Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 06/07/2018

Question posée en séance publique le 05/07/2018

M. Antoine Lefèvre. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Notre collègue Michèle Vullien l'a souligné avant moi, le détenu qui aurait dû être le plus surveillé de France s'est de nouveau fait la belle, dans des circonstances consternantes pour notre système pénitentiaire et, par là même, pour votre ministère.

Cette prison modèle n'en était pas une, avec sa cour sans protection aérienne, maintes fois signalée comme le point le plus faible de sa sécurisation. Le choix d'y maintenir un tel détenu comportait un risque maximum. Vos services n'ont pas perçu l'urgence de la situation, malgré les demandes répétées de transfert présentées par la direction régionale. Le personnel pénitentiaire a été ainsi mis en situation de grand danger.

Depuis dimanche, vos déclarations, plutôt convenues, ne sont pas rassurantes. La réponse que vous avez faite tout à l'heure ne l'est pas davantage. Avez-vous réellement besoin d'une enquête de quinze jours pour comprendre ce qui s'est passé et, surtout, pour réagir ? Des images tournées par des détenus et circulant sur internet nous renseignent déjà sur le déroulé de cette évasion à la James Bond…

Comment comptez-vous, madame la ministre, faire évoluer le système pénitentiaire et toute la chaîne pénale après cet événement d'une gravité exceptionnelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)

- page 9207


Réponse du Ministère de la justice publiée le 06/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 05/07/2018

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Lefèvre, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je tirerai toutes les conséquences du rapport d'inspection qui me sera présenté.

Je crois en effet qu'il nous faut disposer d'éléments stabilisés. Ce ne sont pas simplement des images, ni même ce que j'ai pu voir de mes propres yeux, qui me permettront de tirer des conclusions, mais un certain nombre d'éléments irréfutables.

Je n'ai toutefois pas attendu cet événement grave pour engager des politiques en faveur de la sécurité de ces établissements, qui sont destinées à prévenir ces évasions.

La direction de l'administration pénitentiaire, à ma demande, travaille selon trois axes : observer la population pénale pour prévenir et déceler des indices – c'est le rôle du renseignement pénitentiaire, qui se déploie de façon très importante ; mettre en place des systèmes d'affectation des détenus dans des établissements correspondant à leur profil – c'est tout le travail de construction d'établissements pénitentiaires adaptés que nous effectuons ; enfin, accomplir des efforts importants pour la sécurité des établissements. Et je vous cite là seulement quelques actions que nous entreprenons.

Nous privilégions la vidéoprotection, les dispositifs anti-projection, les dispositifs de détection, notamment de métaux, la sécurité aux abords des établissements, les équipements de sécurité pour les agents.

Nous travaillons également pour lutter contre le fléau des téléphones portables : nous avons passé un nouveau marché de brouillage des téléphones pour éviter les communications illicites. Son déploiement est en cours et se poursuivra à l'automne.

Toutes ces mesures, qui nécessitent des moyens importants, seront confirmées par la loi de programmation que je vous présenterai. Elles s'accompagnent en outre d'un important effort en termes de recrutement de personnels. Nous nous engageons sur les cinq années qui viennent à recruter 6 500 personnes. Ces éléments témoignent de notre volonté d'assurer à la fois la sécurité des agents et celle des Français. C'est notre seul objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.

M. Antoine Lefèvre. Comme vous le savez, madame la garde des sceaux, je suis rapporteur de la mission « Justice » et je connais les difficultés budgétaires de votre ministère. À ce titre, je regrette la récente annulation de crédits de 340 millions d'euros au titre de l'administration pénitentiaire, des sommes qui ne seraient pas reportées pour 2018. (Mme la garde des sceaux le conteste.)

Vous avez certes la volonté de recruter plus de surveillants, mais, si leur sécurité n'est pas assurée, qui va se porter candidat ? Plus que jamais, les revendications des organisations syndicales du début d'année sont d'actualité.

De nouveau, je veux vous interpeller sur la prolifération des portables en prison. Plus de 20 000 ont déjà été saisis depuis le mois de janvier. À Fleury-Mérogis, cinquante-six téléphones et objets connectés ont été trouvés dans une même cellule : une vraie téléboutique ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Dans le même temps, les agents et les surveillants doivent laisser leur portable à l'entrée !

Vous venez d'en toucher un mot, madame la ministre : 14 millions d'euros de crédits ont été votés pour l'équipement en nouveaux brouilleurs, mais, visiblement, les résultats se font attendre. La population carcérale a évolué ; elle est plus violente, plus jeune, pour partie radicalisée et désormais toujours connectée.

Madame la garde des sceaux, il est urgent de proposer dans ce domaine des solutions vraiment efficaces et pérennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

- page 9207

Page mise à jour le