C. UN RÉVÉLATEUR DES DYSFONCTIONNEMENTS DE LA DÉMOCRATIE PARLEMENTAIRE FRANÇAISE

Au-delà des remarques formulées par votre rapporteur pour avis sur les lois générales de simplification, ce dernier souligne que ces dernières constituent une réponse à un vrai problème. Elles se contentent cependant de s'attaquer à un des symptômes - la complexité du droit - des dysfonctionnements de la démocratie parlementaire française sans s'intéresser aux causes de ces dysfonctionnements .

1. La simplification, un sujet typiquement français ?

Au cours de ses travaux, votre rapporteur pour avis s'est interrogé sur le caractère spécifiquement français de la démarche de simplification.

Lors de son audition, Frédérique Rueda, professeur de droit public, a évoqué la situation au plan international et a clairement indiqué que la simplification n'était pas une problématique propre à la France. Elle concerne l'ensemble des pays développés .

Née dans les temps modernes au XIX ème siècle, elle est initialement issue du monde du droit : des juristes ont cherché à rationaliser l'ordre juridique, jugé trop vague, ambigu et complexe.

La mondialisation de l'économie a donné un nouvel essor à la simplification, avec un objectif de simplification des branches touchant à l'activité économique (droit du travail, droit des contrats, droit des sociétés, droit fiscal...). Elle est apparue comme un outil au service de l'attractivité économique.

Enfin, les institutions communautaires elles-mêmes promeuvent la simplification du droit, ceci notamment dans l'optique d'harmonisation des droits nationaux dans les domaines concernés par la construction européenne.

2. Les causes de la complexité du droit français

Votre rapporteur pour avis estime que la portée des lois de simplification reste limitée tant qu'une réflexion n'est pas menée sur la qualité de la réglementation ainsi que sur le processus législatif .

Comme l'indique le professeur Jean-Marie Pontier, « avant de voir comment et pourquoi simplifier, il faut donc peut être commencer par s'interroger sur les facteurs de cette supposée complexité croissante » 43 ( * ) .

a) L'inflation législative

La frénésie de production de normes est constatée par tous dans notre pays. Le Premier ministre l'a indiqué lui-même dans la lettre de mission de Jean-Luc Warsmann : « Notre pays souffre d'une inflation normative dénoncée unanimement par les responsables politiques, les praticiens, les juridictions et les acteurs économiques. Cette production normative mal maîtrisée porte préjudice à la qualité de la règle de droit, affecte le crédit de l'action publique, génère des coûts pour la collectivité et constitue un facteur d'insécurité juridique » 44 ( * ) .

Le rapport du Conseil d'État de 2006 cite des chiffres 45 ( * ) particulièrement révélateurs de la frénésie normative :

- 9 000 lois et 120 000 décrets ont été recensés en 2000. Entre 2000 et 2006, sont venus s'y ajouter 70 lois, 50 ordonnances et 1 500 décrets par an ;

- plus de 10 % des articles d'un code sont modifiés chaque année, avec des taux nettement supérieurs pour certains codes, comme les codes du travail, de la santé publique, de la sécurité sociale, le code général des impôts ou encore le code général des collectivités territoriales ;

- les projets de loi sont de plus en plus longs, comme l'illustre la longueur du Journal officiel , passé en moyenne de 15 000 pages annuelles au cours des années 1980 à 23 000 pages annuelles au cours des dernières années.

Le rythme des sessions parlementaires s'étant accéléré depuis 2006, il ne faire guère de doute que les chiffres cités par le Conseil d'État sont en deçà de la réalité actuelle.

Conscient de cette réalité, le Président du Sénat, Gérard Larcher, indiquait ainsi, en clôture de la dernière session ordinaire qu'« une réhabilitation de la loi s'impose. Il nous faut des textes allégés, moins touffus, plus compacts et constitutionnellement législatifs. (...) Cette exigence, nous la devons à nos concitoyens (...) à qui nous devons aussi (...) des lois compréhensibles et cohérentes, éclairées par un débat parlementaire plus attractif et plus lisible. (...) La qualité de la loi doit être au coeur de nos réflexions ». 46 ( * )

Certains appellent donc à une réduction de la frénésie normative parallèle à la démarche de simplification . Jean-Marie Pontier précise qu'en matière de simplification, « la bonne volonté du gouvernement et du législateur est à saluer, et on ne peut douter de son authenticité. Cette bonne volonté serait toutefois plus prise au sérieux si elle s'accompagnait d'un similaire effort pour limiter le nombre de lois édictées » 47 ( * ) .

