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Avis n° 96 (2000-2001) de Mme Annick BOCANDÉ , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 23 novembre 2000

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N° 96

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2000

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME V

FORMATION PROFESSIONNELLE

Par Mme Annick BOCANDÉ,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Claire-Lise Campion, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570

Sénat : 91 et 92 (annexe n° 17 ) (2000-2001)

Lois de finances .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

" La réalité s'est imposée à tous : le système de la formation professionnelle est devenue au fil des ans d'une grande complexité ; il n'est pas toujours aussi efficace qu'il le devrait et il demeure, à bien des égards, inégalitaire. Il apparaît donc urgent d'engager un processus de réforme car les enjeux sont considérés, à juste titre, comme éléments essentiels de performances économiques et de cohésion sociale ".

Ce constat, dressé par Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, en préambule de son récent " Livre blanc ", ne peut qu'être partagé par votre commission.

Aussi, aurait-elle espéré que le projet de budget de la formation professionnelle pour 2001 s'inscrirait dans une démarche ambitieuse de développement et de renforcement de la formation professionnelle.

Tel n'est pourtant pas le cas.

Bien au contraire, le présent budget témoigne, presque jusqu'à la caricature, du décalage persistant entre le discours et les actes du Gouvernement dans ce domaine pourtant capital pour l'avenir de notre pays.

I. UNE ÉVOLUTION DES CRÉDITS PEU CONFORME AUX ENJEUX DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

A. UN SIMPLE BUDGET DE CONTINUITÉ

1. L'opacité des imputations budgétaires

L'univers de la formation professionnelle est parsemé de sigles à la signification souvent mal connue 1 ( * ) . Votre rapporteur pour avis se propose ici d'en rajouter un nouveau : l'OBNI ou, en clair, l'objet budgétaire non identifié. Car les crédits de la formation professionnelle apparaissent en effet largement comme tels.

Il est de coutume de dénoncer le caractère pour le moins complexe voire opaque de notre système de formation professionnelle. Il est moins habituel de le faire pour sa traduction budgétaire.

Or, celle-ci est tout autant illisible, voire plus.

Dans les documents budgétaires, il reste en effet très difficile d'identifier précisément les crédits consacrés à la formation professionnelle . Ceux-ci sont certes inscrits au budget de l'emploi, mais ils ne sont pas pour autant présentés clairement dans la nomenclature budgétaire.

Deux présentations principales coexistent avec des périmètres sensiblement différents.

D'une part, dans le " bleu " budgétaire de l'Emploi, un agrégat est consacré à la " Participation de l'Etat à la formation professionnelle " . Il pourrait constituer un support intéressant s'il n'était hélas lacunaire en n'incluant pas, par exemple, la subvention de l'Etat à l'AFPA qui figure, elle, dans l'agrégat " Gestion de la politique de l'emploi ".

L'agrégat " Participation de l'Etat à la formation professionnelle "

Cet agrégat regroupe trois chapitres :

- le chapitre 43-06 " Dotation de décentralisation relative à la formation professionnelle et à l'apprentissage " ;

- le chapitre 43-70 " Financement de la formation professionnelle "

- le chapitre 66-00 " Dotation en capital du fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale ".

Mais il ne regroupe pas pour autant tous les articles de ces trois chapitres. Ainsi, l'article 90 du chapitre 43-06 et l'article 80 du chapitre 43-70, tous deux relatifs aux frais de gestion du CNASEA, sont logiquement inclus dans l'agrégat " Gestion de la politique de l'emploi ".

D'autre part, il existe, au sein d'un " jaune " budgétaire consacré à la formation professionnelle, un " projet de budget de la formation professionnelle " , qui est plus large. Il pourrait alors être une alternative exhaustive, s'il n'était, lui, en définitive trop large car il intègre également des mesures de la politique de l'emploi -le programme TRACE par exemple- qui sont loin de relever du seul domaine exclusif de la formation.

Le " Projet de budget de la formation professionnelle "

Ce " budget de la formation professionnelle ", isolé dans le jaune, est présenté par le Gouvernement comme le récapitulatif des crédits relatifs à la formation professionnelle.

Il comprend :

- le chapitre 43-06 1 relatif aux dotations de décentralisation ;

- le chapitre 43-70 1 " Financement de la formation professionnelle " qui regroupe l'ensemble des dépenses de primes, de compensations d'exonérations de charges, de rémunérations et d'aides au fonctionnement des dispositifs ;

- le chapitre 43-71 " Formation professionnelle des adultes " principalement constitué de la subvention de fonctionnement à l'AFPA ;

- pour partie, le chapitre 44-70 " Dispositifs d'insertion des publics en difficulté " qui comprend notamment les stages de formation au profit des chômeurs de longue durée et le financement du réseau d'accueil des jeunes ;

- l'article 40 du chapitre 57-92 sur les acquisitions immobilières de l'AFPA ;

- le chapitre 66-00 " Dotation en capital du fonds de la formation professionnelle " ;

- le chapitre 66-71 sobrement intitulé " Formation professionnelle des adultes ".

(1) Y compris les frais de gestion du CNASEA

Au total, ni le bleu, ni le jaune ne permettent d'isoler de manière pertinente l'ensemble des crédits budgétaires en faveur de la formation professionnelle . Ceux-ci s'élèveront en 2001 soit à 26,1 milliards de francs selon le " bleu ", soit à 34,3 milliards de francs selon le " jaune ". L'écart est important.

La présentation des crédits devient encore plus obscure et le chiffrage plus difficile si l'on retient d'autres périmètres.

Ainsi, M. Jacques Barrot, rapporteur spécial à l'Assemblée nationale, consolide les crédits de l'agrégat " Participation de l'Etat à la formation professionnelle " et ceux de l'article 10 du chapitre 43-71 relatif à la subvention de l'Etat à l'AFPA. Il évalue ainsi le montant des crédits de la formation professionnelle pour 2001 à 30,8 milliards de francs.

Le Gouvernement présente également un intéressant tableau 2 ( * ) des crédits de la formation professionnelle pour 2001 par nature de la dépense où les crédits atteignent 53,5 milliards de francs 3 ( * ) .

Votre commission ne peut alors que regretter cette opacité des documents budgétaires et considère qu'un effort de clarification est nécessaire. Il serait notamment souhaitable que le bleu et le jaune se recoupent afin d'assurer une réelle clarté dans la présentation des crédits.

Dans l'attente d'une telle révision de la nomenclature budgétaire, votre commission retiendra, dans cet avis, la définition large -celle du jaune- ne serait-ce que pour faciliter les comparaisons avec les chiffres fournis par le Gouvernement et avec les analyses des rapporteurs de l'Assemblée nationale qui ont retenu ce périmètre.

2. Des crédits en légère diminution

En 2001, les crédits de la formation professionnelle devraient diminuer de 0,3 %, après une diminution de 1,5 % en 2000, pour atteindre 34,3 milliards de francs.

Budget de la formation professionnelle

(en millions de francs)

LFI 1999

LFI 2000

PLF 2001

43-06 - Dotation de décentralisation : formation professionnelle et à l'apprentissage

7.899

7.964

8.238

Apprentissage et rééquilibrage aménagement du territoire

3.382

3.410

3.528

Actions décentralisées Loi quinquennale (formations qualifiantes)

1.847

1.862

1.926

Actions décentralisées en faveur des jeunes

2.669

2.691

2.783

43-70 - Financement de la formation professionnelle

18.656

18.177

18.017

Formation en alternance

Primes des contrats d'apprentissage

4.664

4.113

4.440

Exonération des cotisations sociales des contrats d'apprentissage

4.587

4.721

5.260

Primes contrats de qualification

343

233

157

Exonération des cotisations sociales des contrats de qualification

2.607

2.660

2.784

Contrats de qualification adultes (primes)

100

120

111

Contrats de qualification adultes (exonérations de cotisations sociales)

248

396

381

Dépenses de fonctionnement des organismes

Subvention à divers organismes (FFPPS)

22

20

19

Centre INFFO (FFPPS)

27

28

28

Actions de formation : fonctionnement

Politique contractuelle (FFPPS)

335

335

284

Ingénieurs (FFPPS)

97

82

70

Catégoriel (FFPPS)

99

119

100

International communautaire +FORE (FFPPS)

25

24

24

Organisations syndicales (FFPPS)

73

73

73

Actions hors champ de la décentralisation de 1993 - CIBC (FFPPS)

90

Actions hors champ de la décentralisation de 1993 - APP (FFPPS)

110

110

107

Actions en faveur des jeunes à la charge de l'Etat (FFPPS)

30

30

28

Contrats de plan Etat-régions (FFPPS)

405

397

421

Actions de formation : rémunération

Programme national de formation professionnelle (FFPPS)

923

926

1.005

Actions en faveur des jeunes à la charge de l'Etat (FFPPS)

13

13

11

Stagiaires AFPA

900

1.000

1.000

Allocation formation reclassement

2.715

2.541

1.500

Frais de gestion du CNASEA

217

212

192

Actions expérimentales

20

20

20

43-71 - Formation professionnelle des adultes

4.194

4.378

4.572

Subvention de fonctionnement à l'AFPA

4.128

4.334

4.517

Subvention à divers organismes

66

43

42

AFPA - CPER

12

44-70 - Dispositifs d'insertion des publics en difficulté

3.723

3.404

3.059

Programme en faveur des chômeurs de longue durée (fonctionnement)

1.63

1.443

1.323

Programme en faveur des chômeurs de longue durée dans les DOM (fonctionnement)

Programme en faveur des chômeurs de longue durée (rémunération au titre du Livre IX du code du travail)

1.481

1.417

1.219

Programme en faveur des cadres (fonctionnement)

86

69

14

Programme en faveur des cadres (rémunération au titre du Livre IX du code du travail)

15

11

2

Trajectoire d'accès à l'emploi (fonctionnement)

60

70

77

Trajectoire d'accès à l'emploi (protection sociale)

30

Réseau d'accueil et orientation des jeunes (PAIO), missions locales

416

392

424

Dotations en capital

445

468

392

Acquisitions immobilières de l'AFPA

3

2

Dotation en capital Fonds de la formation professionnelle

108

105

29

Formation Professionnelle des adultes

333

360

363

TOTAL du budget de la formation professionnelle

34.919

34.393

34.280

B. UN CONTEXTE POURTANT EN PROFONDE ÉVOLUTION

1. Un nouveau rôle pour la formation professionnelle

La reprise importante de l'emploi dans notre pays se traduit aujourd'hui par l'apparition de " pénuries " de main-d'oeuvre dans certains secteurs, mais aussi par le maintien d'une exclusion durable de l'emploi pour de trop nombreuses personnes.

Dans ce nouveau contexte, votre commission a la ferme conviction que la politique de formation professionnelle peut avoir un nouveau rôle à jouer au service de la cohésion sociale et de la compétitivité économique.

S'agissant de la compétitivité économique, il importe prioritairement d'orienter les jeunes vers les formations d'avenir, mais aussi d'adapter l'offre de formation aux besoins des entreprises au moment où le marché du travail connaît une certaine " tension ".

S'agissant de la cohésion sociale, il est clair que, dans cette conjoncture plus favorable, une réelle formation des personnes les plus éloignées de l'emploi pourrait sans conteste favoriser leur insertion durable dans le monde professionnel.

Ainsi se dessine l'embauche d'une dynamique vertueuse dont la formation professionnelle pourrait être le ressort.

2. Des risques persistants de blocage

Pourtant, cette dynamique vertueuse tarde à se mettre en place. Votre commission y voit trois obstacles.

Premièrement, la reprise de l'emploi se fait parfois au détriment de la formation. De nombreuses personnes préfèrent en effet refuser des offres de formation ou arrêter des programmes en cours pour trouver directement un emploi. Ainsi, en 1999, 16,4 % des stagiaires de l'AFPA au titre de la commande publique n'ont pas achevé leur parcours de formation. Ces démarches, aisément compréhensibles, risquent néanmoins de se révéler à " courte-vue " en cas de retournement de la conjoncture. La formation est en effet un investissement de long terme.

Deuxièmement, l'effort global de la Nation en faveur de la formation professionnelle tend aujourd'hui à marquer le pas . Les dépenses globales de formation ont certes augmenté de 2 % en 1998 pour atteindre 143 milliards de francs. Mais celles-ci ne représentent plus que 1,67 % du PIB, en décroissance continue depuis 1993, date à laquelle ce ratio était de 1,89 %.

Troisièmement, la nécessaire réforme en profondeur de notre système de formation professionnelle, sans cesse annoncée, est toujours reportée .

Le projet de loi de modernisation sociale ouvre certes quelques pistes intéressantes avec la réforme du financement de l'apprentissage et celle de la validation des acquis de l'expérience, mais il ne devrait pas pouvoir être adopté par le Parlement avant la fin de l'année prochaine.

Le projet de loi visant à instituer un droit individuel à la formation tout au long de la vie reste lui dans les limbes.

Seules, interviennent ponctuellement, de manière désordonnée, mais avec une constance remarquable, des mesures que votre rapporteur pour avis avait qualifiées l'an passé de " malthusiennes " : réduction des aides à l'alternance, ponctions sur les fonds de la formation professionnelle...

