Question de M. ALLIZARD Pascal (Calvados - Les Républicains) publiée le 30/04/2020

M. Pascal Allizard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice à propos de la situation dans les prisons.
Il rappelle que depuis le début de l'épidémie de Covid-19, en raison de la surpopulation carcérale liée à des investissements insuffisants et du manque de moyens de protection sanitaire pour les agents de l'administration pénitentiaire et les détenus, le Gouvernement a fait le choix de renvoyer dans leurs foyers des milliers de personnes incarcérées.
Cette décision trouble d'autant plus l'opinion publique que la contrôleure générale des lieux de privation de libertés a proposé récemment de libérer davantage de détenus. Ces libérations inquiètent aussi les professionnels à propos du suivi des détenus libérés et interviennent dans un contexte où, de manière plus générale, la politique pénale est de plus en plus incomprise notamment par les forces de l'ordre et les agents pénitentiaires.
Par conséquent, il souhaite connaitre les dispositions prises par le Gouvernement pour tester les agents et détenus et leur fournir des équipements de protection. Par ailleurs, il souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre, dans la durée, pour éviter de devoir recourir à des expédients dans l'hypothèse d'une nouvelle crise sanitaire majeure.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 25/11/2021

Face à l'évolution de l'épidémie de la Covid-19, le Gouvernement a rapidement pris des mesures afin d'éviter l'entrée et la propagation du virus dans les prisons et garantir la continuité du service public pénitentiaire. L'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie de la Covid-19 a ainsi facilité, pour la durée de la crise, le prononcé de mesures existantes comme la suspension de peine pour raison médicale, la libération sous contrainte sous forme de libération conditionnelle et la conversion de peine. En complément, elle a créé deux dispositifs transitoires et exceptionnels, applicables dans les conditions strictes prévues par ladite ordonnance : la réduction supplémentaire de peine liée aux circonstances exceptionnelles et l'assignation à domicile de fin de peine. Selon l'article 2 de l'ordonnance, ces dispositions ont été applicables « jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire ». Elles ne sont donc plus en vigueur depuis le 10 août 2020. Entre le 16 mars et le 11 mai 2020, sur la baisse de population carcérale de 12 959 détenus, seuls 3 288 condamnés ont bénéficié d'une mesure de réduction supplémentaire de peine exceptionnelle et 1 714 d'une mesure d'assignation à domicile de fin de peine. Ces libérations anticipées, motivées par la situation sanitaire, s'appuyaient sur des dispositions dont l'application était d'une part très limitée dans le temps, puisqu'elles n'ont été appliquées que 2 mois, et d'autre part strictement encadrée, notamment par de nombreuses exclusions liées à la nature de l'infraction commise ou au comportement en détention. Enfin, il convient de préciser que ces libérations anticipées, n'ont pas eu d'effet direct sur la délinquance, puisque seuls une trentaine d'entre eux ont été réincarcérés pour manquement à leurs obligations. Du reste, les profils concernés ont été pour l'essentiel libérés durant le confinement et, en tout état de cause, l'auraient été avant l'été. Concernant les conditions d'octroi de ces mesures, le service pénitentiaire d'insertion et de probation, afin d'émettre un avis sur une libération anticipée et évaluer le risque de récidive, a vérifié les conditions d'hébergement de la personne détenue mais également l'environnement social et familial dans lequel la personne se trouverait. Les libérations anticipées ont donc été décidées par l'autorité judiciaire, sur la base d'éléments transmis par le service pénitentiaire d'insertion et de probation et l'établissement pénitentiaire. Durant cette période, les personnes libérées de manière anticipée exécutant une mesure en milieu ouvert ont été suivies par le SPIP dans le cadre d'entretiens téléphoniques et de la transmission de tout justificatif utile par voie dématérialisée, conformément à la note de la direction de l'administration pénitentiaire en date du 17 mars 2020. Dès la fin du confinement, le suivi par des entretiens en présentiel a progressivement repris, en priorisant immédiatement les profils les plus sensibles (surveillance judiciaire, suivi socio-judiciaire, violence intra familiale…). Par ailleurs, dès le début de la crise sanitaire et en application de la doctrine du ministère des solidarités et de la santé du 19 mai 2020, des mesures de protection sanitaires ont été adoptées au sein des établissements pénitentiaires afin de lutter contre l'entrée et la propagation du virus. Depuis le 28 mars 2020, dans l'ensemble des établissements pénitentiaires, des masques chirurgicaux ont été mis à disposition des agents au contact direct et prolongé de la population