EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs

Le 1 er septembre dernier, M. Dominique de Villepin appelait à la conclusion d'un « pacte national pour le logement » et annonçait de nouvelles mesures pour répondre aux difficultés qu'éprouvent les ménages face à la hausse des loyers et à la pénurie de biens immobiliers.

Les violences commises au cours des derniers jours dans un grand nombre d'agglomérations constituent l'exutoire regrettable trouvé par certains habitants de ces quartiers pour exprimer une détresse à laquelle contribue un cadre de vie peu amène. Elles soulignent l'urgence de l'action.

Les rapports dressant le constat de cette « crise du logement » et tentant d'y apporter des remèdes sont si nombreux qu'il serait sans doute vain de tenter d'en dresser la liste. Celui rédigé au mois de juin dernier par notre collègue M. Thierry Repentin au nom du groupe de travail créé en son sein par votre commission des Affaires économiques et présidé par notre collègue M. Dominique Braye mérite toutefois d'être distingué car il comporte un grand nombre de propositions concrètes et utiles 1 ( * ) .

Le projet de loi n° 57 (2005 - 2006) portant engagement national pour le logement, qui constitue la traduction législative du plan d'actions arrêté par le Premier ministre, a pour objet de permettre une mobilisation de la ressource foncière, un développement de la construction et un meilleur accès au logement.

Déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat, il a été renvoyé au fond à votre commission des Affaires économiques qui a désigné rapporteur notre collègue M. Dominique Braye.

Votre commission des Lois a décidé de se saisir pour avis de l'ensemble des dispositions affectant les compétences des collectivités territoriales, qu'elles relèvent du code de l'urbanisme ou du code de la construction et de l'habitation. Ont ainsi été examinés les articles 1 er à 4, 8 et 9 du projet de loi.

Après avoir rappelé brièvement les symptômes les plus criants et les principales causes de cette crise du logement, votre rapporteur exposera l'ensemble des mesures déjà prises ou annoncées pour y remédier et les amendements que votre commission vous propose d'apporter au projet de loi pour enrichir son contenu.

I. L'ÉTAT DES LIEUX : « UNE CRISE PARADOXALE DU LOGEMENT »

Avec plus de 360.000 mises en chantier en 2004 et probablement près de 400.000 en 2005, le rythme des constructions n'a jamais été aussi élevé en 25 ans. Le nombre de logements locatifs sociaux financés par l'Etat - 75.000 en 2004 contre 42.000 seulement en 2000 - a également atteint un niveau inégalé depuis 10 ans.

Dans le même temps, les ménages éprouvent les pires difficultés à trouver des logements adaptés à leurs besoins à des prix abordables. Pis, plusieurs drames récents ont cruellement mis en lumière l'insalubrité de certaines habitations. Cette crise du logement touche de nombreuses régions et la plupart des grandes agglomérations. Elle frappe plus durement les ménages aux revenus modestes ou moyens.

La France connaît ainsi, selon l'expression de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, « une crise paradoxale du logement ».

A. UNE GÉNÉRALISATION ET UNE AGGRAVATION DES DIFFICULTÉS D'ACCÈS AU LOGEMENT

Sur les 24,5 millions de ménages recensés dans la dernière enquête sur le logement réalisée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en 2002 2 ( * ) : 13,7 millions étaient propriétaires (56 % des ménages), dont 11,1 millions de maisons individuelles et 2,6 millions d'appartements, 4,2 millions étaient locataires dans le secteur social (17,3 % des ménages), 5,1 millions étaient locataires dans le secteur privé (20,7 % des ménages), 1,5 million relevait d'autres statuts (logés gratuitement, usufruitiers, locataires de meublés...).

La vulnérabilité croissante des ménages accueillis au sein du parc social ainsi que les difficultés accrues rencontrées par les classes moyennes pour accéder à la propriété provoquent une diminution de la mobilité résidentielle et de la mixité sociale.

1. Un blocage du « parcours résidentiel »

Le « parcours résidentiel », qui permettait dans les années 1960 et 1970 aux ménages de passer d'un logement d'habitations à loyer modéré à un logement privé locatif puis à l'accession à la propriété, semble aujourd'hui bloqué .

L'augmentation de la part des ménages propriétaires (+2,3 % depuis 1996) ne doit pas masquer la baisse du nombre des primo-accédants qui ne représentent plus que 84 % des personnes accédant à la propriété contre 86 % il y a quatre ans. Cette baisse pèse sur les marchés locatifs, privés ou publics, qui offrent une solution de rechange définitive ou d'attente. Les personnes à bas revenus éprouvent de plus en plus de difficultés à acquérir un logement : entre 1996 et 2002, leur taux d'accession à la propriété a baissé de 11,6 % à 7,2 %. Elles ont dû se reporter sur le marché locatif social (de 19,1 % à 32,1 %) et dans une moindre mesure sur le marché locatif privé (19,5 % à 24,3 %). Les classes moyennes sont également touchées . L'accession à la propriété devient plus sélective : la proportion des personnes n'ayant pas eu besoin de recourir à l'emprunt pour acquérir leur logement est passé de 26,3 % en 1984 à 35 % en 2002.

Les ménages qui sont déjà logés dans une habitation à loyer modéré ne peuvent plus en sortir . La baisse du taux de mobilité des locataires du parc social (12,4 % en 1999, 10,6 % en 2002) et l'accroissement de leur durée de location (30 % de locataires présents depuis plus de 4 ans en 2002 contre 12 % en 1978) en témoignent. Aussi est-t-il de plus en plus difficile d' accéder à un logement social , ce qui se traduit par l'allongement des files d'attente.

Le logement locatif privé , habituellement conçu comme un trait d'union entre le logement social et la propriété individuelle, n'assume plus son rôle de pivot du parcours résidentiel . Certes, il permet toujours de répondre aux besoins de populations diverses en raison de ses caractéristiques spécifiques : notamment, une localisation en centre-ville (58 % du parc locatif privé est situé dans des unités urbaines de plus de 100.000 habitants) et la petite taille des appartements. Toutefois, il accueille désormais des personnes évincées de l'accession à la propriété et des ménages qui, bien qu'éligibles au logement social, ne peuvent y accéder. Avec la hausse des loyers sur la période récente - du début de l'année 1998 au début de l'année 2005, les prix des logements anciens se sont accrus, en moyenne, de 85  % en France métropolitaine - les ménages n'ont pu se maintenir dans leur location privée qu'au prix d'un effort financier , net des aides personnelles, accru : si celui-ci est passé de 12,8 % à 16,4 % de 1988 à 2002 pour l'ensemble des ménages locataires, la progression se situe à des niveaux encore plus élevés pour les ménages à bas revenus logés dans le secteur privé (de 19 % à 25,7 %).

* 1 Rapport n° 442 (2004-2005) du groupe de travail de la commission des Affaires économiques du Sénat sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement.

* 2 Insee Résultats Société n°20 - Octobre 2003.

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