Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 19/03/2020

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'étendue de la protection du droit de jouissance exclusive dont certains co-propriétaires bénéficient sur des parties communes.
Ce droit de jouissance exclusif d'une partie commune, qui n'est pas un droit de propriété, s'apparente à un simple droit d'usage privatif qui peut être temporaire ou permanent, rattaché à un lot ou à un copropriétaire. Il semblerait toutefois qu'une remise en cause d'un droit de jouissance exclusif soit impossible sans l'accord de son bénéficiaire.
Il souhaiterait connaître la base juridique de cette impossibilité, sachant que l'article 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 mentionne uniquement les parties privatives : « L'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété ».
De même, il lui demande si l'article 9 de la loi susmentionnée de 1965, en tant qu'il concerne l'accès aux parties privatives, est également applicable à l'accès aux parties communes à jouissance exclusive. En particulier, la question se pose de savoir si le délai de préavis de huit jours est applicable aux travaux d'intérêt collectif réalisés sur des parties communes à usage privatif.


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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 27/08/2020

La loi ELAN a consacré légalement la notion jurisprudentielle de parties communes à jouissance privative, à l'article 6-3 de la loi du 10 juillet 1965, précisant que ce droit est nécessairement accessoire au lot de copropriété auquel il est attaché et qu'il ne peut en aucun cas constituer la partie privative d'un lot. Les parties communes à jouissance privative, bien qu'affectées à l'usage exclusif d'un lot, demeurent donc des parties communes (Civ. 3ème, 22 mai 1973, n° 72-11406, 29 octobre 1973, n° 72-12531, 26 juin 1974, n° 73-70289). La jurisprudence considère ce droit comme perpétuel, dès lors qu'il n'est pas expressément limité dans le temps par la volonté des parties dans le règlement de copropriété, et de nature réelle (Civ. 3ème, 24 octobre 2007, n° 06-19260). Il en résulte qu'il se transmet en même temps que la propriété du lot, sans qu'un accord des autres copropriétaires soit requis, et que son non-usage est sans incidence sur sa pérennité (Civ 3ème, 4 mars 1992, n° 90-13145, Civ. 3ème, 17 juin 1997, n° 96-10056). Il ne peut donc être remis en cause sans le consentement de son bénéficiaire (Civ. 3ème, 4 mars 1992, n° 90-13145) et a vocation à perdurer tant que l'immeuble demeurera soumis au statut de la copropriété. Néanmoins, le droit de jouissance privative sur parties communes ayant une origine purement contractuelle, les parties peuvent décider de le limiter dans le temps, par une stipulation expresse dans l'acte qui l'institue prévoyant une jouissance précaire ou temporaire. Par ailleurs, la jouissance exclusive d'une partie commune différant de la propriété exclusive, le bénéficiaire d'un tel droit ne peut en disposer librement comme s'il s'agissait d'une partie privative. Ce droit d'usage réservé à un copropriétaire sur une partie des terrains ou du gros-œuvre trouve ses limites dans la nécessité pour son titulaire de « ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble », conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965. Sous réserve de l'appréciation souveraine des juridictions, l'obligation de notification des travaux au moins huit jours avant le début de leur réalisation, prévu au second alinéa du I de l'article 9, ne semble donc pas pouvoir trouver à s'appliquer aux travaux supposant un accès à des parties communes à jouissance privative, qui n'ont pas la nature de parties privatives, sauf si l'accès à une telle partie commune implique un passage par les parties privatives du copropriétaire concerné.      

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