Question de Mme JOURDA Gisèle (Aude - SER) publiée le 21/01/2021

Mme Gisèle Jourda interroge Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur l'isolement des petites communes rurales face à leurs difficultés financières.

Il est certaines situations insolvables. Dans la commune de Montgradail dans l'Aude, il est une grange en ruines qui borde la route communale. La grange doit être détruite. Le devis pour sa démolition s'élève à 10 000 euros sans compter les expertises et les frais annexes. Son propriétaire privé est insolvable. La commune doit donc se substituer à lui pour organiser et financer cette démolition.
Face à cette dépense exorbitante pour la commune elle a cherché un soutien financier. L'agence nationale pour l'habitat (ANAH) ne peut l'aider car il s'agit d'une grange, le département non plus car la commune n'est pas propriétaire du bâtiment.
Que faire alors ?

Cette situation n'est pas unique. De nombreux maires sont confrontés à cette problématique. Et ils sont bien seuls face à ces problèmes financiers ingérables.

Elle lui demande par conséquent quels dispositifs, quelles aides spécifiques existent pour aider les communes à gérer ces situations et, en leur absence, quelles mesures elle entend prendre pour mettre un terme à cet isolement.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité publiée le 10/02/2021

Réponse apportée en séance publique le 09/02/2021

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Jourda, auteure de la question n° 1470, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Mme Gisèle Jourda. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite mettre en lumière l'isolement des petites communes rurales face à leurs difficultés financières.

Certaines situations sont insolubles. Dans la commune de Montgradail, qui compte quarante-sept habitants, dans le département l'Aude, une grange borde la route communale. Elle est en ruines. Elle doit donc être détruite. Elle est de surcroît appuyée contre un mur mitoyen qui s'est abîmé et qui doit donc être remis en état.

Le devis pour la démolition de la grange et la remise en état du mur s'élève à 25 000 euros. Son propriétaire, une personne privée, est insolvable. La commune doit donc se substituer à lui pour organiser et financer cette démolition. Or 25 000 euros, pour une commune dont le budget annuel est de 100 000 euros et dont la capacité d'endettement est limitée, car un crédit est déjà en cours, c'est tout simplement impossible à financer !

Face à cette dépense exorbitante, la commune a cherché des soutiens financiers. L'ANAH ne peut pas l'aider, car il s'agit d'une grange et non d'une habitation, et il n'y a pas de terrain autour. Le département de l'Aude ne peut pas non plus, car la commune n'est pas propriétaire du bâtiment. Que faire alors ?

Cette situation n'est pas unique. De nombreux maires, notamment ruraux, y sont confrontés.

Comprenez alors que les propos tenus au début du mois de février par Mme Gourault, pour qui les finances locales « ne sont pas en panne » et « doivent être mobilisées pour la relance », puissent être très difficiles à entendre pour nos petites communes.

Quels sont les dispositifs, les aides exceptionnelles qui permettraient d'aider les communes à gérer ce type de situations imprévues ? L'État compte-t-il aider la commune de Montgradail ? En absence d'aides, quelles mesures entendez-vous prendre pour mettre un terme à cet isolement ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice Jourda, vous m'interrogez sur le financement des opérations par les petites communes, en particulier sur la prise en charge de la démolition d'une grange en ruine par le maire alors que le propriétaire est insolvable.

En matière de lutte contre les immeubles dégradés, les maires de nos communes sont souvent en première ligne, comme vous l'avez fort justement rappelé. Dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale relatifs aux immeubles menaçant ruine, le maire peut prescrire la réparation ou la destruction de bâtiments et mettre en demeure un propriétaire de prendre les mesures nécessaires, par un arrêté de mise en sécurité et à l'issue d'une procédure contradictoire à défaut de réalisation de ces mesures.

Il n'existe pas de fonds spécifiques s'agissant de la couverture des risques d'insolvabilité des propriétaires soumis à une obligation de démolition de leur immeuble, dans la mesure où le maire met en œuvre des pouvoirs de police dont l'exercice est normalement couvert par les ressources de droit commun versées aux communes. C'est le principe général.

Par ailleurs, ce type de montage ne peut pas être soutenu par la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). En effet, si le maire se substitue au propriétaire pour réaliser des travaux, c'est bien à ce dernier de payer l'opération.

Les crédits de l'État ne peuvent pas venir en substitution, d'autant que la commune ne sera pas en mesure d'établir qu'elle a ou qu'elle aura la « libre disposition » des biens sur lesquels les travaux sont effectués, ce qui est une condition absolue pour bénéficier de la DETR.

Pour autant, dans ce genre de situations, la DETR peut venir aider, le cas échéant, le maire concerné sur une autre opération éligible engagée par la commune. C'est une forme de compensation qui permet en général de résoudre le problème sans trop de difficultés. Je rappelle toutefois que peuvent être financées par les dotations les opérations d'acquisition en vue d'une démolition.

Les maires ne sont pas seuls. Dans le cas spécifique de Montgradail, dans l'Aude, la commune pourrait aussi, face à la complexité de l'opération, s'appuyer sur son intercommunalité pour disposer d'un appui technique ou financier. La commune appartient à la communauté de communes du Limouxin, qui regroupe pas moins de 76 communes, représentant 30 000 habitants, avec un budget de fonctionnement de plus de 15 millions d'euros. La situation que vous décrivez me semble justement faire partie de celles – j'ai moi-même été longtemps président d'une intercommunalit頖 où la solidarité intercommunale peut et doit être mise en avant.

Enfin, cette dépense de 10 000 euros présentant un caractère exceptionnel, elle peut faire l'objet d'un étalement de charges sur plusieurs exercices. Pour cela, la commune devra adresser une demande de dérogation aux ministres chargés des collectivités territoriales et du budget, demande que nous appuierons sans aucun problème.

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour la réplique.

Mme Gisèle Jourda. Monsieur le secrétaire d'État, votre réponse ne m'apprend rien que je ne sache déjà en tant qu'ancienne directrice de collectivité locale. Inutile de vous préciser que nous avons rencontré Mme la préfète et que nous avons essayé de faire tout ce que vous indiquez !

Vous faites référence aux intercommunalités ? Moi, je vous parle d'un vide juridique, lorsqu'il y a une multiplicité de communes avec des budgets extrêmement restreints !

Dans une situation d'émiettement, avec beaucoup de petits villages, il est très difficile pour une communauté de communes, fût-elle celle du Limouxin, de venir aider une commune obligée de se substituer à un propriétaire défaillant face à un péril comme celui que j'ai évoqué.

À un moment donné, il faudra trouver de nouvelles ressources, distinctes de la DETR. Il est, me semble-t-il, temps de se pencher sur le sujet, afin que les maires ne se sentent pas si isolés face à des difficultés inextricables !

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