De même, si le Conseil d'État se réjouit des résultats de la simplification, il ne manque pas d'indiquer que cette dernière « gagnerait à être complétée par une logique de prévention des nouveaux flux » 48 ( * ) .

Au-delà de l'inflation normative, ce qui est particulièrement dommageable pour la qualité du droit, c'est la multiplication de textes dans un secteur spécifique, sans évaluation des textes précédents et parfois sans même donner à ces derniers le temps de produire leurs effets . Cette réalité a été soulignée par notre collègue Bernard Saugey en 2007, lorsqu'il indiquait que « le système juridique français n'a (...) pas échappé à la logique de sédimentation, consistant à prendre successivement des textes sur le même sujet sans réévaluation de l'ensemble du dispositif et sans abrogation en conséquence de tout ce qui est devenu inutile, superfétatoire, redondant ou encore obsolète » 49 ( * ) .

Récemment le Président de la République a lui-même appelé à la suppression des lois « obsolètes, dépassées et contre-productives » estimant que « l'accumulation, générations après générations, de législations produit une cathédrale législative où plus personne ne sait comment on entre (...) et on ne sait plus comment on en sort » 50 ( * ) .

Le rapport du Conseil d'État est sur ce point également très instructif, puisqu'il évoque plusieurs exemples de « stroboscopes législatifs » 51 ( * ) :

- en matière de maîtrise des flux migratoires, le Conseil relevait en 2006 70 réformes de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, désormais reprise dans le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CEDESA) entré en vigueur le 1 er mars 2005 ;

- en matière de lutte pour le plein emploi, de nombreux contrats de travail spéciaux aidés ou dérogatoires ont été créés : contrats « initiative-emploi » , « emploi-solidarité » , « local d'orientation » , « vendanges » , « de retour à l'emploi » , « d'accès à l'emploi » , « emploi consolidé » , « de conversion » , « de professionnalisation » ou encore « d'insertion » , « revenu minimum d'activité ».

Dans l'ensemble de ces domaines, l'intervention de la loi se fait sans évaluation des dispositifs existant, les gouvernants étant uniquement sensibles à « l'impératif de communication médiatique » 52 ( * ) .

b) Le recours à la procédure accélérée

Le système parlementaire français est fondé sur le bicaméralisme et donc sur la « navette » entre les deux assemblées. Cette dernière doit permettre un réel débat, notamment entre les deux chambres, sur chaque texte législatif .

Comme l'indiquait le président de la commission des lois Jean-Jacques Hyest dans son rapport sur la réforme constitutionnelle de 2008, « la navette est l'une des conditions de l'approfondissement du débat politique et d'amélioration du travail législatif » 53 ( * ) .

Or le tableau suivant montre que la procédure accélérée , qui a succédé à la procédure d'urgence, a été mise en oeuvre à 39 reprises depuis l'entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle le 1 er mars 2009.

Procédures accélérées engagées par le Gouvernement depuis le 1 er mars 2009

- proposition de loi visant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l'inceste sur les mineurs et à améliorer l'accompagnement médical et social des victimes (1 er avril 2009) ;

- proposition de loi tendant à modifier l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative (1 er avril 2009) ;

- projet de loi relatif à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires (15 avril 2009) ;

- projet de loi relatif à l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie (29 avril 2009) ;

- projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 (27 mai 2009) ;

- projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental (3 juin 2009) ;

- projet de loi relatif à la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français (10 juin 2009) ;

- projet de loi organique relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte (17 juin 2009) ;

- projet de loi relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte et portant ratification d'ordonnances (17 juin 2009) ;

- proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (18 juin 2009) ;

- projet de loi autorisant la ratification de la convention sur les armes à sous-munitions (23 juin 2009) ;

- projet de loi autorisant la ratification de la convention d'extradition entre la République française et le Royaume du Maroc (23 juin 2009) ;

- projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire entre la République française et le Royaume du Maroc (23 juin 2009) ;

- projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (23 juin 2009) ;

- projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus (23 juin 2009) ;

- projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet (24 juin 2009) ;

- projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État (22 juillet 2009) ;

- projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (29 juillet 2009) ;

- proposition de loi organique modifiant le Livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin (13 octobre 2009) ;

- projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (21 octobre 2009) ;

- proposition de loi organique tendant à permettre à Saint-Barthélemy d'imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans (22 octobre 2009) ;

- projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale (22 octobre 2009) ;

- projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental (29 octobre 2009) ;

- projet de loi relatif au Grand Paris (23 novembre 2009) ;

- projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (27 janvier 2010) ;

- projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature (27 janvier 2010) ;

- projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine (1 er février 2010) ;

- projet de loi relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique (24 février 2010) ;

- projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (25 mars 2010) ;

- projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 (12 mai 2010) ;

- projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale (13 juillet 2010) ;

- projet de loi organique relatif à la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire (13 juillet 2010) ;

- projet de loi portant réforme des retraites (13 juillet 2010) ;

- projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (22 juillet 2010) ;

- projet de loi autorisant la ratification de la convention entre la République française et le Royaume des Pays-Bas, relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre leurs administrations douanières, en vue d'appliquer correctement la législation douanière, de prévenir, de rechercher, de constater et de réprimer les infractions douanières dans la région des Caraïbes, et notamment sur l'île de Saint-Martin (22 juillet 2010) ;

- projet de loi organique relatif au Département de Mayotte (3 août 2010) ;

- projet de loi relatif au Département de Mayotte (3 août 2010) ;

- projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques (15 septembre 2010) ;

- projet de loi portant transposition de diverses directives du Parlement européen et du Conseil en matière civile et commerciale (22 septembre 2010).

Les espoirs formulés en 2009 par notre collègue Bernard Saugey sont loin d'être réalisés : il indiquait alors qu' « il conviendra (...) que la procédure accélérée destinée à remplacer l'urgence actuellement déclarée par la seule volonté du Gouvernement ne soit pas banalisée comme c'est le cas aujourd'hui » 54 ( * ) .

Au-delà de la procédure utilisée, ce sont surtout les délais d'examen des textes par le Parlement qui importent afin de pouvoir procéder à leur examen approfondi. Afin d'éviter la complexité ou l'ambigüité du droit, votre rapporteur pour avis souligne la nécessité que le Parlement ne soit pas obligé de légiférer dans l'urgence .

c) Les lacunes des études d'impact

Un des éléments conditionnant la qualité des textes normatifs est leur phase préparatoire . Au sein de celle-ci les études d'impact doivent jouer un rôle majeur afin d'» endiguer la prolifération des textes et (...) en maîtriser la complexité » 55 ( * ) .

Introduites à titre expérimental par une circulaire du 21 novembre 1995, complétée par une circulaire du 18 mars 1996, puis généralisées par circulaire du 26 janvier 1998, à la suite d'une évaluation par le Conseil d'État et le comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, les études d'impact ont été critiquées, notamment pour leur qualité insuffisante.

L'expérience n'a donc pas duré et la circulaire du 26 août 2003 est revenue sur celle de 1998, en indiquant que « pour chaque projet de texte, il reviendra désormais d'apprécier, compte tenu de la nature et de la portée du dispositif envisagé d'une part, s'il convient de lancer une étude d'impact, d'autre part, sur quels aspects doit porter cette étude et selon quelles modalités elle sera réalisée ».

Les études d'impact ont pourtant été mises en oeuvre dans de nombreux autres pays confrontés à l'inflation normative (Canada, Danemark, Pays-Bas...). Elles sont également un des éléments du « mieux légiférer » mis en oeuvre par la Commission européenne. Enfin, le Conseil d'État les a considérées comme un élément permettant de remédier à l'inflation normative. La loi organique fixant le droit d'élaboration des textes, que le Conseil appelait de ses voeux dans son rapport de 2006, devait notamment rendre obligatoire les études d'impact pour tous les projets de loi et d'ordonnance.

La révision constitutionnelle de 2008 a répondu à ce souhait : l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 56 ( * ) rend en effet obligatoires les études d'impact.

Afin de « retenir une définition précise et exigeante » 57 ( * ) de ces dernières, comme l'avait recommandé Jean-Luc Warsmann dans son rapport sur la simplification du droit, l'article 8 détermine avec précision leur contenu.

Contenu des études d'impact
(article 8 de la loi organique du 15 avril 2009)

Les études d'impact « définissent les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensent les options possibles en dehors de l'intervention de règles de droit nouvelles et exposent les motifs du recours à une nouvelle législation ».

