Avis n° 94 (2007-2008) de M. Jean-Guy BRANGER , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 22 novembre 2007

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N° 94

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2007

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2008 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IX

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION
(Immigration et asile)

Par M. Jean-Guy BRANGER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, Robert Hue, vice - présidents ; MM. Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, André Trillard, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mmes Paulette Brisepierre, Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 189 , 276 à 281 et T.A. 49

Sénat : 90 et 91 (annexe n° 15 ) (2007-2008)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Par décret en date du 31 mai 2007, un nouveau ministère, chargé de « l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement » a été créé.

Cette innovation s'est accompagnée, sur le plan budgétaire, de la création consécutive d'une nouvelle mission dans le PLF 2008.

Cette mission s'est vue rattacher notamment les crédits, antérieurement situés au sein de la mission « Action extérieure de l'Etat », dévolus à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et à la Commission de recours des réfugiés (CRR). Votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donc décidé de maintenir le suivi qu'elle exerçait antérieurement sur ces crédits en créant un nouvel avis budgétaire, dont ce fascicule constitue le premier exemplaire.

Le choix du nouveau gouvernement de réunir en un seul ministère les actions et leur financement, auparavant répartis dans différents ministères, consacrés à l'accès des étrangers sur le territoire français, aux différents établissements qui les prennent en charge, en France ou lors de leur retour dans leur pays d'origine, est positif.

L'objectif de cette mesure est de placer sous la responsabilité d'une autorité politique unique l'ensemble des actions touchant aux flux migratoires et aux étrangers présents sur le territoire français, quel que soit leur statut : demandeur d'asile, réfugié statutaire, travailleur ou personnes ayant bénéficié du regroupement familial.

Dans cette perspective, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement s'est vu confier une série de compétences, qu'il exerce seul, ou conjointement avec l'un de ses collègues.

Cette modification de l'organisation ministérielle et administrative en renforcera sans doute l'efficacité dans ces domaines délicats. Mais votre commission ne saurait, pour autant, se désintéresser des conditions et modalités de fonctionnement de l'OFPRA et de la CCR.

I. LES CRÉDITS ET LES PERSONNELS AFFECTÉS À LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION »

Le nouveau ministère dispose de l'ensemble des leviers d'action en matière d'accueil et de séjour des étrangers en France.

Il est ainsi seul compétent en matière d'exercice du droit d'asile et de protection subsidiaire, dans le respect des attributions de l'OFPRA et de la Commission des recours des réfugiés . Il est également responsable de la prise en charge sociale des personnes intéressées, de l'accueil en France des ressortissants étrangers qui souhaitent s'y établir, et de l'ensemble des questions concernant l'intégration des populations immigrées en France. Il a, de même, la charge des naturalisations, et de l'enregistrement des déclarations de nationalité à raison du mariage. Il est enfin compétent en matière de codéveloppement.

Pour remplir ces missions, il disposera, en 2008, des crédits et effectifs suivants, qui, pour l'essentiel, sont transférés d'autres ministères.

Récapitulation des crédits et des emplois de la mission, par programme

A. DES CRÉDITS D'ORIGINE DISPARATE

Une comparaison globale de 2007 à 2008 n'est pertinente qu'en s'appuyant sur l'évolution de chacune des actions concourant aux deux programmes qui composent la nouvelle mission. Ces évolutions sont récapitulées dans le tableau suivant :

La construction de la mission « Immigration, asile et intégration » s'est faite par le transfert de crédits en provenance de trois missions budgétaires, « Solidarité et intégration », « Sécurité » et « Action extérieure de l'Etat », pour un montant total, en autorisations d'engagement, de 618,3 millions d'euros et en crédits de paiements, de 609,6 millions d'euros.

Les crédits transférés proviennent, pour l'essentiel, de quatre ministères : celui du travail pour 430 millions d'euros, le ministère de l'Intérieur pour 77 millions d'euros, le Ministère des Affaires étrangères pour 64 millions d'euros, le ministère de la Défense pour 2,5 millions d'euros.

Les crédits attribués au programme 303 « immigration et asile » sur lesquels se concentrera le présent avis, se répartissent comme suit entre les quatre actions qui le composent :

Les autorisations d'engagement demandées pour 2008 se répartissent ainsi, selon les proportions suivantes : Action n°01 0,04, %, Action n°02 72,00 %, Action n° 03 19,02 %, Action n° 04 8,94 %.

