III. DEUX OBJECTIFS PRIORITAIRES POUR L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL : L'AMÉLIORATION DU DISPOSITIF D'ORIENTATION, LA MISE EN PLACE NÉCESSAIRE D'UNE RÉTRIBUTION DES LYCÉENS PROFESSIONNELS

A. DE L'ORIENTATION SUBIE À L'ORIENTATION CHOISIE

1. La mise en oeuvre des recommandations du rapport de l'IGAEN

Le rapport de l'Inspection générale de l'administration générale de l'éducation nationale de décembre 2000, relatif aux procédures d'affectation des élèves en filières professionnelles, préconise cinq grandes recommandations qui ont été reprises dans une circulaire du 18 avril 2001.

Ces recommandations ont pu être prises en compte dès la rentrée 2001 par les services académiques, les centres d'information et d'orientation, les inspections académiques et les établissements.

a) L'éducation à l'orientation

L'éducation à l'orientation doit concerner tous les élèves, dès la classe de cinquième jusqu'en terminale en visant trois priorités : connaissance de soi, connaissance de l'environnement socio-économique et connaissance des itinéraires de formation.

L'élève doit définir lui-même son projet personnel de formation et d'insertion sociale et professionnelle avec l'aide de ses parents, de l'établissement scolaire, des personnels enseignants, d'éducation et de santé scolaire, et des personnels d'orientation. L'orientation prend appui sur l'évaluation de la progression de l'élève, après concertation entre l'équipe éducative et la famille.

Les centres de ressources, notamment ceux de l'ONISEP et ses délégations régionales, qui mettent à la disposition des usagers une information multimédia consistante, ainsi que les sites Internet, permettent aux jeunes de prendre la dimension du monde socio-économique. Un effort particulier doit être réalisé par les collèges, en lien avec les centres d'information et d'orientation et les lycées du bassin de formation pour favoriser les actions de sensibilisation et de découverte des filières professionnelles.

Parallèlement, un effort de lisibilité des cursus doit être fourni au lycée, complété par une information générale tout au long de la scolarité sur les filières, les métiers et la situation de l'emploi ; la fonction de professeur principal a été étendue à toutes les classes, les actions d'éducation à l'orientation étant désormais intégrées dans le projet d'établissement.

b) Des conseils de classe avancés

Le calendrier des conseils de classe a été avancé au début du mois de juin pour permettre aux élèves de suivre dans les meilleures conditions l'enseignement qui leur est dispensé et pour laisser le temps nécessaire à la mise en place des procédures d'orientation et d'affectation.

Ces dates ont été avancées au 5 juin par la circulaire du 13 février 2001 afin de permettre aux élèves d'avoir la notification de leur affectation avant la fin de l'année scolaire, ce qui contribuera à limiter les « déperditions » d'effectifs pendant l'été.

c) La prise en compte des premiers voeux des élèves

Une « suraffectation » a été progressivement adoptée par de nombreuses académies suite aux instructions de la circulaire du 18 avril 2001. Cette modalité a permis d'augmenter sensiblement le taux de satisfaction des premiers voeux des élèves dans de nombreuses spécialités de la voie des métiers et devrait être étendue à toutes les filières et tous les établissements.

Dans cette perspective, la gestion par l'inspecteur d'académie des listes supplémentaires s'effectue désormais sur un dispositif central isé et fonctionnant en réseau.

d) Des critères d'évaluation des élèves plus satisfaisants

Les résultats scolaires des élèves, s'ils demeurent un élément important d'évaluation, restent encore trop privilégiés dans la décision d'affectation des élèves, et il convient de mieux prendre en compte les critères complémentaires que sont la motivation du candidat, son projet personnel ou ses compétences non scolaires. Les chefs d'établissement et les équipes éducatives, en liaison avec les personnels d'information et d'orientation devront tenir compte de cet objectif.

Les critères d'affectation des académies seront établis par les commissions d'affectation et prendront en compte la motivation et le projet éducatif et professionnel de l'élève pour l'affectation des élèves de SEGPA, de troisième technologique de lycée professionnel et de troisième d'insertion de collège.

La mise en oeuvre rapide des préconisations de l'inspection générale en matière d'affectations des élèves en lycée professionnel a d'abord contribué à améliorer la qualité du service d'orientation et d'accompagnement des jeunes dans l'accès à la qualification.

e) Les observations de la commission

Lors de son audition devant la commission, le ministre a insisté sur la priorité absolue qui doit être donnée au premier voeu des élèves et a indiqué que les directives données pour modifier certaines pratiques d'orientation tendant à décourager de bons élèves de choisir le lycée professionnel, conjuguées à une mobilisation de l'institution, avaient porté leurs fruits puisque la dernière rentrée scolaire s'était traduite par une légère augmentation en flux des lycéens professionnels.

Votre commission observera cependant que l'éducation à l'orientation dès la classe de cinquième, qui est heureusement rappelée par le rapport de l'inspection générale et la circulaire du 18 avril 2001, est restée lettre morte, comme l'a constaté la mission d'information sur l'information et l'orientation des étudiants des premiers cycles universitaires 2( * ) , alors que son principe était inscrit à l'article premier de la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 et réaffirmé dans une circulaire du 3 juillet 1995 prise en application de la mesure n° 48 du nouveau contrat pour l'école.

