Question de Mme FÉRAT Françoise (Marne - UC) publiée le 09/07/2020

Mme Françoise Férat attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur l'instauration d'un prix du carbone et son impact sur la compétitivité des entreprises.
Les mesures de confinement mises en place pour ralentir la Covid-19 ont entraîné une baisse des émissions mondiales de CO2 alors que celles-ci ne faisaient qu'augmenter depuis 1975 (hormis le deuxième choc pétrolier de 1979, la fin de l'Union soviétique en 1991 et la crise financière de 2009). Cette diminution serait de l'ordre de 5,4 % en 2020, mais ne suffira pas à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C (ce qui nécessiterait une réduction de 7,6 % par an).
Plusieurs études démontrent que le marché européen du carbone n'a pas nui significativement à la compétitivité industrielle, alors qu'il a conduit à une baisse des émissions des secteurs concernés. Celles-ci suggèrent qu'un prix du carbone ne dépassant pas 100€/TCO2 n'aurait pas d'impact très sensible sur l'emploi. Au-delà de ce seuil, les incertitudes sont trop grandes pour prédire les conséquences sur l'emploi et la compétitivité.
Elle lui demande l'état des réflexions du Gouvernement sur le prix du carbone.

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Transmise au Ministère de la transition écologique


Réponse du Ministère de la transition écologique publiée le 01/10/2020

Les différents rapports scientifiques, notamment ceux du GIEC, rappellent avec de plus en plus de force l'urgence à agir pour faire baisser rapidement les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. La France est pleinement mobilisée pour assumer sa part de responsabilité dans ce défi vital pour notre société et pour l'environnement. Au niveau international, la France joue ainsi un rôle moteur pour que l'UE révise à la hausse l'ambition de sa contribution à l'Accord de Paris et défend des positions ambitieuses sur plusieurs réglementations sectorielles européennes permettant de faire baisser les émissions. La France déploie une diplomatie active pour engager les autres pays du monde dans la transition et dans un rehaussement de l'ambition climatique collective. Au niveau national, de nombreuses mesures ont été mises en œuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre : arrêt programmé des centrales à charbon, sortie progressive des véhicules émetteurs de gaz à effet de serre, accélération de la rénovation des bâtiments, transformation de nos systèmes agricoles et alimentaires, développement de l'économie circulaire, etc. Ces mesures commencent à porter leurs fruits : les émissions ont ainsi été à nouveau orientées à la baisse en 2018 (- 4,2 % par rapport à 2017) puis de nouveau en 2019 (- 1 % par rapport à 2018 selon les chiffres provisoires). Il faut toutefois poursuivre et accentuer ces efforts pour atteindre nos objectifs ambitieux. La tarification du carbone, application du concept pollueur-payeur, est un élément important des politiques nationales de lutte contre le changement climatique. Elle permet en effet de rendre plus rentables les investissements favorables aux gains d'efficacité énergétique, de favoriser l'innovation verte ainsi que la compétitivité des technologies bas-carbone. De nombreuses études préconisent donc de renforcer le signal prix du carbone afin d'accélérer la transition. Concernant les particuliers et les entreprises du tertiaire, le taux de la composante carbone s'appliquant à la fiscalité des énergies fossiles a ainsi progressivement augmenté de 7 €/t de dioxyde de carbone émis (€/tCO2) en 2014 à 44,6 €/tCO2 depuis 2018. De nombreux dispositifs d'accompagnement pour les ménages ont en parallèle été mis en place pour ne pas pénaliser ceux qui sont le plus vulnérables et impactés : chèque énergie, crédit d'impôt pour la rénovation, prime à la conversion pour les véhicules, etc. La hausse de la composante carbone a cependant été stoppée à la fin de l'année 2018 notamment à cause de l'augmentation du prix des carburants et de la crise sociale qui s'en est suivie. Une relance de la composante carbone nécessiterait d'abord une reconstruction de l'acceptabilité, intégrant une réflexion et une concertation étendue sur les conditions d'acceptation, les mesures d'accompagnement supplémentaires, de redistributions des recettes, d'équité territoriale, et de transparence sur l'utilisation des recettes associées. Par ailleurs, plusieurs mesures récentes ont visé à supprimer ou réduire des niches fiscales existant dans la fiscalité énergétique. Le taux de TICPE du transport routier de marchandises a été augmenté de 2 c€/L (de 43,19 à 45,19 c€/L) dans la précédente loi de finances. La TICPE du Gazole Non Routier (GNR) utilisé notamment par les engins du BTP, et s'élevant initialement à 18,82 c€/L, va rejoindre progressivement le taux de taxation du gazole ordinaire à 59,40 c€/L. Le taux initial reste maintenu à 18,82 c€/L pour les secteurs de l'agriculture et du transport ferroviaire (afin de ne pas pénaliser le report modal). Le transport de marchandises fluvial reste exonéré. La taxation du kérosène est fortement contrainte sur les vols internationaux en raison du droit international (accords de ciel ouvert entre l'Europe et les Etats-Unis, directive européenne de taxation de l'énergie…), et sur les vols domestiques pour des raisons techniques et économiques. Pour cette raison, la France défend un renforcement des instruments européens, et applique une taxe sur les billets d'avion, renforcée depuis 2020, et dont une partie des recettes alimente le financement des infrastructures ferroviaires. Enfin, le prix du carbone sur le marché européen du carbone (EU ETS) s'est considérablement renforcé depuis la réforme de 2017, en passant de 5 € environ à 25 € environ depuis 2019. La France défend une révision ambitieuse de ce marché carbone dans le cadre du Pacte Vert Européen, avec : un prix plancher du carbone augmentant chaque année, afin de donner plus de visibilité aux entreprises et investisseurs, une baisse du plafond d'émissions en cohérence avec de nouveaux objectifs de réduction d'émissions de 2030, ce qui ferait augmenter le prix du carbone par une diminution de l'offre de quotas, un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières compatible avec le droit de l'OMC afin de lutter plus efficacement contre les fuites de carbone, qui pourrait commencer sur quelques secteurs, et remplacer progressivement le système de quotas gratuits. Le Gouvernement reste par ailleurs pleinement mobilisé pour renforcer les autres mesures complémentaires à la fiscalité du carbone permettant de lutter contre le changement climatique.

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