III. LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME DE LA FORMATION À L'ÉCOLE NATIONALE DE LA MAGISTRATURE

La réforme de la formation des auditeurs de justice étant entrée en vigueur le 1 er janvier 2009, votre rapporteur souhaite y consacrer un développement spécifique. Cette réforme s'inspire en effet largement des préconisations du rapport de nos collègues Pierre Fauchon et Charles Gautier sur le recrutement et la formation des magistrats 12 ( * ) . L'équipe de direction de l'ENM a présenté les caractéristiques de cette réforme à votre rapporteur, lors de son déplacement à Bordeaux le 9 novembre 2009.

A. UN NOUVEAU CONCOURS VISANT À ASSURER LA DIVERSITÉ ET LA PERTINENCE DU RECRUTEMENT

1. Des effectifs adaptés à la capacité d'accueil de l'école

Le nombre total d'élèves formés durant les cinq dernières années à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) s'élève à 1.381.

Il tient compte du nombre d'auditeurs de justice ayant été recrutés par concours et sur titre 13 ( * ) et rattachés à une promotion donnée.

Ne sont donc pas comptabilisés dans ce total les auditeurs qui se sont vus imposer le renouvellement d'une année d'études -rattachés pour cette période à la promotion de l'année qui suit la leur- ni les auditeurs ayant démissionné en cours de formation. Le nombre de redoublements ou de démissions au cours des dernières années s'établit comme suit :

- promotion 2003 : 269 + 1 redoublant de la promotion 2002 ;

- promotion 2004 : 279 - 1 démissionnaire ;

- promotion 2005 : 287 + 3 redoublants de la promotion 2004 ;

- promotion 2006 : 294 + 10 redoublants de la promotion 2005 ;

- promotion 2007 : 252 + 8 redoublants de la promotion 2006 ;

La promotion 2008 compte 207 auditeurs de justice actuellement en cours de formation. Sont également en cours de formation les auditeurs de justice issus du recrutement 2008 par concours et sur titre -141 admis au total- qui composent la promotion 2009.

Ces effectifs, en baisse, correspondent aux capacités d'accueil de l'Ecole à Bordeaux compte tenu des exigences de qualité de la formation des futurs magistrats. M. Jean-François Thony, directeur de l'École nationale de la magistrature, a indiqué à votre rapporteur que les effectifs d'auditeurs de justice connaissaient d'importantes fluctuations, illustrant l'absence de politique de gestion à long terme des effectifs de magistrats.

2. Un concours centré sur les fonctions du magistrat et prenant davantage en compte la personnalité des candidats

Les concours d'entrée à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) constituent la voie principale de recrutement de magistrats. Les autres voies de recrutement sont constituées par les concours complémentaires, qui ont pu ponctuellement être mis en oeuvre depuis la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001, dans le prolongement des précédents concours exceptionnels, et par plusieurs modes de sélection sur titres, modulés en fonction de l'âge et de l'expérience professionnelle des candidats, permettant l'accès direct dans le corps judiciaire.

S'agissant des concours d'accès à l'ENM 14 ( * ) , le premier est ouvert aux étudiants titulaires d'une maîtrise et âgés de moins de 31 ans 15 ( * ) . Le deuxième est réservé aux fonctionnaires remplissant les conditions fixées par le décret n° 90-709 du 1er août 1990 portant suppression des limites d'âge applicables aux recrutements par concours internes dans les corps de la fonction publique de l'Etat et justifiant de 4 ans de services. Le troisième est ouvert aux personnes n'ayant pas la qualité de fonctionnaire et justifiant de 8 années d'exercice professionnel ou d'un mandat électif (articles 16 et 17 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958).

La loi organique du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats a opéré un rééquilibrage en faveur des voies de recrutement alternatives pour irriguer le corps judiciaire de professionnels ayant acquis une expérience différente 16 ( * ) . Aussi M. Jean-François Thony, directeur de l'ENM, a-t-il indiqué à votre rapporteur que l'extension du recrutement sur titres apportait aux magistrats commençant leur carrière davantage de maturité.

Par ailleurs, le rapport de nos collègues Pierre Fauchon et Charles Gautier préconisait une plus large diversification du corps judiciaire par un statut plus attractif pour les candidats expérimentés et l'adaptation des modalités du concours étudiant pour « garantir un haut niveau de connaissances juridiques et promouvoir l'apprentissage du discernement ».

La réforme des concours d'accès à l'ENM, réalisée en 2008, est en cours de mise en oeuvre au titre de la session 2009 pour le recrutement des auditeurs de justice de la promotion 2010, qui intégrera l'ENM le 1 er février2010 17 ( * ) .

