II. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le jeudi 9 octobre 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l' examen du rapport pour avis de Mme Brigitte Bout sur le projet de loi n° 497 (2007-2008) de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (urgence déclarée).

Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis , a souligné que le projet de loi poursuit l'effort entrepris depuis une dizaine d'années par les gouvernements successifs pour répondre à la demande de logement, tout en tenant compte du contexte budgétaire actuel. Il propose de s'attaquer à certains blocages qui persistent depuis trop longtemps dans les conditions d'occupation du logement social.

Trois grands sujets sont évoqués par les articles qui relèvent pleinement du domaine de compétences de la commission des affaires sociales : la mobilité dans le parc locatif social, la promotion de l'accession sociale à la propriété et la mise en place d'un plan de rénovation des anciens quartiers dégradés.

L'introduction d'une certaine mobilité dans les habitations à loyer modéré (HLM) est le premier objectif social du texte. Si plus de 1,2 million de personnes sont aujourd'hui en attente d'un logement social, c'est en partie parce qu'une fois le logement attribué, les ménages ont tendance à y rester, quelle que soit l'évolution de la famille ou de ses ressources. Il en résulte des situations anormales, voire injustes : un couple ou une personne seule peut continuer d'habiter un logement de cinq pièces après le départ du dernier enfant, alors qu'aucun grand logement social n'est disponible et que des familles de la commune attendent. De même, des personnes peuvent avoir eu accès à un logement social à une époque où elles gagnaient modestement leur vie et continuer d'y demeurer vingt ans plus tard alors que leurs revenus ont doublé ou triplé.

C'est à ce genre de situations que le projet de loi entend mettre fin. Grâce à une aide du bailleur et à la condition que des offres de relogement soient proposées, les ménages qui habitent dans des logements sociaux sous-occupés devront désormais les quitter. Il en sera de même pour les logements accessibles aux personnes handicapées dès lors qu'ils ne seront plus occupés par une personne handicapée. Enfin, les locataires dont les ressources dépassent de deux fois le plafond de ressources, soit 9 000 euros nets par mois pour un couple avec deux enfants, devront aussi quitter leur logement dans les trois ans.

Le projet de loi prévoit par ailleurs de baisser l'ensemble des plafonds de ressources de 10,3 % pour recentrer l'offre sur les bénéficiaires plus légitimes. Pour autant, le texte ne menace pas la mixité sociale : après son entrée en vigueur, 60 % des ménages français resteront éligibles à un logement social ; les classes moyennes y auront donc toujours accès.

Tout en soulignant qu'elle est très favorable à ces mesures, Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis , a précisé qu'elle proposera cependant deux amendements :

- le premier prévoit que l'obligation de quitter les lieux en cas de sous-occupation ne s'appliquera pas dans les zones où le marché locatif n'est pas tendu ;

- le second précise qu'en cas de décès de la personne handicapée pour laquelle le logement social était aménagé, la famille disposera de trois ans avant d'être contrainte de partir.

La promotion de l'accession sociale à la propriété constitue le deuxième point essentiel du projet de loi.

La loi « solidarité et renouvellement urbains », votée en 2000, prévoit que les communes de plus de 3 500 habitants - soit près de 1 400 communes - doivent avoir sur leur territoire au moins 20 % de logements sociaux.

Depuis 2000, la définition du « logement social » a évolué. Y ont été inclus en 2005, lors de l'examen de la loi « Handicap », les lits des foyers réservés aux personnes handicapées mentales. La même année, les logements loués ou vendus aux harkis ont été considérés comme des logements « sociaux ». Enfin en 2006, les logements HLM vendus à leurs locataires ont aussi été intégrés dans le décompte des 20 % pour une durée de cinq ans à partir de leur vente.

Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis , a considéré que ces choix étaient légitimes, comme l'est la proposition du texte de qualifier de « sociaux » les logements acquis grâce à un dispositif d'accession sociale.

De fait, les logements de l'accession populaire à la propriété visent les mêmes personnes et font l'objet du même niveau d'aide de la collectivité que les logements HLM. Pourquoi considérer que des personnes ayant le même revenu, exerçant souvent le même métier, sont « riches » quand elles sont propriétaires et « pauvres » quand elles sont locataires ? Ce préjugé malheureux est d'ailleurs nuisible aux ménages les plus modestes qui ont le plus besoin d'épargner et de se constituer un capital pour faire face aux accidents de la vie et pour aider leurs enfants à vivre plus confortablement.

