N° 93

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2000

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VI

ENSEIGNEMENT TECHNIQUE

Par Mme Hélène LUC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, Jean Bernard, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Michel Charzat, Gérard Collomb, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Jean-François Picheral, Guy Poirieux,  Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570 .

Sénat : 91 et 92 (annexe n° 15 ) (1999-2000).

Lois de finances .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Alors que rarement les besoins en formation qualifiée n'ont été aussi importants du fait d'une croissance économique retrouvée, l'enseignement professionnel bénéficie d'un train de mesures nouvelles, qui trouvent leur traduction dans un effort budgétaire conséquent pour 2001.

Marquée en particulier par la rénovation pédagogique, la première étape du plan pluriannuel de recrutement d'enseignants, et la revalorisation attendue, à l'issue d'une action puissante de leur part, du statut des professeurs de lycée professionnel, cet élan nouveau prolonge et concrétise ce qui avait été amorcé précédemment.

Nous retrouvons également dans ces engagements, ce qui dénote l'utilité et la pertinence du travail de votre commission, plusieurs propositions que celle-ci a émises à l'occasion de son rapport annuel pour avis sur le budget de l'enseignement technique.

La vigilance reste cependant de mise pour que soient traduites réellement et définitivement en actes les intentions affichées pour que l'enseignement professionnel parvienne à être enfin une voie d'orientation positive et de réussite éducative, professionnelle et sociale, pleine et entière.

De même, et dans un autre registre de préoccupations, si certaines formations professionnelles ont su remarquablement s'adapter à l'évolution technologique au cours des années récentes, en proposant des référentiels de qualité appréciés par les entreprises, notamment les baccalauréats professionnels et les BTS, il convient aujourd'hui, dans une période de croissance économique retrouvée, de constater que cet enseignement répond de manière moins satisfaisante aux besoins des entreprises en personnels qualifiés.

En effet, les employeurs dans certains secteurs n'hésitent plus à embaucher des jeunes en cours de formation, à l'issue de leur stage, qui n'ont pas encore complètement acquis leur qualification, pour les former au sein de l'entreprise.

Notre système d'enseignement professionnel doit sans doute être plus réactif aux nouveaux besoins et répondre plus rapidement à l'émergence de nouveaux métiers, ce qui implique une modernisation des formations offertes à tous les niveaux et une création accélérée de nouveaux diplômes, en concertation avec les professions.

Si la voie professionnelle offre des diplômes de qualité, force est de constater qu'elle reste encore marginalisée par rapport aux filières technologiques et générales et que l'égale dignité revendiquée entre les filières d'enseignement n'est pas encore entrée dans les faits.

Par ailleurs, la voie professionnelle ne saurait à elle seule remédier au problème de l'échec scolaire qui prend naissance dès le premier degré et se développe au collège, noeud de toutes les difficultés ; plutôt que d'instituer, comme le préconisent certains, un palier d'orientation précoce à l'issue de la classe de cinquième, il convient que tous les élèves aient acquis, à l'issue de leur scolarité au collège, un niveau minimum de formation générale, sans doute au terme de parcours plus diversifiés, ce socle unique devant être consolidé pour ceux qui sont le plus en difficulté par une formation d'au moins deux ans, dont une année très professionnalisée.

Force est en effet de rappeler que la moitié des collégiens ne rejoignent pas la voie générale du lycée, alors que la formation en collège reste inspirée par celle du lycée et n'est pas conçue comme le prolongement de l'école élémentaire.

Une meilleure articulation école-collège, une diversification de la formation au collège, qui doit rester unique, sauf à susciter des réactions légitimes, s'imposent à l'évidence.

Enfin, les formations professionnelles devront être adaptées : le CAP, même modernisé, ne doit pas devenir le " diplôme social " pour les élèves en difficulté, tandis que les BTS, qui sont actuellement l'objet d'une certaine désaffection, doivent être aménagés pour accueillir davantage de bacheliers professionnels, sans qu'il soit forcément nécessaire de mettre en place des formules de transition.

Au total, si l'enseignement professionnel a un rôle important à jouer dans le traitement de l'échec scolaire, il doit aussi développer ses formations d'excellence, permettre avec réalisme les poursuites d'études vers le supérieur, et répondre plus rapidement aux besoins de notre économie.

