Question de M. MARCHAND Frédéric (Nord - LaREM) publiée le 05/03/2020

M. Frédéric Marchand attire l'attention de M. le ministre de la culture sur le marché du livre d'occasion.
Lors de la vente d'un livre ou d'une bande dessinée d'occasion, l'auteur ne touche rien. Or, le marché de l'occasion a pris une importance considérable ces dernières années et le prix d'occasion des livres est régulièrement sinon systématiquement affiché à côté de leur prix neuf, ce qui est fortement incitatif pour les clients.

Ce nouveau marché de l'occasion enrichit tous les acteurs à l'exception notable des auteurs et des éditeurs pourtant les premiers concernés. Il ne s'agit donc plus d'un phénomène lié aux fêtes de fins d'années à l'occasion desquelles une colossale quantité d'ouvrages à peine reçus en cadeaux sont sitôt proposés à la vente sur internet via des plateformes détenues par des géants mondiaux. Cette pratique pose des problèmes économiques et juridiques de grande ampleur. Hier marginal, le marché de l'occasion représente aujourd'hui plus de 42 % des ventes de livres, et ses acteurs, Amazon, Priceminister, la Fnac ou eBay touchent des commissions sur chaque vente et sont soumis pour partie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

En revanche, ceux qui ont créé et édité les livres vendus ne perçoivent aucun bénéfice de cette exploitation et voient même leur chiffre d'affaires amputé de recettes non négligeables

En effet, une l'étude qualitative menée par l'institut GFK à l'occasion des rencontres nationales de la librairie en 2017 indique que 16 % des acheteurs BD et 25 % des acheteurs de livres, tous genres confondus, déclarent acheter des ouvrages d'occasion. Ramené à 4 milliards de chiffre d'affaires de l'édition cela représente un manque à gagner de 800 millions à 1 milliard d'euros.

Dans le cas de la vente d'occasion, seuls le libraire, le site, le vendeur et l'État, dans une moindre mesure, touchent un pourcentage. Face au développement de la vente d'occasion, les créateurs, les auteurs et les éditeurs sont donc fortement pénalisés. Les premiers sont en effet privés d'une part non négligeable de leurs droits d'auteur et les seconds voient baisser significativement leurs ventes moyennes, rendant leurs coûts de création de plus en plus difficiles à amortir et mettant en péril financier l'ensemble du secteur de l'édition.

C'est pourquoi il semble nécessaire de réglementer la vente de livres d'occasion. La majorité des ventes d'occasion se faisant sur les grandes enseignes de vente en ligne, nous pourrions imaginer obtenir de leur part un déclaratif de ces ventes et à travers un organisme collecteur obtenir un reversement destiné aux auteurs et aux éditeurs.

Face à l'accroissement de la vente d'occasion, les créateurs, les auteurs et les éditeurs sont donc fortement pénalisés aussi, il lui demande quelles sont les mesures qui peuvent être mises en œuvre pour réglementer la vente du livre d'occasion.

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Transmise au Ministère de la culture


Réponse du Ministère de la culture publiée le 22/07/2020

Réponse apportée en séance publique le 21/07/2020

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, auteur de la question n° 1164, adressée à Mme la ministre de la culture.

M. Frédéric Marchand. Madame la ministre, le marché du livre d'occasion, particulièrement celui de la bande dessinée, a pris une importance considérable ces dernières années. Le prix d'occasion des livres est régulièrement, sinon systématiquement, affiché à côté de leur prix neuf, ce qui est fortement incitatif pour les clients.

Ce nouveau marché de l'occasion enrichit tous les acteurs, à l'exception notable des auteurs et des éditeurs, lesquels sont pourtant les premiers concernés. Il ne s'agit plus d'un phénomène lié aux fêtes de fin d'année, à l'occasion desquelles une colossale quantité d'ouvrages à peine reçus en cadeaux sont sitôt proposés à la vente sur internet, via des plateformes détenues par des géants mondiaux.

Cette pratique pose des problèmes économiques et juridiques de grande ampleur. Hier marginal, le marché de l'occasion représente aujourd'hui plus de 42 % des ventes de livres. Ses acteurs, parmi lesquels Amazon, PriceMinister, la FNAC ou eBay, touchent des commissions sur chaque vente et sont soumis pour partie à la taxe sur la valeur ajoutée, la TVA.

En revanche, ceux qui ont créé et édité les livres vendus ne perçoivent aucun bénéfice de cette exploitation et voient même leur chiffre d'affaires amputé de recettes non négligeables.

