B. UNE NÉCESSITÉ : MAÎTRISER L'ENTRÉE EN VIGUEUR DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI POUR L'ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES DES PERSONNES HANDICAPÉES

1. Clarifier les conditions d'entrée en vigueur de la prestation de compensation et l'affectation des ressources de la CNSA pour 2005

Malgré les assurances données lors de son dépôt en janvier dernier, le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées n'entrera pas en vigueur au 1 er janvier 2005 : les échéances électorales et l'encombrement de l'ordre du jour législatif n'ont pas permis de respecter le calendrier initialement fixé par le Président de la République. Le vote définitif de la loi ne devrait intervenir, au mieux, que dans le courant du mois de janvier 2005.

Par ailleurs, le projet de loi lui-même repousse l'entrée en vigueur d'un certain nombre de dispositions : tel est le cas du nouveau mode de calcul de la contribution à l'AGEFIPH, du passage de la garantie de ressources à l'aide au poste ou de la mise en place du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique qui n'entreront en vigueur qu'au 1 er janvier 2006.

Une incertitude demeure en outre quant à l'entrée en vigueur de la prestation de compensation : bien qu'elle ne soit pas, pour l'heure, officiellement repoussée, deux facteurs devraient en retarder le versement aux personnes handicapées concernées :

- son entrée en vigueur est d'abord suspendue à la parution des décrets d'application concernant les critères d'éligibilité à la prestation, le mode d'évaluation des besoins de la personne handicapée, les tarifs, montants et taux de prise en charge de ces dépenses qui en découlent ou encore les modalités de versement de la prestation. Conformément à l'article 50 du projet de loi, le Gouvernement dispose d'un délai maximum de six mois après la parution de la loi pour prendre ces mesures d'application ;

- elle dépend également de la mise en place concrète des différentes instances nécessaires à l'instruction des demandes de prestation et à la prise de décision les concernant : l'article 27 du projet de loi laisse aux présidents de conseils généraux jusqu'au 1 er janvier 2006 pour mettre en place les maisons départementales des personnes handicapées qui rassembleront en leur sein l'équipe pluridisciplinaire chargée de l'instruction des demandes de prestation de compensation et la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, instance décisionnelle pour l'ouverture des droits à la prestation.

Il est évident que, même si les textes d'application paraissent dans les six mois, il sera impossible de mettre en oeuvre la prestation de compensation si les acteurs de terrain ne sont pas prêts à en assumer la gestion. Il est également hors de question d'autoriser une entrée en vigueur différenciée selon les départements en fonction de la rapidité avec laquelle ils seront parvenus à mettre en place les différentes instances nécessaires à la gestion de la prestation.

Même s'il les déplore, votre commission ne peut que prendre acte de ces difficultés. C'est la raison pour laquelle, tout en dénonçant les retards inadmissibles dans la préparation des textes d'application du projet de loi, elle se résout à demander au Gouvernement de reporter au 1 er janvier 2006 la date unique d'entrée en vigueur de la prestation de compensation .

En effet, dans la mesure où une partie des ressources de la CNSA est déjà immobilisée au titre de l'exercice 2005 pour permettre une amélioration concrète de la compensation pour les personnes les plus lourdement handicapées, l'entrée en vigueur de la prestation de compensation ne saurait plus intervenir avant le 1 er janvier 2006, les ressources de la caisse ne pouvant logiquement être affectées à deux actions simultanément.

En contrepartie du report de l'entrée en vigueur de la prestation de compensation votre commission demande au Gouvernement de définir explicitement le montant des ressources de la CNSA mobilisé en 2005 et les actions auxquelles elles seront affectées .

2. Améliorer la lisibilité et l'efficacité des financements de la politique en faveur des personnes handicapées

a) Le choix d'un programme portant sur l'ensemble de la dépense publique en faveur des personnes handicapées

L'ensemble des financements mobilisés dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler le « budget social du handicap » dépasse, et de très loin, les seuls crédits budgétaires inscrits dans le projet de loi de finances.

Se référant aux comptes de la protection publiés par la DREES, votre rapporteur estimait 11 ( * ) que les prestations sociales consacrées au handicap s'élevaient à 25,6 milliards d'euros en 2001.

