N° 162

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

ASILE

Par M. Jean-Pierre SUEUR,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, Louis-Constant Fleming, René Garrec, Gaëtan Gorce, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Mme Hélène Lipietz, MM. Roger Madec, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395 , 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 16 ) (2013-2014)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, mardi 12 novembre 2013, la commission des lois du Sénat, réunie le mercredi 13 novembre 2013 sous la présidence de M. Patrice Gélard , vice-président, a examiné, sur le rapport pour avis de M. Jean-Pierre Sueur 1 ( * ) , les crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2014 à la politique de l'asile .

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis, a d'abord souligné le maintien des crédits consacrés à l'asile par le programme n° 303 « Immigration et asile » ainsi que par le programme n° 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives », en légère augmentation de 0,6 % par rapport aux crédits ouverts en 2013. Il a ainsi relevé deux éléments positifs. En premier lieu, l'effort de réduction des délais de traitement des demandes d'asile se poursuit grâce à l'augmentation de la subvention accordée à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, lui permettant de recruter dix officiers de protection supplémentaires, ainsi que la hausse des crédits alloués à la Cour nationale du droit d'asile. Le rapporteur pour avis a d'ailleurs salué les efforts de rapprochement et d'harmonisation des jurisprudences entrepris par les deux institutions, ainsi que les démarches de réforme interne de chacune d'entre elles. En second lieu, la création de 2 000 places supplémentaires en centres d'accueil pour les demandeurs d'asile répond à un besoin réel face à la saturation du dispositif d'hébergement des demandeurs d'asile.

Pour autant, M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis, a indiqué que certaines questions restaient en suspens. Au premier chef, il s'est interrogé sur le réalisme de la baisse des crédits consacrés à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile et à l'allocation temporaire d'attente en compensation des efforts évoqués précédemment, dans un contexte d'accélération de la hausse de la demande d'asile. Il a en outre rappelé le débat existant sur la liste des pays d'origine sûrs. Il s'est également fait l'écho des interrogations relatives aux délais non comptabilisés de la durée de traitement de la demande d'asile, en particulier en amont même du dépôt des demandes.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis, a conclu qu'il s'agissait là d'un budget de transition, dans l'attente de la réforme à venir du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile, qui ne tenait pas compte des difficultés induites par la transposition des directives européennes, tout particulièrement de la directive « procédure ». Il a enfin rappelé la nécessité d'une coopération et d'une coordination européennes en matière d'asile.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'asile par les programmes n°303 : « Immigration et asile » et n°165 : « Conseil d'État et autres juridictions administratives » du projet de loi de finances pour 2014.

Mesdames, Messieurs,

Pour la troisième année consécutive, votre commission des lois consacre un avis budgétaire à la politique de l'asile, distinct de l'examen des crédits alloués à la politique de l'immigration. Bien que ces deux politiques fassent l'objet d'une seule et même mission dans la maquette budgétaire retenue par le Gouvernement, votre commission estime en effet que ces deux politiques relèvent de logiques différentes. Si légitime et nécessaire qu'apparaisse la définition d'une politique de l'immigration, elle ne saurait être confondue avec la mise en oeuvre des principes fondamentaux et des droits garantis par notre Constitution et les engagements internationaux souscrits par la France que constitue la politique de l'asile.

La politique de l'asile est en effet inscrite dans le socle de nos principes républicains. Depuis la Révolution, la République française reconnaît le droit d'asile et accueille « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté », comme l'énonce le quatrième alinéa de la Constitution du 27 octobre 1946. À ce titre, la France est partie à la convention de Genève de juillet 1951 ainsi qu'à la convention européenne des droits de l'homme.

Après avoir dénoncé il y a deux ans la sous-budgétisation chronique des crédits nécessaires à l'accueil des demandeurs d'asile entraînant la saturation des dispositifs d'accueil et d'hébergement, votre commission avait salué l'an passé l'effort de sincérité mené par le nouveau Gouvernement ainsi que son engagement courageux en faveur de la garantie du droit d'asile.

Si les crédits consacrés à la politique de l'asile dans le projet de loi de finances pour 2014 traduisent la poursuite des efforts entrepris par le Gouvernement, le contexte budgétaire contraint ainsi que l'accroissement de la demande d'asile laissent craindre une nouvelle détérioration des comptes de la politique de l'asile en cours d'exécution du budget.

