2. ... qui réduisent mécaniquement les capacités d'action

Ainsi, le nombre de stages de militaires étrangers en France ont-ils été diminués : on comptait 800 stagiaires en France en 2009 contre 1 870 en 2007 . De même, les capacités d'enseignement du français ont-elles décrues de 50 % , alors que des demandes sont formulées par de nombreux pays francophones comme l'Ethiopie ou le Kazakhstan.

La régression de ces deux éléments ne produira ses effets négatifs qu'à moyen terme avec, d'ici une quinzaine d'années, un amoindrissement des élites francophones, et une perte d'influence de notre pays dans des secteurs clés. Les pays qui se tournent aujourd'hui vers la France, seront incitées à rechercher d'autres partenaires, faute de réponse adéquate de notre pays.

Il est également paradoxal que, dans une période marquée par la montée de multiples sources d'instabilité, une aide directe encore limitée aux forces armées de pays comme l'Afghanistan et le Pakistan ne puisse être apportée. De même dans la zone vide de forces de sécurité, mais non de populations mouvantes, que constitue la bande sahélienne , la France est incontestablement le pays disposant de la meilleure expertise pour soutenir des Etats fragiles, et dont les moyens ne sont pas à la hauteur des menaces qui pèsent sur eux. Ainsi, les ambitions du plan Sahel , dont le premier objectif est la lutte contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) doivent être limitées faute des 12 millions d'euros nécessaires.

La Direction présente ainsi la situation et ses priorités :

« Par redéploiement interne de ses crédits, la direction s'efforcera de mettre un terme aux baisses successives supportées par les actions de formation, coeur de métier de la coopération de défense. Le corollaire, cependant, sera de limiter au strict nécessaire les actions de soutien direct et d'ingénierie de sécurité et de défense, alors que les demandes sont fortes (plan Sahel, dossier AFPAK, sécurité maritime, ...).

Le Conseil de défense décidera vraisemblablement, pour les prochaines années, d'un certain nombre de réorientations de la coopération imputée sur le budget mis en oeuvre par la DCSD. En toute hypothèse, par la force des choses, cette coopération suivra en 2010, au moins pour sa plus large part, les grandes lignes adoptées pour 2009, qui se traduisent par les priorités suivantes :

- en Afrique subsaharienne :

§ pays avec lesquels nous avons des accords de défense, déjà renégociés (Togo, Cameroun) ou en cours de renégociation (Sénégal, Gabon, Djibouti, RCA, RCI, Comores),

§ appui à la sécurisation de la zone sahélo-saharienne (Mauritanie, Niger et Mali),

§ réseau actuel des ENVR (Ecoles nationales à vocation régionale),

§ sécurité maritime des abords du continent africain (projet de centre d'instruction maritime en Guinée équatoriale pour le Golfe de Guinée) et projet de centre de formation appuyé par l'UE à Djibouti pour le Golfe d'Aden) ;

- l'Afrique du Nord (Maroc et Tunisie) ;

- le Moyen-Orient et, au Levant, le Liban et la Jordanie ;

- en Asie, l'effort sera concentré sur l'Afghanistan, le Pakistan, la Malaisie, l'Indonésie, le Cambodge, et, s'agissant de l'Asie centrale, le Tadjikistan, le Kirghizistan et le Kazakhstan ;

- en Europe : dans les Balkans, la Serbie, la Bosnie, la Croatie, et la réalisation, pour ce qui incombe à la DCSD, du partenariat stratégique qui sera mis en oeuvre avec la majorité des Etats d'Europe centrale ;

- en Amérique latine : le centre d'entraînement aux opérations de maintien de la paix argentin et le Brésil. »

La DCSD fournit également des cadres et des instructeurs à plusieurs écoles africaines de maintien de la paix. Sa priorité porte sur l'école Alioune Blandin Beye 3 ( * ) de Bamako, qui forme 800 stagiaires africains chaque année, avec le soutien financier de 11 pays contributeurs, au premier rang desquels se situe le Japon.

