N° 160

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

Fascicule 2

CULTURE :

CRÉATION, CINÉMA, SPECTACLE VIVANT, ARTS VISUELS

Par M. Jean-Pierre LELEUX, Mmes Maryvonne BLONDIN
et Corinne BOUCHOUX,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : Mme Marie-Christine Blandin , présidente ; MM. Jean-Étienne Antoinette, David Assouline, Mme Françoise Cartron, M. Ambroise Dupont, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; Mme Maryvonne Blondin, M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, M. Pierre Martin, Mme Sophie Primas, secrétaires ; MM. Serge Andreoni, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Pierre Bordier, Mme Corinne Bouchoux, MM. Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Jacques Chiron, Claude Domeizel, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Vincent Eblé, Mmes Jacqueline Farreyrol, Françoise Férat, MM. Gaston Flosse, Bernard Fournier, André Gattolin, Jean-Claude Gaudin, Mmes Dominique Gillot, Sylvie Goy-Chavent, MM. François Grosdidier, Jean-François Humbert, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, M. Pierre Laurent, Mme Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Michel Le Scouarnec, Jean-Jacques Lozach, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Mme Danielle Michel, MM. Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Marcel Rainaud, Michel Savin, Abdourahamane Soilihi, Alex Türk, Hilarion Vendegou et Maurice Vincent.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395 , 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 7 ) (2013-2014)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Vos rapporteurs s'attacheront à étudier successivement les budgets et politiques publiques conduites dans trois secteurs majeurs de la culture :

- le spectacle vivant, qui correspond à l'action n° 1 du programme « Création » dont il représente 91 % des crédits de paiement pour 2014 ;

- les arts visuels, qui concernent à la fois l'action n° 2 relative aux arts plastiques du même programme (9 % des crédits de paiement), mais aussi l'ensemble de la politique de soutien à la photographie, qui dépend de plusieurs programmes ;

- le soutien au secteur du cinéma.

Les rapporteurs pour avis de votre commission sont respectivement Mme Maryvonne Blondin pour le spectacle vivant, Mme Corinne Bouchoux pour les arts plastiques et M. Jean-Pierre Leleux au titre du cinéma. Si les deux premiers secteurs concernés sont financés sur crédits budgétaires, tel n'est pas le cas du cinéma, qui bénéficie de taxes affectées via le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).

PREMIÈRE PARTIE - LE SPECTACLE VIVANT

I. I. UN ÉCOSYSTÈME À CONFORTER À LA VEILLE D'UN PROJET DE LOI TRÈS ATTENDU

A. UN SECTEUR PRÉSERVÉ MALGRÉ UN BUDGET CONTRAINT

1. Un budget contribuant à l'effort national mais des priorités maintenues

Avec 683,12 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et 664,25 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) , l'action n° 1 « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant » du programme 131 « Création » connaît une baisse de sa dotation, de 4,17 % en CP et 2,22 % en AE. Il s'agit d'une tendance contraire à l'action n° 2 du programme, dont les crédits, dédiés aux arts plastiques, sont en hausse, mais représentent moins de 10 % du montant total de la dotation.

Dans le projet annuel de performances pour 2014, le directeur général de la création artistique rappelle que le programme « Création » « soutient la diversité et le renouvellement de l'offre culturelle à toutes les étapes de la vie d'une oeuvre : commande, création, production, diffusion et conservation ». La mise en oeuvre de cette politique s'appuie sur :

- l'administration centrale qui en fixe le cadre et évalue les résultats, notamment grâce à l'aide d'un corps d'inspection spécialisé ;

- les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) au sein desquelles les conseillers sectoriels doivent servir de relais entre les artistes, les institutions et associations de création et de diffusion et les collectivités territoriales ;

- les quinze opérateurs de l'État dont la plupart agissent dans le domaine du spectacle vivant (à l'exception du Centre national des arts plastiques et de la Cité de la céramique Sèvres et Limoges) ;

- le réseau de structures de création et de diffusion sur l'ensemble du territoire, financé en partenariat avec les collectivités territoriales (centres dramatiques nationaux, scènes nationales, centre chorégraphiques nationaux, théâtres lyriques, compagnies et ensembles, orchestres, centres de développement chorégraphique, scènes de musiques actuelles, etc.)

Les dépenses de fonctionnement

Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2014, 263,77 millions d'euros sont destinés aux dépenses de fonctionnement (CP=AE) . Les subventions pour charges de service public représentent ainsi 40 % des crédits affectés à l'action n° 1 .