Cette réforme entreprise vise à davantage structurer le recrutement, la formation initiale et la formation continue, à partir des compétences et capacités attendues des magistrats, définies en lien avec le Conseil supérieur de la magistrature, l'inspection générale des services judiciaires et la direction des services judiciaires. Elle s'articule autour des principaux axes suivants :

- un concours recentré sur les fonctions du magistrat , le coeur de métier et les besoins du corps judiciaire, en particulier par le renforcement d'épreuves juridiques plus directement en lien avec les fonctions de magistrat (cas pratiques de droit et de procédure civile et pénale, droit public et institutions de l'Etat, connaissance et compréhension du monde contemporain) ;

- un concours prenant davantage en compte la personnalité des candidats , en particulier par la mise en oeuvre, d'une part de tests de personnalité et d'autre part d'une épreuve de mise en situation collective, sur le modèle de nombreuses grandes écoles, suivie d'un entretien avec le jury.

Ainsi, en application des dispositions de l'article 18-1 du décret du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature, modifié par le décret du 31 décembre 2008, chaque candidat fait l'objet d'un avis écrit d'un psychologue, établi à partir de tests de personnalité et d'aptitude d'une durée maximum de trois heures, passés avant les épreuves d'admission et d'un entretien d'une durée maximum de trente minutes organisé en présence d'un magistrat. Les psychologues qui conduisent les entretiens et les magistrats qui y assistent sont nommés examinateurs spécialisés adjoints au jury.

L'avis du psychologue est remis en mains propres au candidat ou lui est notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il est transmis au président du jury.

Le candidat ou le président du jury peuvent demander, dans les conditions prévues par le texte, un entretien avec un autre psychologue, organisé et notifié dans les mêmes conditions.

Le candidat peut demander la communication du résultat des tests de personnalité et d'aptitude, qui est détruit à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la publication des résultats du concours.

- une amélioration de la diversité du corps judiciaire, notamment par : la création de trois classes préparatoires, respectivement situées à Bordeaux, Paris et Douai et par l'élargissement de la composition du jury, particulièrement sensibilisé à la conduite des entretiens et aux techniques de l'évaluation.

Tableau comparatif des anciennes épreuves et nouvelles épreuves du concours d'accès à l'ENM

Admissibilité (1er, 2ème, et 3ème concours)

Epreuves des concours (jusqu'en 2008)

Épreuves nouvelles des concours (à compter de 2009)

Nature de l'épreuve

Durée de l'épreuve

Coeff.

Nature de l'épreuve

Durée de l'épreuve

Coeff.

Une composition, portant sur les aspects sociaux, juridiques, politiques, économiques et culturels du monde actuel.

5 h

5

Connaissance et compréhension du monde contemporain :

Une dissertation portant sur une question posée aujourd'hui à la société française dans ses dimensions judiciaires, juridiques, sociales, politiques, historiques, économiques, philosophiques et culturelles.

5 h

5

Une composition sur un sujet de droit civil (1er et 2ème concours).

Une série de questions appelant une réponse courte, destinée à évaluer les connaissances des candidats en droit civil (3ème concours).

5 h

4

Une dissertation de droit civil ou procédure civile

(pour 2ème et 3ème concours : dossier documentaire joint en complément du sujet)

5 h



- 63 -

3

Un cas pratique de droit civil ou procédure civile

2 h

1

Une composition, sur un sujet se rapportant soit au droit pénal (général et spécial), soit au droit public et au droit européen (1er et 2ème concours).

Une consultation ou étude juridique à partir de documents se rapportant soit au droit pénal (général et spécial), soit au droit public et au droit européen (3ème concours).

5 h

4

Une dissertation de droit pénal ou procédure pénale

(2ème et 3ème concours : dossier documentaire joint)

5 h

3

Un cas pratique de droit pénal ou procédure pénale

2 h

1

Questions appelant des réponses courtes sur l'organisation de l'Etat, de la justice, les libertés publiques et le droit public

2h

2

Une note de synthèse, à partir de documents se rapportant à des problèmes juridiques.

5 h

3

Admission (1er, 2ème et 3ème concours)

Epreuves des concours (jusqu'en 2008)

Epreuves nouvelles des concours (à compter de 2009)

Nature de l'épreuve

Durée de l'épreuve

Coeff.