Un tel objectif ambitieux s'inscrit dans une réflexion plus générale sur l'aménagement de notre système éducatif, afin de laisser aussi peu d'élèves que possible sur le bord de la route.

Une étude récente de l'INSEE souligne le poids prédominant du revenu et des conditions de vie des familles dans la réussite scolaire. Ainsi, " 62 % des enfants de 15 ans appartenant aux 20 % des familles les plus modestes sont en retard en troisième contre seulement 17 % pour ceux qui appartiennent aux 20 % des familles les plus aisées ". Autrement dit, et toutes choses égales par ailleurs, notamment en tenant compte de l'élévation globale et continue du niveau de formation atteint par l'ensemble des jeunes en 30 ans, l'inégalité des chances entre enfants demeure préoccupante. Il y a aujourd'hui trois fois plus de risques d'échec scolaire pour les familles les plus modestes que pour les plus aisées.

L'étude de l'INSEE montre ensuite que la réduction de cette inégalité passe d'abord par une amélioration des conditions de vie matérielle des enfants avant d'être une question d'organisation du système scolaire et de l'effort pédagogique.

Il y a donc, pour la part dépendant du ministère chargé d'un enseignement qui accueille de nombreux jeunes exposés à ces situations pénalisantes, matière à une politique et à des mesures sociales d'envergure visant l'objectif d'équité et de rééquilibrage des conditions de la réussite au profit de ceux-ci.

*

* *

Après avoir analysé les moyens consacrés à l'enseignement professionnel, au regard de l'évolution préoccupante des effectifs, il conviendra d'examiner les orientations nouvelles autorisées par ces crédits tant en termes d'organisation pédagogique, d'aides aux élèves, de revalorisation de la fonction de professeur de lycée professionnel, ainsi que les formules préconisées pour conforter l'enseignement professionnel comme voie de réussite.

*

* *

I. UNE RENAISSANCE BUDGÉTAIRE DE L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL ; DES EFFECTIFS D'ÉLÈVES EN BAISSE TRÈS PRÉOCCUPANTE

Après de longues années d'attente d'engagements budgétaires significatifs, ainsi que le préconisait votre commission, l'enseignement technologique et professionnel bénéficie enfin de moyens plus importants.

Cette situation était d'autant plus paradoxale que les formations non générales accueillent aujourd'hui la moitié d'une classe d'âge et représentent 60 % des lauréats au baccalauréat.

A. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS : UN MILLIARD DE FRANCS DE MESURES NOUVELLES

Si l'enseignement professionnel n'est pas individualisé sur le plan budgétaire, on peut cependant estimer que le projet de budget pour 2001 lui consacre plus d'un milliard de francs de mesures nouvelles spécifiques.

Ces mesures nouvelles sont ainsi ventilées :

- 350 millions de francs destinés à financer les 2 485 emplois nouveaux de PLP (2 410 emplois budgétaires et 75 postes de chefs de travaux de l'enseignement privé) ;

- 555 millions de francs de crédits d'heures supplémentaires année (HSA) ;

- 30,75 millions de francs destinés à financer le doublement de la prime d'équipement ;

- 50 millions de francs de crédits d'investissement en matériel pour moderniser sept filières dans les sections de techniciens supérieur (STS).

1. Les créations d'emplois

Selon les indications fournies par le ministre délégué, avec 2 410 nouveaux emplois budgétaires de PLP, l'effort de créations d'emplois est le plus important depuis dix ans, celles-ci représentant 10 % des nouveaux supports budgétaires inscrits au budget de l'Etat pour 2001, plus de 20 % des créations d'emplois enseignants inscrites au budget de l'éducation nationale et 37 % des créations d'emplois d'enseignants dans le second degré.

Les 2 410 emplois nouveaux de PLP se répartissent ainsi qu'il suit et leur coût est le suivant :

•  1 150 emplois destinés à résorber la précarité par titularisation des lauréats des concours réservés : 77,87 millions de francs ;

•  400 emplois résultant de la transformation d'heures supplémentaires année (HSA) : 27,08 millions de francs ;

•  300 emplois permettant d'implanter autant de postes de chefs de travaux dans les lycées dispensant des formations tertiaires : 61,72 millions de francs ;

•  180 emplois " nouveaux " pour renforcer l'encadrement pédagogique : 12,19 millions de francs ;

•  380 emplois pour consolider des emplois en surnombre : 77,2 millions de francs.