Dans ces conditions, votre commission des Affaires sociales ne peut que se féliciter que les partenaires sociaux aient pris l'initiative d'engager une négociation nationale interprofessionnelle, dans le cadre de la " refondation sociale ", afin de réformer la formation professionnelle.

Elle craint pourtant que, dans ce nouveau contexte, le projet de budget de la formation professionnelle ne soit pas suffisamment ambitieux pour lever ces obstacles.

II. DES FORMATIONS EN ALTERNANCE FRAGILISÉES

Les formations en alternance, qu'elles se fassent sous statut scolaire ou sous contrat de travail, constituent un enjeu majeur de notre système de formation professionnelle.

Fondées sur la pratique, adaptées aux besoins des employeurs, susceptibles de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes souvent mal à l'aise dans un cursus scolaire trop classique, ces formations doivent être développées.

Mais le projet de budget risque à l'inverse de les fragiliser, qu'il s'agisse des contrats d'apprentissage ou des contrats de qualification.

A. L'APPRENTISSAGE : UN DÉVELOPPEMENT ENTRAVÉ

1. Une croissance désormais ralentie

Après avoir longtemps stagné aux alentours de 120.000-130.000, le nombre d'entrées en apprentissage a significativement augmenté ces dernières années, en s'accompagnant d'ailleurs d'une diversification importante des formations dispensées.

Flux annuels d'entrées en contrat d'apprentissage

1995

1996

1997

1998

1999

2000 1

2001 1

178.080

198.169

211.458

215.262

228.426

220.000

230.000

Source : MES - DARES

(1) Prévisions budgétaires

Cette croissance semble désormais devoir se ralentir. Ainsi, le projet de budget pour 2001 ne prévoit qu'une simple reconduction des 230.000 entrées en apprentissage constatées en 1999.

Les contrats d'apprentissage

Le contrat d'apprentissage, d'une durée au moins égale à celle du cycle de formation qui fait l'objet du contrat (1 à 3 ans), est destiné aux jeunes de 16 à 25 ans révolus ayant satisfait à l'obligation scolaire. Il peut aussi bénéficier aux jeunes d'au moins 15 ans, s'ils justifient avoir effectué la scolarité du premier cycle de l'enseignement secondaire. Dans tous les cas, l'apprenti suit une formation générale théorique et pratique en vue de l'obtention d'une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme de l'enseignement professionnel ou technologique du second degré ou du supérieur, ou un ou plusieurs titres d'ingénieurs ou titres homologués. Dans l'entreprise, le maître d'apprentissage contribue à l'acquisition des compétences correspondant à la qualification recherchée et au titre ou diplôme préparé par l'apprenti.

Ces contrats ouvrent droit à une indemnité compensatrice forfaitaire (qui n'est pas applicable au secteur public) composée d'une indemnité au titre de soutien à l'embauche (6.000 francs) et d'une indemnité de soutien à l'effort de formation (10.000 francs ou 12.000 francs par an avec majorations possibles). A compter du 1 er janvier 19699, l'indemnité au titre de l'aide à l'embauche n'est plus versée que si, à la conclusion du contrat, le jeune n'est titulaire d'aucun diplôme sanctionnant le second cycle de l'enseignement secondaire général, technologique ou professionnel, à l'exception du certificat d'aptitude professionnelle (CAP), du brevet d'études professionnelles (BEP) ou d'un diplôme ou titre homologué de niveau équivalent.

Tous les employeurs, y compris les employeurs du secteur public non industriel et commercial, peuvent conclure un contrat d'apprentissage sur la base d'une déclaration en vue de la formation d'apprentis. Selon leur taille et leur activité (artisans et employeurs de moins de 11 salariés, employeurs de plus de 10 salariés), les entreprises bénéficient de deux régimes différents d'exonération de charges sociales. L'employeur s'engage à verser un salaire et à assurer une formation au jeune qui s'oblige en retour à travailler et à suivre la formation dispensée en centre de formation d'apprentis et en entreprise. L'apprenti perçoit un salaire calculé en fonction de son âge et de son ancienneté dans la mesure. Il varie de 25 % du SMIC Pour les 16/17 ans au cours de la première année de leur contrat, à 78 % du SMIC (ou du salaire minimum conventionnel correspondant à l'emploi occupé s'il est plus favorable) pour les plus de 20 ans à partir de la troisième année.

Source : DARES

Le financement de l'apprentissage, même si sa mise en oeuvre est de la compétence des régions depuis 1983, repose encore largement sur les crédits budgétaires.

L'Etat assure en effet le financement de l'indemnité compensatrice forfaitaire -qui se compose d'une aide à l'embauche et d'une aide à la formation- et compense les exonérations de charges sociales dont bénéficient les employeurs d'apprentis.

Crédits budgétaires en faveur de l'apprentissage

(en millions de francs)

LFI 2000

PLF 2001

Evolution
en %

Primes

4.114

4.440

+ 7,9 %

Exonération de cotisations sociales

4.721

5.260

+ 11,4 %

Total

8.835

9.700

+ 9,8 %

Le volume important des crédits budgétaires en faveur de l'apprentissage (près de 10 milliards de francs prévus pour 2001) ne doit cependant pas masquer le fait que l'Etat n'assure en définitive que moins de la moitié du financement de l'apprentissage.

Financement de l'apprentissage en 1999

2. Un nouveau " recentrage " regrettable des primes du contrat d'apprentissage

Pour autant, ni l'ampleur du financement budgétaire, ni la forte progression des crédits prévue en 2001 ne peuvent faire illusion. L'apprentissage ne constitue plus, pour le Gouvernement, une priorité pour laquelle il accepte de tirer des conclusions budgétaires.

Le projet de loi de finances pour 2001 en témoigne avec force, son article 57 prévoyant la poursuite du " recentrage " de la prime à l'embauche des apprentis.

Déjà, la loi de finances pour 1999 avait supprimé cette prime à l'embauche pour les employeurs d'apprentis d'un niveau de formation supérieur au niveau IV.

A l'époque, votre commission s'était opposée à une telle mesure, craignant qu'elle ne constitue en fait l'amorce d'un désengagement de l'Etat du financement de l'apprentissage. Votre rapporteur pour avis observait alors :

" On peut s'interroger sur les choix du Gouvernement : ne constitue-t-il pas l'ébauche d'un désengagement de l'Etat d'un dispositif passé dans le champ de compétences des régions alors même qu'il réinvestit par ailleurs la politique de l'emploi des jeunes à travers des dispositifs dont il est le maître d'oeuvre, le plan emplois-jeunes ? " 4 ( * ) .

Cette analyse semble aujourd'hui se confirmer.

L'article 57 du projet de loi de finances prévoit en effet la suppression de la prime à l'embauche des apprentis dans les entreprises de plus de 20 salariés afin d'économiser 83 millions.

Votre commission ne peut que déplorer ce nouveau " mauvais coup " porté à la prime d'apprentissage qui avait été instituée en 1993 justement pour favoriser le développement de l'apprentissage. Cela risque en effet d'amoindrir considérablement l'attrait de l'apprentissage dans les entreprises en question qui recrutent aujourd'hui pourtant près de 30 % des effectifs d'apprentis.

Votre commission considère que le bilan " coûts-avantages " d'une telle mesure risque de se révéler désastreux car, pour économiser 83 millions de francs -soit 0,8 % du coût budgétaire de l'apprentissage-, l'Etat prend le risque de fragiliser l'ensemble d'un dispositif que les gouvernements successifs s'étaient pourtant efforcés de promouvoir depuis 1987. Il s'agit là pour le moins d'une gestion budgétaire à " courte-vue ".

Au-delà de cette mesure, un autre indice témoigne de ce souci de désengagement financier. Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit en effet un nouveau prélèvement de 150 millions de francs sur les disponibilités du COPACIF, ce prélèvement étant affecté au financement des primes pour l'apprentissage. Dès lors, le financement direct par l'Etat diminue d'autant.

Au total, que ce soit par de nouvelles mesures restrictives ou par des " tours de passe-passe " budgétaire, l'Etat se désengagera en 2001 à hauteur de 283 millions de francs du financement de l'apprentissage.

B. LES CONTRATS DE QUALIFICATION : DES INIATIVES HASARDEUSES

La démarche du Gouvernement suivie pour les contrats d'apprentissage se retrouve pour les contrats de qualification. Mais, dans ce dernier cas, les conséquences risquent d'être plus graves encore, le dispositif des contrats de qualification étant plus fragile que celui de l'apprentissage.

1. Un dispositif utile, mais encore fragile

Les contrats de qualification 5 ( * ) constituent un dispositif utile, apprécié et de plus en plus utilisé d'insertion professionnelle des jeunes.

Le contrat de qualification

Le contrat de qualification est un contrat de travail à durée déterminée (6 à 24 mois) destiné aux jeunes de 16 à 25 ans révolus qui n'ont pu acquérir une qualification au cours de leur scolarité ou dont la qualification ne permet pas l'accès à un emploi. Ce contrat prévoit une période de formation dont les enseignements généraux, professionnels et technologiques, représentent au minimum 25 % de la durée totale du contrat. Il doit déboucher sur une qualification professionnelle qui doit être sanctionnée par un titre homologué ou un diplôme de l'enseignement technologique, ou être reconnue dans les classifications d'une convention collective de branche, ou figurer sur une liste établie par la commission paritaire nationale de l'emploi de la branche professionnelle.

L'employeur bénéficie de l'exonération des cotisations de sécurité sociale et cotisations patronales dues au titre des accidents du travail et des allocations familiales dans la limite du SMIC ; une prise en charge forfaitaire de 60 francs (majoration possible de 25 %) par heure de formation et par jeune accueilli est assurée par l'employeur dans le cadre de sa participation au financement de la formation professionnelle. Depuis le 1 er juillet 1993, une prime à l'embauche de 7.000 francs pour les contrats d'une durée supérieure à 18 mois et de 5.000 francs pour les autres est versée lors de l'enregistrement du contrat. A compter du 15 octobre 1998, cette aide forfaitaire est accordée si le jeune n'est titulaire d'aucun diplôme sanctionnant le second cycle de l'enseignement secondaire général, technologique ou professionnel, à l'exception du certificat d'aptitude professionnelle, du brevet d'études professionnelles ou d'un titre homologué de niveau équivalent.

La rémunération du jeune est calculée en fonction de son âge et de son ancienneté dans la mesure. Elle varie de 30 % du SMIC pour les 16/17 ans au cours de la première année du contrat, à 75 % du minimum conventionnel pour les plus de 20 ans à partir de la seconde année.

Source : DARES

L'augmentation sensible des flux d'entrée en contrats de qualification constatée depuis 1996 témoigne de l'attractivité du dispositif.

Flux annuels d'entrées en contrats de qualification

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000 (1)

2001 (1)

118.425

100.721

96.604

101.163

116.787

118.550

125.000

123.000

(1) Prévisions budgétaires Source : MES-DARES

Ce succès quantitatif se double d'une incontestable réussite qualitative.

Le contrat de qualification répond bien aux aspirations actuelles des jeunes qui peuvent ainsi s'engager rapidement dans la vie professionnelle, sans pour autant renoncer à la formation et à l'obtention d'une qualification. Il permet également de faciliter l'insertion des jeunes qui soit n'ont pas de réelle qualification professionnelle au sortir du système scolaire, soit n'ont acquis que des qualifications inadaptées.

Il correspond aussi aux attentes des entreprises en leur permettant de participer à la construction de compétences adaptées à leurs besoins dans le cadre de programmes relativement courts et qualifiants.

En outre, comme il est signalé dans une publication du ministère de l'emploi, " il s'adapte aux situations les plus diverses grâce à une forte plasticité. Dans une période où le chômage coexiste avec certaines pénuries de main d'oeuvre, il contribue au fonctionnement du marché du travail en réalisant l'appariement entre les jeunes et les entreprises ". 6 ( * )

Pour autant, l'année 1999 a été marquée par un net ralentissement des embauches de jeunes en contrat de qualification en dépit de la reprise de l'emploi. Celles-ci n'ont en effet progressé que de 2 % en 1999 après avoir augmenté de 15 % en 1998.

Les contrats de qualification ont en effet été fragilisés en 1999 par la suppression de la prime au contrat de qualification pour les jeunes ayant acquis un diplôme, à l'exception du CAP, du BEP ou d'un titre équivalent, qui a été institué par le décret n° 98-909 du 12 octobre 1998.

Le Gouvernement avait alors pris le risque de réduire l'attractivité de ces contrats. Les conséquences ne se sont pas fait attendre.

2. La suppression dangereuse de la prime des contrats de qualification

L'Etat participe au financement du contrat de qualification de deux manières :

- il compense l'exonération de cotisations sociales,

- il verse une prime à l'embauche.

En 2001, les crédits budgétaire en faveur du contrat de qualification pour les jeunes atteindront 2,9 milliards de francs.