I. UN BUDGET, REFLET DE LA VOLONTÉ DU GOUVERNEMENT DE RÉPONDRE AUX ENJEUX PROPRES À LA POLITIQUE DE L'ASILE

En 2014, les crédits consacrés à l'exercice du droit d'asile par le programme n° 303 : « Immigration et asile », au titre de l'action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile », augmenteront de 0,5 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2013, passant de 501,14 millions d'euros à 503,73 millions d'euros (hors fonds de concours et attribution de produits), en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.

Dans le même temps, les crédits consacrés à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par le programme n° 165 : « Conseil d'État et autres juridictions administratives » augmenteront de près de 3 %, passant de 21,6 millions à 22,23 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit un retour aux montants inscrits en loi de finances pour 2012.

Au total, les crédits alloués à la politique de l'asile s'élèveront donc en 2014 à 526 millions d'euros , soit une hausse de 0,6% par rapport aux crédits ouverts en 2013.

Les efforts consentis l'an passé au titre de la politique de l'asile apparaissent ainsi comme confortés. Dans un contexte de forte contrainte budgétaire, le maintien des crédits alloués à la politique de l'asile doit être souligné.

A. LA POURSUITE DE L'EFFORT DE RÉDUCTION DES DÉLAIS DE TRAITEMENT DES DEMANDES

Un même constat est largement partagé : la longueur des délais de traitement de la demande d'asile se traduit par ce qui est souvent considéré - à tort ou à raison - comme un détournement de cette procédure à des fins d'immigration économique. En effet, la durée de séjour constitue un critère important de régularisation ultérieure et rend difficile la mise en oeuvre de mesures d'éloignement en cas de refus d'octroi d'une protection internationale. Outre des coûts importants pour le budget, il en résulte non seulement le développement de logiques de filière d'immigration irrégulière, mais aussi, et surtout, une moindre qualité de prise en charge des demandeurs d'asile ayant vocation à accéder au statut de réfugié.

C'est pourquoi l'objectif de réduction des délais de traitement des demandes est au coeur de la programmation budgétaire de ces dernières années. Cela passe par l'affectation de moyens supplémentaires à l'OFPRA et à la CNDA, ainsi que par une amélioration de leur fonctionnement interne et de l'articulation de l'un avec l'autre.

1. L'affectation de moyens supplémentaires à l'OFPRA et à la CNDA
a) L'OFPRA : des moyens supplémentaires en appui d'une réforme du fonctionnement

Créé en 1952, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est un établissement public administratif de l'État placé, depuis le 15 novembre 2010, sous la tutelle du ministre de l'intérieur. Il est chargé, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, de l'instruction de l'ensemble des demandes d'asile formulées auprès des autorités françaises : asile conventionnel et constitutionnel, qui emportent reconnaissance du statut de réfugié et délivrance d'une carte de résident, et protection subsidiaire, qui ouvre droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire.

Son financement est assuré presque intégralement par une subvention pour charges de service public versée par le ministère de l'intérieur. Pour 2014, cette subvention augmente de 5,9 % pour atteindre 39,3 millions d'euros .

Cette augmentation devrait couvrir la hausse des coûts de fonctionnement liée à l'accroissement de l'activité de l'établissement, essentiellement des frais postaux et des frais d'interprétariat. À titre indicatif, en 2012, 82 % des auditions des demandeurs d'asile devant l'OFPRA étaient assurées avec le concours d'un interprète pour un montant de 3,2 millions d'euros. L'interprétariat a d'ailleurs fait l'objet de nouveaux marchés publics communs à l'OFPRA et à la CNDA, conclus dans le cadre d'un groupement de commandes, dont le directeur général de l'OFPRA est coordonnateur. Couvrant une centaine de langues, regroupées dans vingt lots, ce sont des marchés à bons de commandes, correspondant, en moyenne, à 1 350 vacations (prestations d'une demi-journée d'interprétariat) mensuelles réalisées à l'Office, pour un montant de 280 000 €.

