EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA « LOI BESSON » : UNE LOI D'ÉQUILIBRE ENTRE OBLIGATIONS DES COMMUNES ET OUTILS JURIDIQUES POUR FAIRE CESSER LE STATIONNEMENT ILLICITE

Votre rapporteur pour avis relève que l'adoption d'un texte relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage était particulièrement attendue à la fin des années 1990 .

Comme le notait ainsi notre collègue Pierre Hérisson à propos du projet de loi relatif à l'accueil et l'habitat des gens du voyage, « ce texte intéresse directement une communauté importante, qui varie, selon les estimations de 250 000 à 300 000 personnes. Il concerne aussi, indirectement, l'ensemble de la population résidant en France compte tenu des difficultés suscitées par le stationnement parfois illicite des gens du voyage » 6 ( * ) .

? Tout d'abord, la situation en matière d'aires d'accueil des gens du voyage était clairement insatisfaisante .

La première « loi Besson » du 31 mai 1990 7 ( * ) avait prévu, à son article 28, la mise en place d'un schéma départemental prévoyant « les conditions d'accueil spécifiques des gens du voyage, en ce qui concerne le passage et le séjour, en y incluant les conditions de scolarisation des enfants et celles d'exercice d'activités économiques ». Ce même article disposait que « toute commune de plus de 5 000 habitants prévoit les conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur son territoire, par la réservation de terrains aménagés à cet effet. »

Le bilan de cette disposition s'est avéré très décevant : en 2000, seuls 34 schémas départementaux avaient été approuvés par le préfet et le président du conseil général et 20 schémas approuvés par le seul préfet ; par ailleurs, les résultats en termes de création d'aires de stationnement étaient modestes, puisqu' on comptait seulement 10 000 places alors que 30 000 semblaient alors nécessaires pour satisfaire les besoins constatés .

? Par ailleurs, ce texte visait à répondre au phénomène de stationnement illicite des gens du voyage .

Comme le soulignait alors notre collègue Pierre Hérisson, « la question du stationnement illicite des gens du voyage s'est posée avec une grande acuité ces dernières années. Le nombre de caravanes qui stationnent illégalement en France est estimé à plus de 27 000 par jour » 8 ( * ) . Il relevait par ailleurs que « ce comportement n'est, dans la majorité des cas, pas sanctionné (...) on ne compte actuellement, dans certains départements, qu'une expulsion forcée pour trois occupations illégales » 9 ( * ) .

? Enfin, votre rapporteur pour avis salue le rôle précurseur joué par le Sénat dans ce domaine .

Dès novembre 1997, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à préciser les conditions d'accueil des gens du voyage sur le territoire des communes de plus de 5 000 habitants 10 ( * ) .

Comme l'a souligné notre ancien collègue Jean-Paul Delevoye, par ce texte, le Sénat « a cherché à définir de manière pragmatique les moyens de remédier aux difficultés posées à de trop nombreuses communes par le stationnement des gens du voyage, ce qui implique à la fois une amélioration des conditions d'accueil des gens du voyage et des moyens accrus pour sanctionner effectivement le stationnement illicite » 11 ( * ) .

Ce texte comprenait des dispositions visant à l'élaboration d'un schéma national d'accueil des gens du voyage, à la création d'un cadre de concertation et de médiation au plan local ou encore à l'accroissement des pouvoirs du maire pour faire cesser le stationnement illicite.

A. LES DISPOSITIONS INITIALES DE LA « LOI BESSON » DU 5 JUILLET 2000

? La loi du 5 juillet 2000 constitue un texte d'équilibre .

Comme l'indiquait alors notre collègue Pierre Hérisson, « l'accueil et le stationnement des gens du voyage nécessite (...) de concilier trois principes essentiels que protège notre loi fondamentale : la liberté d'aller et de venir, le droit de propriété et le droit à un logement décent , auquel a été reconnu le caractère d'objectif à valeur constitutionnelle, notamment sur le fondement du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 » 12 ( * ) .

Notre ancien collègue Jean-Paul Delevoye, rapporteur de ce texte, soulignait quant à lui que la loi de 2000 « tend à favoriser l'aménagement, sur quelques années, d'un nombre d'aires suffisant pour faire face aux besoins , en imposant notamment aux communes un délai pour réaliser les investissements nécessaires et en permettant à l'État de se substituer à elles en cas de carence. Parallèlement, il prévoit plusieurs dispositions destinées à soutenir financièrement les communes dans la réalisation et la gestion des aires d'accueil. Il renforce, enfin, les moyens juridiques permettant de lutter contre les occupations illicites » 13 ( * ) .

Les dispositions de la loi de 2000 peuvent donc être regroupées en trois « blocs » : les obligations en matière d'aménagement des aires des gens du voyage ; le soutien financier de l'État dans la réalisation et la gestion de ces aires ; le renforcement des moyens juridiques permettant de lutter contre les occupations illicites.

? Pour ce qui concerne les obligations en matière d'aménagement des aires , l' article 1 er de la loi de 2000 consacre le principe selon lequel « les communes participent à l'accueil des personnes dites gens du voyage et dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles » 14 ( * ) .