Crédits budgétaires en faveur du contrat de qualification

(en millions de francs)

LFI 1999

LFI 2000

PLF 2001

Evolution en %

Primes

343

233

157

- 32,6 %

Exonérations de cotisations sociales

2.608

2.660

2.784

+ 4,7 %

Total

2.951

2.893

2.941

+ 1,7 %

Mais l'essentiel du financement des contrats de qualification repose aujourd'hui sur les entreprises. Les organismes collecteurs paritaires agréés (OCPA) au titre des formations en alternance prennent en effet en charge les dépenses de formation liées à ces contrats dans une limite forfaitaire de 60 francs par heure. Au total, en 1999, les OCPA ont consacré 4,427 milliards de francs à ces dépenses, soit une prise en charge moyenne de près de 50.000 francs par contrat pour une durée moyenne de formation de 862 heures.

Le projet de loi de finances pour 2001 se révèle être très restrictif pour les contrats de qualification.

Il prévoit ainsi une diminution de 2.000 personnes pour les entrées dans le dispositif en 2001, tirant les conséquences du " recentrage " opéré en 1999 et anticipant surtout la suppression à venir de la prime.

Car, le présent budget prévoit la suppression de cette prime, mesure qui, à la différence du " recentrage " de la prime d'apprentissage, s'appliquera à toutes les entreprises quels que soient leurs effectifs et permettra d'économiser 152 millions de francs en 2001, puis 153 millions en 2002.

Le Gouvernement a en effet annoncé son intention de supprimer la prime, à compter du 1 er janvier 2001, par un décret non encore publié, le projet de budget se contentant alors d'anticiper les conséquences financières d'une telle mesure.

Votre commission est très opposée à une telle mesure. Elle exprime la crainte qu'elle ne porte un coup fatal à un dispositif utile, mais fragile.

Elle considère d'abord que la suppression de la prime risque de limiter le recrutement de jeunes non qualifiés, très éloignés de l'emploi.

Elle estime également qu'elle risque de priver les entreprises d'un instrument efficace d'adaptation des qualifications des jeunes à leurs besoins en compétences.

Pour ces raisons, et n'étant pas en mesure de proposer la suppression d'une décision qui relève du domaine réglementaire, votre commission appelle solennellement le Gouvernement à renoncer à son projet et à ne pas persister dans la voie initialement envisagée.

III. DES CONCOURS DE L'ETAT À LA COHÉRENCE INCERTAINE

Au-delà de sa participation au financement de l'alternance, l'Etat assume budgétairement trois types d'actions :

- la dotation de décentralisation relative à la formation professionnelle et à l'apprentissage ;

- les " actions de formation à la charge de l'Etat " ;

- la contribution au financement de l'AFPA.

La dotation de décentralisation, qui s'élève à 8,2 milliards de francs en 2001, n'appelle pas de commentaires particuliers de votre commission. Cette dotation, qui résulte de la loi du 7 janvier 1983 transférant aux régions la compétence de droit commun en matière de formation professionnelle continue et d'apprentissage, de la loi du 23 juillet 1987 portant réforme de l'apprentissage destinée à compenser l'allongement de la durée des formations en CFA, et enfin de la loi quinquennale du 20 décembre 1993 en ce qui concerne les actions de formation destinées à l'insertion professionnelle des jeunes, est en effet actualisée conformément au taux d'évolution de la dotation globale de décentralisation.

En revanche, les deux autres types d'actions méritent un examen plus approfondi.

A. DES ACTIONS DE FORMATION À LA CHARGE DE L'ETAT DIVERSIFIÉES, MAIS PEU LISIBLES

Les crédits destinés au financement des actions de formation à la charge de l'Etat s'élèveront en 2001 à 4,7 milliards de francs, en baisse de 19 %.

Coût budgétaire des actions de formation à la charge de l'Etat

(en millions de francs)

1997

1998

1999

LFI 2000

PLF 2001

6.162

8.406

6.223

5.826

4.720

Ces actions très diverses se répartissent entre le financement de dépenses de fonctionnement, de rémunération et d'investissement. Il semble toutefois plus opératoire de les classer de manière " thématique ".

1. Un programme national de formation professionnelle pour le moins varié

Le programme national de formation professionnelle, qui avait initialement pour vocation d'assurer la formation des publics les plus en difficulté, tend à voir progressivement son champ d'intervention s'élargir.

Le programme national de formation professionnelle

Il met en oeuvre diverses actions de formation professionnelle financées sur le FFPPS en faveur de publics particulièrement défavorisés : illettrés et détenus. Le programme IRILL (insertion, réinsertion, lutte contre l'illettrisme) destiné aux illettrés, aux détenus et aux réfugiés (le volet concernant les réfugiés est inscrit à partir de 2001 sur le budget de la solidarité) a pour principal objectif l'apprentissage ou le réapprentissage des savoirs fondamentaux. La formation continue des ingénieurs et des cadres supérieurs regroupe l'ensemble des actions financées par l'Etat dans le domaine de la formation des cadres moyens (salariés ou demandeurs d'emploi). Les ateliers de pédagogie personnalisée (APP) ont pour mission d'assurer à toute personne sortie du système scolaire un complément de formation générale ou technologique et dont l'activité est cofinancée par l'Etat, les conseils régionaux, les communes, les entreprises et par des organismes paritaires agréés sur la base d'un même cahier des charges. Le programme national intervient enfin sur l'environnement de la formation (études et audits sur la formation, programme " formations ouvertes et ressources éducatives " dans le domaine de l'enseignement à distance et du multimédia -FORE-, subventions à divers organismes de formation : INFA et Centre-Inffo).

Aujourd'hui, s'il reste concentré sur la formation des personnes les plus en difficulté (illettrés, détenus, réfugiés), il intègre également la formation des militants syndicaux ou permet de subventionner divers organismes de formation.

En 2001, 1,3 milliard de francs devraient lui être affectés.

Crédits du programme national de formation professionnelle

(en millions de francs)

1997

1998

1999

LFI 2000

PLF 2001

1.282

1.225

1.329

1.273

1.320

Les actions menées dans ce cadre sont souvent utiles. Votre rapporteur pour avis souligne ainsi l'intérêt du programme IRILL dans la lutte contre l'illettrisme.

Mais la nature pour le moins diversifiée de ce programme tend désormais à rendre sa cohérence moins évidente.

Aussi, et sans remettre en cause la légitimité des actions menées dans ce cadre, votre commission souhaite que le débat budgétaire puisse être chaque année l'occasion d'un examen approfondi de ce programme et d'une définition concertée de ses priorités.

2. Une politique contractuelle de formation des salariés en repli

La " politique contractuelle de formation des salariés " est un dispositif tout particulièrement intéressant. Bien intégré dans le dialogue social, fondé sur la négociation, inscrit dans une logique de long terme, il vise à favoriser le développement de l'effort de formation continue des entreprises et à anticiper les besoins de compétences par la mise en place d'une véritable gestion prévisionnelle des emplois.

La politique contractuelle de formation des salariés

La politique contractuelle de formation des salariés vise à anticiper les besoins de compétences et à développer la formation continue des entreprises en lien avec leurs stratégies de développement économique. Deux outils sont à la disposition de l'Etat pour mettre en oeuvre cette politique : un outil d'étude, le contrat d'études prospectives permettant de connaître, en partenariat avec les branches, l'évolution des métiers et un outil d'action, l'engagement de développement de la formation.

Les contrats d'étude prospective (CEP) lient les partenaires sociaux et l'Etat et fournissent des bases partagées à la négociation collective en permettant d'enrichir celle-ci. L'Etat prend en charge en moyenne 50 % du coût de l'étude. Ces contrats ont pour objectif de connaître l'évolution des métiers et des qualifications afin de favoriser l'adaptation des compétences des salariés confrontés à des mutations économiques, organisationnelles ou technologiques fortes.

Les accords d'engagement de développement de la formation (EDDF) visent à subventionner les dispositifs de formation des entreprises qui s'engagent, au-delà de leur obligation légale, dans une démarche d'élévation des qualifications et des compétences des salariés. Les EDDF sont conclus avec des organisations professionnelles ou interprofessionnelles, des groupements d'entreprises ou des entreprises. Ils ont pour objectif d'impulser et d'accompagner les démarches d'investissement-formation dans les entreprises, d'enrichir le dialogue social sur les métiers et sur la formation professionnelle au sein des entreprises et des branches.

En 1999, la politique contractuelle a été réformée, sur la base d'une circulaire, avec pour finalité affichée " de renforcer l'intervention en faveur des démarches de gestion prévisionnelle des compétences et des qualifications dans un cadre expérimental et négocié avec les partenaires sociaux ".

En 2001, 284 millions de francs seront consacrés à la politique contractuelle.

Crédits de la politique contractuelle

(en millions de francs)

LFI 1999

LFI 2000

PLF 2001

335

335

284

Malgré l'intérêt de ce dispositif, les crédits diminueront donc de 15 % en 2001. Il semble alors que la réforme de la politique contractuelle décidée en 1999, qui visait initialement à " soutenir les initiatives des branches et des entreprises ", se traduise en définitive principalement par une restriction des crédits budgétaires et par l'amorce d'un nouveau désengagement de l'Etat du champ contractuel dans le domaine de la formation professionnelle.

Le Gouvernement donne ici, une fois encore, la preuve du peu de cas qu'il fait du dialogue social. Votre commission ne peut que le déplorer.

3. Une participation de l'Etat à la formation des chômeurs menacée

L'Etat, conformément à sa responsabilité en matière de solidarité nationale, intervient dans la formation des chômeurs, notamment par sa participation au financement de l'AFR destinée à assurer la rémunération des chômeurs entrant en formation.

L'AFR

L'AFR a été instituée par un accord des partenaires sociaux en date du 30 décembre 1987. Financée conjointement par l'Etat et l'UNEDIC, elle a vocation à assurer la rémunération des chômeurs bénéficiaires de l'allocation unique dégressive (AUD) et entrant en formation.

L'AFR, dont le montant est égal à l'AUD et qui n'est pas dégressive, est servie à titre de rémunération au maximum pendant la durée des droits à l'assurance chômage restant à courir après l'entrée en stage. Si la durée de la formation excède la durée des droits à l'assurance chômage, une allocation de formation de fin de stage, de même nature et de même montant, est versée jusqu'à la fin de la formation.

Elle est actuellement régie par les articles 53 et suivants du règlement annexé à la convention du 1er janvier 1997 relative à l'assurance chômage ainsi que par une convention financière du 26 juin 1990 modifiée conclue entre l'Etat et l'UNEDIC.

La nouvelle convention du 1er janvier 1997 introduit aussi une nouvelle condition à l'entrée en AFR. L'allocataire doit faire part de sa demande de formation dans les six premiers mois d'indemnisation en AUD, même si le stage démarre ultérieurement.

Un avenant à la convention financière du 2 juillet 1997 prévoit que l'Etat prend en charge 41 % des dépenses de l'AFR, alors que les dispositions antérieures aboutissaient à un taux de prise en charge d'environ 80 %.

Le montant des prestations versées au titre de l'AFR s'est élevé à 6.358 millions de francs en 1997, 5.636 millions de francs en 1998 et 4.927 millions de francs en 1999.

En 1999, près de 180.000 chômeurs ont bénéficié de l'AFR.

Evolution du nombre d'entrées en AFR

1997

1998

1999

191.768

189.824

179.661

Source : UNEDIC

En 2001, la participation de l'Etat au financement de l'AFR diminuera de plus de 1 milliard de francs pour atteindre 1,5 milliard de francs, l'Etat anticipant sa suppression à compter du 1 er juillet 2001 que prévoit la nouvelle convention UNEDIC.

Versement de l'Etat à l'UNEDIC au titre de l'AFR

(en millions de francs)

LFI 1999

LFI 2000

PLF 2001

2.716

2.541

1.500

Pour autant, l'affectation effective de ces crédits pour 2001 reste pour l'instant bien mystérieuse. S'il s'agit de financer les AFR ouvertes avant le 1 er juillet 2001, ils seront amplement suffisants. S'il s'agit également d'une simple " mesure conservatoire ", dans l'attente de la définition des nouvelles modalités de participation de l'Etat au financement de la formation des chômeurs dans le cadre du futur projet d'action personnalisé, ils risquent alors d'être très insuffisants.

Les informations fournies par le Gouvernement restent pour le moins confuses sur ce sujet.

Ainsi, lors de l'examen du budget en première lecture à l'Assemblée nationale, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a semblé confirmer la participation financière de l'Etat pour l'avenir, mais dans un cadre rénové.

" Et je ne trahirai pas un secret d'Etat en vous disant que j'ai dû fermement négocier dans le cadre de la préparation de ce budget, car la ligne budgétaire était initialement à zéro (...). J'ai fait valoir que, même si les partenaires sociaux engageaient leur responsabilité dans la formation des demandeurs d'emploi, il était impensable que l'Etat se dégage complètement de cette mission. C'est pourquoi j'ai plaidé pour le maintien d'une dotation conséquente, même si l'AFR a disparu en tant que telle. Ce milliard et demi, c'est pour moi le signe précurseur de la réforme dont l'un des volets sera, bien sûr, l'élaboration d'un droit individuel, quel que soit le statut, salarié ou demandeur d'emploi. Il me fallait, pour ce faire, déjà avoir un début du budget afin que l'Etat réfléchisse et participe directement à la mise en oeuvre de ce dispositif " 7 ( * ) .

