N° 694

SÉNAT

SECONDE SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 septembre 2010

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale (procédure accélérée),

Par M. Jean-Jacques JÉGOU,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

672 , 690 et 691 (2009-2010)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Marquée par la volonté politique de laisser les dispositifs de protection sociale et les stabilisateurs économiques jouer leur rôle d'amortisseur conjoncturel, la crise a eu pour conséquence de porter la dette sociale à des niveaux historiques. En trois ans (2009-2011), les déficits cumulés du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) devraient atteindre près de 87 milliards d'euros, soit un montant proche du montant de la dette qui reste à amortir par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

Le choix du Gouvernement de confier en 2010 à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) le portage de la dette sociale contractée en 2009 et 2010, et de reporter à l'automne 2010 les décisions concernant la gestion de la dette sociale avait suscité en 2009 l'inquiétude de votre rapporteur pour avis. Par souci de responsabilité, il avait proposé, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, d'engager le retraitement de la dette sociale dès cette année en transférant 20 milliards d'euros à la CADES et en affectant à cette dernière 0,15 point supplémentaire de Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).

Au terme des travaux de la commission de suivi de la dette sociale 1 ( * ) , le Gouvernement a annoncé son intention de transférer entre 2011 et 2018 près de 130 milliards d'euros de déficits à la CADES. Si votre rapporteur pour avis se félicite de la prise en compte des futurs déficits « Vieillesse » dans le projet gouvernemental, il tient à souligner qu'il n'y a guère de satisfaction à avoir quant au principe de ce transfert. L'ampleur de celui-ci ne fait que témoigner à ce jour de notre incapacité à redéfinir de manière satisfaisante le financement de notre protection sociale.

Les mesures proposées cet automne répondent ainsi à deux impératifs :

- d'une part, faire face à l'impossibilité pour l'ACOSS d'assurer en 2011 la couverture des déficits cumulés du régime général entre 2009 et 2011 ;

- d'autre part, accompagner autant que faire se peut la réforme des retraites en allégeant la contrainte financière de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).

Le financement de ces mesures reposerait sur un compromis que votre rapporteur pour avis aurait préféré éviter : l'allongement de la durée de vie de la CADES, l'utilisation anticipée du Fonds de réserve des retraites (FRR), la création d'un « panier de recettes » en lieu et place d'une augmentation de la CRDS, impôt qui a pourtant l'avantage de permettre à chacun de matérialiser sa contribution au remboursement des dépenses courantes que sont les dépenses de protection sociale.

L'examen par le Parlement de ce schéma sera fractionné entre différents textes législatifs. A cet égard, il convient de souligner que le présent projet de loi organique ne fait qu'ouvrir des possibilités que le législateur aura à confirmer lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2011 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2011.

Votre commission des finances a souhaité se saisir pour avis de l'article premier du présent projet de loi organique car le traitement de la dette sociale, partie intégrante de la dette publique, participe du travail d'assainissement de nos comptes publics. Les discussions qui ont eu lieu cette année sur la soutenabilité de la dette publique soulignent l'importance des débats budgétaires et financiers de cet automne. Votre commission des finances entend ainsi prendre toutes ses responsabilités dans la définition d'une trajectoire de réduction des déficits publics.

***

A l'issue de l'examen du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale par la commission des affaires sociales du Sénat, le texte comporte cinq articles :

- l'article 1 er prévoit une dérogation exceptionnelle au principe organique de non-allongement de la durée d'amortissement de la dette sociale et permet le transfert d'actifs à la CADES ;

- l'article 2 améliore l'information du Parlement sur la situation patrimoniale de la sécurité sociale ;

- l'article 2 bis , introduit à l'initiative du Gouvernement, modifie la composition du conseil d'administration de la CADES, en l'élargissant à des représentants des organismes de sécurité sociale et du FRR ;

- l'article 3 prévoit un avis de la Cour des comptes sur le tableau patrimonial des différents organismes de la sécurité sociale (article de coordination avec l'article 2) ;

- l'article 4 précise les dates d'entrée en vigueur de la loi, c'est-à-dire dès la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. La situation patrimoniale des différents organismes de sécurité sociale ne sera toutefois opérée que dans le cadre du PLFSS pour 2012.

I. LA RÉORGANISATION DE LA GESTION DE LA DETTE SOCIALE EST INDISPENSABLE

A. LA DETTE SOCIALE, UNE COMPOSANTE DYNAMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE

La dette publique, ou la dette des administrations publiques au sens du Traité de Maastricht, comprend la dette de l'Etat, la dette des organismes divers d'administration sociale (ODAC), la dette des administrations publiques locales (APUL) et la dette des administrations de sécurité sociale (ASSO).