B. LES PERSONNELS TRANSFÉRÉS DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EUROPÉENNES

a) La direction des Français à l'étranger et des étrangers en France

Les emplois provenant du ministère des affaires étrangères et européennes, pour une masse salariale de 6,31 millions d'euros, se répartissent entre les 137 ETPT du service des étrangers en France, qui fait actuellement partie de la direction des Français de l'étranger et des étrangers en France, et est inscrit sur le programme Français à l'étranger et étrangers en France de la mission « Action extérieure de l'Etat », et 3 ETPT qui contribueront au fonctionnement du programme Codéveloppement de la mission « Aide publique au développement » : il s'agit de l'ambassadeur au codéveloppement et de ses deux collaborateurs, actuellement rattachés au programme interministériel « Solidarité à l'égard des pays en développement ».

Le ministre a une autorité exclusive sur le secrétaire général du comité interministériel de contrôle de l'immigration et sur l'ambassadeur au codéveloppement ; il a autorité, conjointement avec le Ministre des affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, sur la Direction des Français à l'étranger et des étrangers en France.

Les personnels de ce service transféré conserveront leur appartenance statutaire actuelle, et continueront à relever de leur ministère d'origine sur le plan du statut comme de la rémunération, par le biais de conventions de délégation de gestion entre leur ministère d'origine et celui de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Ce dernier sera exclusivement chargé de la gestion de proximité des personnels, et ces emplois créés seront également rattachés à des corps préexistants.

b) Les personnels de l'OFPRA et de la CRR

Les deux services sont réunis dans un seul et même établissement public.

Le partage des effectifs est le suivant : en 2007, sur les 752 emplois (464 titulaires, 252 contractuels et 36 agents de catégorie C) mis à sa disposition par le ministère des affaires étrangères, 240 agents sont affectés à la CRR, auxquels s'ajoutent 9 agents du ministère des affaires étrangères, et 12 du ministère de la justice, affectés au bureau d'aide juridictionnelle. Au total, la CRR dispose ainsi de 261 agents .

L'OFPRA dispose donc, pour sa part, de 491 emplois .

II. LA RÉFORME DE 2003 A RENFORCÉ L'EFFICACITÉ DE L'OFPRA ET DE LA CCR, MAIS LES DÉLAIS DE TRAITEMENT DES DOSSIERS RISQUENT DE S'ALLONGER À NOUVEAU

L'OFPRA définit ainsi sa mission en matière d'asile :

« L'asile est la protection qu'accorde un Etat d'accueil à un étranger qui ne peut, contre la persécution, bénéficier de celle des autorités de son pays d'origine . S'il n'est pas nécessaire que des persécutions, des violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales aient été déjà subies, ni qu'elles soient le fait des autorités mêmes, il importe qu'elles puissent être, avec raison, personnellement redoutées en cas de retour dans le pays d'origine.

Le XXè siècle a été marquée par l'adoption d'un instrument de portée universelle : la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.

Au sein de l'Union européenne , les questions relatives à l'asile font l'objet d'un ' processus d'harmonisation , qui a déjà permis l'émergence de normes législatives communautaires

En France, toute forme de protection au titre de l'asile est régie par le livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile . Ces textes, dont les dispositions font écho à celles d'instruments internationaux mais répondent aussi à des exigences d'ordre constitutionnel , précisent, en particulier, ' qui peut demander l'asile et ' comment demander l' asile .

L'OFPRA , se trouve au coeur du dispositif national d'asile, car il est seul compétent pour ' instruire les demandes d'asile . Ses décisions sont susceptibles de recours devant la Commission des Recours des Réfugiés , juridiction administrative spécialisée.

Il a pour mission d'assurer la protection des personnes admises au bénéfice de l'asile , lesquelles se voient alors reconnaître par les autorités françaises, selon les cas, des droits assimilables à ceux des étrangers les plus favorisés, voire à ceux des nationaux.

Quant à la CCR, les grandes étapes de son évolution depuis 1951 sont les suivantes :

1951 : convention de Genève (28 juillet).

1952 : création de la Commission des Recours des réfugiés aux côtés de l'OFPRA (loi du 25 juillet).

1953 : décret d'application ; première séance de la CRR (30 juillet).

1954 : entrée en vigueur de la Convention de Genève.

1979 : le nombre des demandes est multiplié par quatre en l'espace d'un an.

1980 : première réforme de la Commission : création au sein de la Commission de sections présidées par un membre du Conseil d'Etat.