Il convient d'ajouter à ces 2 410 emplois, la création de 75 postes de chefs de travaux dans des établissements d'enseignement privés : 16,58 millions de francs.

Le tableau ci-après retrace l'évolution des emplois budgétaires de professeurs de lycée professionnel depuis 1996 :

Emplois budgétaires
(situation en septembre)

Titulaires
PLP

Stagiaires
PLP

Total
PLP

Flux annuels

1996

64 190

2 121

66 311

106

1997

64 165

2 061

66 226

- 85

1998

64 164

2 061

66 225

- 1

1999

65 164

2 061

67 225

1 000

2000

66 268

2 061

68 329

1 104

2001

68 678

2 061

70 739

2 410

Il montre que les créations d'emplois de PLP ont plus que doublé par rapport à la loi de finances pour 2000 et que l'effort engagé depuis trois ans tranche avec la période de stagnation antérieure.

Le tableau ci-après traduit l'évolution récente du taux d'encadrement pédagogique dans l'enseignement professionnel :

1998

1999

2000

2001

Effectifs d'élèves en LP

804 270

785 113

765 945

764 321

Nombre d'emplois de PLP

66 225

67 225

68 329

70 739

Taux encadrement

12,14

11,67

11,2

10,80

S'agissant des personnels non enseignants affectés dans les lycées professionnels, l'évolution des emplois peut être ainsi retracée :

1996

1997

1998

1999

2000

EMPLOIS

19 496

15 222

15 846

15 744

15 840

Selon les indications du ministre délégué, l'enseignement professionnel pourrait bénéficier du quart des quelque 1 300 nouveaux emplois de personnels ATOS créés dans le second degré par le projet de budget.

2. Les crédits d'heures d'enseignement affectés à la revalorisation des emplois de PLP et aux innovations pédagogiques

Le projet de budget pour 2001 prévoit 555 millions de francs de crédits d'heures d'enseignement pour étendre en année pleine les quelque 62 000 HSA créées dans la loi de finances rectificative pour 2000 et pour mettre en place plusieurs mesures permettant de revaloriser les emplois de PLP et de financer les innovations pédagogiques :

- la réduction de l'obligation de service, de 23 à 18 heures, des PLP dispensant un enseignement pratique en dehors des classes relevant de l'enseignement adapté : 144,36 millions de francs (111,33 millions de francs pour le public et 33 millions de francs pour le privé) ;

- le suivi pédagogique des périodes en entreprise, c'est-à-dire la prise en compte dans le service des PLP du suivi des élèves en stage : 297,5 millions de francs (224,53 millions de francs pour le public et 73 millions de francs pour le privé) ;

- l'organisation d'heures de soutien en français et en mathématiques en première année de CAP et en seconde professionnelle de BEP : 87,2 millions de francs (65,81 millions de francs pour le public et 21,39 millions de francs dans le privé ) ;

- la réduction des obligations de service, de 23 à 18 heures, des PLP exerçant dans les SEGPA et dans les établissements régionaux d'enseignement adapté (AREA) : 11,17 millions de francs, soit 33,51 millions de francs en année pleine ;

- le financement des heures de coordination tertiaire dans les petits établissements dépourvus d'un chef de travaux : 25,165 millions de francs (19,36 millions de francs pour le public et 6,29 millions de francs dans le privé).

3. Les crédits pédagogiques et les bourses

Les crédits d'action sociale attribués spécifiquement aux élèves de l'enseignement technique et professionnel concernent les dotations liées aux primes versées avec la bourse nationale d'études de lycée.

Afin de répondre au coût élevé des équipements dans les filières professionnelles, le projet de budget autorise une revalorisation des primes d'équipement destinées aux boursiers inscrits dans les spécialités les plus coûteuses.

Lors de la prochaine rentrée scolaire, le montant des primes d'équipement sera ainsi doublé et passera de 1 100 francs à 2 200 francs, soit une dépense budgétaire supplémentaire de 30,75 millions de francs.