Nature de l'épreuve

Durée de l'épreuve

Coeff

Une conversation avec le jury, ayant pour point de départ, au choix du candidat, soit ses réflexions sur un sujet se rapportant aux aspects sociaux, juridiques, politiques, économiques et culturels du monde actuel, soit le commentaire d'un texte de caractère général. Les candidats disposent d'une heure pour la préparation de cette épreuve (1er et 2ème concours)

Une conversation avec le jury permettant d'apprécier l'intelligence que le candidat a de ses activités antérieures et son ouverture d'esprit (3ème concours).

30 min.

5

Mise en situation : d'une durée de trente minutes sans préparation, cette épreuve consiste à donner à quatre candidats les éléments d'une situation concrète, le rôle précis qui leur est dévolu (qui peut être ou non celui de magistrat), et une directive précise les mettant en situation de prendre une décision ou de choisir une orientation.

Entretien avec le jury : d'une durée de quarante minutes, avec un exposé du candidat de cinq minutes portant sur une question d'actualité posée à la société française, une question de culture générale ou judiciaire (sujet unique tiré au sort, préparation de trente minutes) suivi d'une conversation de cinq minutes.

Le candidat est ensuite interrogé pendant vingt minutes sur son parcours et sa motivation, en s'appuyant sur une fiche individuelle de renseignement complétée par le candidat admissible, puis pendant dix minutes sur sa démarche à l'occasion de l'épreuve de mise en situation.

Pour les 2ème et 3ème concours, l'exposé porte sur l'expérience professionnelle du candidat.

70 min

(en deux temps,

de 30 puis

de 40 minutes)

6

- 64 -

(5/20 note éliminatoire)

Une interrogation orale se rapportant soit au droit commercial, soit au droit administratif.

15 min.

3

Une interrogation orale se rapportant au droit social et au droit commercial

25 min.

4

Une interrogation orale sur le droit social.

15 min.

2

Une interrogation orale portant pour chaque candidat sur celle des deux matières qu'il n'a pas choisie pour la troisième épreuve écrite : droit pénal (général et spécial), soit au droit public et au droit européen

15 min.

2

Une interrogation orale se rapportant au droit européen et au droit international privé

25 min.

4

Une interrogation orale sur l'organisation judiciaire et la juridiction administrative, la procédure pénale, la procédure civile et la procédure administrative.

15 min.

2

Une épreuve orale de langue vivante comportant la traduction d'un texte suivie d'une conversation. La liste des langues étrangères qui peuvent être choisies est établie par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice (allemand, anglais, arabe classique, moderne, espagnol, italien et russe).

30 min.

2

Une épreuve orale obligatoire de langue étrangère consistant en un compte rendu oral du contenu d'un texte et le développement d'un thème

Pour la session 2009 : au choix anglais, allemand, espagnol, arabe classique, arabe moderne, italien ou russe

A compter de la session 2010 : anglais obligatoire

30 min (dont 15 minutes de préparation)

- 65 -

3

Une épreuve orale facultative de langue étrangère

20 min.

1 18 ( * )

Une épreuve orale facultative de langue vivante en allemand, italien, espagnol ou arabe littéral (compte rendu oral du contenu d'un texte et développement d'un thème)

30 min (dont 15 minutes de préparation)

2 19 ( * )

Une note de synthèse : sur la base d'un dossier documentaire, rédaction d'une note portant sur une problématique judiciaire, juridique ou administrative.

5 heures

4

Une épreuve d'exercices physiques.

Journée

1

* 12 Rapport d'information n° 383 (2006-2007) du 11 juillet 2007 de MM. Pierre Fauchon et Charles Gautier, fait au nom de la commission des lois et de la mission d'information de la commission des lois, Un recrutement diversifié, une formation ambitieuse. Les impératifs d'une justice de qualité.

* 13 Article 18-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 14 La réforme des conditions et modalités d'accès à l'ENM est intervenue par décret n°2008-1551 du 31 décembre 2008 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature et par arrêtés du même jour, l'ensemble de ces textes ayant été publiés au Journal officiel du 1er janvier 2009.

* 15 La condition d'âge a été repoussée de 27 à 31 ans.

* 16 Voir le rapport n° 176 (2006-2007) de M. Jean-Jacques HYEST, fait au nom de la commission des lois, déposé le 24 janvier 2007.

* 17 Les épreuves d'admissibilité de ce concours se sont déroulées les 7, 8, 9 et 10 septembre 2009 et les épreuves d'admission auront lieu de novembre 2009 à janvier 2010.

* 18 Seuls les points au dessus de 10/20 sont pris en compte dans la limite de 5.

* 19 Même observation que ci-dessus. Source : ENM

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