1985 : la Commission s'agrandit et renforce son personnel ; création de rapporteurs permanents et extension du secrétariat (une quarantaine d'agents).

1986 : le président de la Commission peut juger par ordonnance.

1989 - 1990 : première grande réforme de la Commission des recours qui s'installe à Fontenay-sous-Bois à côté de l'OFPRA ; possibilité de nommer dans les fonctions de présidents de section, non seulement des membres du Conseil d'Etat, mais aussi des magistrats de la Cour des Comptes, ainsi que les membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

1992 : restructuration au sein de la CRR, avec la création d'un bureau d'aide juridictionnelle, du centre d'information juridique et du centre d'information géopolitique.

1993 : décision du Conseil constitutionnel (n° 93-325DC du 13 août) et révision constitutionnelle qui permettent la reconnaissance du droit d'asile aux « combattants de la liberté » proclamé par le préambule de la Constitution de 1946 dans son quatrième alinéa.

1994 : création d'un service d'interprétariat au sein de la Commission.

1995 : convocation systématique en séance de tous les demandeurs d'asile.

1998 : la loi du 11 mai (loi Chevènement « relative au droit d'asile ») instaure l'asile territorial, et consacre l'asile constitutionnel qui produit des effets équivalents à celui de l'asile conventionnel.

2003 : loi du 10 décembre qui réforme le droit d'asile ; introduction de la protection subsidiaire, qui se substitue à l'asile territorial.

2004 : déménagement de la Commission des Recours à Montreuil

1er mars 2005 : entrée en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui abroge et remplace les dispositions de la loi du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile.

20 novembre 2007 : promulgation de la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à l'asile.

Au cours de sa brève histoire, la CRR a vu les recours formés devant elle contre les décisions de l'OFPRA progresser considérablement de 1978 (559) à 1992 (53 600). Pour faire face à cet accroissement, une circulaire gouvernementale du 26 septembre 1991 supprime le droit au travail pour les demandeurs d'asile.

Parallèlement, l'application des accords de Schengen, instituant un mécanisme de détermination de l'Etat responsable du traitement d'une demande d'asile, contribue également à la baisse du nombre des demandes : le nombre de recours, de 26 000 en 1992, descend à 13 600 en 1996, pour se stabiliser ensuite autour de ce chiffre, comparable à celui du milieu des années 80.

Depuis 1999, la tendance s'est de nouveau inversée. La Commission a alors enregistré 15 700 requêtes, contre environ 13 480 l'année précédente. Elle en a reçu plus de 20 000 en 2000, et plus de 26 000 en 2001.

Le nombre de recours enregistrés en 2004 s'élève à plus de 51 000, mais redescend à 39 000 en 2005.

Aujourd'hui, la demande d'asile enregistrée en tenant compte de l'asile territorial -supprimé par la loi de décembre 2003 mais remplacé par la protection subsidiaire dont le traitement est désormais attribué à l'OFPRA, puis à la Commission des Recours en cas d'échec- place la France au premier rang des pays d'accueil dans l'Union européenne des 15, mais aussi dans l'ensemble des pays industrialisés.

Les demandes enregistrées émanent principalement du continent africain, de l'Europe, puis des continents asiatique et américain.

Ces éléments sont récapitulés dans les graphiques suivants :

Source OFPRA

Les demandeurs d'asile en Europe

Source : UNHCR

CONCLUSION

D'après le Haut Commissariat aux réfugiés, en 2005, quelque 668 400 personnes ont demandé l'asile dans le monde, dont plus de la moitié en Europe.

Si ce flux semble aujourd'hui stabilisé en France autour de 50.000 demandes annuelles, déposées auprès de l'OFPRA, le nombre de recours formulés, dans le délai d'un mois, contre une décision de refus, ne cesse de s'accroître. Cette évolution traduit le rôle positif joué par les associations d'aide aux demandeurs d'asile, qui les informent pleinement de leurs droits.

Cependant, sur le plan fonctionnel, cette tendance alourdit la charge de la CRR, et allonge d'autant la durée de séjour sur le territoire français de personnes dont le sort reste incertain. Ceci n'est pas satisfaisant, ni pour les personnes intéressées, ni pour notre pays.

Il est donc souhaitable que le ministère de l'immigration veille au bon fonctionnement de l'OFPRA et de la CRR et en renforce les moyens, si nécessaire.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a procédé à l'examen du présent rapport lors de sa séance du 21 novembre 2007.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008, les groupes socialiste et CRC votant contre.

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