Enfin, le projet de loi crée un programme de requalification des quartiers anciens dégradés, le PNRQA, qui répond à une attente maintes fois formulée par le Sénat. Dans le cadre du plan national de rénovation urbaine, une vingtaine de quartiers centraux dégradés ont déjà été restaurés. Entre 2009 et 2016, cent à cent cinquante nouveaux quartiers, répartis sur une centaine de communes, bénéficieront de cet outil spécifique dans lequel interviendront l'agence nationale de rénovation urbaine (Anru), l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (Anah) ainsi que le fonds d'investissement pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac). Ces quartiers feront l'objet d'une réhabilitation du parc privé et d'une redynamisation économique par l'implantation de commerces.

Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis , a toutefois estimé que ce plan pose plusieurs problèmes. Le premier est le maintien de la population résidant dans ces quartiers après leur réhabilitation : comment s'assurer que celle-ci n'aboutisse pas à l'éviction des plus pauvres, comme cela s'est déjà produit dans plusieurs villes ? Elle a donc proposé un amendement visant à garantir le maintien des populations résidantes dans les quartiers rénovés.

Le deuxième problème est celui du financement du plan, dont les besoins ont été chiffrés à 9 milliards d'euros. Aux 2,5 milliards qui seront prélevés par l'Etat sur le « 1 % logement » doivent s'ajouter 2,5 milliards financés par les collectivités. Les 4 milliards restants, sont censés provenir de prêts de la Caisse des dépôts et consignations et il conviendra d'obtenir des précisions supplémentaires, au cours des débats, sur ce point.

Enfin, l'examen de ce texte fournit l'occasion d'aborder la question sensible de la régulation de l'hébergement d'urgence. Actuellement, on constate que les places d'hébergement d'urgence se transforment en places de stabilisation ayant vocation à accueillir les personnes pour une longue durée, et ne permettent plus toujours de recueillir les personnes en détresse qui subissent des accidents de la vie.

Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis , a considéré que cette situation est potentiellement dramatique et qu'elle appelle une réflexion sur la spécificité de l'hébergement d'urgence à traduire dans une prochaine proposition de loi. En attendant, elle a proposé un amendement visant à réguler les places d'hébergement d'urgence existantes afin d'organiser l'information sur l'ensemble des places disponibles gérées par les associations.

Mme Catherine Proccacia s'est déclarée très favorable aux mesures réglementant la sous-occupation des logements sociaux. Elle a elle-même déposé plusieurs amendements en ce sens depuis 2004, la sous-occupation étant un véritable problème en Ile-de-France. Elle s'est interrogée sur la possibilité de reloger dans le même quartier des personnes ayant à quitter un appartement devenu trop grand : le texte ne pose aucune obligation en ce sens et ne fixe que des conditions relatives au loyer du nouveau logement. Elle a estimé trop long le délai de trois ans avant de devoir quitter un appartement sous-occupé eu égard aux besoins de logement des familles dans certaines zones.

Mme Annie David a rappelé l'opposition de son groupe au projet de loi, qui n'aborde pas la question de fond en matière de logement social : celle de la construction de logements pour tous. De plus, intégrer l'accession à la propriété dans le compte des 20 % de logements sociaux que doivent compter les communes, comme le prévoit l'article 17 du projet de loi, est une mesure de nature à limiter encore plus la rotation de ces logements.

M. Nicolas About, président, a précisé que l'accession à la propriété ne serait comptabilisée dans les 20 % de logements sociaux que pendant cinq ans à compter de leur financement.

Mme Annie David a néanmoins estimé qu'il s'agit là d'un changement de philosophie du logement social. La priorité devrait être de construire des logements vraiment sociaux, accessibles aux personnes les plus modestes. Intégrer l'accession à la propriété permettra de surcroît aux communes qui ne respectent pas leurs obligations d'améliorer leur taux, sans vraiment permettre l'accueil des ménages les plus modestes sur leur territoire : c'est par exemple le cas d'une commune de son département, Meylan, dont le taux de logement social avoisine les 6 %.