Lors de son audition devant votre commission, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a été plus laconique, estimant simplement prématuré de définir les éventuelles interventions de l'Etat en faveur de la formation des chômeurs.

Il reste qu'à partir du 1 er juillet 2001, la nature de la participation de l'Etat au financement de la formation des chômeurs n'est ni définie, ni budgétée.

Or le règlement annexé à la nouvelle convention UNEDIC adoptée par les partenaires sociaux le 19 octobre 2000 ne prévoit aucune rémunération spécifique pour les chômeurs entrant en formation, son article 45 ne prévoyant qu'une aide à la formation visant la prise en charge des frais de formation, des frais de dossier et d'inscription, des frais de transport et d'hébergement.

Dans ces conditions, votre commission exprime la crainte que cette incertitude budgétaire ne reflète qu'une volonté de désengagement de la part de l'Etat laissant la charge de la formation des demandeurs d'emploi aux seuls partenaires sociaux.

4. Des expérimentations peu concluantes

Parmi les priorités de ce projet de budget de la formation professionnelle, le Gouvernement évoque la préparation de la future loi réformant la formation professionnelle.

Il est vrai que le projet de budget prévoit, chaque année depuis 1999, une dotation de 20 millions de francs en faveur de ces expérimentations.

Votre commission exprime toutefois ses doutes sur la concrétisation de ces expérimentations.

Ainsi, en 1999, cette dotation n'a été consommée qu'à hauteur de 1,75 %. Au premier semestre 2000, seuls 0,96 % des crédits ont été utilisés.

Il semble donc qu'il y ait encore quelques efforts à faire dans la voie d'une expérimentation approfondie.

Les expérimentations

Suite à la parution du diagnostic précité, en mars 1999, le secrétariat d'Etat a souhaité engager une série d'expérimentations avec tous les acteurs de la formation (conseils régionaux, partenaires sociaux, branches professionnelles...) pour que, sans attendre, ces derniers prennent des initiatives nécessaires à l'adaptation et à la rénovation du système de formation professionnelle continue.

Les expérimentations doivent se dérouler pendant 18 mois et continueront dans le courant de l'année 2001.

Les thèmes ouverts à expérimentation s'articulent autour de 4 axes :

- la mise en réseau des services d'information et d'orientation professionnelle ;

- la réalisation de parcours individuels de développement ou d'accès à la qualification, conçus indépendamment du statut des personnes concernées et mobilisant, par conséquent, diverses sources de financement ;

- le développement de la validation des acquis et la mise en cohérence des systèmes de certification ;

- l'égalité d'accès à la formation professionnelle entre les femmes et les hommes.

Sept protocoles sont signés avec des conseils régionaux ou des branches professionnelles. A terme, une quinzaine de protocoles d'accords devraient être signés.

Source : " jaune budgétaire "

B. UN SOUTIEN BUDGÉTAIRE À L'AFPA SANS PERSPECTIVE

1. Une réorientation de l'activité de l'AFPA poursuivie

En 2001, la subvention de l'Etat à l'AFPA -qui représente près de 80 % des ressources totales de l'association- augmentera de 4,2 % pour atteindre 4,5 milliards de francs.

Subvention de l'Etat à l'AFPA

(en millions de francs)

LFI 1997

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

PLF 2001

3.981

4.004

4.128

4.335

4.517

Cette forte progression pourrait surprendre compte tenu du tassement quantitatif de l'activité de formation de l'AFPA. Ainsi, en 1999, le nombre de stagiaires accueillis en formation a chuté de 7,5 % et le nombre d'heures de formation réalisées a diminué de 2,5 %.

En réalité, cette progression s'inscrit dans le cadre du déroulement normal du contrat de progrès 1999-2003.

Ce contrat de progrès prévoit principalement un recentrage de l'activité de l'AFPA autour de la commande publique, notamment en faveur des personnes les plus en difficulté, dans le cadre d'un nouveau partenariat avec l'ANPE.

Les objectifs du contrat de progrès 1999-2003

Le deuxième contrat de progrès, conclu pour la période 1999-2003, doit être l'occasion de poursuivre et de renforcer les avancées du premier contrat : ainsi en est-il de la modernisation de la gestion de l'AFPA, de la démarche engagée de déconcentration interne et de répartition régionale de ses moyens, de l'évolution de son dispositif de formation et de la gestion de ses ressources humaines, en vue d'accroître la performance globale et l'efficacité de l'association.

Il exprime par ailleurs des inflexions dont la finalité est de mieux situer l'AFPA dans sa mission de service public. Cet objectif général doit conduire l'association à progresser dans quatre directions :

centrer sa mission, en complémentarité avec celle dévolue à l'ANPE, sur les services apportés aux demandeurs d'emploi en vue de leur retour dans l'emploi. Pour cela, l'AFPA devra agir de façon à :

- organiser avec l'ANPE un dispositif intégré d'appui personnalisé aux demandeurs d'emploi jeunes et adultes pour la construction de leur projet professionnel, dans lequel l'AFPA veillera à la bonne adéquation du recours à la formation, que celle-ci se déroule à l'AFPA ou dans un autre organisme,

- permettre aux demandeurs d'emploi adultes, dans la perspective de la formation tout au long de la vie, d'acquérir ou de développer une qualification certifiée, adaptée aux évolutions des activités économiques, des métiers, des techniques et des organisations, en leur proposant un ensemble de prestations articulées en fonction de leurs besoins et leurs capacités,

ancrer plus fortement son activité dans les objectifs et les priorités des politiques publiques pour la formation professionnelle et l'emploi. L'AFPA contribuera, par l'ensemble de son activité, à la réalisation des objectifs définis par le plan national d'action pour l'emploi et notamment son volet de prévention et, en particulier, la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes ;

renforcer ses liens avec les deux autres composantes du service public de l'emploi, les services déconcentrés de l'Etat et l'ANPE, à la fois pour l'accès au dispositif qualifiant de l'AFPA, et pour mettre en complémentarité les services en faveur de l'accès à l'emploi des demandeurs d'emploi ;

affirmer et clarifier ses modes de relations avec les partenaires du service public de l'emploi que sont les régions et les branches professionnelles, et travailler plus étroitement avec les entreprises au plus près du terrain, en complémentarité et en cohérence avec sa mission centrale de qualification des demandeurs d'emploi.

Source : préambule du contrat de progrès

L'exécution du contrat de progrès apparaît aujourd'hui satisfaisante, même si l'on constate parfois un léger décrochage par rapport aux objectifs fixés.

Ainsi, l'activité d'orientation de l'AFPA s'est sensiblement renforcée.

En 1999, l'AFPA a accueilli 182.599 personnes dans le cadre du " service d'appui à l'élaboration d'un projet professionnel " (dit S2) dont 87.690 adressés par l'ANPE. L'objectif fixé avec l'ANPE pour 1999, qui était de 80.000 personnes, a donc été atteint.

Activité d'orientation de l'AFPA en 1999

Commande publique

Commande publique déconcentrée

Collectivités territoriales

CIF

Marché privé

TOTAL

Diagnostic des besoins

83.275

169

52

108

64

83.668

Construction et validation d'un parcours de formation (S2)

179.124

864

456

642

1.513

182.599

Evaluation des compétences et des acquis professionnels

15.277

167

71

182

175

15.872

Suivi et soutien des bénéficiaires en formation

47.298

192

286

104

52

47.932

Accompagnement vers et dans l'emploi

44.484

836

146

50

86

45.602

Services spécifiques

33.142

15.012

7.099

552

46.058

101.863

TOTAL

402.600

17.240

8.110

1.638

47.948

477.536

(en nombre d'entrées en formation) Source : AFPA

De même, l'activité de formation de l'AFPA s'est recentrée sur la commande publique et sur la formation des demandeurs d'emploi.

En 1999, l'AFPA a accueilli en formation 95.202 demandeurs d'emploi dont 74.585 au titre de la commande publique.

Activité de formation de l'AFPA en 1999

Entrées

Evolution 99/98

Heures travaillées stagiaires

Evolution 99/98

Etat (commande publique)

74.585

- 5,0 %

50.557.988

0,7 %

Hors commande publique, dont :

74.421

- 9,9 %

12.514.706

- 13,6 %

Commande publique déconcentrée

12.388

- 12,5 %

2.781.711

- 17,2 %

Collectivités territoriales

8.229

- 25,3 %

2.799.934

- 25,5 %

Entreprises

53.804

- 6,1 %

6.933.061

- 5,8 %

TOTAL

149.006

- 7,5 %

63.092.694

- 2,5 %

Enseignement à distance

14.757

- 16,9 %

3.359.312

19,0 %

TOTAL GENERAL

163.763

- 8,4 %

66.452.006

- 1,6 %

Source : AFPA

Pour autant, ce recentrage de l'activité de formation reste sensiblement en retrait par rapport aux objectifs, notamment concernant le partenariat avec l'ANPE. Ainsi, la part des demandeurs d'emploi entrés en formation dans le cadre d'une relation organisée avec l'ANPE n'a atteint que 40 % du total pour un objectif fixé à 50 %.

2. Une nécessaire révision du contrat de progrès

Si la réalisation du contrat de progrès apparaît relativement satisfaisante, témoignant en cela de l'important effort d'adaptation de l'AFPA mené depuis quelques années, il n'en apparaît pas moins que la modernisation de l'AFPA doit se poursuivre.

Cette nouvelle adaptation passe aujourd'hui par une révision du contrat de progrès, qui apparaît d'ores et déjà daté.

Le contexte dans lequel le contrat de progrès a été conclu a en effet profondément évolué.

D'une part, la nouvelle convention UNEDIC bouleverse nécessairement le paysage de la formation des demandeurs d'emploi et, en conséquence, la place de l'AFPA.

La mise en place du plan d'action personnalisé (PAP) pour tout chômeur indemnisé en concertation entre l'UNEDIC et l'ANPE devra comporter d'importants volets d'orientation et de formation. Dans ce cadre, l'actuel partenariat entre l'ANPE et l'AFPA pourrait être remis en cause. Il importe donc que l'AFPA se repositionne dans la nouvelle architecture de l'assurance chômage.

D'autre part, la concertation de l'AFPA avec les régions reste insuffisante.

Le contrat de progrès était très prudent en ce domaine, se contentant de prévoir la création de " comités consultatifs régionaux " placés auprès des directeurs régionaux de l'AFPA.

Le bilan reste néanmoins faible, ces comités n'ayant pour l'instant été mis en place que dans douze régions.

Il importe alors d'aller plus loin dans l'adaptation du dispositif aux réalités régionales et locales. Une plus grande décentralisation de l'AFPA constitue sans doute sur ce point une solution adaptée.

Votre commission ne peut donc que partager la récente proposition de la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation qui suggérait " une réorganisation territoriale de l'AFPA en agences régionales placées sous la responsabilité des régions " 8 ( * ) .

Ces deux évolutions rendent alors nécessaire une révision du contrat de progrès qui apparaît désormais pour partie caduc.

Votre commission estime alors urgent d'y procéder dans les meilleurs délais afin de ne pas entraver l'adaptation en cours de l'AFPA.

IV. DES FONDS DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE UNE NOUVELLE FOIS PONCTIONNÉS

De 1996 à 2000, ce sont plus de 4 milliards de francs qui ont été prélevés par l'Etat sur les fonds disponibles en matière de formation, qu'il s'agisse des fonds finançant l'alternance, le congé individuel de formation ou le capital de temps de formation.

Le projet de loi de finances pour 2001 n'échappe pas à la règle en prévoyant un nouveau prélèvement. Or ces ponctions sont loin d'être indolores et risquent de fragiliser l'ensemble de notre système de formation.

A. DES PRÉLÈVEMENTS RÉCURRENTS

Le financement du système français de formation professionnelle repose largement sur les entreprises au titre de leur obligation de participation à l'effort de formation professionnelle instituée en 1971, obligation devant représenter au minimum 1,5 % de la masse salariale pour les entreprises de 10 salariés et plus, et 0,25 % pour celles de moins de 10 salariés. Ces sommes sont pour partie collectées par les OCPA, qui sont également chargés de financer des engagements de formation. Les disponibilités des OCPA sont centralisées par des organismes chargés d'en assurer la mutualisation. Ce sont ces disponibilités qui constituent ce que l'on appelle " les fonds de la formation professionnelle ".

Ces " fonds " sont actuellement gérés par deux organismes :

- l'AGEFAL, au titre de l'alternance ;

- le COPACIF, au titre du congé individuel de formation et du capital de temps de formation.

1. Une pratique " exceptionnelle " devenue annuelle

Depuis 1996, ces fonds ont fait l'objet de prélèvements réguliers au profit de l'Etat.

L'article 29 de la loi de finances pour 1996 a inauguré ces prélèvements, en soumettant le COPACIF à une contribution exceptionnelle au budget de l'Etat qui s'est élevée à 1,465 milliard de francs .

Le COPACIF

L'article L. 961-13 du code du travail introduit par l'article 29 de la loi de finances pour 1996 a créé un fonds national habilité à recueillir les excédents financiers des organismes collecteurs gérant les contributions des employeurs au financement du CIF. L'organisation de ce fonds a été confiée aux organisations syndicales interprofessionnelles de salariés et d'employeurs représentatives au plan national.