Par ailleurs, les élèves de l'enseignement professionnel et technologique, bénéficieront comme ceux de la filière générale des bourses de mérite , dont le nombre augmentera de 10 000 en 2001, celles-ci s'ajoutant aux 5 000 bourses crées en 2000, soit une dépense nouvelle de 42 millions de francs.

Les lycées professionnels seront également particulièrement concernés par les créations d'emplois non enseignants prévues en 2001 dans le second degré, soit 1 300 emplois de personnels ATOS supplémentaires dans les établissements, ainsi que 250 emplois médico-sociaux (100 infirmières, 50 médecins, 100 assistantes sociales) destinés à renforcer le système de santé scolaire.

Votre commission souhaiterait que le ministre lui précise l'affectation de ces personnels de santé selon les types d'établissement.

Enfin, et pour mémoire, étant rappelé que les bacheliers technologiques, et aussi professionnels ont vocation à poursuivre des cursus professionnalisés dans l'enseignement supérieur, ceux-ci sont naturellement éligibles aux aides du plan social étudiant , et notamment aux bourses universitaires dont les plafonds de ressources ont été régulièrement relevés depuis trois ans.

4. Le rappel des mesures prises en faveur de l'enseignement professionnel dans la loi de finances rectificative pour 2000

Afin d'apprécier l'effort important effectué en faveur de l'enseignement professionnel, votre commission tient à rappeler que celui-ci a bénéficié dans le collectif budgétaire de septembre 2000 de quelque 600 millions de francs de crédits nouveaux sur le milliard de francs supplémentaire qui a été accordé à l'éducation nationale, permettant notamment de financer trois séries de mesures :

- l'alignement des obligations de service des PLP d'enseignement pratique sur celle des disciplines théoriques s'est traduit par 72 500 heures supplémentaires années (HSA), soit un coût de 181 milliards de francs ;

- 400 agents non titulaires ont été recrutés pour exercer la fonction de chefs de travaux (25 millions de francs) ;

- 150 millions de francs ont été affectés à la rénovation des équipements, afin que ceux-ci répondent aux standards des entreprises.

5. Un emploi encore trop précarisé : à la recherche des PLP disparus

Votre commission doit d'abord observer que sur les 2 410 créations d'emplois annoncées, seules 180 sont véritablement des emplois nouveaux.

Comme il a été vu, 400 emplois sont créés par transformation d'heures supplémentaires, 300 résultent de la consolidation d'emplois de chefs de travaux créés à la rentrée 2000, 380 de la consolidation de surnombres et 1 150 de la résorption de l'emploi précaire.

Les syndicats considèrent que la création de 400 emplois au titre des HSE est très insuffisante, alors que 1 000 emplois au total ont été créés à ce titre dans l'ensemble du second degré, et que 3 000 équivalents emplois ont été injectés à la rentrée 2000, ce qui se traduit par le fait que les PLP effectuent un plus grand nombre d'heures supplémentaires, notamment dans les disciplines professionnelles, et donc relativise la portée de la réduction de leur obligation de service.

Par ailleurs, dans le droit fil des réflexions de la commission d'enquête du Sénat sur la gestion des personnels de l'éducation, qui avait tenté de lever une certaine opacité budgétaire, votre commission souhaiterait obtenir du ministre délégué des précisions sur l'utilisation et l'affectation des emplois au sein de l'éducation nationale. En effet, selon certaines organisations, plusieurs milliers de postes de PLP auraient été transférés dans le cadre d'une globalisation des moyens du second degré, pour recruter davantage de certifiés et d'agrégés et dégager des supports pour les rémunérer : dans le même temps, les concours de PLP auraient été sous calibrés depuis le milieu des années 90, ce qui aurait entretenu une forte précarité de l'emploi dans les lycées professionnels.

Certes, votre commission ne peut ignorer les difficultés qu'éprouve l'éducation nationale à recruter de nouveaux enseignants dans la voie professionnelle, notamment dans la période actuelle de croissance économique, mais elle souhaiterait obtenir des explications du ministre sur la gestion des surnombres, qui se ferait au détriment de l'enseignement professionnel.