La hausse de la subvention devrait toutefois couvrir principalement les dépenses induites par le relèvement du plafond d'emplois de 10 officiers de protection supplémentaires , portant l'effectif sous plafond de 465 à 475 ETPT en 2014, ainsi que par l'extension en année pleine des recrutements opérés en 2013. En effet, dans un contexte de hausse persistante de la demande d'asile, l'OFPRA a vu depuis 2011 le nombre de ses personnels s'accroître. Ces 10 nouveaux postes d'officiers de protection s'ajoutent notamment aux 7 emplois d'agent instructeur créés en 2012 et aux 10 ouverts en 2013.

La hausse de la subvention devrait en particulier permettre à l'OFPRA de poursuivre sa politique de lutte contre la précarité. Après avoir revalorisé le régime indemnitaire de ses agents titulaires et contractuels pour l'aligner sur celui des personnels des services déconcentrés du ministère de l'intérieur d'Île-de-France au cours de l'année 2012, l'OFPRA s'emploie à pérenniser certains contrats à durée déterminée en en allongeant la durée ou en les transformant en contrat à durée indéterminée, conformément au dispositif de déprécarisation prévu par la loi du 12 mars 2012. Il prévoit ainsi pour 2014 la titularisation de 10 agents de catégorie A pour un montant de 0,15 million d'euros.

Cette politique de déprécarisation vise à fidéliser les personnels de cet établissement qui souffre encore aujourd'hui d'un taux de rotation élevé, particulièrement parmi les officiers de protection : en 2013, l'OFPRA a ainsi enregistré le départ de 40 officiers pour 50 entrants. Or la stabilisation des effectifs est essentielle pour améliorer l'efficacité de l'établissement : l'OFPRA a en effet estimé que le recrutement et la formation de nouveaux agents en remplacement des 29 agents instructeurs, dont un tiers avait moins de 18 mois d'ancienneté, ayant quitté l'Office durant les dix premiers mois de l'année 2012 avait entraîné un déficit de 3 000 décisions 2 ( * ) .

L'octroi de ces moyens supplémentaires s'inscrit dans une démarche contractualisée avec le ministère visant à améliorer la qualité du service rendu par l'OFPRA. Faisant suite à un contrat d'objectifs et de moyens de trois ans signé en décembre 2008 et prolongé par avenant jusqu'au 31 décembre 2012, un contrat d'objectif et de performance (COP) pour les années 2013-2015 a été signé le 3 septembre 2013.

Ce COP s'inscrit dans les objectifs fixés par le président de la République puis précisés par le ministre de l'intérieur pour un traitement global de la demande d'asile en 9 mois (3 mois pour l'OFPRA et 6 mois pour la CNDA). Il fixe également les orientations stratégiques de l'établissement pour les trois années à venir et repose en grande partie sur la mise en oeuvre à partir du 1 er septembre 2013 du plan d'action pour la réforme de l'OFPRA tout en anticipant la transposition des directives « Procédures » et « Qualification ». Pour les années 2013-2015, la stratégie de l'OFPRA se décline en cinq objectifs majeurs :

- garantir dans des délais de traitement réduits, une réponse de qualité à la demande d'asile ;

- réformer les méthodes de travail et moderniser l'instruction de la demande d'asile ;

- améliorer le service rendu aux demandeurs d'asile et aux personnes protégées ;

- optimiser la gestion de l'établissement ;

- valoriser l'expertise de l'OFPRA.

Lors de son audition par votre rapporteur, M Pascal Brice, directeur général de l'OFPRA, a indiqué que le plan d'action pour la réforme de l'établissement avait été approuvé par les syndicats au mois de mai 2013. Ce plan d'action vise à renforcer les moyens de protection là où ils sont nécessaires tout en conservant le niveau d'exigence et de rigueur de l'instruction des demandes. Cela se traduit en particulier par l'envoi en région d'équipes pour des durées limitées, comme cela a été expérimenté en juillet à Lyon ou en octobre à Metz. Cela consiste également en la mutualisation du traitement de la demande d'asile entre les quatre divisions géographiques afin de ne pas laisser une division submergée par l'afflux de demandeurs provenant d'un pays ou d'une région.