Elles comprennent les éléments suivants :

- l'articulation du texte avec le droit européen et son impact sur l'ordre juridique interne ;

- l'état du droit dans le domaine visé par le texte ;

- les modalités d'application dans le temps des dispositions envisagées, les textes à abroger et les mesures transitoires ;

- les conditions d'applications des dispositions outre-mer ;

- l'évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que les coûts et bénéfices financiers attendus pour les administrations publiques ainsi que les personnes physiques et morales concernées ;

- l'évaluation des conséquences du texte sur l'emploi public ;

- les consultations menées avant la saisine du Conseil d'État ;

- les suites données, le cas échéant, à l'avis du Conseil économique, social et environnemental ;

- la liste prévisionnelle des textes d'application nécessaires.

Il reviendra désormais au Parlement de s'assurer du respect par le Gouvernement des dispositions de la loi organique. Votre rapporteur pour avis rappelle d'ailleurs que, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, l'avant-dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution 58 ( * ) permet à la Conférence des présidents de s'opposer à l'inscription à l'ordre du jour d'un projet de loi dont l'étude d'impact serait insuffisante.

3. Quelles alternatives aux lois générales de simplification ?

S'il n'est pas hostile par principe à la démarche de simplification, bien au contraire, votre rapporteur pour avis n'est pas favorable à de nouvelles lois générales de simplification du droit, mais préfèrerait des lois sectorielles de simplification.

Il partage le point du vue du Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics qui estimait en janvier 2006 qu'il convenait de « cibler à l'avenir les démarches sur des domaines plus restreints et de limiter d'autant plus les objectifs poursuivis (...) en d'autres termes il conviendrait de spécialiser les textes par secteur homogène d'action publique ou par type de procédures » 59 ( * ) .

Au terme de ses travaux, il apparaît à votre rapporteur pour avis que plusieurs alternatives existent en matière de simplification :

- comme l'a évoqué Frédérique Rueda lors de son audition, on pourrait prévoir que chaque projet de loi « fasse le ménage dans les dispositions préexistantes sur le sujet » 60 ( * ) : la dernière partie de chaque projet de loi pourrait ainsi être consacrée aux mesures de simplification et de « toilettage » des textes existant ;

- autre possibilité : prévoir chaque année une loi sectorielle de simplification . Cette idée rejoint d'ailleurs certaines propositions formulées en 2001 par le groupe de travail interministériel sur la qualité de la réglementation qui appelait à un « programme gouvernemental annuel de simplification des règles, des formalités et des procédures », accompagné dans chaque secteur concerné par :

« - une analyse du nombre de normes en vigueur ;

- une analyse du coût de la complexité pour les usagers et pour l'administration ;

- une étude de la perception des usagers sur la complexité de la réglementation ;

- une comparaison avec les mesures prises à l'étranger et une prise en compte des recherches sur le thème » 61 ( * ) .

Il s'agirait alors pour le Gouvernement de définir un secteur privilégié de simplification et, après une longue phase de consultations, de déposer un projet de loi.

La voie des lois de simplification sectorielles est d'ailleurs celle choisie par les autres pays développés : la France est le seul pays à avoir fait le choix de lois « fourre-tout » .

Les lois de simplification à l'étranger

En Allemagne, la simplification du droit a concerné, depuis le début des années 2000, de nombreux secteurs liés à l'activité économique. Des lois de simplification, toujours sectorielles, ont été votées : en 2001 ont ainsi été adoptées des lois portant sur la modernisation du droit des contrats ; en 2006, 2007 et 2008 trois lois visant à réduire les charges administratives pesant sur les PME ; en 2008 une loi de simplification des procédures fiscales...

Aux Pays-Bas, la simplification s'est également engagée secteur par secteur, par le biais de lois élaborées au terme d'une longue phase de consultations. En 2007 a ainsi été adoptée une loi de simplification du droit des entreprises.

Aux États-Unis, des lois de simplification, toujours sectorielles et ciblées sur des domaines techniques ont été adoptées, comme la Business Activity Tax Simplification Act de 2005 ou la Taxpayer Assistance and Simplification Act de 2008.