Prestations sociales consacrées au handicap en 2001 (dernière année connue)

 

Dépense
(en millions d'euros)

INVALIDITE (1)

19.884

Remplacement de revenu permanent

6.413

- Rentes d'invalidité

5.529

- Garantie de ressources aux travailleurs handicapés

885

Compensation de charges sans conditions de ressources

353

- Allocation d'éducation spéciale (AES)

353

Compensation de charges avec conditions de ressources

502

- ACTP versée aux personnes de moins de 60 ans

502

Autres prestations en espèces sans conditions de ressources périodiques

1.481

- Congés d'invalidité, prestations d'invalidité

2

- Allocation aux handicapés

51

- Pensions militaires d'invalidité

1.420

- Allocations spéciales

7

Autres prestations en espèces avec conditions de ressources périodiques

4.356

- Allocation aux adultes handicapés (AAH), y compris allocation forfaitaire ou complément d'AAH

4.095

- Allocations et prestations du fonds de solidarité invalidité

262

Autres prestations en espèces sans conditions de ressources occasionnelles

36

- Prestations diverses

36

Action sociale sans conditions de ressources

6.681

- Établissements pour personnes handicapées

4.697

- Frais d'hébergement et aide sociale aux personnes handicapées

1.885

- Centres d'aide par le travail

41

- Prestations extra-légales diverses des caisses de sécurité sociale

58

Prestations en nature sans condition de ressources

62

- Prestations diverses

62

ACCIDENTS DU TRAVAIL (2)

5.715

Remplacement de revenu permanent

3.711

- Rentes d'accidents du travail

3.620

- Allocations du FCAATA

91

Remplacement de revenu temporaire

2.005

- Indemnités journalières

2.005

PRESTATIONS SOCIALES « HANDICAP » (1+2)

25.600

Source : DREES, Comptes de la protection sociale, 2001

Pour apprécier l'effort public global en faveur des personnes handicapées, il convenait d'y ajouter les financements de l'AGEFIPH (412 millions d'euros en 2001), les prestations d'assurance vieillesse versées a titre du handicap (11,6 milliards d'euros), les autres prestations d'assurance maladie engagées au titre du handicap dans le cadre de la liste des produits et prestations remboursables (21 millions d'euros) et les dépenses fiscales en faveur des personnes handicapées (1,5 milliards d'euros). En tenant compte de tous ces éléments, le budget social du handicap pouvait être évalué entre 35 et 40 milliards d'euros en 2001.

Cette multiplicité des sources de financement a toujours gêné l'analyse des crédits consacrés à la politique du handicap, car la seule présentation des crédits budgétaires ne permet pas de donner une vision complète de l'effort de la nation en faveur des personnes handicapées.

C'est la raison pour laquelle, depuis longtemps, votre commission avait fait le choix de faire référence aux crédits inscrits à l'ONDAM et aux dépenses d'action sociale décentralisées mises en oeuvre par les départements. C'est également la raison pour laquelle elle a longtemps demandé la publication d'un « jaune budgétaire », permettant - comme c'est le cas pour la politique de la ville ou l'aménagement du territoire - de donner une vision consolidée de l'ensemble des moyens consacrés à la politique du handicap.

Votre commission ne peut donc que se féliciter du fait que le Gouvernement ait décidé, dans le cadre de la mise en oeuvre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, de faire porter le programme consacré au handicap et à la dépendance, ainsi que les actions qui s'y rapportent, non pas sur les seuls crédits de l'État mais sur l'ensemble de la dépense publique dans ce domaine .