Ces crédits sont répartis entre les opérateurs du spectacle vivant de la façon suivante :

(en milliers d'euros - AE=CP)

Subvention pour charge
de service public

Nom de l'opérateur

Comédie Française

24 602

Théâtre national de Chaillot

13 074

Théâtre national de l'Odéon

11 670

Théâtre national de la Colline

9 087

Théâtre national de Strasbourg

9 334

Théâtre national de l'Opéra-Comique

10 591

Opéra national de Paris (ONP) et École de danse de Nanterre

98 751

Établissement public du parc et de la grande halle de la Villette (EPPGHV)

20 576

Centre national de la danse (CND)

8 727

Cité de la musique

22 848

Salle Pleyel

4 024

Caisse nationale de retraite de l'ONP

13 576

Caisse nationale de retraite de la Comédie Française

3 479

Orchestre de Paris

9 093

Centre national des variétés (CNV)

500

Ensemble intercontemporain

3 831

Total opérateurs Action 01

263 769

Source : Projet annuel de performances pour 2014 - Mission « Culture »

L'effort demandé aux opérateurs représente en moyenne 2,7 % de leurs dépenses de fonctionnement et d'investissement courant et tiennent compte du niveau de leur fonds de roulement . Ainsi, les théâtres nationaux bénéficient d'une stabilisation de leurs crédits tandis qu'un effort particulier est réalisé en faveur de l'Opéra comique. La diminution totale des subventions est de 3,35 %, taux qui s'explique par l'achèvement de la rénovation de la salle Richelieu de la Comédie française .

Les dépenses d'investissement

Elles s'élèvent à 16,3 millions d'euros en AE et 7,58 millions d'euros en CP. Deux théâtres nationaux sont plus particulièrement concernés par ces dépenses.

Il s'agit, en premier lieu, du Théâtre national de l'Opéra comique , qui n'avait pas fait l'objet d'une rénovation d'ensemble contrairement aux autres établissements. Un programme de travaux s'élevant à 15 millions d'euros a été défini. Une première tranche a été réalisée en 2012, la deuxième tranche, initialement prévue en 2013-2014 a été reportée en 2015. Les 10,2 millions d'euros en AE inscrits au PLF 2014, doivent permettre à l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) de lancer les appels d'offres à la fin de l'année 2013.

Le second établissement visé est le Théâtre national de Chaillot dont les travaux doivent permettre une mise aux normes de sécurité et d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite. 5 millions d'euros en AE et 4,34 millions d'euros en CP sont destinés à cette opération, qui doit s'étaler sur deux ans.

Des travaux de mise aux normes sont également prévus dans d'autres bâtiments relevant de la responsabilité de l'État, mobilisant ainsi 1,1 million d'euros en AE et 3,24 millions d'euros en CP.

Les dépenses d'intervention

Premier poste de dépenses en faveur du spectacle vivant, les dépenses d'intervention s'élèvent en 2014 à 375,01 millions d'euros en AE et 402,6 millions d'euros en CP.

Quelques 355 millions d'euros sont destinés aux crédits d'intervention en fonctionnement, soit une hausse de 4,54 millions d'euros par rapport à 2013 . En leur sein, les crédits centraux s'élèvent à 71,85 millions d'euros, dont 5,7 prévus pour la Philharmonie de Paris .

Les crédits centraux, dont la ventilation est présentée ci-après, correspondent à des dépenses stratégiques pour le secteur du spectacle vivant : aides à la création et aux nouvelles écritures, soutien aux institutions et lieux de création et de diffusion, soutien aux structures non labellisées, recherche, ressource et valorisation du patrimoine du spectacle vivant, festivals, enfin structuration des professions de l'économie du secteur du spectacle vivant sur laquelle votre rapporteure pour avis reviendra plus loin.

Les crédits centraux d'intervention en investissement s'élèvent à 28,39 millions d'euros en CP et seulement 1,66 million d'euros en AE. Sur cette enveloppe, 26,33 sont destinés à la Philharmonie de Paris .

Le coût du chantier de la Philharmonie a été réévalué à plusieurs reprises, portant le montant total des travaux à 396 millions d'euros , tandis que le calendrier a été reporté pour une ouverture en 2015 . Ce dossier est d'autant plus préoccupant que la Ville de Paris (qui finance 45 % du programme) et la région Île-de-France (10 %) n'ont pas abondé l'enveloppe globale à hauteur de la participation initialement prévue ainsi qu'en 2012 lors de l'identification d'un nouveau surcoût estimé à 50 millions d'euros.

Cette situation ne manque pas de faire réagir les acteurs du secteur qui notent une concentration des crédits sur un projet parisien qui semble « absorber » une grande partie de l'effort budgétaire de l'État.

