Question de M. SIDO Bruno (Haute-Marne - Les Républicains) publiée le 26/07/2018

M. Bruno Sido appelle l'attention de Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports sur la mesure entrée en vigueur le 1er juillet 2018 visant à abaisser la vitesse de 90 à 80 km/h sur toutes les routes bidirectionnelles sans séparateur central afin de faire diminuer la mortalité sur les routes. Cette mesure a été prise par le Premier ministre sans concertation avec les acteurs concernés, au premier rang desquels les départements et les usagers et sans discernement au regard du réseau routier concerné.
Les conducteurs de véhicules légers qui respectent le code de la route s'appliquent désormais à conduire à cette nouvelle vitesse maximale. Face à cette limitation de vitesse, les conducteurs de voitures adaptent leurs comportements sur la route, comme partir plus tôt afin de rouler à la vitesse autorisée et arriver à l'heure à leur destination.
De nombreux Français constatent déjà amèrement les effets indésirables de cette mesure sur le réseau routier concerné notamment avec les camions. Depuis l'application de ce décret, ils voient des transporteurs routiers qui ne respectent pas les distances de sécurité, qui font pression sur les conducteurs afin de rouler plus vite et qui vont même jusqu'à doubler des voitures qui sont pourtant à la vitesse maximale.
En effet, les poids-lourds travaillent pour des entreprises qui fonctionnent dans une gestion à flux tendus avec une logique commerciale et des contraintes de temporalité : si, in fine ils roulent moins vite, ils perdent du temps, donc de l'argent.
Il l'interroge sur la mesure des 80 km/h vis-à-vis des transporteurs routiers, afin de savoir si cette mesure de limitation de vitesse vise également ces entreprises ou si l'État envisage d'indemniser les sociétés de transport afin de compenser le temps de transport allongé.
Il souhaite savoir ce que le Gouvernement envisage face aux comportements dangereux de certains chauffeurs poids-lourds, comportements dont ils ne sont personnellement pas responsables, mais induits par la non-adaptation des plannings des transporteurs face à cette nouvelle donne.

