C. LE SUIVI DES MINEURS INCARCÉRÉS

Selon l'article D. 515 du code de procédure pénale, " les détenus âgés de moins de vingt-et-un ans sont soumis à un régime particulier et individualisé qui fait une large place à l'éducation et à la formation professionnelle ".

Les services de la protection judiciaire de la jeunesse interviennent auprès des mineurs détenus, en particulier au sein des 41 commissions de suivi de l'incarcération des mineurs constituées sur un total de 49 établissements habilités mineurs en métropole.

L'insuffisance des mesures d'aménagement des peines pour les mineurs se traduit par le fait que seuls 65 mineurs ont bénéficié d'une libération conditionnelle en 1998, soit 6 % du total des mineurs sortant de prison.

La mise en détention provisoire des mineurs a augmenté de 76 % en cinq ans (entre 1993 et 1998), pour atteindre 3.900 en 1999 (en termes de flux, métropole et DOM-TOM). 90 % des mineurs en détention provisoire sont âgés de plus de 16 ans. 72 % des mises en détention provisoire sont prononcées par le juge d'instruction et 20 % par le juge des enfants.

Si les détentions provisoires se multiplient, il faut toutefois noter que leur durée moyenne (nombre moyen de prévenus sur l'année rapporté au nombre d'incarcérations provisoires) a tendance à diminuer : de deux mois et demi en 1993, elle est passée à un mois et trois semaines en 1999. La proportion de détention provisoire (91 % des mineurs incarcérés en 1999 9 ( * ) ) est stable sur les dernières années et sensiblement plus élevée que la proportion observée pour l'ensemble de la population des détenus.

En 1999, les motifs des incarcérations (détention provisoire et condamnation) sont en premier lieu les délits sur les biens et les personnes.

D. UN BUDGET QUI NE PERMETTRA PAS D'ABORDER DE FAÇON SATISFAISANTE LES CHANTIERS URGENTS DE 2001

1. Renforcer la politique partenariale de la protection judiciaire de la jeunesse

La protection judiciaire de la jeunesse développe une politique partenariale :

- avec le ministère de l'Education nationale, au moyen des 180 classes-relais existant en 1999-2000, et du lancement d'une recherche sur les processus de déscolarisation.

Les classes relais accueillent en moyenne six à huit jeunes simultanément, pour une durée moyenne de fréquentation de quatre ou cinq mois. Près de 4.000 jeunes ont été pris en charge en 1999-2000 ; plus de la moitié d'entre eux faisaient l'objet d'une mesure de protection judiciaire ou administrative. L'évolution des élèves sur le plan du comportement et de l'absentéisme est satisfaisante mais les acquis restent fragiles ; un suivi est nécessaire lors du retour au collège. Des internats relais sont à l'étude pour accueillir les élèves présentant des problèmes de comportement : refus d'autorité, incivilités, manifestations violentes ou dépressives, caïdat, conduites addictives (tabac, alcool, haschich) ;

- avec le ministère de l'emploi et de la solidarité, la circulaire du 9 mars 1999 encourageant à mettre en oeuvre un réseau d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents ; une réflexion est engagée sur les difficultés psychiques des mineurs sous mandat judiciaire ; le groupe interministériel sur l'enfance maltraitée tend à améliorer la coordination entre les services de l'Etat et ceux des conseils généraux ;

- avec le ministère de l'intérieur : de mai 1999 à juin 2000 a été mené un travail expérimental dans cinq sites (Saint-Etienne, Pontoise, Creil, Marseille et Mulhouse) tendant à remédier au cloisonnement constaté dans l'action des acteurs de terrain ;

- avec les conseils généraux : le 30 mars 1999, le ministère de la Justice et l'Assemblée des départements de France ont mené dans seize départements un travail commun d' évaluation du dispositif de protection de l'enfance , dont la synthèse devrait être connue début 2001 ;

- avec les régions, dans le cadre des contrats de plan Etat-régions 2000-2006. La protection judiciaire de la jeunesse est en effet présente dans 25 de ces contrats de plan ; il s'agit de développer l'implantation de structures d'accueil de jour de mineurs en difficulté ou délinquants ainsi que les activités de formation et d'insertion professionnelle ;

- au 6 décembre 1999, 307 contrats locaux de sécurité étaient signés ;

- par ailleurs, la protection judiciaire de la jeunesse est présente dans les 36 cellules justice-ville, les 53 maisons de justice et du droit et les 64 antennes de justice.