Enfin, elle voudrait rappeler que le plan pluriannuel annoncé le 15 octobre dernier prévoit la création de 14 800 emplois dans le second degré (28 000 emplois nouveaux, 3 000 emplois créés par la transformation d'heures supplémentaires, 9 000 emplois consolidés par titularisation) et programme le recrutement en cinq ans de 88 000 enseignants du second degré ; au titre de ce plan de programmation des recrutements, 37 000 postes seraient offerts pour la promotion interne et la résorption de la précarité sur la période 2001-2005, tandis que les concours externes connaîtraient une hausse de 25 % entre 2000 et 2003, et de 50 % entre 2000 et 2005.

En l'absence de toute indication sur la ventilation de ces emplois et de ces postes entre les diverses catégories d'enseignants, votre commission souhaiterait que le ministre délégué précise la part qui reviendra à l'enseignement professionnel dans cet effort de programmation, qu'il s'agisse des créations nettes d'emplois, des emplois créés par transformation d'heures supplémentaires et des emplois consolidés.

B. UNE BAISSE PRÉOCCUPANTE DES EFFECTIFS DANS LES LYCÉES PROFESSIONNELS

Alors que des pénuries de main-d'oeuvre affectent de nombreux secteurs économiques, les lycées professionnels sont tout particulièrement touchés par les conséquences de l'évolution démographique.

Alors que les lycées d'enseignement général et technologique, qui accueillent aujourd'hui environ 1,5 million d'élèves ont perdu près de 24 000 élèves à la rentrée 2000, les lycées professionnels qui scolarisent 767 000 élèves, soit la moitié des effectifs du secondaire, ont perdu pour leur part quelque 20 000 lycéens à la rentrée 1999, et presque 30 000 élèves à la rentrée 2000, soit trois fois plus que dans les filières générales.

Votre commission ne peut qu'exprimer sa préoccupation devant une telle hémorragie qui semble traduire une sensible désaffection des élèves, et de leur famille pour l'enseignement professionnel.

Elle ne peut que s'interroger sur les raisons d'un mouvement de reflux des orientations vers l'enseignement professionnel et sur son origine : s'agit-il d'une modification des voeux des familles, d'une politique explicite ou implicite d'orientation des établissements ou encore d'autres facteurs ?

Bref, la baisse des effectifs plus forte constatée dans les lycées professionnels à l'occasion des deux dernières rentrées n'a-t-elle pas été alimentée par des impératifs de gestion qui seraient préjudiciables aux élèves ?

Une telle situation est d'autant plus paradoxale que de récentes campagnes de promotion de l'enseignement professionnel, comme celle animée par M. Aimé Jacquet, se sont traduites l'an dernier par un afflux de demandes d'inscription en lycée professionnel, qui n'ont pu être satisfaites, notamment dans certaines académies méridionales, faute de structures d'accueil suffisantes.

1. L'évolution récente de la population scolaire par filière

Les diverses filières professionnelles et technologiques enregistrent des évolutions contrastées au regard de leurs effectifs.

a) Les CAP en trois ans

Le nombre des élèves préparant un CAP en trois ans à l'issue de la cinquième au sein des lycées professionnels n'était plus que de 11 600 à la rentrée 1999, soit une réduction de 17 000 élèves depuis 1995 et de 8 700 élèves depuis 1998. La filière industrielle a perdu 5 400 élèves en 1999 et près de 13 000 depuis 1995.

b) Les CAP et les BEP en deux ans

Les CAP et BEP en deux ans accueillent 504 000 élèves à la rentrée 1999 et ont perdu 2 000 élèves en un an ; depuis 1995, ces filières ont cependant progressé de 6 000 élèves du fait notamment du succès des spécialités tertiaires.

Le recul du CAP en trois ans à dominante industrielle s'est effectué au profit du secteur industriel du BEP dont les diplômés se dirigent souvent, via une première d'adaptation, vers un baccalauréat technologique ou plus fréquemment vers un baccalauréat professionnel.

c) Le baccalauréat professionnel

Les effectifs du " bac pro " s'élevaient à 170 000 élèves en 1999, soit une progression de plus de 13 000 élèves depuis 1995, du fait des poursuites d'études des diplômés de CAP et BEP en deux ans, notamment dans le secteur tertiaire qui accueille désormais près de 60 % des effectifs.

d) Les classes de 4ème et 3ème technologiques

Ces classes accueillaient près de 54 000 élèves dans les collèges et lycées professionnels à la rentrée 1999 (contre 153 000 en 1995). Du fait de la réforme engagée, moins de 2 % des élèves venant des classes de cinquième intègrent aujourd'hui une classe de quatrième technologique.

e) Le second cycle technologique

A la rentrée 1999, 37 % des élèves de première (174 000 élèves) et 36 % des élèves de terminale (180 000 élèves) suivaient une formation technologique : en une année, les classes de première ont perdu 2 100 élèves, tandis que les classes de terminale en gagnaient 3 300.