2. L'expérimentation de l'entretien plan de carrière à 15 ans

L'entretien plan de carrière destiné aux élèves de 15 ans, quels que soient la classe et le niveau atteints, a été expérimenté dans quelques académies volontaires 3( * ) .

Cette expérimentation s'inscrit dans le cadre des dispositions relatives au droit des élèves et des familles à l'information et au conseil en orientation prévues par la loi d'orientation sur l'éducation de 1989.

Son objectif est de contribuer à l'autonomie des jeunes dans leurs choix d'orientation en leur permettant, dès 15 ans, soit un an avant la fin de l'obligation scolaire, de bénéficier d'un accompagnement individualisé dans l'élaboration de leur parcours scolaire et professionnel.

Les entretiens reposent sur une approche globale de l'élève et de son développement, impliquant notamment les conseillers d'orientation psychologues et les enseignants.

Cet entretien a pour objectif de conduire chaque élève à s'interroger sur le sens de sa scolarité, à enrichir ses représentations des métiers et des voies qui y conduisent, à confronter ses souhaits et ses possibilités aux réalités des divers parcours de formation.

a) Le bilan de l'expérimentation

L'expérimentation a permis aux élèves nés en 1986 de bénéficier d'au moins trois entretiens avec des conseillers d'orientation-psychologues, des enseignants et des chefs d'établissement.

Ces entretiens ont permis aux élèves de se sentir valorisés, en particulier ceux les plus en difficultés qui ont pu bénéficier d'un suivi approfondi. Les élèves de quatrième (ayant un an de retard), de cinquième (deux ans de retard), de troisième d'insertion, de SEGPA, ou certains élèves de seconde professionnelle n'ayant pas réellement choisi leur voie, peuvent en effet avoir une image très négative d'eux-mêmes. Les actions collectives prévues dans les établissements, mini-stages en lycée professionnel, visites d'entreprises, contribuent à modifier leur représentation de certains métiers et de l'enseignement professionnel. A cet égard, des actions d'information engagées par l'ONISEP à destination des familles doivent favoriser une meilleure lisibilité et compréhension des enjeux.

Il convient cependant de noter que certaines familles, notamment celles des élèves les plus en difficulté se sont montrées parfois réticentes, craignant que l'entretien plan de carrière ait pour fonction d'aboutir à une décision d'orientation.

L'expérimentation a également contribué à renforcer le travail d'équipe entre les enseignants et les COP et à faciliter l'intégration de ces conseillers dans les établissements.

Si l'expérimentation de l'entretien plan de carrière apparaît positive, il est cependant prématuré d'évaluer ses incidences sur l'évolution des projets d'orientation des élèves.

b) La poursuite de l'expérience

Toutes les académies concernées se sont montrées volontaires pour reconduire l'expérimentation pour l'année scolaire en cours et l'étendre à de nouveaux bassins de formation, de nouvelles académies souhaitant s'engager dans la démarche.

Un séminaire de travail entre les recteurs des académies volontaires devrait être organisé afin d'étudier les améliorations à apporter au protocole de l'expérimentation ; l'entretien plan de carrière pourrait être intégré dans le projet des établissements qui participeront à l'expérimentation pour 2001-2002, et étalé au cours du premier semestre.

Les établissements seront invités à mettre en place des équipes d'accompagnement et de suivi des élèves associant conseillers d'orientation-psychologues, conseillers principaux d'éducation et professeurs principaux afin de cibler les publics prioritaires et de mieux répartir les entretiens entre les différents acteurs.

Au total, la démarche qui semblait redondante par rapport à des pratiques existantes, a révélé l'utilité d'étendre l'accompagnement du processus continu d'orientation aux élèves de troisième, car les élèves de 15 ans en quatrième et cinquième ont eux aussi besoin d'un suivi et d'une aide individualisés et approfondis.

Lors de son audition devant la commission, le ministre délégué a indiqué que cette expérimentation de l'entretien à 15 ans s'inscrivait dans le débat aujourd'hui tranché sur le collège unique et que l'expérience serait étendue à 18 académies et au lycée, ce dispositif devant faire l'objet d'une évaluation après une nouvelle année d'expérimentation.

B. UNE RÉTRIBUTION INDISPENSABLE DES STAGES EN ENTREPRISE DES LYCÉENS PROFESSIONNELS

La question de la rétribution des lycéens professionnels durant leurs périodes de formation en entreprise (PFE) doit être replacée dans le cadre du dispositif d'accompagnement financier qui doit permettre aux lycéens professionnels d'être aussi autonomes que possible durant ces périodes et d'en tirer le meilleur bénéfice pédagogique.

Lors de ces périodes, les lycéens sont placés dans une situation de formation centrée sur une activité professionnelle créatrice de produits et de services ; toutefois, la période de formation en entreprise conduit de nombreux jeunes de la voie des métiers à s'insérer directement dans l'emploi sans passer leur diplôme pour acquérir plus rapidement une autonomie financière.