Source : Projet annuel de performances pour 2014 - Mission « Culture »

Les crédits déconcentrés d'intervention en fonctionnement présentés dans le tableau ci-avant, s'élèvent à 283,72 millions d'euros (AE=CP), soit une stabilisation des efforts en direction des territoires par rapport à 2013 . Ils sont consacrés au soutien que l'État apporte, via les DRAC, aux activités culturelles et artistiques mises en oeuvre par les labels et réseaux, par les équipes artistiques, à travers le programme des scènes conventionnées et les autres dispositifs, lieux et institutions de création et de diffusion du spectacle vivant.

Enfin, les crédits déconcentrés en investissement représentant 17,77 millions d'euros en AE et 18,63 millions d'euros en CP . Ils doivent en priorité permettre de solder les opérations de la dernière génération des contrats de projet État-Régions (CPER) et d'engager de nouvelles opérations. Sont ainsi concernées les opérations telles que les scènes nationales de Sénart, Bonlieu, du Havre, la construction du théâtre des cordeliers à Albi, les aménagements de la Belle de mai à Marseille ou encore la Scène de musiques actuelles (SMAC) de Dijon.

2. Le dégel : une décision forte pour soutenir le spectacle vivant

Le gel des crédits s'élevait en 2013 à hauteur de 6 %. Signe encourageant pour le secteur, le dégel a été effectif dès le mois de juillet 2013, d'après les informations recueillies lors des auditions de votre rapporteure pour avis et confirmées par la ministre de la culture et de la communication lors de son audition 1 ( * ) par la commission, le 14 novembre dernier.

La fragilité de l'écosystème du spectacle vivant semble donc avoir été prise en compte : les arbitrages n'ont visiblement pas été rendus pour les autres secteurs tels que ceux des patrimoines ou la transmission des savoirs, pour lesquels une décision identique est toujours attendue. En revanche, comme l'a souligné la ministre lors de la même audition, un dégel global ne signifie pas que chaque intervention sera nécessairement reconduite à l'euro près, chaque DRAC ayant la capacité de ventiler les crédits différemment.

Le gel des crédits pour 2014 s'élèvera à 7 %. La notification des crédits ne pourra donc se faire qu'à hauteur de 93 % Comme l'a rappelé le syndicat des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), ces gels ont un « effet anxiogène » pour les entreprises du spectacle vivant qui voient les engagements de production retardés ou réduits.

3. Les indicateurs de performance : une meilleure définition des objectifs

Un nouvel indicateur de performance a été intégré au projet annuel de performances pour 2014. Il mesure la durée d'exploitation moyenne des spectacles sur une saison et dans un même lieu . Le taux 2 ( * ) estimé précédemment était de 3,18 en 2011 et de 3,26 en 2012. L'objectif fixé pour 2014 est de 3,50.

La création de ce nouvel indicateur s'inscrit dans une politique volontariste du ministère de la culture de développer l'allongement du nombre de représentations des spectacles au cours d'une même saison au sein des établissements de spectacle vivant, compte tenu de l'impact positif attendu dans le champ de l'emploi, de l'économie du secteur ainsi que dans le développement et l'élargissement des publics.

Cette mesure répond à une préoccupation évoquée lors des auditions du groupe de travail sur l'intermittence dans le secteur culturel 3 ( * ) . En effet, l'évolution du recours au contrat à durée déterminée d'usage (CDDU) au fil du temps a fait apparaître deux phénomènes corrélés, une multiplication des employeurs et une diminution de la durée de ces contrats précaires. La durée moyenne des contrats est passée, entre 1986 et 2013, de 17 à 3 jours pour les artistes, et de 26 à 6 jours pour les techniciens. Ce morcellement de l'emploi constitue de toute évidence un handicap pour les intermittents qui doivent à la fois gérer la recherche de contrats ou de cachets, mais aussi la gestion administrative de leurs dossiers dont la complexité est ainsi accentuée. L'allongement du nombre de représentations, souhaitée par le ministère, aurait nécessairement un effet positif sur l'emploi dans le domaine du spectacle vivant.

Cette mesure, définie comme prioritaire, a été intégrée dans la directive nationale d'orientation (DNO) pour 2014 adressée aux directions régionales des affaires culturelles et s'est traduite par :

- de nouvelles directives aux lettres de mission des dirigeants d'établissements publics ;

- de nouveaux objectifs aux contrats de performance des opérateurs du programme 131 ;


* 1 Le compte rendu de l'audition de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20131111/cult.html#toc8

* 2 Nombre moyen de représentations au siège par spectacle et sur une saison.

* 3 Groupe de travail conjoint avec la commission des affaires sociales du Sénat mis en place le 19 février 2013.

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