Plus de 65 % des élèves de première et terminale technologiques optent pour la filière tertiaire, ce pourcentage étant de l'ordre de 80 % dans les établissements privés..

2. Les perspectives d'évolution à court et moyen termes

Les baisses des effectifs du second degré enregistrées depuis cinq ans sont appelées à se poursuivre à moyen terme : - 21 800 en 2000, - 19 800 en 2001, - 172 000 entre 1999 et 2005, - 71 600 entre 2002 et 2005.

Pour le second cycle général et technologique, la baisse serait de 25 000 élèves à la rentrée 2000 alors qu'une hausse de 7 000 élèves est prévue à la rentrée 2001.

Si les effectifs des CAP en deux ans doivent poursuivre leur progression, ceux de BEP ont connu une réduction en 1999 et en 2000 (- 8 000 élèves), mais devraient remonter en 2001 (+ 10 000 élèves).

Pour leur part, les classes de quatrième et de troisième technologiques devraient perdre encore près de 25 000 élèves lors des rentrées de 2000 et 2001.

S'agissant des perspectives à moyen terme, les lycées professionnels perdraient 32 000  élèves entre 2001 et 2005, notamment du fait d'une évolution à la baisse dans les classes de CAP et BEP, alors que les baccalauréats professionnels progresseraient à partir de 2002.

Enfin, les effectifs des lycées d'enseignement général et technologique baisseraient de 24 000 élèves au total en 2004 et 2005 : les séries technologiques en terminale ne perdraient que 6 000 élèves en 2002, par rapport à 1999 et devraient retrouver en 2003 leurs effectifs de 1999.

L'évolution et la répartition des effectifs depuis cinq ans peuvent être ainsi retracées :

1995

1996

1997

1998

1999 (1)

Ensemble du second degré

5 556 000

5 528 000

5 508 700

5 478 100

5 325 500

Second cycle général et technologique

1 482 100

1 484 100

1 490 000

1 477 200

1 464 500

Second cycle technologique

393 600

399 800

411 000

419 300

354 400

Total du second cycle professionnel

688 550

697 900

708 400

708 300

695 000

(1) La rentrée 1999 a vu la mise en place de la nouvelle classe de seconde de détermination permettant un choix ouvert de la série menant au baccalauréat.

3. Des besoins de main d'oeuvre qualifiée

Si la reprise de l'emploi et une mobilité professionnelle accrue ont dynamisé la croissance des embauches, certains secteurs économiques éprouvent aujourd'hui des difficultés à recruter une main d'oeuvre jeune et qualifiée.

Alors que la croissance économique est appelée à se poursuivre, certains s'alarment d'une pénurie de main d'oeuvre qui s'étendrait au-delà des secteurs traditionnels. Le patronat estimait ainsi que 800 000 offres d'emplois n'étaient pas pourvues, tandis que l'INSEE indiquait en octobre 2000 que plus de la moitié des industriels (52 %) faisaient état de difficultés de recrutement, contre 29 % en juillet 1999 et 15 % en juillet 1997.

Si ces études sont le reflet d'une réalité, il convient toutefois de distinguer les difficultés de recrutement, qui peuvent résulter d'une baisse du chômage mais aussi être liées à un effet de déclassement -les salariés surqualifiés qui acceptaient pendant la crise les postes proposés, les refusant désormais- des véritables pénuries de main d'oeuvre ou des tensions observées sur le marché du travail.

a) Des situations diverses selon les secteurs économiques

Il convient d'abord de rappeler que la moitié des diplômés de l'enseignement professionnel débutants sont recrutés par quelques secteurs (BTP, santé, commerce, hôtellerie-restauration, industrie agro-alimentaire, éducation, administration).

