Question de Mme PRÉVILLE Angèle (Lot - SOCR) publiée le 26/06/2019

Question posée en séance publique le 25/06/2019

Mme Angèle Préville. Madame la secrétaire d'État, samedi dernier, en Savoie, syndicats, associations et partis manifestaient contre l'ouverture à la concurrence des barrages hydroélectriques.

L'injonction de la Commission européenne à privatiser la gestion des barrages dans le cadre du renouvellement des concessions se voit donc opposer une réprobation citoyenne et transpartisane pour défendre à la fois la gestion publique et notre bien commun qu'est l'eau.

Un consensus se dessine pour rejeter l'ouverture à la concurrence de ce secteur stratégique d'avenir qui dégage un bénéfice net de 1,25 milliard d'euros par an.

Les barrages produisent une énergie vertueuse, décarbonée, garante de notre indépendance et disponible immédiatement. Ils jouent de plus un rôle essentiel dans la compensation des variations de production en apportant une réponse fiable à la perte d'inertie des systèmes. Ils permettent enfin de stocker le surplus d'électricité. Bref, leur rôle est central et indispensable pour accompagner le développement des énergies renouvelables.

Notre pays tire aussi de nombreux avantages qui dépassent le seul intérêt énergétique : irrigation, soutien au débit d'étiage, gestion des crues.

Quatre cents barrages, en majorité gérés par EDF, sont concernés par la mise en concurrence. Nous pouvons légitimement avoir un doute sur la gestion, qui sera certainement purement comptable, des futurs opérateurs : ainsi, rien ne nous assure que les opérateurs en question continueront à fournir de l'électricité pendant les périodes moins rentables.

Peut-on brader au plus offrant un patrimoine vertueux, qui fonctionne, qui est sécurisé et a été financé par les Français ? À la fin, tout est-il marchandise ? Quelle est votre religion sur cette ouverture à la concurrence ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 26/06/2019

Réponse apportée en séance publique le 25/06/2019

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Angèle Préville, le Premier ministre l'a dit lors de son discours de politique générale : la France soutiendra son modèle d'hydroélectricité, qui, comme vous l'avez rappelé, est la première source d'énergie renouvelable, afin de garantir les enjeux d'intérêt public lors du renouvellement des concessions.

Dès 2015, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a prévu des mesures protectrices pour les salariés des concessions hydroélectriques, à savoir le maintien de leur statut et la reprise à des conditions équivalentes en cas de nouveau concessionnaire. Nous avons ainsi la garantie que ces salariés se verront proposer une rémunération et des avantages sociaux similaires à ceux dont ils bénéficient actuellement.

Mais surtout, toujours en 2015, la Commission européenne a adressé une mise en demeure aux autorités françaises au sujet de ces concessions hydroélectriques, considérant que les mesures françaises étaient incompatibles avec le droit communautaire. Le Gouvernement continue de contester l'idée d'une rupture d'égalité sur le marché de la fourniture d'électricité au détail et l'idée d'un quelconque avantage discriminatoire accordé à EDF.

Par ailleurs, je vous rejoins : les barrages hydroélectriques, les concessions hydroélectriques constituent des enjeux sociaux, économiques, écologiques majeurs, liés à l'hydroélectricité, en particulier à la gestion de l'eau et à la sécurité des ouvrages.

Toutefois,…

M. Fabien Gay. Ah ! On attendait le « mais »… (Sourires.)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État. … le principe de mise en concurrence des concessions échues découle du droit national et européen. Le Gouvernement s'y prépare en défendant des principes essentiels, notamment en s'opposant à toute interdiction de candidater pour EDF et à la remise en concurrence des concessions non échues. C'est la défense d'une application équilibrée de la loi relative à la transition énergétique : regroupement des concessions dans une même vallée, prolongation de certaines concessions dans le respect du droit, possibilité de constituer des sociétés d'économie mixte lors du renouvellement des concessions, lorsque les collectivités locales sont intéressées.

Les échanges avec la Commission européenne se poursuivent, mais aucun accord n'a été trouvé à ce stade. Nous défendrons les intérêts généraux des concessions hydroélectriques dans ce débat. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.

Mme Angèle Préville. Nous prenons acte de votre réponse et serons particulièrement vigilants sur ce sujet, madame la secrétaire d'État.

Je tiens à rappeler que certains de nos voisins n'ont pas de régime concessif et ne seront donc pas concernés par la mise en concurrence.

Je tiens également à préciser que le renouvellement des concessions dans certaines vallées pourrait remettre en cause l'équilibre patiemment construit : nos territoires ruraux n'ont pas besoin de cette menace !

Enfin, gouverner, c'est être visionnaire, c'est anticiper en responsabilité.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Angèle Préville. Il faut avoir suffisamment de sérénité, d'indépendance, en somme de sagesse pour pouvoir rêver la France en privilégiant l'intérêt général et préserver ce qui nous constitue en tant que Nation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

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