Bien que de création récente (2007), l'école bénéficie d'une notoriété qui dépasse largement sa région hôte. Elle forme des officiers aussi bien de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) (61 %) que de la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC) (17 %), de l'Eastern African Standby Brigade (EASBRIG) (11 %), de l'Union du Maghreb arabe (UMA) (6 %) et de la Southern African Development Community (SADC) (5 %), et pourrait recevoir un soutien de l'UE à l'issue de l'étude conjointe UE-UA en cours .

Elle est l'héritière des écoles de maintien de la paix de Zambakro (Côte d'Ivoire) et de Koulikoro (Mali) qui étaient des écoles nationales à vocation régionale (ENVR 4 ( * ) ) soutenues par la France. L'école dispose aujourd'hui d'un statut original - école internationale avec conseil d'administration (CA) - qui la distingue des autres ENVR. Ainsi, sept pays (Royaume-Uni, Suisse, Etats-Unis, Canada, Pays-Bas, Allemagne et Danemark) ont été associés à ce projet, et ont rejoint le Mali et la France, initiateurs du projet, pour participer à sa construction et son équipement. Depuis lors, le Japon et l'Argentine, et la CEDEAO sont également devenus membres du CA.

L'appui de la France au fonctionnement de l'école s'élève au total, en 2009, à 627 000 €. La présence de représentants de la CEDEAO au sein du CA témoigne de la réelle appropriation de cette école par la sous-région, ce qui est fondamental pour la mise en place d'une nouvelle architecture de paix et de sécurité en Afrique.

L'EMP de Bamako a pour mission de contribuer au renforcement des capacités des Etats africains en matière de soutien à la paix, et à la mise en place de la brigade ouest de la force africaine en attente (FAA). A ce titre, elle est chargée de :

- former des stagiaires militaires et civils provenant des Etats africains, notamment des Etats membres de la CEDEAO, en vue de leur permettre de participer à des opérations de soutien de la paix menées dans le cadre des Nations Unies, de l'Union Africaine, ou de toutes autres organisations régionales ;

- faire acquérir ou entretenir des connaissances fondamentales, ainsi que des savoir-faire techniques et tactiques liés aux OMP ;

- contribuer au renforcement de la culture de la paix, en dispensant un enseignement pluridisciplinaire, adapté aux réalités africaines et reposant sur les concepts de paix et de sécurité ;

- favoriser les liens entre stagiaires au sein des stages.

Selon l'auditoire, les cours dispensés sont systématiquement bilingues (français et anglais). Une ouverture à la lusophonie est envisagée. Cette diversité constitue un véritable facteur d'intégration régionale et continentale. Depuis son ouverture, l'EMP a formé près de 1 700 stagiaires africains.

Une autre réalisation importante est le centre de perfectionnement aux actions post-conflictuelles de déminage et de dépollution (CPADD) de Ouidah (Bénin).

Le CPADD, créé en 2003, est une école nationale à vocation régionale dont la mission consiste à former des stagiaires issus de pays africains constituant la force africaine en attente, origines d'Etats pollués par des mines et les engins explosifs. Depuis 2006, ce centre est ouvert aux ONG (Handicap International, Halte Aux Mines Anti-Personnel,...), qui l'utilisent pour former une partie de leur personnel africain. L'action du CPADD s'inscrit dans le cadre de l'article 6 de la convention d'Ottawa sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction (prévention au danger des mines, élimination des mines terrestres et restes explosifs de guerre, destruction des stocks). Le centre propose également des formations répondant aux besoins des programmes de déminage humanitaire et des opérations de maintien de la paix en cours sur le continent africain. Près de 700 stagiaires ont été formés depuis la création de l'école.

