Question de M. BRISSON Max (Pyrénées-Atlantiques - Les Républicains) publiée le 11/07/2019

M. Max Brisson appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les recommandations émises en juin 2019 par son administration quant à la consommation de fromages au lait cru, notamment dans les cantines scolaires.
Cette nouvelle campagne incite ainsi les Français à se méfier de ces produits ; elle pointe même un risque majeur pour les enfants âgés de moins de cinq ans et préconise, incite fortement même les collectivités à retirer des menus des cantines scolaires les roquefort, morbier, brie de Meaux, camembert de Normandie, c'est-à-dire des fromages bénéficiant de l'appellation d'origine protégée (AOP), ou contrôlée (AOC), appellations qui permettent de préserver un savoir-faire, un patrimoine culturel et gastronomique et répondent à un cahier des charges aux conditions bien précises.
S'il est vrai que ces produits sont sensibles à la contamination par des bactéries pathogènes, il n'en demeure pas moins qu'ils sont très surveillés, que ce sont des produits locaux, gage de qualité.
Or ces recommandations ont un impact sur le revenu des agriculteurs, qui sont menacés par l'accord commercial avec le marché commun du sud (Mercosur). Ceux-ci s'interrogent sur une telle campagne alors qu'il y a à peine un an (mai 2018) la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous instaurait l'obligation de servir des repas « dans les restaurants collectifs dont les personnes morales de droit public ont la charge » qui comprennent une part au moins égale à 50 % de produits bénéficiant de labels ou issus des circuits courts et établissait des mesures en faveur d'une alimentation plus saine.
Aussi, il lui demande si la notion d'alimentation plus saine peut être définie par ses services et si le Gouvernement entend défendre nos agriculteurs, leurs savoir-faire, valoriser leur travail et leurs produits ou s'il entend privilégier les produits standardisés au coût moindre et à l'impact environnemental plus important.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 15/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2020

M. Max Brisson. Camembert, reblochon, roquefort, picodon, banon, et bien d'autres encore… Ces fromages au lait cru sont-ils définitivement bannis de nos cantines scolaires ?

En effet, en mai 2019, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a diffusé une instruction rappelant notamment « la nécessité d'éviter la consommation de ces denrées par les jeunes enfants, particulièrement en restauration collective », « que les enfants de moins de 5 ans ne doivent en aucun cas consommer ces produits » et que « les qualités nutritionnelles de ce type de produits » ne peuvent « occulter le risque sanitaire ».

Bien entendu, je ne remets pas en cause le bien-fondé de ces recommandations. Il est vrai qu'une trentaine de cas d'infections et un dramatique décès ont été portés à la connaissance des pouvoirs publics en mai 2018 et en avril 2019. Il est évidemment responsable et attendu que le ministère de l'agriculture et de l'alimentation prévienne ces risques et alerte à leur sujet.

Néanmoins, vous devinez, monsieur le ministre, que cette application stricte du principe de précaution conduit une grande partie des responsables de restauration collective à ne prendre aucun risque et donc à ne plus offrir ces produits.

Dans un contexte où la défiance envers les agriculteurs et les éleveurs est telle qu'ils dénoncent l'agri-bashing dont ils sont victimes, cette mesure distend un peu plus le lien entre société et agriculteurs.

Pourtant, de nombreuses collectivités locales sont engagées avec les producteurs locaux dans une démarche de circuits courts et d'intégration de leurs produits dans la restauration collective.

Ainsi, le conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, comme beaucoup d'autres, est le promoteur, auprès des communes et des intercommunalités, de la belle démarche « Manger bio & local, labels et terroirs ».

L'éducation nationale, quant à elle, favorise l'éducation au goût. Les semaines du goût dans les établissements scolaires connaissent un grand succès.

Il serait donc paradoxal que l'instruction de votre ministère freine le recours à la production locale et conforte la prééminence de la nourriture industrielle dans la restauration collective, laquelle n'est pas non plus imperméable aux difficultés sanitaires.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si l'impact économique de cette instruction a été appréhendé ou sera étudié prochainement par les services de votre ministère ? Combien de temps durera l'interdiction de la consommation de fromages au lait cru en restauration collective ? Envisagez-vous de la lever afin que ces produits, auxquels les Français sont attachés, puissent être exempts de soupçons ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur Max Brisson, vous êtes vraisemblablement, comme moi, un amateur de bonne chère. Nous avons la chance d'avoir, dans ce pays, une bonne agriculture, qui fournit une alimentation saine, sûre, tracée et durable. Ses produits sous signes de qualité sont absolument remarquables.

Je suis comme vous favorable à la consommation de bons fromages au lait cru, le plus emblématique étant sans doute le camembert ! Cela étant, il convient de ne pas opposer les uns aux autres. Vous avez évoqué la démarche du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, qui promeut le manger bio et local. Cette initiative est absolument remarquable : il faut aller dans ce sens. C'est l'avenir de l'agriculture et de l'alimentation collective, notamment de la restauration scolaire.

Plus spécifiquement, je soutiens de toutes mes forces les producteurs de fromages au lait cru. Les aliments de qualité typiques ou élaborés dans le respect de l'environnement et du bien-être animal font partie du patrimoine alimentaire français. En outre, les fromages au lait cru renferment une flore bactérienne vivante et variée qui peut être favorable à la santé, comme l'a récemment déclaré l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.

En revanche, ils peuvent aussi contenir des agents pathogènes – salmonelles, Escherichia coli… –, qui ont provoqué dans le passé un certain nombre de maladies et, malheureusement, de décès.

Les spécialistes de la santé, saisis par le ministère de l'agriculture, nous ont recommandé, en application du principe de précaution, d'éviter de faire manger aux enfants de moins de cinq ans du fromage au lait cru. En effet, le risque est assez faible pour les adultes, mais, pour les enfants de zéro à cinq ans, il existe un sur-risque significatif : la probabilité que survienne un syndrome hémolytique et urémique est 110 fois plus élevée.

C'est la raison pour laquelle cette instruction a été donnée. Nous n'avons pas encore de retour d'expérience ; il y a de toute façon assez peu de fromages au lait cru, me semble-t-il, dans les cantines d'écoles maternelles ou primaires, mais le principe de précaution nous oblige à être vigilants.

Néanmoins, je tiens à réaffirmer que le ministère de l'agriculture et de l'alimentation veut promouvoir l'ensemble des fromages, en particulier ceux qui sont au lait cru.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.

M. Max Brisson. J'apprécie la manière dont M. le ministre parle des bons produits. J'espère que ce n'est pas mon embonpoint qui l'inspire… (Sourires.)

Néanmoins, il faut conserver un équilibre, me semble-t-il. Les responsables de la restauration collective, y compris quand celle-ci est destinée aux adultes, ne doivent pas aller trop loin par rapport aux souhaits exprimés dans cette instruction, dont je ne remets pas en cause la nécessité.

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