En effet, une l'étude qualitative menée par l'institut GfK à l'occasion des Rencontres nationales de la librairie, en 2017, indiquait que 16 % des acheteurs de bandes dessinées et 25 % des acheteurs de livres, tous genres confondus, déclaraient acheter des ouvrages d'occasion. Ramené aux 4 milliards de chiffre d'affaires de l'édition, cela représente un manque à gagner de 800 millions à 1 milliard d'euros.

Dans le cas de la vente d'occasion, seuls le libraire, le site, le vendeur et, dans une moindre mesure, l'État touchent un pourcentage. Face au développement de la vente d'occasion, les créateurs, les auteurs et les éditeurs sont donc fortement pénalisés. Les premiers sont en effet privés d'une part non négligeable de leurs droits d'auteur et les seconds voient baisser significativement leurs ventes moyennes, ce qui rend leurs coûts de création de plus en plus difficiles à amortir et met en péril financier l'ensemble du secteur de l'édition.

C'est pourquoi il semble nécessaire de réglementer la vente de livres d'occasion. La majorité de ces ventes se faisant sur les grandes enseignes de vente en ligne, nous pourrions imaginer obtenir de leur part un déclaratif de ces ventes et, à travers un organisme collecteur, obtenir un reversement destiné aux auteurs et aux éditeurs.

Face à l'accroissement de la vente d'occasion, les créateurs, les auteurs et les éditeurs, vous le voyez, sont fortement pénalisés. Aussi, je vous remercie de bien vouloir m'indiquer quelles sont les pistes qui peuvent être mises en œuvre pour réglementer cette vente du livre d'occasion.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Frédéric Marchand, je l'ai indiqué lors de ma prise de fonctions, je serai particulièrement attentive à la situation des auteurs au sein de la chaîne économique du livre, et cela me mobilisera au cours des mois à venir.

Vous me pardonnerez de ne pas être complètement d'accord avec le diagnostic que vous avez posé sur le marché du livre d'occasion. Selon les données du ministère de la culture relatives aux évolutions des pratiques d'achat, si ce dernier est en progression, il reste limité, puisqu'il représente moins de 8 % des sommes dépensées par les ménages pour leurs achats de livres en 2019.

En outre, si les opérateurs que vous citez occupent une place importante sur ce marché, un achat de livre d'occasion sur deux s'effectue directement de particulier à particulier, notamment dans les bourses aux livres scolaires, les marchés ou les brocantes, que je sais nombreuses dans votre département du Nord.

Les auteurs ne sont pas privés d'une partie de leurs droits d'auteur, dans la mesure où ils ont exercé leur droit exclusif de commercialiser les exemplaires de leurs œuvres, l'exercice de ce droit de distribution entraînant de facto son épuisement. Au-delà, la création d'un droit de suite des auteurs de livres n'est pas autorisée par les textes internationaux et européens.

Vous évoquez aussi l'idée d'un reversement de la part des grandes enseignes de la vente en ligne. Si je partage évidemment l'objectif sous-tendu par cette proposition, je crains que cela ne s'apparente à une nouvelle taxe, qui irait à rebours des arguments développés pour justifier le taux réduit de TVA sur le livre.

De plus, il ne pourrait pas être directement reversé sous forme de revenus aux auteurs, l'article 2 de la loi organique relative aux lois de finances ne permettant pas l'affectation d'impositions directement à un tiers, sauf en raison des missions de service public qui lui sont confiées.

D'autres solutions pour mieux rémunérer la création existent : le rapport de M. Bruno Racine remis au ministre de la culture en janvier 2020 explore un certain nombre de pistes sur lesquelles nous travaillons actuellement. Je m'engage à vous associer à ce travail et à vous informer de l'avancée de ces initiatives pour le marché du livre d'occasion.

Je partage donc vos préoccupations, monsieur le sénateur, même si je ne suis pas tout fait d'accord avec votre diagnostic.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour la réplique.

M. Frédéric Marchand. Je vous remercie, madame la ministre.

Je souhaitais insister sur l'augmentation, voire l'explosion, des sites de vente d'occasion, la période du confinement ayant été propice à ce type de ventes. Il est donc nécessaire de porter un intérêt particulier aux auteurs, notamment ceux de bandes dessinées, parmi lesquels figure un grand auteur originaire du Nord – j'en profite pour vous le signaler… –, François Boucq.

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