Depuis le début 2000, le marché du travail s'est particulièrement tendu dans certains secteurs industriels (électricité, électronique, mécanique, travail des métaux, BTP). Le bâtiment manquerait par exemple de 30 000 salariés pour remplacer les partants.

Il en est de même dans le secteur tertiaire, notamment dans le tourisme, les transports, les banques, les assurances et l'informatique, mais à partir d'un niveau élevé de qualification pour ce dernier secteur.

Si les secteurs de l'informatique et des télécommunications connaissent depuis plusieurs années des difficultés de recrutement, avec un taux de chômage faible et des tensions importantes sur le marché du travail, en revanche des difficultés de recrutement coexistent avec des taux de chômage élevés dans les secteurs des transports routiers, du bâtiment et de l'hôtellerie-restauration.

La dernière enquête de l'INSEE fait ainsi apparaître que 39 % des entreprises du BTP éprouvent des difficultés de recrutement pour les ouvriers qualifiés (contre 22 % il y a deux ans), 16 % pour les techniciens (contre 5 % en 1998), et seulement 4 % pour les ouvriers spécialisés. De même, les entreprises des industries manufacturières éprouvent aujourd'hui des difficultés de recrutement pour les ouvriers qualifiés (21 %), les techniciens et cadres (16 %).

Ces difficultés coexistent cependant avec des taux de chômage élevés, notamment dans les métiers de l'hôtellerie, de la restauration et de l'alimentation, où l'emploi a peu progressé depuis 1998, de la mécanique, du travail des métaux, des industries de process, où l'impact des embauches est encore négligeable sur le taux de chômage, et dans les professions de la construction où les offres d'emploi ont certes progressé sans réduire de manière significative le stock des demandes d'emploi.

Au total, dans ces trois secteurs, les tensions sur le marché du travail apparaissent mineures et localisées, les difficultés de recrutement s'expliquant plutôt par les caractéristiques de ces métiers, et par la conjoncture plutôt que par une évolution de la structure des qualifications dans l'économie.

Les difficultés actuelles de recrutement semblent donc traduire une évolution du marché du travail où les besoins de main d'oeuvre des entreprises, devenus plus importants, deviennent plus difficiles à satisfaire sans faire évoluer les conditions de travail et les salaires.

b) Une nécessaire réactivité du système éducatif aux besoins de l'économie

Le Haut comité éducation-économie-emploi, qui succède à la mission éducation-économie-emploi est destiné à jouer un rôle de conseil pour adapter les formations de l'éducation nationale aux nouveaux métiers.

Il convient de rappeler que les diplômes professionnels du CAP au BTS, sont élaborés dans le cadre de groupes de travail, émanant des commissions professionnelles consultatives constituées par branche d'activité, et que ces travaux doivent être soumis à l'avis de la CPC et de l'inspection générale avant de faire l'objet de publications.

Organisées par secteurs d'activités, les 17 CPC rénovent chaque année environ 40 diplômes professionnels en fonction des évolutions techniques et des formes nouvelles d'organisation du travail, étant rappelé que le délai moyen pour créer ou rénover un diplôme varie entre un ou deux ans.

Conscient de la nécessité de mettre à jour certains diplômes, dont certains sont menacés d'obsolescence, le ministre délégué a indiqué que 35 CAP avaient d'ores et déjà été revus par les comités techniques paritaires et que cet effort serait accéléré et prolongé pour les diplômes des IUT.

Alors que des pénuries de main d'oeuvre qualifiée affectent plusieurs secteurs économiques, votre commission ne peut que déplorer l'image encore trop peu attractive offerte par l'enseignement professionnel, qui peut se traduire dans l'évolution actuelle préoccupante de ses effectifs.

Des campagnes promotionnelles de l'enseignement professionnel ont eu un impact fort et rapide. Mais le résultat peut en être parfois inégal et éphémère. C'est pourquoi, il importe que cet enseignement soit revalorisé, en privilégiant une orientation choisie des élèves, en autorisant des poursuites d'études, en actualisant les diplômes, en regroupant les différents degrés et types de formation dans des établissements mieux identifiés, autant d'objectifs dont la réalisation est souhaitée depuis plusieurs années par les partenaires du système éducatif.

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