Le COPACIF (Comité paritaire du congé individuel de formation), institué par les partenaires sociaux par l'avenant du 21 septembre 1982 pour veiller au bon fonctionnement de la gestion paritaire du dispositif du congé individuel de formation, et agréé par arrêté du 5 juin 1996 du ministre chargé de la formation professionnelle, a ainsi vocation à gérer les excédents financiers des OPACIF et à les réaffecter aux organismes déficitaires après constatation de besoins de trésorerie.

En outre, en application de l'article 131 de la loi de finances pour 2000, il est désormais compétent pour recevoir les disponibilités excédentaires dégagées au titre du capital du temps de formation, et les affecter aux OPACIF déficitaires.

Un commissaire du Gouvernement est désigné par le ministre chargé de la formation professionnelle auprès du COPACIF, qui adresse chaque année un compte-rendu d'activité à l'autorité administrative.

En 1999, il a recueilli 24 millions de francs de disponibilités excédentaires au titre de 1998 et versé 99 millions de francs au titre des besoins de trésorerie des OPACIF

L'article 40 de la loi de finances pour 1997 a poursuivi le mouvement, mais en visant cette fois l'AGEFAL. Une contribution exceptionnelle de 1,370 milliard de francs a ainsi été prélevée sur la trésorerie de l'organisme.

L'AGEFAL

Agréée par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle en vertu des dispositions de l'article 45 de la loi de finances rectificative pour 1996, l'association de gestion du fonds des formations en alternance (AGEFAL), créée le 9 janvier 1987 par les partenaires sociaux, est chargée de la régulation du système de financement de l'alternance.

L'AGEFAL est alimentée par les disponibilités excédentaires des OPCA agréés au titre de l'alternance, la part des 35 % de la contribution alternance des entreprises non reversée par les OPCA de branches aux OPCA interprofessionnels en application de l'article 30 IV bis de la loi de finances pour 1985 modifié, les sommes versées au Trésor public, par les entreprises, à défaut de versement à un OPCA, au titre de la contribution alternance.

En contrepartie, l'AGEFAL garantit les engagements de financement de formation souscrits par les OPCA déficitaires auprès des entreprises et couvre les besoins constatés de trésorerie de ces derniers.

Un commissaire du Gouvernement est désigné par le ministre chargé de la formation professionnelle auprès de l'AGEFAL, qui adresse chaque année un compte rendu d'activité à l'autorité administrative.

Au titre de 1999, les produits de l'AGEFAL s'élèvent à 1.096 millions de francs et les dépenses à 1.652 millions de francs.

L'article 75 de la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a institué un nouveau prélèvement sur les disponibilités de l'AGEFAL de 500 millions de francs .

En 1999, une contribution de 500 millions de francs a été versée à l'Etat par l'AGEFAL. La nature du prélèvement avait cette fois cependant évolué car il était affecté, via la création d'un fonds de concours, au financement des primes d'apprentissage.

Les disponibilités au titre de l'alternance ou du congé individuel de formation commençant à s'épuiser, il importait de diversifier les sources de ces ponctions répétées. Aussi la loi de finances pour 2000, dans son article 131, a habilité le COPACIF à gérer les excédents financiers au titre du capital de temps de formation, mais a parallèlement permis leur affectation exceptionnelle aux actions de l'Etat en matière de formation professionnelle. Une nouvelle contribution de 500 millions de francs était alors programmée.

Mais cette fois, le conseil d'administration du COPACIF, composé des partenaires sociaux, a refusé de verser cette contribution au fonds de concours. Mais la rémission risque pourtant de n'être que de courte durée puisque l'article 32 du projet de loi de finances rectificative pour 2000 prévoit d'inscrire ce prélèvement d'autorité.

Au total, de 1996 à 2000, ce seront 4.335 millions de francs qui auront été prélevés par l'Etat sur les fonds de la formation professionnelle, 2.370 l'étant sur les disponibilités de l'AGEFAL et 1.965 sur celles du COPACIF.

2. Une nouvelle ponction sur les disponibilités du COPACIF

Sur ce plan, le projet de budget pour 2001 se situe dans la continuité de ses prédécesseurs, un nouveau prélèvement de 150 millions de francs étant prévu sur les excédents du COPACIF et devant être affecté au financement des primes d'apprentissage.

Mais cette année, un tel prélèvement n'a pas à être autorisé par une disposition législative spécifique car la loi de finances pour 2000 avait prévu, à son article 131, que les excédents du COPACIF peuvent " exceptionnellement concourir aux actions de l'Etat en matière de formation professionnelle ".

En ce domaine, l'exception est donc devenue la règle.

Votre commission des Affaires sociales a toujours été opposée à ces prélèvements. Le penchant du Gouvernement à considérer les fonds collectés par les partenaires sociaux comme une ressource budgétaire entretient en effet une dangereuse confusion des genres et ne peut masquer le détournement confiscatoire de l'effort fourni par les entreprises et leurs salariés au financement de la formation professionnelle que constitue en réalité cette pratique de régulation budgétaire.

Elle ne peut aujourd'hui que réaffirmer son opposition. Et cette année, même si le prélèvement prévu est moins élevé, il n'en est pas moins grave.

D'une part, il intervient dans une opacité budgétaire évidente.

D'autre part, il est opéré alors que les fonds tendent progressivement à s'assécher. Si le prélèvement est moins élevé, c'est parce que les fonds sont désormais moins importants comme l'a reconnu la ministre de l'Emploi et de la Solidarité lors de son audition par votre commission.

B. DES CONSÉQUENCES GRAVES POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Les conséquences de ces prélèvements successifs sont loin d'être indolores.

Votre commission considérait ces dernières années que le caractère récurrent de ces prélèvements soulignait principalement l'urgence d'une réforme du mode de financement de la formation professionnelle.

Elle estime désormais qu'ils fragilisent en outre considérablement le nécessaire développement de la formation professionnelle. Elle constate en effet que la situation financière de l'AGEFAL et du COPACIF est très préoccupante.

Selon les dernières projections, leurs trésoreries devraient être nulles, voire déficitaires à la fin de l'année 2001. Ces organismes risquent donc de ne plus être en mesure de faire face à leurs engagements et d'être dans l'obligation de restreindre l'offre de formation.

1. Une menace pour les formations en alternance

La situation de trésorerie de l'AGEFAL apparaît aujourd'hui très dégradée.

Elle apparaît si inquiétante que le commissaire aux comptes de l'AGEFAL considère que l'insuffisance de couverture des engagements de l'AGEFAL est de nature à compromettre la continuité de son exploitation.

Il est vrai que la trésorerie disponible fin 2001 devrait être négative à hauteur d'environ 300 millions de francs selon les dernières prévisions.

Trésorerie de l'AGEFAL

(en millions de francs)

Réalisations 1998

Réalisations 1999

Prévisions 2000

Prévisions 2001

Trésorerie en début d'exercice

1.543

1.646

759

169

Encaissements de l'année

1.926

1.126

1.149

1.177

Décaissements de l'année

1.223

- 1.513

- 1.739

- 1.634

Trésorerie en fin d'exercice

2.146

1.259

169

- 288

Prélèvement de l'Etat

- 500

Contribution au fonds de concours

- 500

Trésorerie nette en fin d'exercice

1.646

759

169

- 288

Source : AGEFAL, octobre 2000

Or, ce déséquilibre tient en majeure partie aux prélèvements de 2,37 milliards de francs sur la trésorerie de l'AGEFAL intervenus entre 1997 et 1999.

Dans ces conditions, il est à craindre que les flux d'entrée en formation par alternance ne se restreignent car les OCPA ne sont plus en mesure de prendre en charge ces contrats, compte tenu de la situation de trésorerie de l'AGEFAL, chargée de garantir leur financement au titre de sa mission de mutualisation des fonds de l'alternance.

Votre commission estime alors qu'à force d'avoir joué à l'apprenti-sorcier, le Gouvernement a réussi à assécher la trésorerie de l'AGEFAL. Dès lors, deux solutions sont aujourd'hui ouvertes : soit diminuer les entrées en formation par alternance comme semble le prévoir le présent budget, soit verser une contribution à l'AGEFAL afin d'équilibrer sa trésorerie et de lui permettre de faire face à ses engagements.

2. Un risque pour le financement du congé individuel de formation

Si la trésorerie du COPACIF apparaît aujourd'hui moins dégradée que celle de l'AGEFAL, ses perspectives sont tout aussi préoccupantes.

Selon les dernières prévisions disponibles, la trésorerie du COPACIF serait nulle à la fin 2001.

Trésorerie du COPACIF

(en millions de francs)

Prévision 2000

Prévisions 2001

Trésorerie en début d'exercice

130

388

Encaissements de l'année

1.068 (1)

121

Décaissements de l'année

- 310

- 356

Trésorerie en fin d'année

888

153

Prélèvement de l'Etat

- 500

- 150

Trésorerie nette en fin d'exercice

388

3

Source : COPACIF - Octobre 2000

(1) dont 564 millions de francs issus de l'affectation des excédents du CTF

Cette situation de trésorerie n'est pas sans incidence sur l'évolution du nombre de congés individuels de formation (CIF) pris en charge.

Le congé individuel de formation

Le CIF permet à tout salarié, quels que soient le secteur d'activité et l'effectif de l'entreprise, de s'absenter durant les heures de travail afin de suivre, à son initiative et à titre individuel, une action de formation de son choix, distincte de celles comprises dans le plan de formation de l'entreprise.

La durée du stage de formation ne peut excéder un an.

Le salarié doit justifier d'une ancienneté minimale de deux ans.

En 1999, les OPACIF ont accepté de prendre en charge 29.925 CIF pour un coût moyen de 129.000 francs (pour un contrat à durée indéterminée).

A l'heure actuelle, seule la moitié des demandes de CIF -soit 30.000 environ- peut être effectivement financée.

Analyse des demandes de CIF enregistrées en 1999

Demandes

Acceptées

Refusées

Transférées ou abandonnées

En instance au 31/12/99

TOTAL

CIF-CDI

23.957

18.940

1.583

5.559

50.039

%

47,9 %

37,8 %

3,2 %

11,1 %

100 %

CIF-CDD

5.968

1.152

448

128

7.696

%

77,5 %

15 %

5,8 %

1,7 %

100 %

Source : " Jaune " budgétaire

Les prélèvements opérés sur le COPACIF ne font alors qu'amplifier cette contrainte. En 2000, environ 5.000 demandes de CIF ne pourront être satisfaites à cause de la ponction de 500 millions de francs sur les excédents du COPACIF. En 2001, ce seront encore 1.500 demandes supplémentaires qui ne pourront aboutir du fait du nouveau prélèvement de 150 millions de francs.

Aussi, au moment où le Gouvernement clame haut et fort son souci de mettre en place un droit individuel à la formation tout au long de la vie, sa politique strictement comptable et budgétaire de la formation professionnelle fondée sur la multiplication des prélèvements se résume en réalité à l'érection de nouveaux obstacles au développement du congé individuel de formation.

*

* *

L'examen des crédits montre en définitive que la formation professionnelle n'est pas réellement une priorité du Gouvernement. Les réponses nécessaires et attendues sont retardées, les aides en faveur de l'alternance sont supprimées, les fonds de la formation professionnelle sont siphonnées. La réalité budgétaire offre donc un contraste saisissant avec un discours politique lénifiant.

Aussi, regrettant ce manque d'ambition politique dans le domaine pourtant capital de la formation, votre commission des Affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la formation professionnelle. Elle a également adopté un amendement de suppression de l'article 57 qui leur est rattaché.

EXAMEN D'UN ARTICLE RATTACHÉ

Art. 57
Suppression de la prime à l'embauche d'apprentis
pour les entreprises de plus de 20 salariés et pour le secteur public

Cet article vise à supprimer, dans son paragraphe I, la prime à l'embauche des apprentis pour les entreprises de plus de 20 salariés. Elle supprime, en outre, dans son paragraphe II, la prime à l'embauche d'apprentis dans le secteur public. Ces mesures entreront en application le 1 er janvier 2001.

Cette prime -qui prend la forme d'une aide forfaitaire de 6.000 francs- avait été instituée par la loi du 27 juillet 1993 relative au développement de l'apprentissage, dans le secteur privé, et étendue au secteur public par la loi du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes.

Déjà, l'article 131 de la loi de finances pour 1999 avait réservé cette prime à l'embauche aux apprentis d'un niveau de formation inférieur au niveau IV.

Cette fois-ci, la nouvelle restriction, que prévoit cette article, porte non plus sur le niveau de formation du jeune, mais sur la taille de l'entreprise.

Dans l'exposé des motifs de cet article, le Gouvernement précise que " la reprise économique a contribué largement à la diminution du chômage des jeunes " et que " dès lors, cette aide ne paraît plus nécessaire, sauf pour les très petites entreprises ".

Votre commission reste pour le moins dubitative face à cette curieuse argumentation.

