II. L'AGRICULTURE, UNE PRIORITÉ BUDGÉTAIRE QUI N'ÉCHAPPE PAS À LA RATIONALISATION DES CRÉDITS

A. DES CRÉDITS ET DISPOSITIFS FISCAUX GLOBALEMENT MAINTENUS, MAIS DES ÉVOLUTIONS INTERNES FORTES

1. La poursuite de l'effort budgétaire et fiscal en faveur de l'agriculture
a) Un effort budgétaire globalement maintenu

Les crédits de la MAPAFAR s'élèvent pour 2011 à 3,588 milliards d'euros en AE et 3,674 milliards en CP , soit une baisse de 1,8 % en AE mais une hausse de 1,8 % en CP par rapport à 2010.

À périmètre budgétaire constant, on constate une hausse du budget de la mission entre les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2009 et les demandes budgétaires pour 2011 de 11,3 % en AE et de 5,7 % en CP.

Le budget de l'agriculture a donc fait l'objet, pour répondre à la crise agricole, d'un effort particulier des pouvoirs publics. En effet, si les crédits pour 2010 de la mission se situaient déjà bien au-delà des limites prévues par la loi de programmation des finances publiques 14 ( * ) , ceux proposés pour 2011 présentent un écart de plus de 20 % par rapport à ce qui était envisagé dans ce texte (respectivement 2,92 milliards d'euros en AE et 3,03 milliards en CP en 2011).

L'effort budgétaire en faveur de l'agriculture en 2011 doit donc être salué, mais il faut aussi souligner qu'il résulte beaucoup de la prise en charge sur le budget du programme d'allègement de charges patronales pour l'embauche de travailleurs occasionnels .

La compensation par l'État de ces exonérations auprès de la MSA est intégralement prise en charge par le budget de la MAPAFAR, au sein de l'action n° 14 du programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires ». Cela représente 492 millions d'euros en 2011 (auxquels s'ajoutent 14,8 millions pour les contrats vendanges), alors que seulement 50 millions étaient inscrits au budget 2010.

b) Une importante dépense fiscale en faveur de l'agriculture

Les dépenses fiscales se définissent comme résultant « des dispositions législatives ou règlementaires dont la mise en oeuvre entraîne pour l'État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allègement de leur charge fiscale par rapport à ce qu'il serait résulté de l'application de la norme » 15 ( * ) . Au même titre que les dépenses budgétaires, les dépenses fiscales participent à la politique de soutien à l'agriculture .

Pas moins de 35 dispositifs fiscaux sont rattachés pour 2011 au programme 154, et 10 au programme 159, pour un montant total de dépenses fiscales de plus de 2 milliards d'euros pour le premier programme et de 100 millions pour le second. Le programme 206 se voit rattaché un seul dispositif fiscal, au coût non évalué.

Parmi les principaux dispositifs fiscaux :

- le taux réduit de taxe intérieure de consommation (TIC) applicable au fioul domestique utilisé comme carburant diesel représente un soutien évalué à 1,1 milliard d'euros par an. Toutefois, il semblerait qu'une large part de cette exonération ne bénéficie pas au secteur agricole, mais plutôt au secteur des transports. Vos rapporteurs pour avis estiment nécessaire d'affiner l'identification des bénéficiaires réels de cet avantage fiscal, car il serait abusif de l'attribuer en totalité aux agriculteurs. Il faut noter par ailleurs que le remboursement partiel de TIC sur les produits énergétiques pour faire face à la hausse des prix du gazole n'avait pas été reconduit par le projet de loi de finances pour 2010. Il n'est pas davantage rétabli pour 2011, entraînant une économie pour l'État de l'ordre de 150 millions d'euros ;

- l'exonération totale de la part départementale et de la part régionale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties ainsi que l'exonération à hauteur de 20 % de la part communale de la même taxe représentent une dépense fiscale de plus de 370 millions d'euros en 2010, non chiffrée encore sur 2011 ;

- l'application du taux de TVA à 5,5 % sur les aliments pour bétail et sur les engrais représente environ 70 millions par an ;

- 2011 sera la dernière année d'application de l'exonération partielle de TIC sur les biocarburants . Selon le scénario établi par la loi de finances pour 2009, ce dispositif est dégressif jusqu'à disparaître en 2012, le soutien aux biocarburants passant par d'autres outils. La dépense fiscale correspondante devrait représenter encore 196 millions d'euros en 2011 ;

- le projet annuel de performances (PAP) de la MAPAFAR n'évalue pas la dépense correspondant à la déduction pour aléas (DPA) et à la déduction spécifique pour investissement (DPI) , alors que l'incidence de ces deux dispositifs avait été évaluée respectivement à 100 et 160 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2010. Il est vrai que de telles dépenses fiscales sont par nature très difficiles à chiffrer, du fait de leur grande sensibilité à la conjoncture économique. Les montants 2011 consacrés à ces mesures risquent d'être faibles, compte tenu de la baisse très forte des revenus agricoles sur les deux derniers exercices comptables.

Parmi les mesures fiscales en faveur de l'agriculture, vos rapporteurs pour avis saluent la prolongation jusqu'en 2012 du crédit d'impôt remplacement 16 ( * ) , voté par l'Assemblée nationale, et qui figure désormais à l'article 65 bis du projet de loi de finances pour 2011, au sein des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits. Ce dispositif aide les agriculteurs à financer leur remplacement pour congés, dans la limite de 14 jours de remplacement. Il est en effet pleinement justifié de permettre notamment aux éleveurs, dont les conditions de travail sont particulièrement difficiles, de bénéficier d'une respiration dans leur emploi du temps, d'autant plus que les solidarités familiales et générationnelles jouent de moins en moins. Le coût de ce dispositif devrait rester limité aux alentours de 10 millions d'euros par an.

c) Un soutien public à l'agriculture qui intervient massivement en dehors du budget de l'État

Au-delà des crédits budgétaires de l'État et des dépenses fiscales, il convient de prendre en compte l'ensemble des soutiens publics au secteur agricole pour évaluer l'effort collectif en matière d'agriculture.