pénale, puis de tous les agents en établissement à compter du 5 mai (directeurs, officiers et personnels de surveillance, équipes techniques, directeurs et conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, personnels administratifs, élèves, stagiaires et agents non titulaires, etc.). La note de la direction de l'administration pénitentiaire du 6 mai 2020 a rappelé le port du masque obligatoire pour les agents, pour les partenaires et, plus généralement, pour toute personne amenée à pénétrer au sein de l'établissement. Dans le courant du mois de juin 2020, en fonction notamment de l'évolution des stocks de masques chirurgicaux, les agents affectés en établissement et aux extractions judiciaires ont été équipés en masques lavables et réutilisables, au même titre que les agents exerçant au sein des services pénitentiaires d'insertion et de probation ou aux sièges des directions interrégionales des services pénitentiaires, dont la dotation est effective depuis le 11 mai.  Concernant les personnes détenues, la note de la direction de l'administration pénitentiaire du 2 juin 2020 a étendu le port du masque à l'ensemble des personnes détenues dès lors que celles-ci étaient en contact avec des intervenants extérieurs, ou étaient conduites à l'extérieur des établissements : extractions judiciaires et médicales, transferts administratifs nationaux ou internationaux, enseignement, formation professionnelle et travail pénitentiaire, commission de discipline, parloirs et entretiens de prise en charge, etc.  La note du 23 juin 2020 a par la suite confirmé la généralisation du port du masque obligatoire pour les personnels et les personnes détenues dans les circonstances prévues précédemment, s'ajoutant aux mesures de protection sanitaire imposées depuis le début de l'épidémie et régulièrement rappelées aux personnels et aux personnes détenues. Dans le cadre du rebond épidémique, la note de la direction de l'administration pénitentiaire du 14 octobre 2020 a renforcé le port du masque obligatoire : il a été étendu à l'ensemble des personnes détenues dès la sortie de cellule, à l'exception des établissements ou services ne constituant pas des clusters et n'étant pas situé en zone rouge. Cette extension a toutefois été généralisée à l'ensemble des établissements par la note de la direction de l'administration pénitentiaire du 30 octobre 2020, suite à l'annonce du Président de la République d'un reconfinement national. Le port étendu du masque se cumule avec la dotation des établissements, et en quantité, en savon, en essuie-mains à usage unique et en solution hydro-alcoolique, l'application de mesures d'hygiène renforcée (nettoyage systématique et régulier des zones d'accès et des espaces) et des gestes-barrières pour l'ensemble des personnels servant dans les établissements pénitentiaires et pour les personnes détenues. L'approvisionnement des établissements en solution hydro-alcoolique est sécurisé (2 020 litres livrés le 26 mars, puis 2 500 livrés chaque semaine). Parallèlement à ces mesures, la doctrine de dépistage et d'isolement a été fixée, en lien avec le ministère des solidarités et de la santé. Sur cette base, les établissements pénitentiaires participent en lien étroit avec les unités sanitaires en milieu pénitentiaire au repérage, au signalement, au confinement et à la prise en charge des personnes détenues malades en veillant à l'application stricte des mesures de protection sanitaire par les personnels, détenus et intervenants. Il est ainsi prévu que l'entrée d'une nouvelle personne détenue s'accompagne d'un confinement et d'un test au 7è jour. Par ailleurs, afin que la protection de chacun contre la propagation du virus soit efficace, les personnes détenues positives à la Covid 19 ou présentant des symptômes évocateurs sont dans tous les cas et sans délais regroupés dans des unités strictement séparées des autres secteurs de la détention et dans la mesure du possible sont placées seules en cellule. Les autorités sanitaires sont associées à l'élaboration du régime de confinement sanitaire auquel sont soumis ces personnes détenues. Au-delà, l'Agence régionale de santé peut décider, pour mieux caractériser l'extension de l'épidémie et éclairer les nécessaires réorganisations internes dans l'établissement pour la constitution de secteurs dédiés aux personnes détenues positives à la Covid-19, de mettre en place une stratégie de dépistage plus large, qui peut, le cas échéant, couvrir l'ensemble de l'établissement pénitentiaire. Les Agences régionales de santé peuvent également organiser, en se conformant à la doctrine en vigueur, des dépistages à titre préventif en mobilisant les capacités de prélèvement et d'analyse disponibles dans leur territoire. L'ensemble de ces mesures structurées et mises en œuvre en concertation avec les autorités sanitaires est de nature à apporter une réponse efficiente en cas de nouvelle crise majeure.

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