B. L'ÉQUILIBRE INSTABLE DE LA CARTE ET DES PARCOURS DE FORMATION

1. La répartition de l'offre de formation entre CAP et baccalauréat professionnel

Tous les acteurs reconnaissent que le calibrage de l'offre et sa répartition géographique sont des éléments clés qui conditionneront la réussite ou l'échec de la rénovation de la voie professionnelle. Selon les rapports de suivi de la réforme élaborés par les inspections générales tout au long de l'année 2010, après une forte hausse de l'offre de CAP à la rentrée 2009 21 ( * ) dans la plupart des académies, destinée à absorber les flux dirigés jusqu'alors vers le BEP, la répartition des flux d'élèves entre le CAP et le baccalauréat professionnel n'a évolué qu'à la marge à la rentrée 2010 .

Certaines académies (Bordeaux, Créteil, Dijon) diminuent légèrement leur offre de CAP en visant une stabilisation pour les années suivantes. D'autres connaissent des inflexions plus significatives : à Nice, les CAP sont repositionnés comme structure d'accueil des élèves les plus fragiles tandis qu'à Rouen, il est prévu un recentrage sur le seul baccalauréat professionnel et un désengagement du CAP. Néanmoins, dans la majorité des académies, l'offre de CAP tend à progresser légèrement. Dans les académies de Clermont-Ferrand et de Reims, elles apparaissent déjà surdimensionnées aux yeux des correspondants académiques, ce qui laisse craindre une orientation de précaution trop massive et déjà une liaison préjudiciable avec le choix de l'option « découverte professionnelle 6h » (DP6) en Troisième. 22 ( * )

Ainsi que le remarquent les inspections générales, le poids de l'apprentissage est très insuffisamment pris en compte dans les académies , ce qui les empêche d'avoir une vision complète de l'offre de formation professionnelle dans leur ressort. Or, si l'on prend en compte les apprentis, la proportion de CAP augmente. Elle dépasse 40 % des effectifs dans toutes les académies et se rapproche de 50 % à Grenoble, Poitiers et Rouen. 23 ( * ) Votre rapporteure souhaite que soient développés les liens entre les rectorats, les conseils régionaux et les branches professionnelles afin de mettre au point collectivement des cartes de formation optimales.

L'ampleur de l'offre de CAP a au moins eu le mérite pour l'instant de permettre aux élèves de collèges les plus fragiles de trouver leur place. Votre rapporteure craignait un effet d'éviction des plus faibles et ne peut que se réjouir de la priorité donnée pour l'instant aux élèves de SEGPA ou de Troisième d'insertion.

En revanche, cette distorsion de l'offre de formation au détriment du baccalauréat professionnel tend à conduire à une orientation excessive vers le CAP à l'issue du collège. Il serait particulièrement néfaste de transformer le CAP en voie de relégation, ce qui jouerait négativement sur les anticipations des employeurs et affaiblirait par contrecoup toute perspective d'insertion professionnelle au niveau V. Si l'on accroissait les orientations par défaut en CAP, on ne pourrait éviter de consolider les inégalités sociales d'accès à l'éducation et à l'emploi, d'accélérer le décrochage scolaire et de bloquer l'élévation pourtant souhaitable du niveau général de qualification.

Pour la préparation de la rentrée 2010, les rectorats se sont surtout concentrés sur l'absorption du « bourrelet » en première professionnelle , dû au double flux d'élèves venant de la nouvelle seconde professionnelle et des dernières cohortes des anciens BEP. Ils n'ont donc pas augmenté massivement les capacités d'accueil en CAP, résistant en cela aux demandes de chefs d'établissement inquiets devant les performances d'élèves mal orientés et démotivés dès la seconde. Il s'agissait essentiellement, par exemple dans les académies d'Aix-Marseille, de Bordeaux et de Nancy-Metz, de demandes de création systématique ou de renforcement de CAP adossés à des baccalauréats professionnels. 24 ( * ) Il est à prévoir que ces sollicitations contenues cette année reprendront de la vigueur dès la préparation de la rentrée prochaine.

Votre rapporteure tient sur ce point à rappeler son rejet de tout déterminisme géographique qui aboutirait à ce que le choix d'orientation soit uniquement dicté par l'organisation contingente de l'offre de formation locale. Elle souhaite que la cohérence des formations soit assurée, afin qu'une offre à la fois de CAP et de bac professionnel dans des spécialités proches existe au niveau d'une même zone géographique. Il faut éviter que des élèves choisissent un CAP ou un baccalauréat professionnel existant près de chez eux parce que c'est le seul diplôme qui est ouvert dans la spécialité qu'il souhaite poursuivre.


* 21 Igen-Igaenr, La rénovation de la voie professionnelle , rapport n° 2009-065, juillet 2009, p. 7. Pour mémoire, l'académie de Versailles avait par exemple ouvert mille places supplémentaires en CAP soit 30 % d'augmentation, et celle de Strasbourg, 316 places nouvelles, soit 25 % de hausse.

* 22 Igen-Igaenr, Synthèse sur la préparation de la rentrée scolaire 2010 , rapport n° 2010-095, juillet 2010, pp. 35-36.

* 23 Igen-Igaenr, Synthèse sur la préparation de la rentrée scolaire 2010 , rapport n° 2010-095, juillet 2010, p. 37.

* 24 Igen-Igaenr, Suivi de la mise en oeuvre de la rénovation de la voie professionnelle , rapport n° 2010-088, juillet 2010, p. 3.

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