De ce point de vue, le tableau des concours publics à l'agriculture montre bien que les crédits budgétaires nationaux ne représentent qu'une part réduite des dépenses publiques en faveur de l'agriculture 17 ( * ) .

En 2009, les concours publics, hors protection sociale, ont représenté 16,1 milliards d'euros .

L'Union européenne, à travers la PAC, y a contribué pour plus de 60 %, avec 9,6 milliards d'euros .

Le budget national a été mis à contribution pour 6,5 milliards d'euros, dont 2,34 milliards au titre de l'enseignement et la recherche agricole.

Enfin, les collectivités territoriales apportent un financement variable mais qui n'est pas négligeable, centré souvent sur les projets de développement rural, en cofinancement de mesures nationales ou communautaires, par exemple dans le cadre des contrats de projet État-région (CPER).

2. Un budget qui n'échappe pas aux efforts de rationalisation de la dépense publique
a) Une baisse tendancielle des crédits de la MAPAFAR dans la nouvelle loi de programmation des finances publiques

La situation de crise de l'agriculture française a justifié que les lois de finances successives aient prévu des crédits budgétaires supérieurs à ceux inscrits initialement dans la loi de programmation des finances publiques.

Cette tendance est cependant stoppée par l'article 6 du projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2011 à 2014, qui organise la décrue des crédits de la MAPAFAR, à périmètre constant :

- les AE devraient passer de 3,42 milliards d'euros en 2011 à 3,41 en 2012 et 3,32 en 2012 (périmètre 2010) ;

- les CP devraient passer de 3,5 milliards d'euros en 2011 à 3,44 en 2012 puis 3,36 en 2012 (périmètre 2010).

Même si cet effort paraît raisonnable, votre commission pour avis considère qu'il ne pourra être tenu si de nouvelles crises agricoles se déclenchent . Calculés au plus juste, les crédits ordinaires ne pourraient alors suffire et les pouvoirs publics seraient contraints à dégager des moyens nouveaux pour mettre en oeuvre des plans de soutiens.

b) Des marges de manoeuvre dégagées en 2011 tant en crédits de fonctionnement qu'en crédits d'investissement

La stratégie budgétaire qui sous-tend la MAPAFAR en 2011 consiste à préserver les principaux dispositifs de la mission, en particulier sur le programme 154 :

- par la mise à contribution des crédits de personnel et moyens de fonctionnement du ministère et de ses opérateurs ;

- en dégageant des marges de manoeuvre grâce à l'extinction de dispositifs d'intervention. Ainsi, la non-reconduction de la mesure rotationnelle permet d'économiser 135 millions d'euros. Le bilan de santé de la PAC permet pour sa part la réalisation de 22 millions d'économies, du fait notamment de cofinancements communautaires plus importants. La fin du plan pour une pêche durable et responsable (PPDR) réduit les besoins de financement du programme de 24 millions d'euros.

3. Le ministère de l'agriculture pilote de huit programmes répartis sur trois missions

La nomenclature budgétaire est désormais stable depuis le projet de loi de finances pour 2009.

Le budget total géré par le ministère de l'agriculture est réparti sur trois missions ainsi qu'un compte d'affectation spéciale, subdivisé en huit programmes.

La MAPAFAR se répartit sur quatre programmes :

- le programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture de la pêche et des territoires », doté de 1,975 milliard d'euros en AE et 2,031 en CP, soit + 6,1 % et + 9 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2010. Il faut noter que pour la première fois, ce programme dépasse les 2 milliards d'euros en CP ;

- le programme 159 « Forêt », doté de 360 millions d'euros en AE et 371 en CP, soit respectivement une baisse de 1,7 % et une hausse de 9,5 % par rapport aux crédits ouverts en 2010. Si les AE baissent, ils se maintiennent à un niveau plus élevé qu'en 2009, pour continuer à faire face aux conséquences de la tempête Klaus ;

- le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », s'élevant à 505 millions d'euros en AE et 510 millions en CP, soit une baisse sensible de respectivement 6,5 % et 9,4 % ;

- le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », doté de 748 millions en AE et 761 en CP, soit une baisse sensible de 12 % en AE et 10,5 % en CP ;

Le programme 143 « Enseignement technique agricole » au sein de la mission interministérielle « Enseignement scolaire » est doté par le projet de loi de finances pour 2011 de 1,297 milliard d'euros et AE et 1,291 milliard en CP, en légère hausse de 1 % en AE et 1,7 % en CP par rapport au projet de 2010.

Le programme n° 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » est pour sa part doté de 298 millions d'euros en AE et 300 millions en CP, en baisse respectivement de 0,7 % et 1,1 % par rapport à 2010.

Le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » enfin est doté de 110,5 millions d'euros en AE et CP, en baisse de 3,5 % par rapport à 2010, du fait d'un produit attendu moins élevé de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles, seule recette du compte. Les deux programmes du compte, le programme 775 « Développement et transfert en agriculture », et le programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture », sont chacun dotés de 55 millions en AE et CP.


* 14 Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

* 15 Fascicule budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2011 - Évaluation des voies et moyens, Tome II.

* 16 Article 200 undecies du code général des impôts.

* 17 Source : Concours publics à l'agriculture en 2009, commission des comptes de l'agriculture de la Nation - Session du 30 juin 2010.

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