Elle observe que, dans l'esprit du Gouvernement, l'amélioration de la conjoncture de l'emploi des jeunes justifie une nouvelle atteinte à l'apprentissage pour économiser quelques millions de francs, mais n'impose pas pour autant la moindre révision de la politique des emplois-jeunes dont le coût budgétaire dépasse pourtant 24 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2001.

Elle ne comprend ni le souci apparent de fragiliser le dispositif de l'apprentissage, ni la justification économique ou sociale d'une mesure fondée sur la seule taille de l'entreprise.

Elle observe en outre que sa position semble largement partagée par l'Assemblée nationale.

Ainsi, lors de l'examen en première lecture de cet article par l'Assemblée nationale, elle avait, sur proposition de son rapporteur spécial, dans un premier temps supprimé cet article avant de se raviser, le Gouvernement ayant demandé une seconde délibération et ayant très légèrement assoupli la porté de cet article 9 ( * ) .

Considérant que le développement de l'apprentissage constitue une priorité, votre commission a adopté un amendement de suppression de cet article.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS

A. AUDITION DE M. CLAUDE JEANNEROT, DIRECTEUR GENERAL ADJOINT DE L'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES AUDLTES (AFPA), ACCOMPAGNÉ DE MME PATRICIA BOUILLAGUET, DIRECTRICE DE LA PROSPECTIVE ET DES RELATIONS AUPRÈS DES POUVOIRS PUBLICS

Réunie le 8 mars 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a procédé à l'audition de M. Claude Jeannerot, Directeur général adjoint de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), accompagné de Mme Patricia Bouillaguet, Directrice de la prospective et des relations auprès des pouvoirs publics.

A titre liminaire, M. Claude Jeannerot a rappelé que l'AFPA, association nationale gérée de manière tripartite et partie prenante du service public de l'emploi, avait pour missions essentielles l'orientation professionnelle, l'offre de formation qualifiante et la certification des qualifications. Il a indiqué que les relations de l'AFPA avec l'Etat étaient définies dans des contrats de progrès, le second contrat de progrès ayant été conclu pour la période 1999-2003.

Observant que ce contrat de progrès avait délibérément ancré l'action de l'AFPA parmi les priorités des politiques publiques, il a souligné que ce document avait permis de redéployer l'activité de l'association vers les publics les plus éloignés de l'emploi, conformément aux orientations du Programme national d'action en faveur de l'emploi (PNAE) de novembre 1997.

Dans ce cadre, il a précisé les trois axes d'actions prioritaires de l'association. Le premier axe concerne le recentrage des moyens du service public de l'emploi vers les publics jugés prioritaires (jeunes au chômage depuis six mois, adultes au chômage depuis douze mois, chômeurs de longue durée de plus de deux ans (Rmistes), pour assurer leur retour vers l'emploi) ; le deuxième axe vise à inscrire l'action de l'AFPA dans une logique déconcentrée et territoriale, associant l'ensemble des partenaires du service public de l'emploi (ANPE et services déconcentrés de l'Etat), mais aussi les principaux acteurs de l'action sanitaire et sociale au niveau local ; le troisième axe consiste dans la mise en place du programme " service personnalisé pour un nouveau départ vers l'emploi " en concertation avec l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE).

M. Claude Jeannerot a alors présenté les principaux résultats de l'activité de l'AFPA pour 1999. Il a ainsi indiqué que, parmi les publics prioritaires, 90.000 personnes avaient pu bénéficier de la construction d'un parcours de formation et que 35.000 personnes avaient effectivement accédé à la formation. Il a également affirmé que 121.000 personnes avaient pu accéder au programme " nouveau départ vers l'emploi ", dont 63.000 dans le cadre d'une action de formation qualifiante.

Mme Patricia Bouillaguet a ensuite insisté sur les difficultés rencontrées par l'AFPA pour la mise en oeuvre de ses nouvelles responsabilités, tout en observant que les objectifs assignés avaient été atteints en 1999.

Elle a d'abord constaté que le ciblage des publics adressés par l'ANPE à l'AFPA restait imparfait et nécessitait une plus grande concertation. Elle a également reconnu que l'AFPA pouvait rencontrer certaines difficultés dans ses relations avec les conseils régionaux, notamment pour l'accès des demandeurs d'emploi adultes et des titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI) aux programmes de formations subventionnés par les régions.

Elle a également souligné la nécessité de traiter de manière globale les difficultés des publics pris en charge par l'AFPA. A cet égard, elle a constaté que si l'AFPA était compétente en matière d'orientation professionnelle, de formation et d'accompagnement vers l'emploi, elle n'avait en revanche pas d'expérience pour la prise en charge des difficultés de santé ou de logement de ces publics, alors que ces difficultés devaient pourtant être résolues pour permettre la réussite des parcours d'insertion.

Elle a enfin considéré que les contrats de qualification adultes restaient difficiles à mobiliser, notamment en raison de la promotion sans doute insuffisante de ce dispositif et des réticences des entreprises préférant recruter des jeunes souvent surqualifiés. Elle a regretté cette situation, considérant que le contrat de qualification adultes était un dispositif pertinent en particulier dans le contexte économique actuel, caractérisé notamment par des tensions pour le recrutement dans certains métiers.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis , s'est interrogée sur l'état d'application actuelle du contrat de progrès, sur l'articulation de l'action de l'AFPA et celle des régions, sur l'adaptation de l'offre de formation de l'AFPA à la demande du marché du travail, sur les conséquences, pour l'activité de l'association, de l'accord de réduction du temps de travail signé en décembre dernier, sur l'action de l'AFPA pour la professionnalisation des emplois-jeunes et sur l'intervention de l'AFPA en matière de validation des acquis professionnels.

Mme Patricia Bouillaguet , évoquant les indicateurs mis en place d'évaluation du contrat de progrès, a jugé que l'AFPA avait progressé dans plusieurs domaines. S'agissant du recentrage de l'AFPA sur les publics prioritaires, elle a indiqué que les demandeurs d'emploi adultes représentaient désormais 70 % des actions de formation financées par l'Etat, que 6.000 titulaires du RMI avaient pu bénéficier d'actions de formation qualifiante et que les demandeurs d'emploi adressés par l'ANPE représentaient 40 % de l'ensemble des demandeurs d'emploi pris en charge par l'AFPA. Sur ce dernier point, elle a précisé que l'objectif n'avait pas été atteint, qui s'établissait à un taux de 50 % en 1999 et de 80 % en 2001. Elle a néanmoins rappelé que ce taux n'était que d'un tiers en 1998.

Elle a également jugé que les délais d'attente pour entrer en formation pouvaient être longs, rappelant que l'objectif fixé par le contrat de progrès était de réduire à quatre mois maximum, en 2003, la période s'écoulant entre l'appréciation d'un besoin de formation par l'ANPE et l'entrée en formation qualifiante. Elle a indiqué qu'aujourd'hui, ce délai n'était respecté que pour 60 % des stagiaires seulement.

M. Claude Jeannerot a estimé que le développement de l'AFPA devait se fonder sur une logique territoriale. Il a précisé que, pour ce faire, l'association bénéficiait de trois leviers d'action : la négociation des contrats de plan Etat-régions, la négociation des conventions régionales tripartites d'adaptation du contrat de progrès et la mise en place des comités régionaux consultatifs. Il a reconnu que si cette démarche avait pu rencontrer certaines difficultés, elle constituait désormais la priorité de l'AFPA et avançait à un rythme satisfaisant.

S'agissant des difficultés de recrutement, il a indiqué que la prise en compte de cette nouvelle contrainte constituait également une priorité de l'AFPA, mais qu'elle exigeait une intervention concertée de l'ensemble des partenaires du service public de l'emploi ainsi que des professions concernées. Il a cité plusieurs exemples de métiers (bâtiment, maçonnerie, menuiserie) dans lesquels cette concertation s'était traduite par une adaptation des programmes de formation aux besoins identifiés sur le marché du travail.

S'agissant de l'accord de réduction du temps de travail signé avec la Confédération française démocratique du travail (CFDT) le 24 décembre dernier, il a précisé que l'accord retenait une durée annuelle de travail de 1.596 heures, celle-ci pouvant s'organiser de trois manières : une durée effective de travail hebdomadaire de 35 heures, une durée de travail hebdomadaire de 39 heures accompagnée de plusieurs jours de récupération ou une durée de travail hebdomadaire de 37 heures accompagnée de 12,5 jours de congés supplémentaires. Il a indiqué que cet aménagement du temps de travail se traduirait par le recrutement de 520 personnes.

Soulignant que cet accord s'inscrivait dans une logique de développement de l'association en accord avec la tutelle, il a estimé qu'il pourrait s'accompagner d'un rééquilibrage dans la structure de l'emploi pour rapprocher le personnel des stagiaires et d'une redéfinition de l'organisation interne vers plus de souplesse. Insistant sur la nécessité d'équilibrer le budget de l'association, il a précisé que le financement des emplois supplémentaires serait assuré par l'augmentation de 5 % de la commande publique, par les aides publiques liées à la réduction du temps de travail qui devraient atteindre environ 40 millions de francs, par une augmentation de la productivité, avec en particulier une augmentation du nombre de stagiaires par session de formation, et par une évolution maîtrisée des charges, notamment salariales.

Mme Patricia Bouillaguet a indiqué que l'AFPA intervenait à deux niveaux pour la professionnalisation des emplois-jeunes : d'abord, au moment de leur création, par un appui de l'association aux porteurs de projets pour la définition des emplois créés, ensuite par le soutien apporté aux collectivités locales et aux ministères pour construire des référentiels d'emploi sur ces nouvelles activités et définir des modes correspondants de validation des compétences.

S'agissant de la validation des acquis professionnels, elle a rappelé que l'AFPA était le " bras séculier " du ministère du travail pour la gestion des quelque 350 titres de formation professionnelle continue délivrés par le ministère. Elle a précisé que, dans ce cadre, l'AFPA avait pour mission, au moins tous les trois ans, d'assurer la rénovation et la maintenance de ces diplômes.

Rappelant que jusqu'à présent le ministère du travail ne validait, sur décision d'un jury professionnel indépendant, que les compétences acquises après un parcours de formation et non les expériences professionnelles, elle a estimé que le projet de réforme législative proposé par Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, permettrait d'assouplir les possibilités de validation.

Elle a insisté sur deux aspects de ce projet de réforme : la possibilité d'acquérir une qualification en suivant un parcours discontinu de formation, chaque unité de formation étant capitalisable, et la possibilité d'obtenir tout ou partie d'un diplôme par la validation des acquis d'expérience. Elle a notamment jugé ce second volet très intéressant dans la mesure où il permettait une amélioration des qualifications des personnes n'ayant aucune formation initiale mais une expérience professionnelle réelle même si elle n'était pas reconnue.

Elle a, à cet égard, insisté sur une expérimentation menée depuis 1998 par l'ANPE et l'AFPA, de validation des acquis professionnels des demandeurs d'emploi, cette expérimentation ayant concerné 2.000 personnes et 20 métiers. Elle a dressé un premier bilan très positif de cette expérience, estimant que cette validation correspondait à un réel besoin et se traduisait par un fort taux de réussite.

M. Bernard Seillier s'est interrogé sur les difficultés rencontrées par le contrat de qualification adulte.

Mme Patricia Bouillaguet a estimé que ce dispositif pouvait être efficace dans certaines professions vers lesquelles les jeunes ne souhaitaient pas s'orienter, comme les métiers du bâtiment. Elle a néanmoins indiqué que la mise en oeuvre de ce dispositif nécessitait un travail long et compliqué, aussi bien avec les entreprises qu'avec les demandeurs d'emploi. Elle a considéré qu'en ce domaine le service public de l'emploi avait réagi avec un certain retard. Mais elle a également fait part d'un risque de possible " cannibalisation " de ce contrat par d'autres contrats plus attractifs pour les entreprises comme le contrat de qualification-jeune ou le contrat initiative-emploi.

M. André Jourdain s'est interrogé sur l'action de formation de l'AFPA dans deux domaines : la formation aux nouvelles formes de travail que sont le travail en temps partagé ou au sein d'un groupement d'employeurs et la formation des créateurs ou repreneurs d'entreprise.

M. Michel Esneu s'est interrogé sur les possibilités de partenariats entre l'AFPA et les pays, ces derniers correspondant en effet à des bassins économiques ayant des besoins en formation territorialement cohérents.

Après avoir souligné l'impact important du recentrage de l'action de l'AFPA vers les publics prioritaires et notamment les titulaires du RMI, M. Guy Fischer a considéré que la validation des acquis d'expérience constituait une voie d'avenir, mais exigeait parallèlement une réflexion sur les politiques de rémunération.

M. Claude Jeannerot a indiqué que l'AFPA avait intégré l'apparition d'une logique multi-employeurs et s'était en particulier fortement impliquée dans le cadre des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification, notamment dans le secteur du bâtiment. Il a également déclaré que l'AFPA était très attentive à la formation des créateurs d'entreprise, précisant qu'en 1999 plus de 1.000 demandeurs d'emploi avaient suivi une telle formation.

Mme Patricia Bouillaguet a estimé que rien ne s'opposait à un développement de partenariat entre l'AFPA et les pays, considérant que la prise en compte des spécificités territoriales était l'une des priorités actuelles de l'association.