- page 3841

Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 27/12/2018

Le comité interministériel de la sécurité routière réuni le 9 janvier 2018 par le Premier ministre témoigne de la volonté du Gouvernement de sauver plus de vies sur nos routes et de poursuivre la politique volontariste et innovante déjà engagée en matière de sécurité routière. Le Gouvernement ne peut pas passer sous silence ceux qui ont été tués sur les routes métropolitaines et ultra-marines, ce sont 3 684 tués en 2017, comme il ne peut pas ignorer les 76 840 blessés en 2017, dont plus de 29 000 hospitalisés, qui pour certains garderont des séquelles toute leur vie. C'est bien pour réduire ces chiffres dramatiques qu'il a pris les mesures nécessaires. Lors de ce comité interministériel précité,  dix-huit mesures ont été décidées, parmi lesquelles la mesure n° 5 dont l'objet est de réduire la vitesse maximale autorisée hors agglomération. Ainsi, selon les termes du décret n° 2018-487 du 15 juin 2018 relatif aux vitesses maximales autorisées des véhicules, qui met en œuvre cette mesure, sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central, la vitesse maximale autorisée est de 80 km/h à compter du 1er juillet 2018. Toutefois, sur les sections de routes comportant au moins deux voies affectées à un même sens de circulation et permettant ainsi le dépassement sécurisé des véhicules, la vitesse maximale autorisée est maintenue à 90 km/h et ce sur ces seules voies. La vitesse accroît tant l'occurrence des accidents – quelle que soit la cause - que leur gravité. La vitesse excessive ou inadaptée constitue la première cause de mortalité sur les routes françaises (31 %). En 2017, 3 684 personnes ont perdu la vie sur le réseau routier français. Les deux tiers des accidents mortels (63 %), soit 2 156 personnes tuées, sont survenus sur le réseau routier hors agglomération et hors autoroute c'est-à-dire sur des routes bidirectionnelles qui étaient majoritairement limitées à 90 km/h. Cet abaissement de la vitesse maximale autorisée à 80 km/h permettra en outre de fluidifier le trafic et de l'apaiser, avec des conséquences bénéfiques sur l'environnement (diminution des émissions de polluants). La mesure, telle que définie par le Premier ministre et traduite dans le décret précité, est le fruit des travaux du conseil national de la sécurité routière, instance rassemblant l'ensemble des parties prenantes de la sécurité routière qui, en 2014, a élaboré une recommandation en ce sens. Le décret portant la mise en œuvre de cette mesure a notamment été soumis à l'avis du conseil national d'évaluation des normes, qui réunit les représentants des maires, des conseils départementaux, du Sénat, de l'Assemblée nationale. Un avis favorable a été rendu sur le projet de texte le 8 mars 2018. Le Premier ministre a instauré une clause de rendez-vous au 1er juillet 2020 afin d'étudier avec précision et objectivité l'impact sur l'accidentalité de cette expérimentation. À cet effet, une évaluation de cette expérimentation est mise en place portant tant sur l'évolution des vitesses moyennes pratiquées par les usagers que sur l'évolution des accidents et de la mortalité sur les routes bidirectionnelles concernées par la mesure. Le Gouvernement saura en tirer les conséquences. L'expérimentation d'abaissement de la vitesse maximale autorisée à 80 km/h réalisée entre juillet 2015 et juillet 2017, fixant ainsi une vitesse maximale autorisée identique pour tous les véhicules, légers comme poids-lourds, a donné comme résultats que cet abaissement n'entraînait pas d'effet de peloton, c'est-à-dire d'embouteillage derrière les poids-lourds. Elle a montré que cette disposition permet un meilleur respect des distances de sécurité, et que les poids-lourds eux-mêmes diminuent également légèrement leur vitesse. La décision prise par le Gouvernement est de maintenir à 80 km/h la vitesse maximale autorisée pour les poids-lourds ; ceux-ci restent limités à 80 km/h sur les sections relevées à 90 km/h. Les règles ne changent pas pour les véhicules articulés ou avec remorque dont le poids total est supérieur à douze tonnes ; la vitesse maximale reste pour eux à 60 km/h hors des routes à caractère prioritaire et signalées comme telles. Le Premier ministre a décidé que les routes pour lesquelles plusieurs voies sont affectées à un même sens de circulation, en général deux voies permettant un créneau de dépassement, garderaient leur vitesse limitée à 90 km/h. Sur ces créneaux, le dépassement des poids-lourds en sera facilité. L'État n'envisage pas d'indemniser les sociétés de transport afin de compenser l'éventuel allongement du temps de transport, qui n'est en réalité qu'infime. Au premier semestre 2018, plusieurs dizaines de journalistes se sont livrés à un test grandeur nature de parcourir un même trajet à 80 et à 90 km/h. Tous – et ils en étaient parfois les premiers surpris – ont constaté un différentiel de temps de trajet insignifiant entre les deux parcours, de l'ordre de deux à trois minutes. Par ailleurs, la réduction des vitesses permet des économies de carburant, dont les sociétés de transport seront les premières bénéficiaires. Les comportements de conduite décrits (non-respect des distances de sécurité, dépassement des véhicules légers) restent marginaux ; toutefois lorsque ceux-ci sont objectivés, ils feront l'objet de verbalisations par les forces de l'ordre. Le Gouvernement a développé des partenariats avec de nombreuses entreprises dont les salariés sont sur la route, afin que les employeurs prennent des engagements en faveur de leur sécurité. Cet appel des sept engagements, lancé par le ministre du travail et le ministre de l'intérieur le 11 octobre 2016, et accessible sur le site http://entreprises.routeplussure.fr/, comporte l'engagement suivant : « Nous, dirigeants d'entreprise, nous n'acceptons pas le dépassement des vitesses autorisées : Nous nous engageons à ne jamais placer un salarié dans une situation l'obligeant à commettre un excès de vitesse pour remplir ses missions. » À ce jour, plus de mille entreprises ont signé ces engagements, au bénéfice de près de trois millions de collaborateurs sur la route.

- page 6791

Page mise à jour le