M. Jean-Pierre Godefroy a indiqué que son groupe n'éprouve guère plus d'enthousiasme sur le texte que le groupe communiste républicain et citoyen. Son expérience de maire et de président d'un office public d'HLM le conduit à penser que l'application des mesures contenues dans le projet de loi sera particulièrement douloureuse. Il s'agit en effet de faire quitter à des personnes déjà âgées un lieu peuplé des souvenirs de toute une vie et de les faire emménager dans un appartement plus petit qui les forcera peut-être à se séparer des meubles qui les entourent. La plupart du temps, le départ de l'appartement signifie aussi le départ du quartier auquel on est attaché, où l'on a ses habitudes et ses amis. Qui plus est, cette mesure ne portera que sur un nombre infime de logements. Il faudrait au moins que cette disposition soit modulée en fonction du nombre de logement sociaux dans la commune. Cherbourg, qui compte 60 % de logements sociaux, se trouvera dans l'obligation de reloger les personnes vivant dans un appartement trop grand au sein d'un parc privé onéreux sur lequel la demande est déjà vive. Faire partir les personnes âgées est également contraire à la mixité sociale nécessaire des immeubles HLM.

Concernant le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, il a jugé le principe intéressant mais il serait nécessaire, selon lui, de prévoir le conventionnement des logements et le financement du programme par l'intermédiaire du livret A.

Enfin, il a marqué son souci partagé avec le rapporteur sur la question de l'hébergement d'urgence. Il est essentiel de prévoir des hébergements spécifiques, notamment pour les femmes victimes de violences conjugales ou enceintes et sans abri.

Mme Isabelle Debré a souhaité savoir quelles seront les mesures prises pour trouver une solution au problème des logements privés vacants trop nombreux en Ile-de-France. Il a été envisagé, à un moment donné, une assurance obligatoire pour les loyers impayés : cette idée a-t-elle trouvé une traduction dans le texte ? Par ailleurs, les logements vendus aux harkis ont-ils vocation à rester pour toujours au sein des 20 % ?

Mme Annie David a estimé que, dans ce cas de figure, les logements vendus ne devraient plus rester au sein des 20 %, au-delà de cinq ans, par analogie avec les autres catégories de logements sociaux vendus à leur occupant.

M. Nicolas About, président , a considéré que le logement devrait être attaché au statut de la personne et sortir du champ des 20 % dès lors qu'il est hérité ou revendu.

Mme Isabelle Debré a insisté sur l'importance de l'hébergement d'urgence qui doit nécessairement comporter un accompagnement social pour apporter une vraie solution aux problèmes des personnes qui y ont recours.

M. Nicolas About, président , a estimé que l'ensemble des sujets traités par le projet de loi sont particulièrement difficiles, plus encore d'ailleurs à l'approche de l'hiver et au milieu d'une crise financière. Il est nécessaire de permettre l'accès effectif des plus démunis au logement social, ce que facilite le projet de loi en s'attaquant à la question de la sous-occupation. L'accession à la propriété est, à son sens, une manière de répondre au souci exprimé par Jean-Pierre Godefroy de ne pas faire quitter à des personnes déjà âgées le lieu de toute une vie. La location ne saurait être une fin en soi et il n'y a aucune honte à permettre aux ménages les plus modestes de se constituer un petit capital dès lors que les logements vendus ne sont pas comptabilisés durablement comme les logements sociaux. Puis qu'il existe un mécanisme d'entrée dans le logement social, la possibilité pour les familles d'en sortir doit également être prévue, notamment par l'achat. Par ailleurs, un problème spécifique doit être résolu : celui des familles occupant un logement adapté à l'accueil des personnes handicapées lorsque celle-ci vient à décéder. Il paraît peu humain d'ajouter la violence d'un déménagement rapide imposé à la perte d'un être cher.

M. Jean-Pierre Godefroy est convenu du fait qu'il existe certains cas où la sous-occupation ne peut se justifier. Néanmoins, la loi ne peut s'appliquer qu'aux situations existantes et les baux signés par les locataires actuels de logements sociaux ne comprennent pas d'obligation de les quitter. Enfin, certaines personnes, quand bien même désireuses d'acheter leur logement, se trouveront dans l'incapacité de le faire en raison des contraintes de prêt liées à l'âge ou à l'état de santé du candidat emprunteur.

Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis, a précisé que le projet de loi ne prévoit pas l'obligation de reloger les personnes devant quitter un logement sous-occupé au sein du même quartier, en raison de l'impossibilité de répondre à cette demande là où le marché du logement souffre de tensions. Elle a également indiqué que l'abaissement des plafonds de revenus pour l'éligibilité au logement social proposé par le texte aboutirait à ce que ce ne soit plus 70 % mais 60 % de la population française qui puissent prétendre à y avoir accès. Seront obligées de payer le surloyer le plus élevé les personnes ayant les plus hauts revenus : en l'occurrence, la mesure s'appliquera aux ménages de quatre personnes ayant un revenu de 9 000 euros nets par mois. On estime que 9 000 à 10 000 ménages sont concernés.