2. Lutter efficacement contre la délinquance des mineurs

a) Centres de placement immédiat et centres éducatifs renforcés

La prise en charge des mineurs réitérants s'effectue en priorité par le développement des centres de placement immédiat (CPI), d'une capacité de douze places, encadrant 24 heures sur 24 les jeunes de 13 à 18 ans, ainsi que des centres éducatifs renforcés (CER), petites unités destinées à des mineurs délinquants, multirécidivistes, ou des mineurs en grande marginalisation à la personnalité très perturbée ; six mineurs, encadrés par autant de professionnels, y effectuent un séjour de rupture de quelques mois.

Le Gouvernement a annoncé en janvier 1999 la création de 50 centres de placement immédiat strictement contrôlés d'ici à 2001. 14 centres ont été ouverts en 1999 et 19 en 2000. Une circulaire a été adressée aux magistrats le 13 janvier 2000 à ce sujet. De plus, 100 centres éducatifs renforcés devraient être créés d'ici 2001. Au 30 juin 2000, 26 centres étaient ouverts et une cinquantaine devaient être achevés avant fin 2000.

La visite effectuée en novembre 2000 par Mme Elisabeth Guigou, alors ministre de la Justice, dans le centre de placement immédiat de Savigny sur Orge (Essone), montre les conditions de travail extrêmes des personnels dans ces centres. Sur les huit jeunes placés par décision de justice, plus de la moitié était absente le jour de la visite de la ministre : trois avaient fugué, un avait rejoint l'hôpital psychiatrique, le cinquième comparaissait en justice. La grande difficulté pour orienter ces adolescents après leur passage en centre de placement immédiat complique la tâche des éducateurs et compromet les chances de réinsertion des jeunes.

Le développement des centres est une priorité qui doit être approuvée. Votre commission des lois estime que le budget de la protection judiciaire de la jeunesse doit augmenter en conséquence, sachant qu' un centre de placement immédiat coûte annuellement 800.000 francs (hors crédits de personnel et frais de première installation) et que l'ouverture d'un centre éducatif renforcé nécessite 150.000 francs pour les frais de première installation et 400.000 francs par an pour le fonctionnement (hors crédits de personnel). Selon les informations recueillies par votre rapporteur, un centre éducatif renforcé nécessite 8,5 à 10 équivalents temps plein pour six mineurs et coûte de 1.800 à 1.900 francs par mineur et par jour , en incluant les frais de personnel, dans le secteur associatif habilité.

Le cahier des charges de ces centres, notamment la présence constante des personnels et la nécessaire récupération entre deux sessions, due aux conditions de travail particulièrement difficiles, laisse à penser que ces sommes ne sont pas réductibles et que le coût en personnel de ces centres doit être pris en compte dans les prévisions budgétaires, ce qui justifie qu'un effort financier plus important soit consenti en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse.

b) La priorité donnée à la prise en charge éducative

La réponse systématique à tous les actes de primo-délinquance passe avant tout par la prise en charge immédiate des décisions des magistrats.

Or, le nombre de mesures de milieu ouvert ordonnées par les juges des enfants, mais en attente d'être prises en charge ne fait que s'accroître : elle est évaluée à 7.500 au 1 er janvier 2000 . Votre rapporteur avait déjà attiré l'attention sur ce sujet l'année dernière et l'année précédente.

L'action éducative à l'égard des jeunes pris en charge doit être soutenue, dans un contexte où un nombre croissant de jeunes sous protection judiciaire ne sont pas en mesure de bénéficier des dispositifs de droit commun d'éducation, de formation, de loisirs, d'accès à la culture.

