Question de M. HUGONET Jean-Raymond (Essonne - Les Républicains) publiée le 02/12/2021

M. Jean-Raymond Hugonet attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la situation dramatique de pénurie de matériaux, de main d'œuvre et de hausse des prix des matières premières que connaissent les entreprises du bâtiment et des travaux publics (BTP).
La fédération française du bâtiment exprime les inquiétudes des acteurs du secteur qui, en dépit des bonnes pratiques en matière d'indexation des marchés publics et du gel des pénalités dès lors qu'un retard à la livraison s'explique par des difficultés d'approvisionnement, s'inquiètent de ces pénuries.
Les fédérations professionnelles sont unanimes pour un mécanisme qui permettrait selon elles de soutenir les entreprises en évitant à moyen et long terme une multiplication des contentieux du fait de l'incapacité à réaliser les chantiers, limiter l'impact immédiat sur les trésoreries induit par la hausse des coûts et traduirait l'intérêt du Gouvernement pour le secteur majeur que constitue le BTP : ce mécanisme serait la prolongation jusqu'en mars 2022 du droit au remboursement immédiat du carry-back ou report en arrière des déficits ouverts, d'ores et déjà mis en place à titre exceptionnel, pour toutes les entreprises, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2021. Le carry-back correspond à un report et non à la création d'une ligne budgétaire supplémentaire. Ce mécanisme a déjà fait ses preuves, défendu par tous les professionnels, dont la mise en œuvre semble largement réalisable. Par conséquent, il souhaite connaître les dispositions que compte prendre le Gouvernement en faveur de cette proposition qui permettrait aux entreprises du BTP de surmonter la crise actuelle consécutive à la pénurie de matériaux, de main d'œuvre et de hausse des prix des matières premières.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 10/02/2022

En application des dispositions de l'article 220 quinquies du code général des impôts (CGI), le déficit constaté par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option et dans la limite d'un montant d'un million d'euros, être imputé sur la fraction du bénéfice de l'exercice précédent, qui n'a pas été distribuée, qui n'a pas fait l'objet d'une exonération et qui n'a pas donné lieu à un impôt payé au moyen de crédits d'impôt. Afin d'accompagner les entreprises dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique, le Gouvernement a d'ores et déjà mis en place plusieurs assouplissements des règles encadrant le dispositif de report en arrière des déficits. Dès l'année 2020, le Gouvernement a proposé une mesure de soutien d'urgence afin que les entreprises puissent mobiliser leurs créances de report en arrière pour améliorer leur trésorerie. L'article 5 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a ainsi instauré un dispositif temporaire de remboursement immédiat des créances nées du report en arrière des déficits. Ce dispositif a permis aux entreprises de demander, au plus tard à la date limite de dépôt de la déclaration de résultats de l'exercice clos au 31 décembre 2020, le remboursement immédiat du solde des créances constatées au titre des exercices 2015 à 2019 ainsi que des créances nées du report en arrière des déficits constatés au titre d'exercices clos en 2020. De plus, l'article 19 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a étendu aux entreprises soumises à une procédure de conciliation ouverte en application de l'article L.611-4 et suivants du code de commerce le mécanisme de remboursement immédiat des créances de report en arrière des déficits qu'elles détiennent sur l'État, jusque là réservé aux entreprises faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires. Cette mesure, pérenne, permet aux entreprises en difficulté de mobiliser immédiatement leurs stocks de créances de report en arrière. En outre, afin d'accompagner la reprise de nos entreprises et de leur permettre de renforcer leurs capitaux propres, l'article 1er de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative de 2021 a temporairement renforcé le dispositif de report en arrière des déficits en autorisant l'imputation, sans limitation de montant, du déficit constaté au titre du premier exercice déficitaire clos à compter du 30 juin 2020 et jusqu'au 30 juin 2021 sur la fraction, déterminée dans les conditions de droit commun, des bénéfices constatés au titre des trois exercices précédents. Ce dernier dispositif ne constitue pas une mesure de trésorerie. En effet, les dispositions de l'article 5 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 relatives au remboursement immédiat des créances de report en arrière ne s'appliquent pas à la créance constatée en application de l'article 1er de la première loi de finances rectificative pour 2021. Cette créance n'est donc utilisable que dans les conditions de droit commun. Le dispositif adopté dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2021 vise à accélérer la reprise en permettant aux entreprises de rétablir rapidement leurs fonds propres. L'objectif de cet aménagement était de permettre aux entreprises profitables avant la crise de renforcer significativement leurs fonds propres, en accélérant la constatation de l'effet fiscal de leurs pertes, et en contribuant ainsi à assainir leur situation financière dès la sortie de crise. Enfin, outre les mesures déjà évoquées d'assouplissement du dispositif de report en arrière des déficits, les entreprises du secteur du BTP ont, comme d'autres, pu bénéficier des autres mécanismes d'aides tels que les dispositifs de prêts garantis par l'Etat ou de prêts bonifiés et avances remboursables. Dans ce contexte, le Gouvernement n'est pas favorable à l'adoption d'un nouveau dispositif de remboursement immédiat des créances de report en arrière des déficits, qui comporterait un coût particulièrement significatif pour le budget de l'État. En effet, un tel dispositif permettrait aux entreprises de demander le remboursement anticipé de la créance constatée en application de l'article 1er de la LFR pour 2021 qui, pour rappel, a conduit à déplafonner temporairement mais substantiellement le dispositif de report en arrière. D'une manière plus générale, les entreprises qui connaissent des difficultés de trésorerie ont la possibilité de mobiliser la créance de report en arrière de déficits nés durant la crise économique, et dont le montant aura été significativement augmenté par l'effet de l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 2021, pour obtenir des crédits bancaires. En tout état de cause, le bénéfice d'un tel dispositif de remboursement anticipé ne pourrait, en droit comme en équité, être accordé qu'aux seules entreprises du secteur du BTP. Une telle mesure, qui présenterait un caractère sélectif, conduirait à une différence de traitement injustifiée de nature à mettre en cause sa robustesse sur le plan constitutionnel et au regard de la réglementation européenne des aides d'Etat. Ainsi, le Gouvernement, qui a donc déjà très largement assoupli les conditions d'application du mécanisme de report en arrière des déficits afin de permettre aux entreprises touchées par les conséquences de la crise sanitaire de bénéficier de ce dispositif, n'est à ce jour pas favorable à l'adoption d'un nouvel assouplissement du dispositif.

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