b) Les risques de demain

La grippe aviaire

Le virus d'influenza aviaire H5N1 a, depuis son apparition à Hong-Kong en 1997, causé la mort de millions d'oiseaux, de plusieurs centaines de mammifères et de près de soixante-dix personnes dans les pays du Sud-Est asiatique, en Asie et en Europe centrale.

Pour l'homme, le risque majeur réside dans une mutation du virus lui permettant d'acquérir les caractéristiques permettant de causer une pandémie, d'autant plus dévastatrice s'il devait associer l'agressivité de la composante aviaire et la contagiosité de la grippe humaine. Ce scénario a été confirmé par l'OMS pour la première fois le 23 juin 2006 avec la reconnaissance d'un cas de transmission interhumaine sur l'île de Sumatra, même si, depuis lors, aucun autre cas analogue n'est apparu.

Depuis 2004, la France s'y prépare au travers d'un plan de réponse ambitieux à un risque de pandémie, dont le premier volet a été activé par l'Afssa au cours de l'année 2005 à l'occasion de l'apparition d'un cas d'élevage contaminé dans l'Ain.


Le plan de lutte contre une pandémie de grippe aviaire

Lancé en octobre 2004, ce plan comprend trois volets :

- le premier volet est activé en cas d' épizootie touchant quelques personnes, mais sans transmission directe d'homme à homme. Il prévoit l'interdiction de toute importation de volailles en provenance des pays touchés et l'abattage des élevages contaminés afin de prévenir l'introduction du virus en France et de contrôler sa diffusion. La protection des personnes en contact avec les élevages infectés et la diffusion d'une information destinée aux voyageurs qui pourraient être concernés, tendent en outre à prévenir la propagation de la maladie à l'homme ;

- le deuxième volet ne s'appliquerait que dans le cas d'une transmission interhumaine de faible ampleur , constatée par l'OMS. L'objectif serait alors d'éviter par tous les moyens l'apparition du virus sur le territoire national. En coordination avec les pays européens de l'espace Schengen, des mesures de restriction, voire de suspension des voyages à partir des zones infectées, pourraient être prises. Elles pourraient comporter des mesures d'isolement des voyageurs en provenance des zones infectées et l'administration de traitements antiviraux préventifs aux personnes ayant été en contact avec ces malades ;

- enfin, le troisième volet est prévu en cas de pandémie , afin d'organiser une réponse adaptée du système de santé à un afflux massif de patients. Ses dispositions organisent la diffusion du vaccin, une fois que celui-ci sera conçu et produit, et l'utilisation des antiviraux pour le traitement des patients. Ces mesures, soumises à la concertation de tous les responsables, pourront être adaptées et perfectionnées en fonction du progrès des connaissances et des innovations thérapeutiques.

Compte tenu de l'évolution rapide et inquiétante de la situation au cours de l'été 2005, la France a réactualisé son plan au mois d'octobre 2005 puis en janvier 2006. Il conserve son organisation en trois volets et se voit renforcé dans trois domaines : la prévention du passage d'un virus grippal aviaire à un virus grippal hybride dangereux pour l'homme, l'information et la protection des populations.

Si la grippe aviaire ne fait plus aujourd'hui les gros titres des journaux, le danger d'une pandémie est loin d'être écarté , ainsi que le directeur de la santé et délégué interministériel « grippe aviaire », Didier Houssin, l'a confirmé à votre rapporteur.

Si votre commission considère, comme l'ont fait les dernières études disponibles 4 ( * ) , que la France est aujourd'hui l'un des pays les mieux préparés au déclenchement d'une pandémie , il convient donc de rester vigilant et de continuer à adapter le plan de réponses aux évolutions du virus constatées par l'OMS dans les zones touchées.

Les moyens humains et financiers doivent également être disponibles en cas de crise, notamment, pour ce qui concerne les premiers, par une mobilisation accrue de la médecine de ville même si, dans un premier temps, les services vétérinaires et ceux du ministère de l'agriculture seront probablement seuls concernés. Notre collègue Nicole Bricq a, en effet, estimé le coût d'une pandémie à un milliard d'euros pour la France et a dénoncé la trop faible association des médecins libéraux aux mesures prévues 5 ( * ) .

Votre commission se félicite donc de la dotation élevée allouée cette année au nouveau fonds de prévention des risques sanitaires , même si elle regrette les réticences répétées de l'Etat à financer ce plan et sa tentative, avortée, de le mettre exclusivement à la charge de l'assurance maladie déjà lourdement déficitaire .

Le chikungunya

L'année a été marquée par une épidémie de chikungunya inattendue et sans précédent dans les territoires français de l'océan Indien. Selon les derniers chiffres transmis à votre rapporteur par l'InVS, 270.000 personnes, soit un tiers de la population, ont contracté la maladie, qui a causé 252 décès, sur le seul département de la Réunion. Cette proportion atteindrait 20 % à Mayotte, où la surveillance sanitaire est rendue difficile par le nombre considérable de clandestins comoriens qui hésitent à se rendre dans les centres de santé.

En l'absence de vaccin efficace, l'essentiel des mesures, outre la prise en charge sanitaire des malades, consiste en la protection des hommes contre les moustiques et en l'éradication des insectes par pesticides et larvicides.

En 2006, le ministère de la santé et des solidarités a consacré 29 millions d'euros à la lutte contre le chikungunya, dont 22 millions d'euros obtenus par deux décrets d'avances, notamment pour des campagnes d'information et de dépistage.