Ces pistes de réforme devraient contribuer à améliorer l'efficacité de l'Office afin de réduire les délais de traitement parallèlement à la mise en oeuvre des moyens supplémentaires.

b) La CNDA : la poursuite de l'accroissement de la capacité de jugement

Rattachée pour sa gestion depuis le 1 er janvier 2009 au Conseil d'État, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) est la juridiction administrative spécialisée chargée de l'instruction des recours contre les décisions de l'OFPRA.

Les crédits de titre 2 qui lui sont alloués figurent à l'action 7 du programme 165 : « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Ces crédits connaîtront en 2014 une augmentation de près de 3 % pour renouer avec les montants inscrits en loi de finances initiale pour 2012, soit 22,23 millions d'euros . Cette progression des crédits de rémunération correspond à la création de 8 EPTP .

Cette augmentation des crédits de titre 2 est la traduction du plan d'action mis en oeuvre depuis 2011 visant à accroître de manière significative la capacité de jugement de la Cour afin de réduire ses délais de jugement. Cet effort, qui a permis de porter les effectifs de la juridiction de 223 ETPT en 2009 à 349 ETPT en 2014, a d'ores et déjà produit des effets tangibles : malgré une hausse régulière et importante des entrées de près de 14 % entre 2011 et 2012 pour atteindre 36 362 recours, la Cour a rendu 37 350 jugements en 2012, soit 56 % de plus qu'en 2010 alors que dans le même temps les délais de jugement étaient de 8 mois et 7 jours en 2012, contre 15 mois deux ans auparavant. Le nouveau renforcement de la capacité de jugement devrait permettre d'atteindre l'objectif cible de 6 mois fixé pour 2015.

Si le renforcement de ses effectifs est bienvenu, il pose toutefois la question du recrutement par la Cour de personnels qualifiés, en particulier de rapporteurs à l'instruction. On doit en effet noter que pour faire face à l'accroissement de ses activités tout en respectant ses objectifs de délais de jugement, la Cour a procédé au recrutement d'un grand nombre d'agents contractuels depuis 2011.

Par ailleurs, la juridiction est placée devant la nécessité de poursuivre sa professionnalisation. À cet égard, son rattachement au Conseil d'État a été bénéfique sur plusieurs plans.

En premier lieu, il a coïncidé avec la nomination de présidents permanents. Magistrats des ordres administratif et judiciaire placés sous l'autorité du président de la Cour, ils sont désormais au nombre de 12. La majorité des magistrats - 90 - demeure toutefois des magistrats vacataires nommés soit parmi les membres du Conseil d'État ou du corps des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, soit parmi les magistrats judiciaires, soit enfin parmi les magistrats de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes. Le rééquilibrage entre permanents et vacataires faciliterait l'harmonisation de la jurisprudence entre les différentes formations de jugement.

En second lieu, à la suite des travaux d'un groupe de travail mis en place par le Vice-président du Conseil d'État en 2011 sous la présidence de M. Christian Vigouroux, la réflexion sur les procédures applicables devant la Cour a donné lieu au décret n° 2013-751 du 16 août 2013, dont les dispositions entreront progressivement en vigueur jusqu'au 1 er février 2015.

De l'avis des personnes entendues par votre rapporteur, les moyens alloués à l'OFPRA et à la CNDA par le projet de loi de finances pour 2014 devraient permettre à ces deux institutions de remplir les objectifs qui leur ont été assignés en termes de réduction des délais de traitement des demandes .

Délais moyens d'examen des demandes d'asile
par l'OFPRA et par la CNDA

2011 (réalisation)

2012 (réalisation)

2013 (prévision actualisée)

2014 (prévision)

2015 (cible)

Délai de traitement d'un dossier par l'OFPRA

174 jours

186 jours

173 jours

132 jours

90 jours

Délai prévisible moyen de jugement

9 mois et 5 jours

8 mois et 7 jours

7 mois et 8 jours

6 mois et 15 jours

6 mois

Source : projets annuels de performance des programmes n°303 et n°165

c) Une autre piste pour l''accélération du traitement des demandes d'asile : le rapprochement des jurisprudences de l'OFPRA et de la CNDA

L'un des facteurs explicatifs de la longueur du traitement des demandes d'asile réside dans le taux très important de recours devant la CNDA à l'encontre des décisions de l'OFPRA. En 2012, le taux de recours contre les décisions négatives de l'OFPRA a atteint 87,3 % , soit deux points de plus qu'en 2011. Au cours du premier semestre 2013 ce taux atteint un niveau sans précédent : 94,8 %.