La coordination de l'action éducative et le contrôle du secteur habilité relèvent principalement des directions régionales et départementales de la protection judiciaire de la jeunesse ; la création d'emplois administratifs devrait permettre de renforcer leurs missions de contrôle.

3. Protéger et éduquer les mineurs pris en charge

La politique éducative de la protection judiciaire de la jeunesse fait l'objet de nombreuses réflexions en cours, en particulier sur la santé des jeunes, leur insertion sociale et professionnelle, les missions et l'organisation des services éducatifs auprès des tribunaux (SEAT), le placement judiciaire, ou encore l'organisation infra-départementale des services de la protection judiciaire de la jeunesse.

Concernant les mineurs en danger , trois groupes de travail ont été initiés par la protection judiciaire de la jeunesse : le premier sur la communication des dossiers et le respect du contradictoire dans la procédure d'assistance éducative , le deuxième sur les dispositifs de protection de l'enfance et de l'adolescence au plan départemental (en collaboration avec l'Assemblée des départements de France, voir supra ), le dernier sur le travail éducatif sous mandat judiciaire en direction des familles.

Dans le prolongement des conclusions du rapport conjoint des inspections des services judiciaires et des affaires sociales de juin 2000, la protection judiciaire de la jeunesse s'apprête à travailler sur le secret professionnel, l'amélioration des circuits de signalement et la diversification des modalités de prise en charge des mineurs .

Parmi les 65 propositions de ce rapport IGAS-IGSJ sur les accueils provisoires et placements d'enfants et d'adolescents, celles qui tendent à mieux faire fonctionner la complémentarité entre protection administrative et protection judiciaire des mineurs ont retenu l'attention de votre rapporteur.

Face aux risques de judiciarisation 10 ( * ) des mesures de milieu ouvert, il paraît nécessaire de permettre un rééquilibrage vers une intervention plus fréquente de la protection administrative, l'enjeu étant de redonner du sens à l'intervention judiciaire .

4. La géographie prioritaire

La géographie prioritaire a été définie lors du Conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998. A partir de 1999, l'allocation des moyens nouveaux s'effectue en direction des missions prioritaires (fonction d'orientation auprès des tribunaux, application des décisions pénales, prise en charge des pré-adolescents et adolescents difficiles) et en direction des 26 départements prioritaires 11 ( * ) , où la délinquance est la plus sensible. En particulier, 56 % des 456 postes d'éducateurs créés sur l'année 2000 ont été affectés dans les départements prioritaires.

5. La position de votre commission des Lois : des efforts louables mais insuffisants

Les orientations retenues pour la prise en charge éducative renforcée mais aussi en matière de réponses pénales sont dans l'ensemble pertinentes. Cependant, votre commission des Lois estime que les moyens budgétaires alloués à la protection judiciaire de la jeunesse, bien qu'en augmentation, ne permettent pas sur le terrain de changer significativement les conditions de lutte contre la délinquance des mineurs et de réussir la réinsertion des jeunes placés sous protection judiciaire .

*

* *

Considérant que la progression des crédits est insuffisante face à l'ampleur des besoins, à la nécessaire lutte contre la délinquance des mineurs et à la détresse des enfants et adolescents placés sous protection judiciaire, votre commission des Lois a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du ministère de la Justice consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse.

* 9 Cette proportion est de 78 % en termes de stock (contre 35 % pour l'ensemble de la population des détenus).

* 10 Le terme de judiciarisation désigne la part croissante des décisions judiciaires dans l'ensemble des mesures éducatives en milieu ouvert et des placements, au détriment des mesures administratives (dont la diminution s'explique en partie par la baisse du nombre de pupilles de la Nation).

* 11 Alpes Maritimes, Bouches du Rhône, Drôme, Eure et Loir, Haute Garonne, Gironde, Hérault, Isère, Loire, Loire Atlantique, Nord, Oise, Pas de Calais, Bas Rhin, Haut Rhin, Rhône, Seine Maritime, Seine et Marne, Yvelines, Var, Vaucluse, Essonne, Hauts de Seine, Seine Saint Denis, Val de Marne, Val d'Oise.

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