Au cours des dernières années, de nombreux pays ou organisations internationales ont souhaité participer, d'une façon ou d'une autre, au fonctionnement de ce centre aux côtés du Bénin et de la France. Le Canada a apporté en 2007 une contribution financière de 36 000 € (via la CEDEAO) ; la Belgique a mis en place à partir de 2008 des instructeurs pour des courtes périodes, et a fourni du matériel pédagogique ; l'organisation internationale de la francophonie a financé la traduction des normes internationales validées par le CPADD, ainsi que l'organisation d'un séminaire destiné aux directeurs nationaux de la lutte anti-mines en Afrique; le Japon et le Brésil ont rejoint en 2009 les pays partenaires du centre, l'un en débloquant une contribution de 2,5 M$, et l'autre en envoyant deux instructeurs. La France met à disposition du CPADD deux coopérants militaires, dont le directeur des études. Sa contribution financière se monte, en 2009, à 505 823 €.

La qualité des enseignements dispensés au sein du CPADD, unanimement reconnue, explique la notoriété acquise par ce centre sur la scène internationale. Ainsi, le CPADD a pu nouer au cours des dernières années des liens forts avec de nombreux partenaires internationaux dans le domaine de lutte anti-mines. Il existe ainsi des relations de travail approfondies avec le CNDH (centre national de déminage humanitaire), l'ESAG (école supérieure et d'application du génie), le CIDHG (centre international du déminage humanitaire de Genève), et l'UNMAS (United Nations Mine Action Service ; agence de l'ONU).

Le statut du centre est en cours d'évolution pour en faire un véritable centre international de déminage humanitaire, au service de l'éradication des mines et des restes explosifs de guerre.

Si la France consacre un financement inférieur à celui consenti par d'autres pays occidentaux à l'aide au déminage et l'assistance aux victimes, elle agit de façon déterminante pour la formation de démineurs.

La DCSD est également présente en Europe avec l'Ecole d'Application des Officiers Mihai Viteazul de la Gendarmerie Roumaine , inaugurée en novembre 2002 et résultat de la coopération franco-roumaine débutée en 1999. L'Ecole est une institution à vocation régionale. La modernité des moyens matériels correspond aux standards européens.

Elle assure la formation initiale des officiers issus de l'Académie de Police, ainsi que la formation, pour la première affectation, des officiers qui ont été directement encadrés. Ces derniers suivent les cours de cette école après leur affectation dans la Gendarmerie.

L'Ecole participe aussi à l'organisation et au déroulement du Cours Supérieur International, en coopération avec la Gendarmerie Nationale Française, dont le but est la formation générale et spécifique, valable pour tous les officiers de gendarmerie et pour les forces de police à statut militaire appartenant à des pays avec lesquels la Gendarmerie Roumaine a des relations de coopération.

La DCSD constitue, par ses actions concrètes, en concertation avec les pays où elle opère, un excellent outil de visibilité politique. Son expertise lui vaut d'être sollicitée par des pays disposés à la financer directement, comme la Guinée équatoriale, pour l'ouverture en 2010, d'un centre d'instruction maritime.

Il conviendrait donc, qu'au terme de la période d'application de la révision générale des politiques publiques, une remise à niveau des moyens de la DCSD puisse être faite. Les sommes requises pour un retour à sa pleine activité sont modestes, à hauteur d'une vingtaine de millions d'euros, mais s'accompagneraient de l'efficacité inhérente aux actions bilatérales.

* 3 De nationalité malienne, A. B. Beye (1939-1998) a été ministre des affaires étrangères de son pays de 1979 à 1986, puis Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU en Angola de 1993 jusqu'à sa mort, dans un accident d'avion.

* 4 Depuis 1997, la France soutient en Afrique un réseau d'écoles nationales à vocation régionale (13 aujourd'hui) qui dispensent, au delà du maintien de la paix, des formations dans différents domaines (formation militaire de base, cours d'état-major, enseignement militaire supérieur, santé, déminage, sécurité intérieure, aéronautique,...) au profit des militaires et des gendarmes africains.

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