Ce taux de recours s'explique en grande partie par le taux relativement important d'annulation des décisions de l'OFPRA par la CNDA. Ainsi la France présente-t-elle la particularité suivante : si elle se situe dans la moyenne européenne s'agissant du taux global d'octroi de protections (environ 25 % des demandeurs d'asile en Europe se voient accorder le statut de réfugié ou le bénéfice d'une protection subsidiaire), la majorité des statuts de réfugié et des protections subsidiaires accordés depuis 2005 par la France le sont par décision de la Cour nationale du droit d'asile, non de l'OFPRA .

Toutefois, pour la première fois, au terme du premier semestre de l'année 2013, cette proportion s'est inversée, 52,5 % des décisions d'admission relevant de l'OFPRA . Ce renversement de tendance résulte de la baisse continue du taux d'annulation de la CNDA et d'une hausse du taux d'accord de l'OFPRA.

Statuts de réfugiés et protections subsidiaires accordés par la France

Nombre d'accords par l'OFPRA

Nombre d'accords suite à annulations prononcées par la CNDA

Nombre total de personnes reconnues bénéficiaires d'une protection

Part des protections accordées par la CNDA

2004

6 358

4 934

11 208

44,02 %

2005

4 184

9 586

13 770

69,62 %

2006

2 929

4 425

7 354

60,17 %

2007

3 401

5 380

8 781

61,27 %

2008

5 153

6 288

11 441

54,96 %

2009

5 048

5 325

10 373

51,34 %

2010

5 096

5 244

10 340

50,72 %

2011

4 630

6 072

10 702

56,74 %

2012

4 348

5 628

9 976

56,42 %

6 mois 2013

2 752

2 485

5 237

47,45 %

Source : Direction générale des étrangers en France (DGEF)

Plusieurs explications peuvent être avancées pour comprendre cette situation atypique. Tout d'abord, la CNDA est une juridiction de plein contentieux qui se prononce sur l'ensemble des éléments de fait et de droit du dossier, y compris postérieurs à la décision de l'OFPRA. Les délais d'instruction qui s'étendent sur plusieurs mois permettent aux requérants de produire devant la juridiction de nouveaux éléments susceptibles de justifier une protection. Certains avancent en outre comme hypothèse une stratégie d'évitement de l'OFPRA par la rétention d'information à ce stade. De même, l'assistance d'un avocat lors de la procédure devant la CNDA peut également avoir une incidence, le taux d'assistance étant supérieur à 88 % en 2012

En tout état de cause, on observe de réelles divergences d'appréciation entre les deux organes, qui agissent comme des incitations à déposer des recours et conduisent à l'allongement du traitement des demandes d'asile .

Pour y remédier, l'OFPRA a engagé un travail en interne visant à mieux intégrer la jurisprudence de la CNDA, avec laquelle il procède en outre à des échanges afin de minimiser les divergences de doctrine. Les deux instances ont par ailleurs décidé de partager leurs analyses sur les situations des pays d'origine, l'appréciation des faits personnels demeurant du ressort de chaque institution. À cet effet, une collaboration entre les services documentaires de la CNDA et de l'OFPRA s'est instaurée sur la base d'une convention relative à la transmission d'informations. Cette convention prévoit, d'une part, la possibilité pour la CNDA de partager les informations inscrites sur le nouveau logiciel documentaire de l'OFPRA connecté au portail européen depuis juin 2012. Elle dispose, d'autre part, que la CNDA transmettra à l'OFPRA toute étude d'ensemble reflétant la position jurisprudentielle de la CNDA sur une question de droit ou sur l'analyse de la situation dans un pays d'origine. Votre rapporteur se félicite que l'une des propositions formulées par nos collègues Jean-Yves Leconte et Christophe-André Frassa dans leur rapport d'information relatif au droit d'asile ait ainsi trouvé une traduction concrète 3 ( * ) .

Enfin, des missions de recueil d'informations dans les pays d'origine, associant des officiers de protection et des représentants de la CNDA ont été organisées, à l'instar des missions menées en 2013 en Albanie, en République démocratique du Congo et en Angola.