Dans la perspective d'un renforcement du statut social du jeune en formation, le développement de la rétribution des stages en entreprise, comme d'ailleurs l'amélioration de la couverture des frais de stage par l'Etat, peuvent contribuer à réduire ce phénomène d'interruption d'études.

1. Les progrès d'ores et déjà enregistrés

Les lycéens, et notamment ceux qui préparent un baccalauréat professionnel, contribuent souvent directement à la création de valeur ajoutée dans l'entreprises lors de leurs stages. La valorisation de la qualité de leur travail, qui conditionne très largement l'image de métiers et de branches qui connaissent des difficultés croissantes de recrutement, milite en faveur de leur rétribution par l'entreprise.

La rétribution n'est pas soumise aux cotisations sociales ni à l'impôt sur le revenu dans la mesure où elle ne dépasse pas 30 % du SMIC. Dans le cadre des discussions engagées par le ministère avec plus de 60 branches et grandes entreprises pour élaborer un protocole national sur les PFE, d'autres incitations financières à la rétribution sont actuellement envisagées.

En renforçant l'autonomie financière de ces jeunes adultes, la rétribution des stages est aussi un moyen efficace pour les entreprises de contribuer au maintien du jeune en formation jusqu'au diplôme, et ainsi d'éviter une interruption d'études qui se fait au détriment de la professionnalisation durable des jeunes et de la croissance économique, puisqu'elle risque de générer d'importants coûts de requalification.

Conscientes de cet enjeu économique, certaines branches, grandes entreprises, voire départements ministériels se sont déjà engagés en faveur de la rétribution des stages :

- la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) s'est engagée à développer les rétributions versées aux élèves en stage dans son secteur au terme d'une convention générale de coopération signée le 12 janvier 2001 avec le ministère ;

- la SNCF s'est engagée à généraliser la rétribution à hauteur de 30 % du Smic pour tous les élèves de terminale baccalauréat professionnel en stage dans ses établissement et à développer l'accueil de ces jeunes, à la suite d'un protocole d'accord signé le 29 juin 2001 ;

- le ministère de la défense, dans le cadre d'un programme de développement de l'accueil de jeunes en PFE dans les armées, s'est engagé à généraliser la rétribution de ces périodes, à la suite d'une convention cadre signée le 12 juillet 2001.

Durant l'année scolaire 2001-2002, de nouvelles branches et grandes entreprises devraient souscrire des engagements de généralisation de la rétribution, en particulier pour les élèves préparant un baccalauréat professionnel.

2. L'amélioration de la couverture des frais engagés lors des périodes de formation en entreprise

En raison notamment de la mobilité qu'elle exige, la période en entreprise impose aux jeunes en formation des frais supplémentaires. Depuis 1993, une partie des frais d'hébergement, de restauration, de transport et parfois d'assurance est remboursée par l'éducation nationale : 255 millions de francs de crédits sont inscrits chaque année pour rembourser ces frais aux élèves, dont 200 millions de francs destinés au remboursement des frais exposés par les élèves de l'enseignement professionnel lors de leurs périodes de formation en entreprise.

Ces crédits étant inégalement et diversement utilisés selon les établissements et les académies, l'IGAEN a été chargée d'une mission d'inspection pour améliorer l'utilisation de ces moyens en harmonisant et rationalisant l'accès des jeunes à ces remboursements.

Cette réforme devrait permettre d'aboutir à une couverture plus équitable et plus universelle des frais, afin de garantir aux jeunes une situation matérielle décente lors de leur passage en entreprise et de compenser l'inégalité des situations familiales et des pratiques de rétribution.

3. Une rétribution obligatoire ou facultative ?

Les négociations engagées avec les entreprises et les branches professionnelles révèlent que le règlement de ce dossier pourtant prioritaire est lié à la situation conjoncturelle de l'emploi et ne semble pas devoir aboutir rapidement.

Si les branches ne sont pas hostiles à l'idée d'une rétribution des stagiaires, elles sont cependant hostiles à l'idée de la rendre obligatoire, la difficulté résultant du fait que les stages sont obligatoires pour les élèves de CAP, de BEP et de Bac pro, mais que les entreprises ne sont pas tenues d'accueillir les quelques 400 000 stagiaires des lycées professionnels. Lors de son audition devant la commission, le ministre délégué a estimé qu'une rétribution des élèves stagiaires était d'autant plus justifiée que les lycées professionnels accueillent davantage d'élèves d'origine modeste et boursiers, voire de jeunes pères et mères de famille contribuant à l'équilibre du budget familial, ce qui explique aussi l'essor de l'apprentissage qui comporte, lui une rémunération.

Votre commission ne peut que partager cette position tout en souhaitant que la mise en place d'un système de rétribution, dont les modalités et le financement sont à définir, ne contribuera pas à réduire le nombre de stages proposés par les entreprises qui sont souvent insuffisants dans certains bassins d'emploi et de formation.

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