M. Claude Jeannerot a conclu en rappelant que l'AFPA avait pu être jadis critiquée pour ne pas s'être prioritairement intéressée aux publics les plus en difficulté. Il a estimé que la réorientation actuelle de son action rendait cette critique obsolète, mais que le recentrage sur les publics les plus en difficulté impliquait la mise en place d'un travail en réseau avec l'ensemble des parties prenantes aux politiques de solidarité.

B. AUDITION DE MME NICOLE PÉRY, SECRÉTAIRE D'ETAT AUX DROITS DES FEMMES ET À LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Réunie le mardi 9 mai 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a procédé à l'audition de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle , sur les projets du Gouvernement dans le domaine de la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry a tenu à rappeler que ses projets de réforme s'inscrivaient dans une démarche définie en accord avec le Premier ministre : la formation professionnelle étant un élément essentiel du dialogue social depuis 1971, toute réforme exige une concertation approfondie avec les partenaires sociaux. Aussi, les nombreuses rencontres bilatérales qui ont eu lieu depuis avril 1998 expliquent le temps mis par le secrétariat d'Etat à formaliser des propositions concrètes mais également l'évolution de la réflexion du Gouvernement dans ce domaine.

Elle a reconnu que la réforme envisagée comporterait plusieurs volets distincts, qui ne feront pas l'objet d'une loi unique. A cet égard, elle a annoncé que deux volets -la réforme de l'apprentissage et la reconnaissance de l'expérience professionnelle- seraient inclus dans le projet de loi de modernisation sociale qui serait présenté en conseil des ministres le 24 mai, ces deux volets ayant pu être achevés plus rapidement dans la mesure où ils relèvent plus directement de la compétence de l'Etat.

Elle a précisé que les autres volets de la réforme continuaient à faire l'objet de discussions entre le secrétariat d'Etat et les organisations syndicales d'une part, mais aussi entre les partenaires sociaux dans le cadre de la " refondation sociale ", les syndicats ayant en effet retenu la formation professionnelle comme thème de négociation. A cet égard, elle a pris acte de cette volonté de mettre en oeuvre une démarche multilatérale qu'elle a affirmé rechercher depuis plusieurs mois.

Elle a précisé que le Premier ministre avait prévu de comparer, à la fin de l'année 2000, les propositions formulées par le secrétariat d'Etat et celles issues du dialogue social avant de déposer un projet de loi sur le sujet.

Présentant le volet du projet de loi de modernisation sociale concernant la réforme de l'apprentissage, elle a déclaré que son objectif était de conforter l'apprentissage par une plus grande transparence et par une plus grande efficacité et de faire en sorte que les centres de formation des apprentis (CFA) puissent tous voir leurs ressources augmenter.

Constatant que, pour des CFA de formations et de niveaux comparables, la disparité des moyens alloués allait de 1 à 10, elle a jugé nécessaire de corriger ces inégalités. Après avoir rappelé que les négociations avec les différentes parties prenantes avaient duré 18 mois, elle a estimé pouvoir aujourd'hui formuler des propositions retenant une majorité d'avis favorables.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat, a alors insisté sur ses deux propositions principales. La première vise à définir un minimum de ressources pour chaque CFA, ce minimum étant à négocier avec les conseils régionaux et devant éviter la faillite de certains CFA tout en leur permettant de connaître leur budget suffisamment tôt pour mieux planifier leurs activités. La seconde tend à définir un niveau maximal de ressources pour chaque CFA, au-dessus duquel les ressources excédentaires seraient reversées aux fonds régionaux de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue. A ce propos, elle a souligné qu'une telle mesure était déjà prévue par la législation en vigueur, mais que le décret d'application n'avait pas été publié.

Elle a reconnu que ces mesures avaient fait l'objet de réticences de la part des régions, mais elle a estimé que la compétence régionale en matière d'apprentissage impliquait également une certaine responsabilité financière.

Elle a également souligné que ces mesures relatives à l'apprentissage seraient, à la demande des parties prenantes, inscrites dans la loi -même si elles exigeront quelques décrets d'application- alors qu'il aurait pourtant été possible de choisir la voie réglementaire.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle s'est inquiétée du " risque maximal de dérives " menaçant le secteur de la formation professionnelle souligné par un récent rapport du service central de prévention de la corruption.

Elle s'est également interrogée sur la réforme du financement de l'apprentissage, se demandant si l'institution d'une garantie de ressources pour les CFA, loin d'être une " prime à la qualité ", n'allait pas se traduire par un certain encouragement aux CFA les moins dynamiques.

Elle a enfin demandé sa position au secrétaire d'Etat sur la proposition de substituer une obligation de formation à l'obligation actuelle de financement de la formation que suggère un récent rapport du Conseil d'analyse économique.

Revenant sur le risque de dérives, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat , a estimé qu'il ne fallait pas incriminer l'ensemble du secteur de la formation, même si certaines dérives existaient. A ce propos, elle a regretté l'image négative de ce secteur, considérant que cette image était liée en grande partie aux accusations de dérives. Elle a donc jugé nécessaire de " redonner du sens " à la formation professionnelle en réaffirmant son rôle dans la cohésion économique et sociale. Elle a cependant jugé qu'il était possible d'améliorer l'efficacité du système de formation professionnelle pour le même coût en limitant certains abus. Elle a rappelé qu'elle avait demandé une vigilance toute particulière aux inspecteurs du travail en matière de formation professionnelle, précisant que 2.403 contrôles sur pièces et sur place avaient été réalisés en 1999 dans ce secteur (visant 1.533 entreprises, 822 organismes de formation, 33 organismes collecteurs paritaires et 15 structures d'accueil, d'information et d'orientation) et s'étaient traduits par des notifications de redressement à hauteur de 120 millions de francs.

S'agissant de la réforme de l'apprentissage, elle a déclaré qu'une majorité des conseils régionaux et des chambres consulaires soutenait son projet de réforme. Elle a insisté sur le travail remarquable fourni par les CFA les moins dotés financièrement relevant le plus souvent de l'artisanat.

S'agissant d'un éventuel arbitrage entre obligation de formation et obligation de financement, elle a rappelé que ce sujet était inclus dans le champ des négociations entre partenaires sociaux. Elle a souligné la variété des situations existantes, observant que l'obligation de formation était déjà une réalité pour la plupart des grandes entreprises, mais que les petites et moyennes entreprises (PME) n'étaient majoritairement pas préparées à l'introduction de cette nouvelle logique. Elle a en outre considéré que le futur " droit individuel à la formation tout au long de la vie " permettrait de mettre en oeuvre une telle obligation de formation, même si ses modalités définitives n'étaient pas encore arrêtées.

Mme Annick Bocandé s'est alors interrogée sur les dispositions relatives à la validation des acquis d'expérience incluses dans le projet de loi de modernisation sociale.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat , a expliqué que ce projet de loi contenait en effet l'affirmation d'un nouveau droit à la reconnaissance de l'expérience professionnelle, grâce à la validation des acquis professionnels sous la forme de diplôme.

Rappelant l'ampleur des oppositions qui avaient pu exister entre les tenants de la suprématie du diplôme issu de la formation initiale et les partisans de la seule reconnaissance des compétences professionnelles par l'entreprise, elle a souligné le rapprochement progressif des différents points de vue. Elle a également rappelé que la loi du 20 juillet 1992 avait permis une première reconnaissance des acquis professionnels.

Elle a toutefois reconnu que cette loi restait imparfaite, seules 5.000 validations ayant été réalisées en 1999. Elle a alors souligné les principales lacunes de cette loi : la validation ne concerne que les diplômes de l'éducation nationale (et non les diplômes des autres ministères, les titres délivrés par les chambres consulaires ou les certifications professionnelles), elle n'est possible qu'après 5 ans d'expérience, elle ne vise que l'expérience strictement professionnelle (et ne reconnaît donc pas les expériences syndicales aux bénévoles).

Rappelant que 40 % de la population active avait un niveau de formation inférieur ou égal au CAP (contre 20 % en moyenne dans l'Union européenne), elle a alors considéré qu'une meilleure validation des savoirs et des savoir-faire serait à la fois favorable aux salariés et aux entreprises.

Elle a cependant estimé que ce projet, qui modifie sensiblement les traditions de la formation professionnelle, ne réussirait que si les acteurs du secteur modifiaient leurs habitudes pour travailler en plus grande concertation. Elle a insisté sur la nécessité de conclure des partenariats, précisant que des expérimentations en ce sens étaient en cours.

M. Jean Delaneau, président , s'est alors interrogé sur l'identité des responsables et sur les modalités de cette future validation.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat , a précisé que les expériences professionnelles seraient validées par un jury constitué d'enseignants et de professionnels.

Elle a en outre rappelé qu'il existait actuellement quelque 3.000 diplômes, titres homologués ou certifications professionnelles sans qu'il existe pourtant de répertoire national des certifications professionnelles. Elle a indiqué que le projet de loi de modernisation sociale allait créer un tel répertoire et qu'il serait géré par une commission nationale placée directement auprès du Premier ministre. Précisant que la composition de cette commission serait fixée par décret, elle s'est engagée à porter ces décrets à la connaissance des parlementaires avant la seconde lecture du projet de loi.

M. Roland Muzeau s'est préoccupé de l'harmonisation entre le futur dispositif de validation des acquis professionnels et les conventions collectives prévoyant déjà une reconnaissance de l'expérience professionnelle.

Exprimant la crainte que le projet de réforme de financement des CFA ne favorise les centres les moins dynamiques en leur garantissant un minimum de ressources, M. André Jourdain a également observé que de très nombreuses PME menaient une politique très active de formation dépassant de très loin les simples obligations légales et a souligné les risques, notamment dans les régions frontalières, que les salariés ainsi formés n'aillent travailler à l'étranger. Soulignant que le diplôme ne pourrait en aucun cas être le seul critère de la compétence professionnelle, il a exprimé ses préoccupations sur la procédure législative de validation imaginée par le Gouvernement.

M. Guy Fischer a regretté le manque de lisibilité du projet de réforme de la formation professionnelle, s'interrogeant sur les motivations ayant conduit le Gouvernement à choisir des supports multiples au lieu d'un projet de loi unique.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est interrogée sur les possibilités d'améliorer l'accès à la formation des salariés sous contrat précaire. Elle a également observé que les rapports de situation comparée instituée par la loi de 1983 sur l'égalité professionnelle étaient le plus souvent inexploitables et s'est interrogée sur le moyen d'améliorer leur contenu.

M. Jean Delaneau, président , s'est interrogé sur le statut des anciens inspecteurs académiques de l'apprentissage.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat , a indiqué que les conventions collectives pourraient prendre en compte le nouveau droit à la validation des acquis professionnels. Observant qu'il subsistait toujours un écart de formation entre les grandes et les petites entreprises, elle a considéré que les chefs d'entreprise restaient très attentifs aux diplômes, ce qui justifiait alors la validation des acquis.

Reconnaissant qu'il existait bien une alternative entre une réforme séparée en plusieurs volets et une réforme législative unique qui aurait pu être présentée au Parlement au début 2001, elle a justifié le choix du Gouvernement au nom d'une exigence de rapidité.

S'agissant de la formation des salariés précaires, elle a précisé que ce point serait abordé à l'occasion de la préparation du projet de formation tout au long de la vie.

S'agissant des inspecteurs académiques de l'apprentissage, elle a déclaré qu'ils avaient été fondus dans le corps des inspecteurs d'académie. Elle a toutefois souligné qu'une réforme était à l'étude, visant à mieux associer les inspecteurs d'académie de l'éducation nationale et les inspecteurs du travail dans le domaine de l'apprentissage et qu'une expérimentation était actuellement en cours dans certains régimes.

C. AUDITION DE MME ELISABETH GUIGOU, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ

Réunie le mardi 21 novembre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a procédé à l'audition de Mme Elisabeth Guigou , ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi de finances pour 2001 (crédits de l'emploi et de la formation professionnelle , de la santé et de la solidarité ).

S'agissant de la formation professionnelle, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que son budget demeurait stable avec un montant de 34 milliards de francs, l'essentiel des moyens étant consacré à la professionnalisation des jeunes et à l'insertion des demandeurs d'emploi.

Après avoir rappelé que l'effort de l'Etat en matière de contrats d'apprentissage et de qualification se poursuivait, elle a précisé que 13 milliards de francs étaient affectés à cette action. Toutefois, elle a souligné que le contexte économique de forte croissance avait conduit le Gouvernement à envisager la remise en cause d'aides forfaitaires à l'embauche introduites au plus fort de la crise. Elle a indiqué que ces aides, supprimées pour les contrats de qualification, devraient être réservées aux petites entreprises pour les contrats d'apprentissage.

La subvention à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) progresserait de plus de 4 % en 2001 pour atteindre 4,5 milliards de francs, cette évolution étant destinée à traduire les ambitions du plan national d'action pour l'emploi (PNAE) et du troisième contrat de progrès et à permettre de financer les programmes propres de l'AFPA et de développer des prestations d'orientation pour la construction de parcours de formation au bénéfice des demandeurs d'emploi.