L'article 1 er dispose par ailleurs que :

- un schéma départemental , élaboré en fonction des besoins et de l'offre existante, est mis en place dans chaque département et prévoit les secteurs géographiques d'implantation des aires permanentes d'accueil et les communes où ces dernières doivent être réalisées ;

- les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement au schéma ;

- le schéma définit la nature des actions à caractère social destinées aux gens du voyage qui fréquentent les aires et détermine les emplacements susceptibles d'être occupés temporairement à l'occasion de rassemblements traditionnels ou occasionnels ;

- ce schéma est élaboré par le préfet et le président du conseil général, après avis des communes concernées et d'une commission départementale consultative.

L' article 2 prévoyait initialement un délai de deux ans suivant la publication du schéma au terme duquel les communes figurant au schéma sont tenues de contribuer à sa mise en oeuvre, en mettant à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d'accueil aménagées et entretenues. Ces communes peuvent transférer cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

L' article 3 institue un pouvoir de substitution de l'État en cas de défaillance de la commune ou de l'EPCI : l'État peut alors acquérir les terrains nécessaires, réaliser les travaux d'aménagement et gérer les aires d'accueil au nom et pour le compte de la commune ou de l'EPCI concerné.

? Le second volet de la loi du 5 juillet 2000 porte sur le soutien financier aux communes dans la réalisation et la gestion de ces aires .

L' article 4 de la loi prévoit ainsi que :

- l' État prend en charge les investissements nécessaires à l'aménagement et à la réhabilitation des aires , dans la proportion de 70 % des dépenses engagées dans le délai de deux ans et dans la limite d'un plafond fixé par décret 15 ( * ) ;

- les autres collectivités territoriales (région et département) et les caisses d'allocations familiales peuvent par ailleurs accorder des subventions complémentaires.

L' article 5 prévoit par ailleurs le versement par les organismes de sécurité sociale d'une aide forfaitaire aux communes ou aux EPCI gérant les aires d'accueil, ainsi qu'aux personnes morales qui gèrent une aire en application d'une convention signée avec une commune ou un EPCI.

L' article 7 prévoit enfin la majoration de la population prise en compte au titre du calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF) d'un habitant par place de caravane située sur une aire d'accueil.

? Enfin, le troisième volet de la « loi Besson » porte sur le renforcement des moyens juridiques permettant de lutter contre les occupations illicites , selon un principe clair défini par notre collègue Pierre Hérisson : « qui ne veut pas accueillir ne peut interdire » 16 ( * ) .

L' article 9 de la loi disposait ainsi que, dès qu'une commune remplit ses obligations prévues par l'article 2, le maire peut interdire, par arrêté, le stationnement des résidences mobiles sur le territoire de la commune en dehors des aires d'accueil aménagées 17 ( * ) .

Le II de cet article précise qu'en cas de stationnement effectué en violation de cet arrêté :

- le maire peut saisir le président du tribunal de grande instance (TGI) aux fins de faire ordonner l'évacuation forcée des résidences mobiles ;

- sauf dans le cas où le terrain appartient à la commune, le maire ne peut agir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ;

- le juge peut prescrire aux occupants, le cas échéant sous astreinte, de rejoindre l'aire de stationnement aménagée, à défaut de quitter le territoire communal et ordonner l'expulsion de tout terrain qui serait occupé en violation de cette injonction.

Le III de ce même article précise qu'en cas d'occupation, en violation de l'arrêté du maire, d'un terrain privé affecté à une activité à caractère économique, le propriétaire peut saisir le président du TGI aux fins de faire ordonner l'évacuation forcée des résidences mobiles.


* 6 Avis n° 194 (1999-2000), Ibid., p. 3.

* 7 Loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement.

* 8 Avis n° 194 (1999-2000), Ibid., p. 5.

* 9 Ibid., p. 5.

* 10 Proposition de loi relative aux conditions de stationnement des gens du voyage adoptée par le Sénat le 6 novembre 1997.

* 11 Rapport n° 188 (1999-2000) fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du Règlement et de l'administration générale sur le projet de loi relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage et la proposition de loi de M. Nicolas About visant à renforcer les moyens d'expulsion du préfet et du maire, en cas d'occupation illégale de locaux industriels, commerciaux ou professionnels par les gens du voyage, M. Jean-Paul Delevoye, p. 8.

* 12 Avis n° 194 (1999-2000), Ibid., p. 5.

* 13 Rapport n° 188 (1999-2000), Ibid., p. 8.

* 14 I de l'article 1 er de la loi du 5 juillet 2000.

* 15 D'après les informations transmises à votre rapporteur pour avis, la dépense « subventionnable » était plafonnée à 15 245 € par place pour les nouvelles aires, à 9 147 € par place pour la réhabilitation des aires existantes et à 114 336 € par opération pour les aires de grand passage.

* 16 Avis n° 194 (1999-2000), Ibid., p. 9.

* 17 Le I de l'article 9 précise que ces dispositions s'appliquent également aux communes non inscrites au schéma départemental mais dotées d'une aire d'accueil ainsi qu'aux communes qui décident, sans y être tenues, de contribuer au financement d'une aire.

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