Question de M. GUÉRINI Jean-Noël (Bouches-du-Rhône - RDSE) publiée le 03/03/2022

M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques sur les risques d'exclusion liés à la dématérialisation des services publics.
Le Président de la République avait fixé comme objectif pour le quinquennat de numériser les 250 démarches administratives les plus utilisées par les Français. En septembre 2021, c'est chose faite pour 85 % d'entre elles. Si l'on peut se féliciter de ce progrès qui facilite la vie de la plupart de nos concitoyens, cela ne va pourtant pas sans difficultés pour d'autres. C'est ce que relève un rapport de la défenseure des droits rendu public le 16 février 2022 et intitulé « dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? ». En janvier 2019, un précédent rapport alertait déjà sur les risques et dérives de la transformation numérique. Depuis, malgré un plan d'inclusion numérique de large ampleur, 13 millions de personnes demeurent en difficulté, ce qui est lourd de conséquences quand il s'agit d'accéder à leurs droits. L'absence d'interlocuteur direct conduit en effet à reporter sur l'usager des tâches qui incombaient auparavant à l'administration.
Comme on ne saurait transiger avec le principe de l'égalité d'accès aux services publics, il lui demande si elle compte inspirer son action des recommandations du rapport, notamment celle qui incite à « garantir plusieurs modalités d'accès effectif aux services publics afin qu'aucune démarche administrative ne soit accessible uniquement par voie dématérialisée ».

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Réponse du Ministère de la transformation et de la fonction publiques publiée le 28/04/2022

Le déploiement de services publics numériques de qualité pour les démarches administratives courantes des Français est une priorité du Gouvernement. Développer l'accès aux démarches administratives de manière dématérialisée permet d'augmenter la qualité des services en simplifiant les procédures, de développer la transversalité dans l'administration et de réduire les coûts économiques et environnementaux induits par les procédures papier. Cependant, réussir la transition numérique de l'État implique à la fois de lutter résolument contre l'illectronisme et de soutenir une politique volontariste d'assistance aux publics les plus vulnérables dans leurs démarches administratives. Plusieurs dispositifs ont ainsi été mis en place par le Gouvernement pour favoriser l'inclusion numérique : le Pass numérique, destiné aux personnes les plus en difficulté et remis par des agents des services publics ou des aidants numériques, donne accès à dix ou vingt heures de formation afin de permettre à leurs bénéficiaires de créer une boîte mail, des identifiants, d'accéder à leurs droits et de faire des démarches administratives ou des recherches d'emploi. En février 2022, près de 250 000 personnes avaient bénéficié d'une formation numérique grâce aux dispositifs mis en place par l'État. Par ailleurs, dans le cadre du Plan de relance, dix millions d'euros sont alloués aux aidants numériques afin de généraliser l'outil AidantConnect. Cet outil permet aux aidants numériques d'accomplir une démarche en ligne pour un usager tout en étant sécurisé juridiquement et techniquement. De même, un accent particulier a été mis sur l'accompagnement de proximité, avec le réseau France services, qui regroupe, en mars 2022, 2 055 structures labellisées : ces guichets intègrent une dizaine de services publics à moins de trente minutes de chaque Français. Les agents, spécialement formés, y accompagnent les usagers dans leurs démarches et proposent un soutien particulier à ceux les plus éloignés du numérique. Plus de 4,6 millions d'accompagnements ont ainsi été réalisés au sein du réseau France services depuis le lancement du programme en 2020. D'une manière générale, le Gouvernement, depuis 2017, a mis en œuvre des actions pour développer chaque canal d'accès au service public (numérique, téléphone, guichet) et posé les principes d'une administration de « l'aller-vers et de la confiance », avec une attention renforcée pour les plus vulnérables. L'objectif est désormais d'intégrer tous ces canaux dans une approche omnicanale, centrée sur les usagers. C'est à l'usager de choisir le canal qui lui convient le mieux et à l'administration de s'organiser pour que son expérience soit « sans couture », quel que soit le moyen qu'il privilégie pour entrer en contact avec les services publics. Ainsi, la ministre de la transformation et de la fonction publiques a annoncé que toute démarche numérique serait, d'ici la fin 2022, systématiquement doublée d'un accueil de proximité dans les France services, mais aussi d'un soutien par téléphone. Un groupe de travail interministériel, piloté par la direction interministérielle de la transformation publique, est actuellement chargé d'évaluer la multicanalité des démarches les plus courantes des usagers. Parmi les premières constatations, il ressort que l'accueil téléphonique est d'ores et déjà disponible pour 80 % des démarches concernées. Enfin, le Premier ministre a lancé, lors du sixième comité interministériel de la transformation publique le 23 juillet 2021 à Vesoul, les travaux visant à rendre l'administration plus proactive. Cela signifie que l'administration, plutôt qu'attendre l'usager au guichet, doit utiliser les données qu'elle connaît sur les Français pour anticiper la résolution de leurs problèmes, leur rappeler les échéances, les notifier des droits dont ils pourraient se prévaloir, voire leur accorder ses droits sans attendre leur demande. Pour se faire, les leviers numériques seront massifiés pour développer l'expérience omnicanale et pour simplifier les démarches par un échange accru des données entre services publics, dans le strict respect de la vie privée et du consentement des usagers. Cette approche doit renforcer la confiance de l'usager dans la bienveillance des services de l'État à son égard. Trois objectifs sont recherchés dans la démarche de proactivité : - prévenir et anticiper les ruptures de droit, les erreurs et les indus, favoriser l'accès aux droits et aux services ; - rassurer et accompagner l'usager : informer, donner de la visibilité sur la vie du dossier, aiguiller vers les bons services ; - assurer la qualité opérationnelle : prévenir les réitérations de contacts inutiles et irritantes pour l'usager, améliorer la qualité de service. L'approche d'une administration « proactive » a déjà été concrétisée par plusieurs avancées, comme l'indemnité inflation qui a été versée automatiquement aux bénéficiaires sans qu'ils aient besoin d'en faire la demande ; l'augmentation exceptionnelle du chèque énergie pour faire face à la hausse des prix de l'énergie ; l'attribution automatique de la complémentaire santé solidaire pour les bénéficiaires du RSA (revenu de solidarité active) ou encore la mise en place automatique de l'intermédiation du paiement des pensions alimentaires. D'ici mi-2022, les usagers seront notifiés automatiquement de l'expiration prochaine de leur passeport. À travers ces différentes actions, le Gouvernement a œuvré à restaurer le  service public dans les territoires et en direction des publics fragiles, avec l'ambition, par le biais d'une approche omnicanale, d'un numérique qui rapproche nos concitoyens du service public.

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