Concernant la réforme de la formation professionnelle, elle a indiqué que le Gouvernement avait mené les premières réflexions, notamment la reconnaissance de l'expérience professionnelle dont les principes étaient inscrits dans le projet de loi de modernisation sociale. Elle a souligné que les partenaires sociaux s'apprêtaient à poursuivre ces réflexions dans le cadre d'une négociation interprofessionnelle. Elle a souhaité que le travail législatif et le dialogue social permettraient la mise en oeuvre d'une réforme ample et cohérente.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits consacrés à la formation professionnelle, a fait part de ses craintes sur les conséquences de la suppression par le Gouvernement des aides forfaitaires à l'embauche de jeunes sous contrat d'apprentissage et sous contrat de qualification.

Constatant que le projet de budget réduisait de 1 milliard de francs les crédits consacrés à l'allocation formation reclassement (AFR) et que la nouvelle convention UNEDIC prévoyait sa suppression à compter du 1 er juillet 2001, elle s'est interrogée sur la future participation de l'Etat à la formation des chômeurs.

Elle s'est également interrogée sur les prélèvements opérés par l'Etat sur les fonds disponibles en matière de formation professionnelle, observant que le projet de budget prévoyait une nouvelle ponction de 150 millions de francs sur les disponibilités du Comité paritaire du congé individuel de formation (COPACIF).

Elle s'est enfin inquiétée du souci réel de mener à bien la réforme de la formation professionnelle annoncée par le Gouvernement prévoyant la mise en place d'un droit individuel à la formation tout au long de la vie au moment où les prélèvements de l'Etat sur le COPACIF restreignaient les possibilités de financement du congé individuel de formation (CIF).

En réponse au rapporteur pour avis, Mme Elisabeth Guigou a indiqué que l'Assemblée nationale, après avoir dans un premier temps supprimé l'article 57 du projet de loi de finances prévoyant la suppression de la prime au contrat d'apprentissage dans les entreprises de plus de dix salariés, avait, dans un second temps, à l'occasion d'une seconde délibération demandée par le Gouvernement, adopté cet article tout en limitant son application aux entreprises de plus de vingt salariés. Elle a également indiqué que le Gouvernement allait publier un décret supprimant la prime des contrats de qualification en faveur des jeunes, cette mesure devant être effective à partir du 1 er janvier 2001.

Confirmant que les crédits en faveur de l'AFR diminuaient de 1 milliard de francs, elle a déclaré que cette baisse ne faisait que tirer les conséquences de la nouvelle convention UNEDIC. Elle a estimé qu'il était encore prématuré de définir les éventuelles interventions de l'Etat en faveur de la formation des chômeurs.

Après avoir observé que les disponibilités du COPACIF allaient augmenter en 2000 de 388 millions de francs au titre du CIF et de 551 millions de francs au titre du capital de temps de formation, elle a rappelé que la loi de finances pour 2000 prévoyait un prélèvement de 500 millions de francs sur ces disponibilités par la mise en place d'un fonds de concours destiné à financer les contrats d'apprentissage. Elle a toutefois indiqué que les partenaires sociaux avaient refusé de verser les 500 millions de francs à ce fonds de concours et qu'en conséquence le collectif budgétaire de fin d'année proposait un prélèvement d'autorité.

Elle a également reconnu que le projet de loi de finances pour 2001 prévoyait un nouveau prélèvement de 150 millions de francs sur les disponibilités du COPACIF. Elle a précisé que ce nouveau prélèvement était d'un montant moins important que celui prévu pour 2000, dans la mesure où la situation de trésorerie du COPACIF ne permettait pas de prélever davantage. Elle a cependant considéré que ces prélèvements ne fragilisaient pas le développement du congé individuel de formation, observant que leur nombre devait augmenter de 20 % et que l'importance des demandes non satisfaites de CIF tenait aussi à la mauvaise qualité des projets présentés.

Concernant la réforme du dispositif de formation professionnelle, elle a rappelé que de nouvelles dispositions législatives seraient proposées lors de l'examen du projet de loi de modernisation sociale.

II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mercredi 22 novembre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Annick Bocandé sur le projet de loi de finances pour 2001 (crédits consacrés à la formation professionnelle ).

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis, présenté les grandes lignes de son rapport pour avis (cf. exposé général du présent avis).

M. André Jourdain a à son tour souligné la contradiction existant entre la volonté exprimée par Mme Nicole Péry de favoriser la formation tout au long de la vie et les ponctions opérées sur les fonds finançant le CIF.

M. Guy Vissac a rappelé l'importance de l'apprentissage considérant qu'il s'agissait d'un système de formation initiale particulièrement adapté à la fois aux jeunes et au marché du travail. Il a insisté sur la nécessaire poursuite de la décentralisation de l'apprentissage et a regretté la diminution relative des financements de l'Etat en ce domaine. S'agissant de l'AFPA, il a considéré que le contrat de progrès n'avait pas porté tous ses fruits et a suggéré une plus grande décentralisation de cet organisme.

Mme Nelly Olin a, à son tour, souligné la nécessité de favoriser l'orientation des jeunes vers l'apprentissage. Elle a également déploré l'absence de toute obligation de formation pour les emplois-jeunes.

M. Alain Gournac a jugé que notre système de formation initiale restait trop théorique et trop éloigné du monde du travail et s'est prononcé en faveur du développement des formations en alternance. S'agissant des emplois-jeunes, après avoir lui aussi regretté l'absence de toute obligation de formation, il a estimé que les formations mises en place étaient le plus souvent tardives et largement inadaptées. Il a également regretté les obstacles existant au développement du CIF et a notamment déploré les prélèvements de l'Etat sur les excédents du COPACIF.

M. Bernard Cazeau a pour sa part considéré que la réduction du temps de travail ne se faisait au détriment ni de la formation, ni de l'emploi. Il a considéré que les 35 heures pouvaient au contraire permettre de limiter les tensions apparues dans certains secteurs du marché du travail, en renforçant l'attractivité de certains métiers jusqu'à présent caractérisés par des horaires de travail très importants et des heures supplémentaires pas toujours rémunérées. Il a également estimé que les emplois-jeunes avaient été l'un des facteurs importants de la reprise de l'emploi dans notre pays.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a constaté l'accroissement du nombre de ruptures dans les cursus de formation liées à la reprise de l'emploi et la faible attractivité de l'apprentissage dans certains secteurs. Elle s'est alors interrogée sur les moyens de remédier à ces états de fait. Elle a également considéré que les emplois-jeunes avaient constitué un moyen utile pour permettre une première insertion professionnelle des jeunes.

En réponse aux différents intervenants, Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis, a estimé que la contradiction entre le discours du Gouvernement et la politique proposée s'expliquait avant tout par la primauté d'une conception trop simplement budgétaire.

Elle a rappelé qu'elle était très favorable à un développement des formations en alternance pour les jeunes de tous les niveaux, observant que les entreprises recrutaient prioritairement les jeunes ayant suivi ces formations dans la mesure où elles leur offrent une connaissance réelle du monde du travail. Elle a estimé qu'une réelle politique en faveur de l'alternance était une politique de long terme, aussi bien pour les entreprises, afin d'assurer la gestion prévisionnelle des emplois, que pour l'Etat, afin de garantir l'attractivité continue de ces formations. Elle a alors regretté le relatif désengagement financier de l'Etat pour le financement des formations en alternance.

S'agissant de la décentralisation, elle a précisé qu'elle y était également très favorable car elle assurait une réelle adéquation entre les actions de formation et les réalités du terrain. Elle s'est alors prononcée en faveur d'une plus grande régionalisation des formations en alternance mais aussi de l'AFPA.

S'agissant des emplois-jeunes, elle a rappelé que le Gouvernement avait précisé dès l'origine qu'il ne s'agissait pas d'un dispositif de formation. Elle a toutefois regretté que la loi n'ait pas institué une obligation de formation qui aurait permis une réelle professionnalisation des jeunes les plus en difficulté et qui aurait alors permis aux emplois-jeunes de jouer leur rôle de passerelle vers le secteur marchand. Elle a à cet égard regretté le très faible effort de formation fourni pour les emplois-jeunes de l'éducation nationale.

Rappelant que le budget était avant tout la traduction financière des choix politiques, elle a estimé que le coût des 35 heures et des emplois-jeunes n'avait pas permis de présenter un budget ambitieux en matière de formation professionnelle. Elle a regretté que le Gouvernement ait privilégié les mesures immédiates sur l'investissement à long terme.

S'agissant des ruptures constatées des programmes de formation, elle a considéré qu'il s'agissait là de démarches " à courte vue ". Elle a estimé nécessaire de renforcer l'effort de formation continue dans les entreprises et a espéré que la mise en place à venir d'un nouveau dispositif de validation des acquis professionnels devrait permettre de compenser les conséquences d'une rupture anticipée des programmes de formation.

Reconnaissant que les formations en alternance n'attiraient pas les jeunes dans certains secteurs, elle a exprimé la crainte que la mise en place des 35 heures ne les rende pas plus attractives. Elle a alors jugé que les professions concernées devaient faire un effort d'information en direction des jeunes, mais aussi chercher à renforcer leur attractivité.

La commission a alors, sur proposition du rapporteur pour avis, donné un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la formation professionnelle et a adopté un amendement de suppression de l'article 57 du projet de loi de finances qui leur est rattaché.

AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

ARTICLE 57

Supprimer cet article.

ANNEXE
-
GLOSSAIRE DES SIGLES

AFPA

Association pour la formation professionnelle des adultes

AFR

Allocation formation reclassement

AGCC

Association de gestion des conventions de conversion

AGEFAL

Association de gestion du fonds des formations en alternance

ANPE

Agence nationale pour l'emploi

APEC

Association pour l'emploi des cadres

APP

Atelier de pédagogie personnalisée

ASFO

Association de formation

BEP

Brevet d'études professionnelles

BEPC

Brevet d'études du premier cycle

BTS

Brevet de technicien supérieur

CAFOC

Centre académique de formation continue

CAP

Certificat d'aptitude professionnelle

CARIF

Centre d'animation, de ressources et d'information sur la formation

Centre INFFO

Centre d'information sur la formation

CEP

Contrat d'étude prospective

CEREQ

Centre d'étude et de recherche sur les qualifications

CFA

Centre de formation d'apprentis

CFI

Crédit formation individualisé

CFPA

Certificat de formation professionnelle des adultes

CIBC

Centre inter-institutionnel de bilans de compétences

CIF

Congé individuel de formation

CIPPA

Cycle d'insertion professionnel par alternance

CNASEA

Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles

COREF

Comité régional de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi

CPNE

Commission paritaire nationale de l'emploi

CPTA

Centre pédagogique et technique d'appui

CTF

Capital de temps de formation

CRA

Contrat de réinsertion en alternance

EDDF

Engagement de développement de la formation

FAF

Fonds d'assurance formation

FFPPS

Fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale

FNE

Fonds national pour l'emploi

FORE

Formations ouvertes et ressources éducatives

FPC

Formation professionnelle continue

FSE

Fonds social européen

GNC

Groupe national de contrôle

GRETA

Groupement d'établissements de l'Education nationale

IATP

Impôt additionnel à la taxe professionnelle

MIF

Maison d'information sur la formation

ML

Mission locale

NFI

Nouvelle filière de formation d'ingénieurs

OBNI

Objet budgétaire non identifié

OCA

Organismes collecteurs agréés

OMA

Organisme mutualisateur agréé

OPA

Organisme paritaire agréé

OPCA

Organisme paritaire collecteur agréé

OPACIF

Organisme paritaire agréé dans le cadre du congé individuel de formation

OREF

Observatoire régional emploi-formation

PAIO

Permanence d'accueil, d'information et d'orientation

PAQUE

Préparation active à la qualification et à l'emploi

PEO

Procédure d'évaluation et d'orientation

PICS

Programme ingénieurs et cadres supérieurs

SAE

Stage d'accès à l'emploi

SIFE

Stage d'insertion et de formation à l'emploi

SRC

Service régional de contrôle

SRP

Stage de reclassement professionnel

UNEDIC

Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce

VAP

Validation des acquis professionnels

* 1 Voir in fine glossaire des sigles.

* 2 Repris dans le rapport spécial de l'Assemblée nationale sur la formation professionnelle (n° 2624, annexe n° 20).

* 3 Il est vrai que sont ici inclus les " actions d'insertion associées à la formation professionnelle " qui comprennent par exemple les contrats emploi solidarité...

* 4 Avis n° 70, tome IV, 1998-1999.

* 5 Votre rapporteur pour avis n'abordera ici que les contrats de qualification en faveur des jeunes et se permet de renvoyer à l'avis de M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits de l'emploi, pour les contrats de qualification-adultes, compte tenu de leur spécificité qui va bien au delà du seul champ de la formation professionnelle.

* 6 DARES, Premières informations et premières synthèses, septembre 2000, n° 38-1.

* 7 Journal officiel, débats AN, 1 ère séance du 9 novembre 2000, p. 8242.

* 8 " Pour une république territoriale : l'unité dans la diversité ", n° 447, 1999-2000.

* 9 A l'origine, la suppression de la prime visait les entreprises de plus de 10 salariés.

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