte à se développer sur les marchés internationaux en croissance et à tirer profit de la révolution de la mobilité. Les deux groupes paraissent complémentaires au niveau de leur implantation, aussi bien en France qu'à l'étranger.

Le ministre de l'économie et des finances a d'ailleurs organisé un comité de suivi le 22 mars dernier, avant même le closing de l'opération, dans un souci de dialogue avec les parties prenantes en présence des deux P-DG.

Les accords conclus entre Siemens et l'État français sont à la fois protecteurs pour le site de Belfort et pour le tissu des sous-traitants et fournisseurs locaux. Par ailleurs, des engagements complémentaires ont été pris par Siemens dans le cadre de la procédure d'autorisation des investissements étrangers en France qui vient de se terminer.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour répondre à M. le secrétaire d'État.

M. Martial Bourquin. Ce que vous dites est intéressant, mais pas suffisamment clair, monsieur le secrétaire d'État.

Appliquerez-vous l'amende de 34 millions d'euros au groupe General Electric, pour réinvestir cette somme dans la filière énergie ? Votre réponse n'a pas été limpide… Vous avez évoqué une rencontre à venir, mais cette sanction est nécessaire !

Par ailleurs, allez-vous rééquilibrer l'accord entre Siemens et Alstom ? La Commission européenne a décidé de poursuivre pendant plusieurs mois son enquête sur le projet de fusion d'Alstom et de Siemens, afin de disposer d'éléments approfondis.

Ce sont les intérêts de notre industrie qui sont en jeu. Sur le site de Grenoble que vous avez cité, quelque 345 emplois, sur 800, sont menacés. Vous rendez-vous compte de la purge que cela représente ? Les sites d'Alstom Transport d'Ornans et de Belfort sont eux aussi dans l'attente de ce qui va se passer.

Si la fusion de Siemens et d'Alstom est une bonne chose – nous sommes favorables à la création d'un tel champion européen –, elle devait se faire de façon équitable. Aujourd'hui, le géant allemand Siemens a pris le contrôle d'Alstom pour zéro euro, alors que ce joyau de l'industrie française vient de gagner plusieurs marchés très importants, dont celui du métro de Montréal.

La politique industrielle est un sujet important, qui doit vous mobiliser, monsieur le secrétaire d'État. Des propos généraux ne suffisent pas ; il nous faut des actes.

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