2. La modification du régime de l'aide juridictionnelle devant la CNDA

Comme devant toute juridiction, les demandeurs d'asile formant un recours devant la CNDA peuvent bénéficier de l'assistance d'un avocat, désigné le cas échéant au titre de l'aide juridictionnelle. Depuis la suppression de la condition d'entrée régulière sur le territoire pour l'octroi de l'aide juridictionnelle par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, tous les requérants peuvent y prétendre lorsqu'ils justifient de ressources insuffisantes.

En 2012, le bureau d'aide juridictionnelle de la CNDA a enregistré 21 206 demandes, soit 26 % de plus qu'en 2011, et rendu 21 969 décisions, en progression de 19 % par rapport à 2011. Les demandes ont été admises dans 79,2 % des cas - contre 81 % en 2011 -, seuls le dépassement des conditions de ressources, l'irrecevabilité manifeste du recours ou le non-respect des délais de la demande d'aide juridictionnelle depuis l'introduction par la loi de finances pour 2011 d'un régime de forclusion, pouvant motiver le rejet d'une demande d'aide juridictionnelle.

Près de la moitié des avocats présents devant la Cour l'étaient au titre de l'aide juridictionnelle, la part des requérants assistés d'un avocat étant de 88,5 % en 2012.

Face aux difficultés d'enrôlement résultant du nombre insuffisant d'avocats inscrits sur les listes établies par les bâtonniers, le Gouvernement avait annoncé l'an passé sa décision de revaloriser la rétribution au titre de l'aide juridictionnelle afin de la rendre plus incitative. Le décret n° 2013-525 du 20 juin 2013 a donc doublé le montant de l'aide juridictionnelle, le faisant passer de 8 unités de valeur (UV) à 16, soit plus de 360 € .

Bien que la CNDA dispose d'un bureau d'aide juridictionnelle propre, les crédits qui lui sont affectés figurent à l'action 1 du programme 101 : « Accès au droit et à la justice » de la mission « Justice ». Ces crédits ne sont toutefois pas ventilés selon les bureaux d'aide juridictionnelle.

Le décret du 20 juin 2013 a, en outre, apporté d'autres modifications substantielles au régime de l'aide juridictionnelle devant la CNDA.

En premier lieu, il a substitué à la production de documents établissant le niveau des ressources du requérant, une déclaration sur l'honneur attestant qu'il ne dispose pas en France ou en provenance de l'étranger, de ressources d'un montant supérieur aux seuils fixés par la loi. Cette déclaration sur l'honneur est de nature à accélérer le traitement des demandes d'aide juridictionnelle.

En second lieu, le décret du 20 juin 2013 a mis un terme au monopole des barreaux du ressort des cours d'appel de Paris et Versailles pour établir des listes d'avocats susceptibles d'intervenir au titre de l'aide juridictionnelle devant la Cour. Il a en effet étendu à tous les barreaux de France métropolitaine et d'outre-mer la possibilité de désigner des avocats volontaires pour intervenir au titre de l'aide juridictionnelle. Cette disposition devrait permettre de rapprocher les avocats des requérants domiciliés en dehors de la région Île-de-France, et contribuer à fluidifier l'enrôlement des dossiers.

Par ailleurs, l'ordonnance n° 2012-395 du 23 mars 2012 a étendu l'application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique à Mayotte. Une Caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA) a été mise en place localement. Lors de la mission foraine de la CNDA dans ce département en 2012, des avocats mahorais ont donc pu intervenir au titre de l'aide juridictionnelle. Le nombre des affaires à juger a néanmoins nécessité le concours d'autres avocats désignés au titre de l'aide juridictionnelle, notamment des barreaux de La Réunion.


* 1 Le compte rendu de cette réunion est consultable à l'adresse suivante :

http://senat.fr/compte-rendu-commissions/lois.html

* 2 Source : rapport d'activité de l'Office français des réfugiés et des apatrides pour 2012.

* 3 Cf. proposition n° 4 du rapport d'information fait par MM. Jean-Yves Leconte et Christophe-André Frassa au nom de la commission des lois sur la procédure de demande d'asile (n° 130, 2012-2013) http://www.senat.fr/notice-rapport/2012/r12-130-notice.html

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