B. LE DISPOSITIF INITIAL N'ÉTAIT PAS SATISFAISANT À BIEN DES ÉGARDS

D'après les données figurant dans les documents budgétaires, le produit attendu de l'application de la CRL aux organismes HLM et aux SEM de construction est estimé à 340 millions d'euros par an , soit plus d'1 milliard d'euros sur trois ans . Pour autant, votre rapporteur pour avis relève que l'article 99 ne limite pas l'application de ce dispositif à une durée de trois ans.

Le produit du prélèvement est réparti comme suit en 2011 :

- 80 millions d'euros viendraient abonder la ligne 1 « Construction locative et amélioration du parc » du programme 135 « Développement et amélioration de l'offre de logement » et financeraient donc les aides à la pierre ;

- 260 millions d'euros seraient affectés à l'ANRU .

Comme le résume notre collègue Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des Finances, ce dispositif « propose de faire appel aux ressources des HLM pour financer l'ANRU et compenser la baisse des aides à la pierre » 76 ( * ) .

Le Gouvernement justifie comme suit la mise en place de ce dispositif : « ce mécanisme permettrait ainsi une redistribution au profit des organismes qui développent leur parc dans les zones tendues et dans les zones de rénovation urbaine. Ainsi les organismes qui ne construisent pas et qui vivent de la « rente » tirée des loyers d'un patrimoine amorti seraient les plus affectés, alors que les organismes qui s'engagent davantage dans la construction de logements sociaux là où ils sont nécessaires, seraient confortés par cette mesure » 77 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis s'étonne des arguments utilisés par le Gouvernement : ils ne correspondent en effet pas au contenu réel de l'article 99 du projet de loi de finances.

D'une part, il ne s'agit aucunement d'un dispositif de péréquation au sein du secteur du logement social : l'article 99 initial prévoyait en effet une application uniforme et indifférenciée de la CRL aux différents organismes HLM quels que soient leur situation géographique, leur situation financière ou leurs niveaux d'investissements.

D'autre part, l'objectif de péréquation est contredit par la vocation du fonds de mutualisation mis en place par l'article 99. Loin de viser une mutualisation des moyens au sein du secteur du logement social, cet article remplit une fonction purement budgétaire :

- en prévoyant l'utilisation de la majeure partie du fonds pour le financement de l'ANRU, le dispositif vise en effet à répondre aux difficultés de financement du Programme national de rénovation urbaine (PNRU) . Comme l'indiquait ainsi l'année dernière notre collègue Pierre André, « dans son rapport financier 2008, l'ANRU fait état dès 2011 d'un besoin de trésorerie supérieur de 140 millions d'euros aux ressources prévues par la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion » 78 ( * ) ;

- le dispositif permet également de compenser une partie de la diminution des aides à la pierre , relevée précédemment par votre rapporteur pour avis. Le projet annuel de performances de la mission « Ville et logement » inclut d'ailleurs les crédits issus du fonds de mutualisation dans le total des aides à la pierre 79 ( * ) , dont ils devraient atteindre près de 15 % en 2011.

Votre rapporteur pour avis estime que ce dispositif initial présentait un risque majeur en matière de construction de logements sociaux . Du fait du « siphonage » des fonds propres des organismes HLM, il aurait conduit à la non construction de plus de 80 000 logements sociaux nouveaux sur trois ans. Ce dispositif rencontrait de ce fait l'opposition des bailleurs sociaux : l'Union sociale pour l'habitat (USH) a adopté à l'unanimité une résolution d'opposition à ce dispositif lors de son dernier Congrès à Strasbourg le 30 septembre 2010.

Le rapport évaluant l'efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l'amélioration de l'offre de logement, annexé au projet de loi de finances pour 2011, fournit des éléments quant à l'impact d'un prélèvement effectué sur la trésorerie des organismes HLM.

Ce rapport évalue en effet l'efficacité de l'exonération dont bénéficient les organismes HLM en matière d'impôt sur les sociétés (IS), qui représente une dépense fiscale évaluée à 700 millions d'euros en 2011.

Il indique que « le résultat exonéré d'impôt sur les sociétés permet d'alimenter les capacités d'autofinancement des organismes et contribue ainsi à financer l'investissement en logements neufs, logements anciens et travaux qui est estimé à 15 Md€ en 2009. (...) Les fonds propres mobilisés par les organismes HLM dans les opérations nouvelles représentent désormais plus de 10 % du prix d'opération dans le neuf » . Ce rapport repousse toute idée de suppression de cette dépense fiscale en soulignant qu'« une taxation à l'IS du résultat des organismes aurait conduit à diminuer leurs fonds propres à concurrence du montant de la dépense fiscale, ce qui équivaut à la mise de fonds propres nécessaire pour construire environ 59 000 logements . Une telle réduction du volume de production n'est pas envisageable dans le contexte d'un objectif de production très soutenu » 80 ( * ) .

Le prélèvement de 340 millions d'euros mis en place par l'article 99 devrait donc conduire à une diminution de fonds propres nécessaires pour construire environ 28 500 logements.

L'ensemble de ces éléments ont conduit, parmi d'autres éléments de fond 81 ( * ) , la commission des Finances de notre Haute assemblée à adopter, lors de sa réunion du 27 octobre dernier, un amendement de suppression de l'article 99. Votre rapporteur pour avis salue la position prise par nos collègues de la commission des Finances.


* 76 Rapport au nom de la commission des Finances, Philippe Dallier.

* 77 Projet de loi de finances pour 2011, exposé des motifs de l'article 99, p. 222.

* 78 Avis n° 105 (2009-2010) au nom de la commission de l'économie sur le projet de loi de finances pour 2010, Tome VIII : Ville et logement, Pierre André et Thierry Repentin, p. 31.

* 79 Cf. Projet annuel de performances de la mission « Ville et logement » annexé au projet de loi de finances pour 2011, p. 117.

* 80 Rapport évaluant l'efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l'amélioration de l'offre de logements annexé au projet de loi de finances pour 2011, p. 25.

* 81 Notre collègue Philippe Dallier a montré notamment que, contrairement à la présentation gouvernementale, l'exonération de CRL des organismes HLM et des SEM de construction ne constituait pas une « niche fiscale ».

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