Répartition de la dépense publique et de la dépense budgétaire par action

 

Action 1
Plan personnalisé

Action 2
Emploi

Action 3
Revenu

Action 4
Compensation

Action 5
Personnes âgées

Action 6
Pilotage

Total

Dépense publique

108

1.646

17.525

10.672

6.476

18

36.445

- dont budget de l'État

98

1.202

6.868

123

71

10

8.372

Poids de l'action dans :

 
 
 
 
 
 
 

- la dépense publique

0,4 %

4,5 %

48,15 %

29,3 %

17,8 %

0,1 %

100 %

- le budget de l'État

1,2 %

14,4 %

82,0 %

1,5 %

0,8 %

0,1 %

100 %

Source : Projet de loi finances pour 2005, avant-projet annuel de performance des programmes de la mission interministérielle « Solidarité et intégration »

Votre commission estime que cette présentation rend plus lisibles les financements de la politique en faveur des personnes handicapées et ce pour trois raisons :

- elle permet de rendre compte du véritable effort public en faveur des personnes handicapées : les effets de la débudgétisation à laquelle donne lieu la création de la CNSA sont ainsi atténués, puisque les financements apportés par la caisse pourront être retracés dans le cadre du nouveau programme au sens de la loi organique ;

- elle donne une meilleure vision du poids respectif des différentes actions au sein de l'ensemble de la politique du handicap : si l'on s'en tient en effet au seul budget de l'État, les efforts en matière de compensation du handicap semblent dérisoires, ce qui est en réalité loin d'être le cas lorsque l'on considère l'ensemble de la dépense publique, et notamment les futurs financements apportés par la CNSA ;

- elle fait apparaître la spécialisation de l'État sur deux actions : l'amélioration des ressources d'existence des personnes handicapées et la politique de l'emploi en leur faveur.

b) Des objectifs et indicateurs de performance pertinents mais perfectibles

Le tableau ci-après récapitule les objectifs retenus par le Gouvernement pour le programme « Handicap et dépendance » , ainsi que les indicateurs chiffrés qui y sont associés.

Action 1 - Évaluation et orientation personnalisée des personnes handicapées

Objectif unique : améliorer l'effectivité des décisions des commissions (du point de vue de l'usager)

Indicateur unique : Taux de réalisation des mesures du plan personnalisé de compensation

Action 2 - Incitation à l'activité professionnelle

Objectif unique : offrir aux personnes handicapées les mêmes chances d'accéder à l'emploi (du point de vue du citoyen)

Indicateur 1 : Taux de participation au marché du travail des personnes handicapées par rapport au taux de participation en population générale
Indicateur 2 : Taux de chômage des travailleurs handicapés par rapport au taux de chômage en population générale

Action 3 - Ressources d'existence

Objectif 1 : développer la part du revenu d'activité dans le revenu d'existence des personnes handicapées (du point de vue du citoyen)

Indicateur 1 : proportion de personnes handicapées percevant une rémunération d'activité
Indicateur 2 : part du revenu d'activité dans le revenu d'existence global pour ceux qui exercent une activité

Action 4 - Compensation des conséquences du handicap

Objectif 1 : Développer la vie autonome (du point de vue du citoyen)

Indicateur unique : Évolution du taux de personnes handicapées à domicile

Objectif 2 : Améliorer l'adéquation de l'offre institutionnelle (établissements et services médico-sociaux) par rapport aux besoins (du point de vue de l'usager et du contribuable)

Indicateur unique : Écart type du taux de couverture offre / demande, décliné par nature de handicap et par région

Action 6 - Pilotage du programme *

Objectif unique : Assurer la couverture pérenne du risque dépendance (du point de vue du citoyen et du contribuable)

Indicateur 1 : Part des ressources de la branche autres que des prélèvements obligatoires (par type de ressources)
Indicateur 2 : Écart entre la réalisation et la prévision sur les effectifs par formes de dépendance (prévisions utilisées pour la planification)

* L'action 5 est omise car elle ne concerne pas les personnes handicapées mais les personnes âgées.

La plupart des objectifs et indicateurs proposés constituent de véritables progrès pour les personnes handicapées.

Votre commission souhaiterait s'arrêter sur trois d'entre eux : l'amélioration de l'effectivité des décision des commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, le développement de la part du revenu d'activité au sein du revenu global de la personne handicapée et l'amélioration de l'offre d'établissements et de services médico-sociaux par rapport à la demande exprimée.