A Mme Annie David qui s'inquiétait de la réduction du nombre de bénéficiaires potentiels de logements sociaux, M. Nicolas About, président, a répondu que l'abaissement des plafonds aura, au contraire, pour intérêt de recentrer l'offre sur les ménages qui en ont le plus besoin, compte tenu de leurs ressources.

Mme Anne-Marie Payet ayant souhaité savoir si le texte contient des dispositions relatives à l'outre-mer, Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis, a répondu que le projet de loi sur l'outre-mer, présenté par Yves Jégo, traitera de la question du logement dans les collectivités ultramarines. Elle a ensuite souligné qu'il n'existe aucune obligation d'assurance pour les loyers impayés mais que, moyennant une cotisation de 2 % à 3 % du loyer, la garantie des risques locatifs (CRL) est à la disposition des bailleurs. Imposer l'obligation de louer un bien serait contraire au respect du droit de propriété garanti par la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Enfin, elle s'est dite convaincue du fait que l'accession sociale à la propriété est un moyen de responsabiliser les bénéficiaires.

A l'issue de ce débat, la commission a examiné les amendements présentés par le rapporteur.

Après que M. Jean-Pierre Godefroy et Mme Annie David ont indiqué, au nom de leurs groupes respectifs, qu'ils s'abstiendront sur le vote des amendements, la commission a adopté, à l'article premier (conventions d'utilité sociale), un amendement, commun avec la commission des affaires économiques, tendant à garantir que les collectivités territoriales intéressées seront associées à l'élaboration des conventions.

A l'article 2 (prélèvement sur les excédents de trésorerie des bailleurs sociaux), elle a adopté un amendement prévoyant que cet article s'appliquera après la présentation des comptes de l'exercice 2009 des bailleurs sociaux.

A l'article 7 (création d'un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés), elle a adopté un amendement prévoyant le conventionnement des logements requalifiés avec l'aide de l'Anah.

A l'article 8 (participation de l'Etat au financement du PNRQA), elle a adopté un amendement ouvrant la possibilité pour l'Anah de constituer, pour la réalisation de ses opérations, des fonds locaux de l'habitat privé.

A l'article 18 (réforme du cautionnement), Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis , a présenté un amendement autorisant les bailleurs sociaux à demander un cautionnement apporté par un organisme public et permettant aux étudiants non boursiers d'être cautionnés par une personne physique.

A Mme Catherine Procaccia qui s'inquiétait de la possibilité pour un bailleur de cumuler cautionnement et garantie des risques locatifs, M. Nicolas About, président , a répondu que l'amendement a précisément pour objet d'interdire ce cumul. Mme Isabelle Debré a néanmoins fait observer que la garantie des risques locatifs entraîne un prélèvement de 2 % à 3 % sur le loyer perçu.

A l'article 19 (modification du régime des délais d'expulsion), la commission a adopté un amendement raccourcissant le délai minimum que le juge peut accorder avant l'expulsion et invitant le juge à ne pas considérer que la possibilité d'hébergement constitue un motif pour refuser d'octroyer des délais.

A l'article 20 (mobilité dans le parc de logements HLM), Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis , a présenté un amendement visant à laisser au bailleur social l'opportunité de demander à son locataire, en fonction de la situation locale du logement, de quitter les lieux en cas de sous-occupation. A Mme Catherine Procaccia qui s'interrogeait sur les critères permettant de définir les zones où le marché locatif est tendu et jugeait nécessaire de les réévaluer régulièrement, M. Nicolas About, président , a indiqué qu'il appartiendra au pouvoir réglementaire de les définir et que leur évaluation périodique pourrait être confiée au préfet. M. Jean-Pierre Godefroy a suggéré que cette évaluation se fasse à partir des données des plans locaux d'habitation.

La commission a adopté cet amendement ainsi qu'un autre amendement tendant à assouplir l'obligation faite aux familles de quitter un logement social accessible à une personne handicapée lorsque celle-ci décède.

Après l'article 23 , elle adopté deux amendements portant article additionnel . Le premier donne au préfet le moyen d'organiser la régulation de l'hébergement d'urgence dans son département en obligeant les structures d'hébergement à déclarer en temps réel leurs places vacantes. Le second permet une régulation régionale de l'hébergement d'urgence en Ile-de-France.

A l'article 24 (gestion interdépartementale du droit au logement opposable), elle a adopté deux amendements donnant au préfet de région de l'Ile-de-France un pouvoir d'arbitrage en cas de conflit entre deux préfets de département.

La commission a enfin adopté le texte ainsi amendé .

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