Source : Frédérique Rueda, contribution écrite transmise à votre rapporteur pour avis

Au-delà du programme de simplification, votre rapporteur pour avis partage totalement l'avis de Jean-Luc Warsmann : « La simplification continuera de se heurter aux mêmes obstacles si la conception même de création de la norme en France n'est pas radicalement rénovée. La simplification deviendra, dans le cas contraire, une mission totalement impossible tant que les processus de production de la complexité demeureront en l'état 62 ( * ) . »

A ce titre, votre rapporteur pour avis, soucieux de faciliter l'accessibilité au droit, est particulièrement sensible à la proposition de Jean-Luc Warsmann portant sur la publication au Journal officiel , concomitamment à un texte de loi, d'un document explicatif à destination du grand public 63 ( * ) . La première priorité consiste en effet à adopter des textes moins complexes pour les citoyens .

En matière d'accès au droit, le système mis en place dans les pays scandinaves (Danemark, Norvège, Suède) de formulation du droit à deux niveaux est très intéressant, un premier niveau étant destiné aux citoyens et un second aux professionnels du droit.

Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, Frédérique Rueda a souligné la spécificité de simplification adoptée par les pays anglo-saxons, très éloignée de la démarche française.

Les « agences » de simplification

Aux États-Unis, au-delà des lois de simplification, des « Commissions de révision du droit » ont été mises en place au niveau des États fédérés et de l'État fédéral. Agences publiques indépendantes, elles sont placées auprès des pouvoirs publics avec la mission d'identifier les points problématiques de l'ordre juridique. Elles reçoivent ainsi des propositions des associations de juristes, de juges, d'associations de citoyens... Elles formulent ensuite des propositions qui sont soumises au public, avant d'émettre des recommandations. Plus de 90 % de ces recommandations sont reprises par le législateur.

Au Royaume-Uni, la Law Commission a été créée en 1965 afin de rationaliser le common law . Il s'agit donc de donner au droit une structure plus claire, d'utiliser une terminologie modernisée, de renforcer la cohérence entre les différentes branches du droit ou encore de rendre le droit plus directement accessible aux non-juristes. La commission cherche à faire évoluer la mentalité des praticiens du droit mais certaines de ses propositions débouchent sur des projets de loi. A côté de cette commission, dans certains domaines, le Gouvernement lance une Simplification Review , à la demande de professionnels ou de citoyens, afin de faire le point sur le droit existant et ses points faibles : en 2006, une telle démarche a été lancée en matière de droit du travail, afin de réduire la complexité de ce dernier sans réduire pour autant la protection des salariés.

Source : Frédérique Rueda, contribution écrite transmise à votre rapporteur pour avis


* 43 Jean-Marie Pontier, « Brèves remarques sur la simplification du droit » in « La simplification du droit », p. 7.

* 44 In : Rapport sur la qualité et la simplification du droit, Ibid., p. 3.

* 45 Conseil d'État, Ibid., p. 272-27.

* 46 Allocution de M. le Président du Sénat, séance du 30 juin 2010.

* 47 Jean Marie Pontier, « Brèves remarques sur la simplification du droit », Ibid., p. 14-15.

* 48 Conseil d'État, Ibid., p. 275.

* 49 Rapport n° 36 (2007-2008), Ibid., p. 14.

* 50 Discours du Président de la République lors d'un déplacement dans le Val-de-Marne, 14 septembre 2010.

* 51 Conseil d'État, Ibid., p. 257.

* 52 Conseil d'État, Ibid., p. 254.

* 53 Rapport n° 387 (2007-2008) fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République, Jean-Jacques Hyest, p. 140.

* 54 Rapport n° 209 (2008-2009), Ibid., p. 17.

* 55 Rapport n° 36 (2007-2008), Ibid., p. 12.

* 56 Loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

* 57 Proposition n° 1 in : Rapport sur la qualité et la simplification du droit, Ibid., p. 31.

* 58 La première phrase de cet alinéa dispose en effet que « Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l'ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. »

* 59 « Simplification du droit par ordonnances : effets de loi du 2 juillet 2003 », Rapport du Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, 26 janvier 2006, p. 27.

* 60 Contribution écrite transmise à votre rapporteur pour avis.

* 61 Proposition n° 2 in : Rapport du groupe de travail interministériel sur la qualité de la réglementation présidé par M. Dieudonné Mandelkern, novembre 2001, p. 17.

* 62 Rapport sur la qualité et la simplification du droit, Ibid., p. 76.

* 63 Proposition n° 39 in : Rapport sur la qualité et la simplification du droit, Ibid., p.108.

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