S'agissant de l'effectivité des décisions des commissions, une étude de l'IGAS montre en effet que le taux de réalisation des décisions des COTOREP plafonne aujourd'hui à 50 %. Plusieurs causes expliquent ce faible résultat : une décision trop tardive qui fait que la personne handicapée a déjà trouvé une autre solution ou n'exprime plus le même besoin ; une décision non pertinente faute d'une évaluation réellement personnalisée des besoins ; une décision inapplicable, soit que l'orientation proposée n'ait pas de solution, soit qu'elle soit contestée en aval par les prestataires.

Votre commission estime que l'indicateur retenu, à savoir le taux de réalisation des mesures du plan personnalisé de compensation, est particulière adapté et synthétique , puisque sa progression suppose à la fois une adéquation de la proposition de la commission avec les attentes de la personne handicapée et une adéquation de l'offre d'établissements et de services avec ladite proposition. Pour assurer le suivi de ce taux, les commissions ne pourront plus se contenter de simples outils statistiques mais devront développer des outils de suivi de la qualité.

Cet indicateur pourrait toutefois être utilement complété par un indicateur relatif aux délais de réponse des commissions aux usagers.

Votre commission approuve également l'objectif fixé pour l'action relative aux revenus d'existence, à savoir l' augmentation de la part du revenu d'activité professionnelle au sein du revenu global de la personne handicapée car elle part du principe que la dignité de la personne handicapée passe par le fait qui lui offrir un autre horizon que le seul minimum social. Cet objectif lui paraît en outre de nature à amorcer une nouvelle dynamique, dans la mesure où il suppose la mise en cohérence des dispositions relatives à l'AAH et celles sur l'incitation à la reprise d'une activité professionnelle.

Elle se félicite enfin de voir mieux pris en compte l' écart qualitatif entre offre et demande de places en établissements et services médico-sociaux . Un effort quantitatif important a en effet été conduit depuis 1999 en termes de créations de places et les besoins étaient tels, toutes catégories de handicap confondues, que la répartition des places créées par nature de handicap importait moins que le nombre brut de créations de places. Tel n'est plus le cas aujourd'hui et les créations devront désormais être ciblées sur des pathologies pour lesquelles le déficit de solution d'accueil reste particulièrement important.

Votre commission espère que la mise en place des indicateurs prévus au titre de la loi organique relative aux lois de finances permettra enfin d'obtenir des informations pertinentes et fiables sur l'état des listes d'attentes et sur le nombre de personnes obligées d'accepter des solutions éloignées de leur domicile familial, faute de mieux.

Certains indicateurs doivent toutefois être repensés

Tel est notamment le cas de l'indicateur retenu pour le suivi de l'objectif de développement de la vie autonome. C'est un fait que les personnes handicapées expriment de plus en plus le souhait de pouvoir vivre de façon autonome à domicile et de n'être pas contraintes à intégrer un établissement.

Pourtant, l'enquête HID de l'INSEE montre que 91,8 % des personnes handicapées vivent aujourd'hui à domicile 12 ( * ) . Dans bien des cas, il ne s'agit pas d'un choix, mais d'une solution par défaut, du fait d'un manque de place adapté. C'est la raison pour laquelle votre commission estime que l'indicateur retenu, à savoir le taux de personnes handicapées vivant à domicile, mesure un simple état de fait et non le résultat d'une politique délibérée et qu'il ne constitue donc pas un indicateur de l'efficacité de la dépense publique en faveur de la vie autonome à domicile .

Votre commission considère qu'un indicateur permettant de mesurer le taux d'équipement en services d'accompagnement à la vie sociale ou encore un indicateur faisant apparaître l'adéquation entre offre et demande de services d'auxiliaires de vie auraient été plus pertinents pour mesurer l'effort public en faveur d'un choix de vie à domicile.

Sur toutes ces questions, votre commission est consciente que le projet de budget pour 2005 est, à bien des égards, un budget de transition , dans l'attente à la fois de la mise en oeuvre du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Elle engage donc le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour concrétiser en 2006 les attentes des personnes handicapées et de leurs familles .

* 11 « Compensation du handicap : le temps de la solidarité », rapport d'information n° 369 (2001-2002) de M. Paul Blanc, au nom de la commission des Affaires sociales, 26 juillet 2002.

* 12 Population prise en compte : personnes de moins de soixante ans ayant une reconnaissance administrative de leur handicap.

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