Question de Mme GOY-CHAVENT Sylvie (Ain - NI) publiée le 16/04/2020

Mme Sylvie Goy-Chavent attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les effets très négatifs de la crise sanitaire la filière laitière française.

En effet, la dégradation de la situation des producteurs et des industriels se dégrade chaque jour. Ces derniers font face à une absence de débouchés de plus en plus pesante ainsi qu'à un manque de main-d'œuvre grandissant.

Face à ce constat les demandes de diminution de production des entreprises vers leurs producteurs se multiplient, dans une période printanière ne s'y prêtant absolument pas.

Les éleveurs, qui souffrent d'un manque de visibilité dans l'avenir, craignent un arrêt total de la collecte pour certaines entreprises.

L'amont de la filière ne peut être seul à supporter cette crise et elle demande que des mesures exceptionnelles soient mises en place en urgence pour la traverser.

Sans une véritable solidarité entre les différents maillons de la filière, l'activité laitière sera menacée.

Une logique de filière doit s'appliquer et il est essentiel que l'aval soit pleinement impliqué dans la gestion de cette crise sanitaire. Les grands groupes laitiers doivent venir en aide aux petites entreprises du territoire et prendre en charge des volumes pour permettre une continuité de l'activité laitière et éviter les arrêts de collecte.

Afin de permettre de surmonter cette crise, il est crucial que les producteurs ne soient pas les seuls à fournir des efforts. Les mesures de réduction de la production peuvent être une réponse, mais il faut en trouver d'autres, comme par exemple des aides au stockage.

D'autre part, cette crise ne doit pas altérer le travail des états généraux de l'alimentation, long de plusieurs années et qui commence à porter es fruits. Le monde agricole a eu échos de nombreuses demandes de dérogations quant à la réglementation portant sur l'encadrement des promotions. Il est important de maintenir la pression sur la grande distribution afin de ne pas revenir en arrière sur ce chantier essentiel à la pérennité de notre agriculture.

Elle remercie le Gouvernement de bien vouloir lui indiquer rapidement ce qu'il compte faire.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 11/06/2020

La crise sanitaire actuelle a des impacts importants pour de nombreuses filières agricoles et agroalimentaires. C'est notamment le cas de la filière laitière, et en particulier pour les petites entreprises fromagères, souvent dans des filières sous indication géographique, et les producteurs laitiers fermiers, dont l'activité est si importante pour le patrimoine et l'économie des territoires. Cette filière fait face à des difficultés liées à des pertes de débouchés, compte tenu de la fermeture d'une majorité du secteur de la restauration hors domicile, de celle d'un nombre important de marchés, et de l'orientation des achats alimentaires vers des produits de première nécessité et moins d'achats festifs par les consommateurs. En outre, la période de forte production laitière (du fait du pic de collecte annuel) aggrave la problématique. Au niveau local, des réorganisations de collecte du lait et de leurs débouchés ont été mises en place pour optimiser les capacités de valorisation du lait, avec notamment la mobilisation de certaines grandes entreprises, en particulier coopératives. Il convient de saluer la solidarité exemplaire qui s'exerce dans la filière laitière et permet d'atténuer les difficultés rencontrées par les plus petites entreprises pour lesquelles les alternatives sont réduites. De plus, des efforts sont entrepris par les enseignes de grande distribution pour maintenir ouverts les rayons à la coupe et préserver la diversité des produits proposés aux consommateurs. L'expérimentation de l'encadrement des promotions mise en place par ordonnance suite à la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (loi EGALIM) se poursuit. Sa prolongation après 2020 sera examinée à l'aune d'un rapport d'évaluation économique qui sera présenté par le Gouvernement d'ici le 1er octobre 2020. La filière laitière, du producteur au transformateur, maille l'ensemble du territoire, avec une production souvent issue de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME), dont certaines qui apparaissent durement touchées par la crise. C'est bien pour préserver ce type d'entreprise que le Gouvernement a annoncé des mesures immédiates de soutien, dont peuvent bénéficier les exploitations agricoles et les entreprises de transformation, notamment les TPE et PME. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que près de 40 % du lait collecté en France est destiné aux exportations. Un plan de soutien aux entreprises françaises exportatrices a été annoncé le 31 mars 2020. Ce plan d'urgence permet de soutenir les entreprises face aux conséquences immédiates de la crise, notamment en sécurisant leur trésorerie, et d'assurer leur rebond à l'international après la crise. Il s'adresse à toutes les entreprises exportatrices dont les entreprises laitières, qui sont des moteurs essentiels de l'industrie dans les territoires. Les outils européens de gestion des marchés sont essentiels pour faire face aux aléas des marchés agricoles. Cette crise illustre l'intérêt de disposer et d'activer des outils de gestion des marchés européens, prévus par le règlement de l'organisation commune de marchés « OCM » [règlement (UE) n° 1308/2013]. C'est pourquoi le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a porté au plan européen la nécessité que des mesures rapides et adaptées à chaque filière soient activées, en particulier des mesures de gestion des marchés laitiers de la politique agricole commune prévues par le règlement « OCM » concernant les stockages privés. Le ministère chargé de l'agriculture a demandé par ailleurs, pour l'ensemble des secteurs agricoles, l'activation de l'article 222 du règlement « OCM ». Cet article permet, durant les périodes de déséquilibres graves sur les marchés, que la Commission adopte des mesures permettant, par dérogation aux règles de la concurrence, que des accords ou décisions puissent être pris notamment par des organisations interprofessionnelles ou des organisations de producteurs reconnues, en vue de stabiliser les marchés, notamment pour planifier temporairement la production. Il était en effet indispensable que la Commission européenne active ces outils et le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a mobilisé l'ensemble des partenaires européens pour porter conjointement cette demande. Pour le secteur laitier, la Commission européenne a apporté des réponses en proposant fin avril d'activer pour six mois, à compter du 1er avril, l'article 222 pour le lait pour permettre la planification de la production et des mesures de stockages privés pour la poudre de lait écrémé, le beurre et l'ensemble des fromages, sous indication géographique ou non. Pour soutenir les efforts des producteurs de modération de la collecte laitière, le centre national interprofessionnel de l'économie laitière, l'interprofession laitière nationale, souhaite mettre en place un dispositif d'aide à la réduction volontaire de la production, dont il a demandé la validation préalable à la Commission européenne. Ce dispositif pourra s'appuyer sur l'article 222 de l'OCM qui vient d'être activé par la Commission européenne, comme le demandait la France. L'ensemble du Gouvernement, dont le ministère de l'agriculture, reste pleinement mobilisé pour suivre l'évolution de la situation pour l'ensemble des filières agricoles et apporter les solutions appropriées le plus rapidement possible. La propagation mondiale du covid-19 place le monde entier dans une situation inédite avec un double défi, sanitaire et économique auquel il convient de faire face collectivement.

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