La dette sociale peut recouvrir essentiellement deux notions : d'une part, au sens large, la dette des organismes sociaux, d'autre part, dans un sens plus strict, la dette du régime général et du FSV.

Quelle que soit son acception, elle est une partie de la dette publique dont le montant a atteint 1 535 milliards d'euros à la fin du premier semestre 2010, soit un peu plus de 80 % du produit intérieur brut (PIB).

1. Les différents périmètres de la « dette sociale »

La « dette sociale » peut recouvrir différents périmètres.

a) La dette des organismes sociaux : 155,8 milliards d'euros en 2009

La dette des organismes sociaux correspond :

- à la dette brute portée par la CADES ;

- et à la dette directement à la charge des ASSO qui comprennent les régimes d'assurance sociale (SECU) et les organismes dépendants des assurances sociales (ODASS), soit essentiellement les hôpitaux.

Le périmètre des administrations de sécurité sociale (ASSO)

Les régimes d'assurance sociale des administrations de sécurité sociale comprennent :

- le régime général de la sécurité sociale ;

- les fonds spéciaux tels que le Fonds de solidarité vieillesse ;

- les régimes spéciaux ;

- les régimes des non salariés ;

- le régime d'indemnisation du chômage (UNEDIC) ;

- les régimes complémentaires d'assurance vieillesse des salariés.

Les organismes dépendant des assurances sociales comprennent :

- les hôpitaux ;

- les oeuvres sociales intégrées aux organismes de sécurité sociale.

Source : INSEE

La dette des organismes sociaux a ainsi atteint 155,8 milliards d'euros en 2009, soit 8,2 % du PIB. Elle était de « seulement » 45,3 milliards d'euros, soit 3,3 % du PIB, en 1999.

Evolution de la dette des organismes sociaux

(en milliards d'euros)

1999

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Dette CADES

32,7

29,8

31,3

72,1

73,7

75,4

74,8

84,1

96,5

Dette ASSO

12,6

16,5

32,1

25,6

36,7

44,8

53,3

45,4

59,3

Total

45,3

46,3

63,4

97,7

110,4

120,4

128,1

129,5

155,8

En % du PIB

3,3%

3%

4%

5,9%

6,4%

6,7%

6,8%

6,7%

8,2%

Source : Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques - juin 2010

La dette supportée par les seules administrations de sécurité sociale s'est élevée à 59,3 milliards d'euros à la fin de l'année 2009, soit un niveau sans précédent.

Si le régime général représente près de 40,5 % de cette dette (24 milliards d'euros), il convient de souligner l'importance :

- de la dette des hôpitaux qui atteint 21,7 milliards d'euros ;

- de la dette de l'UNEDIC qui s'élève fin 2009 à 9,5 milliards d'euros.

b) La dette sociale constituée par les déficits du régime général et du FSV

Dans le cadre de l'examen du présent projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, la « dette sociale » correspond aux déficits cumulés du régime général et du FSV.

Selon les derniers chiffres publiés par la commission des comptes de la sécurité sociale, les déficits cumulés du régime général et du FSV en 2009 et 2010, ainsi que les déficits prévisionnels 2011 s'élèveraient à 86,8 milliards d'euros . Il convient de noter que ce montant est inférieur de plus de 8 milliards d'euros aux prévisions indiquées en loi de financement pour 2010 et qui sont encore susceptibles d'évoluer d'ici la prochaine réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale prévue à la fin du mois de septembre. La composante « Vieillesse » représenterait 44,5 % de ce total, soit 38,8 milliards d'euros.

Evolution des soldes du régime général et du FSV

(en milliards d'euros)

2009

2010

2011

Total

(1) Solde du régime général

-20,3

-26,8

-28,2

-75,3

(2) Solde vieillesse régime général

-7,2

-9,3

-10,8

-27,3

(3) Solde du FSV

-3,2

-4,3

-4,0

-11,5

TOTAL (1) + (3)

-23,5

-31,1

-32,2

-86,8

TOTAL Vieillesse (2) + (3)

-10,4

-13,6

-14,8

-38,8

Source : commission des finances, à partir du rapport de la commission des comptes de la Sécurité sociale de juin 2010

La sécurité sociale enregistrera ainsi en 2009 et 2010 des déficits jamais atteints : même lors de périodes comprises entre 1993 et 1995 et entre 2003 et 2008, pourtant marquées par des déficits particulièrement importants, le solde du régime général s'était stabilisé autour de 10 milliards d'euros comme le montre le graphique suivant.

Solde du régime général, de la CNAMTS et de la CNAVTS (1990-2010)

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - rapport de juin 2010


* 1 Dont votre rapporteur pour avis était membre.

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