L'InVS a également contribué à ces actions par l'envoi, à ses frais, de personnels sur place et la distribution de réactifs à la population. La gestion de cette crise a engendré un surcoût de près de 450.000 euros pour l'institut, pris en charge par la DGS à hauteur de 180.000 euros seulement.

Pour 2007, les spécialistes s'accordent pour penser qu'un retour de l'épidémie peut être envisagé à l'été austral, même si, pour la première fois depuis l'identification du virus en 2005, aucun nouveau cas n'a été signalé dans l'île pendant deux semaines consécutives. Il faut en effet attendre six semaines consécutives dans une contamination pour parler d'une éradication de la maladie.

Il conviendra donc de poursuivre les actions de surveillance et de démoustication et continuer à mobiliser les équipes de recherche en matière de vaccination. Pour cela, des emplois devront être créés dans les territoires concernés, notamment au sein du service de prophylaxie de la Réunion, qui comptait quelques agents seulement en 2005 contre 238 en 1979, année de l'éradication officielle du paludisme sur l'île. A cet égard, votre commission salue la création, au mois d'octobre, d'un service de prophylaxie regroupant l'Etat, la région, le département de la Réunion, les communes de l'île et les associations dans un Gip. Il devrait employer 150 personnes en 2007 et 200 dès 2008.

Si la lutte contre le chikungunya demeure une priorité, l'attention des services de veille sanitaire doit également se concentrer sur le risque d'une nouvelle épidémie de dengue en Guyane , le virus apparu en 2006, qui a touché 16.000 personnes, étant hautement transmissible. Dans ce cadre, des échanges d'informations sont prévus avec le Brésil et le Surinam.

Le bioterrorisme

Depuis la crise des enveloppes d'anthrax à l'automne 2001 aux Etats-Unis, la perpétration d'attentats à partir d'agents infectieux est redoutée par la plupart des pays développés. Les agents biologiques susceptibles d'être utilisés dans le cadre d'une action terroriste sont le charbon, la peste, la tularémie, la brucellose, la variole, les fièvres hémorragiques (Ebola, Marbourg, Crimée-Congo et Lassa), l'entérotoxine B du staphylocoque, les toxines botuliques, la toxine diphtérique, la ricine et la saxitoxine. Des mesures ont donc été édictées pour encadrer strictement les conditions de mise en oeuvre, de détention et de cession de ces agents, en subordonnant ces opérations à une autorisation préalable de l'Afssaps et en en organisant la traçabilité (arrêté du 30 juillet 2004).

La contamination des réseaux d'eau potable, des chaînes agroalimentaires et pharmaceutiques est particulièrement concernée. C'est pour répondre à cette nouvelle menace, très délicate à calibrer, que la France a mis en place le plan Biotox . Il est applicable par les différents ministères concernés, par les zones de défense et, chaque fois qu'il y a lieu, par les départements. En effet, en cas d'urgence, tout ou partie des mesures prévues peuvent être prises sur l'initiative du Premier ministre, des ministres et des préfets, sans déclenchement formel du plan, décidé, comme sa levée, par le seul Premier ministre.

Le plan précise les mesures à prendre au niveau gouvernemental et des fiches de première réaction correspondant à une dizaine de situations considérées comme vraisemblables.

Ainsi, les « sous-plans » variole et peste-charbon-tularémie permettent de répondre à une menace provenant d'agents de haute contagiosité interhumaine et environnementale. S'agissant de la variole, une circulaire du 16 mars 2004 prévoit la mise en oeuvre de plusieurs exercices en situation réelle relatifs aux procédures de vaccination. Dans ce cadre, la France a récemment participé à un exercice européen dénommé New Watchman, ce qui a permis de réactualiser les mesures prévues au mois de juillet dernier.

Des procédures sont également prévues en matière de distribution d'antibiotiques dans le cadre d'une agression bioterroriste de grande ampleur. La répartition géographique des sites de stockages sur le territoire national ainsi que le choix d'un prestataire spécialisé dans les opérations de stockage et de mise à disposition en urgence de médicaments permettent, en cas d'alerte, de garantir la bonne efficacité de la logistique de distribution des produits. Il est prévu de tester l'efficacité de cette organisation lors d'un exercice au cours du premier semestre 2007.

Par ailleurs, afin d'assurer la détection précoce des contaminations dans les réseaux d'eau potable , un réseau national de laboratoires spécialisés intervenant en cas d'alerte et assurant une astreinte a été mis en place en 2002 et étendu aux Dom en 2005. La coordination de leurs activités est confiée au laboratoire d'études et de recherches en hydrologie de l'Afssa.

Si, en 2006, le plan Biotox n'a pas constitué, loin s'en faut, une priorité budgétaire, en raison de la menace de pandémie grippale et de la fongibilité des crédits destinés aux deux plans, il devrait bénéficier de quelques subsides en 2007 : 370.000 euros de l'Etat, notamment pour les mesures de protection des réseaux d'eau potable et une part des crédits versés par l'assurance maladie aux fonds de prévention des risques sanitaires.

Les opérations envisagées en 2007 concernent le renouvellement des antibiotiques acquis dans le cadre des premiers marchés en 2002 et arrivant à péremption (18,3 millions d'euros), l'acquisition de doses de vaccins contre l'anthrax (un million d'euros) et la variole (20 millions d'euros) et la création d'une plateforme logistique de stockage et de transport des traitements et des vaccins (27 millions d'euros).

* 4 Etude de la London school of hygiene and tropical medicine sur la préparation des pays européens à une éventuelle pandémie grippale. Avril 2006.

* 5 Une approche critique de la mise en oeuvre des moyens de lutte contre la grippe aviaire. Rapport d'information Sénat n° 451 (2005-2006) de la commission des finances.

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