EXAMEN DES ARTICLES

Éléments sur le droit des offres publiques d'acquisition (OPA)

I. L'OFFRE PUBLIQUE, UNE PROTECTION OFFERTE AUX ACTIONNAIRES MINORITAIRES

Les offres publiques d'acquisition (OPA) ont pour objet de permettre à un initiateur (ou offreur) de prendre le contrôle d'une société cible en proposant à l'ensemble de ses actionnaires de racheter leurs actions dans des conditions identiques - en particulier s'agissant du prix offert - à chacun d'entre eux.

L'OPA peut être considérée par la société cible comme hostile ou bien être convenue d'avance avec l'offreur et elle est alors dite amicale. Une offre initialement non sollicitée, et donc a priori hostile, peut néanmoins se transformer en OPA amicale si les deux entreprises conviennent de l'opportunité d'un rapprochement.

La régulation des OPA apparaît nécessaire en vue d'assurer l'égalité de traitement des actionnaires . Elle peut s'analyser comme une défense légale offerte aux actionnaires minoritaires .

Une OPA est dite volontaire lorsqu'elle est déclenchée sans que l'initiateur y soit contraint par la loi, par opposition aux OPA dites obligatoires ( cf. infra ).

Pour s'assurer le contrôle effectif d'une société, un offreur n'a besoin d'acquérir que 50,01 % des droits de vote. La législation sur les OPA a pour objet de permettre que les conditions de l'affectio societatis (la volonté de s'associer) ne soient pas modifiées à l'insu de certains actionnaires et que la prise de contrôle effective ne puisse être réalisée de manière non transparente et à l'issue d'une négociation entre seulement certains des actionnaires.

En outre, dans le cas d'une OPA, l'offreur est conduit à offrir une prime de contrôle aux actionnaires pour les inciter à souscrire à l'offre. Ainsi, le prix proposé est souvent supérieur au cours de l'action à la date de l'offre.

Chaque actionnaire peut ainsi faire le choix, en toute connaissance de cause, d'apporter ses titres à l'offreur - et donc de sortir de la société - ou bien de les conserver.

Une OPA devient obligatoire lorsque l'on constate qu'une personne est susceptible d'exercer le contrôle de fait de la société, même si elle ne détient pas plus de la moitié des droits de vote .

Les situations de contrôle rampant sont des situations de fait qu'il est difficile de déterminer a priori . Elles dépendent beaucoup de la structuration du capital. Par exemple, une société familiale disposant d'un actionnaire de référence bien identifié sera peu sujette à un contrôle rampant. En revanche, une société dont l'essentiel du capital est « flottant », c'est-à-dire disponible en Bourse, pourra être contrôlée de fait par un actionnaire disposant de 20 % ou 25 % du capital.

Cette situation sera d'autant plus préjudiciable si les autres actionnaires agissent en ordre dispersé ou s'abstiennent de participer à l'assemblée générale. En France, le rapport Field 6 ( * ) avait relevé que le taux moyen de participation aux assemblées générales s'élevait entre 50,2 % et 68,5 %, selon l'actionnariat était très dispersé ou, au contraire, concentré dans les mains d'un ou plusieurs actionnaires disposant de plus de 30 % du capital.

Avec un taux de participation de 60 %, il suffit de détenir 30 % des droits de vote pour disposer d'une majorité et donc influer sur les décisions de l'entreprise et les nominations aux organes de gouvernance.

La législation sur les OPA obligatoires vise dès lors à contraindre les actionnaires en situation de force à lancer une offre sur l'ensemble des titres de la société en vue de désintéresser les actionnaires minoritaires .

Le code monétaire et financier oblige un actionnaire à déposer une offre dans deux cas :

- soit s'il vient à dépasser un seuil de détention de 30 % du capital ou des droits de vote ;

- soit s'il détient déjà entre 30 % et 50 % du capital ou des droits de vote et qu'il acquiert plus de 2 % du capital ou des droits de vote sur une période de douze mois consécutifs (mécanisme dit de « l'excès de vitesse d'acquisition »).

En pratique, toutes les offres sont évidemment délibérées puisqu'un actionnaire ne dépasse le seuil de déclenchement de l'offre obligatoire qu'à dessein.

II. L'OFFRE PUBLIQUE, UN PROCESSUS ORDONNÉ ÉTROITEMENT SURVEILLÉ PAR L'AMF

L'essentiel du corpus juridique des offres publiques est arrêté par le Règlement général de l'Autorité des marchés financiers (RGAMF), sur le fondement des articles législatifs du code monétaire et financier (articles L. 433-1 et suivants).

Il fixe les règles pour les offres publiques portant sur des instruments financiers qui sont admis aux négociations sur un marché réglementé français , à savoir NYSE Euronext Paris - la Bourse de Paris. Au 23 janvier 2014, 639 sociétés étaient cotées sur ce marché 7 ( * ) dans un de ses trois principaux compartiments 8 ( * ) .

Le droit commun a d'abord vocation à s'appliquer aux sociétés dont le siège social est établi en France . Il peut, sous certaines conditions définies par le code monétaire et financier et le RGAMF, être applicable pour des sociétés dont le siège est situé hors de France.

Sauf cas limitativement énumérés, une offre publique doit viser la totalité des titres de capital (les actions) et donnant accès au capital ou aux droits de vote de la société tels que, par exemple, des obligations remboursables en actions 9 ( * ) .

Le processus d'offre publique est transparent et se déroule sous le contrôle de l'Autorité des marchés financiers (AMF) . En particulier, celle-ci veille à ce que :

- tous les actionnaires soient traités sur un pied d'égalité ;

- l'information délivrée par l'initiateur et la société cible soit complète et juste ;

- l'initiateur et la société cible respectent toutes leurs diligences en matière de communication et d'information du public ;

- les acteurs de l'offre respectent les règles relatives aux « initiés » .

L'article 231-3 de son Règlement général pose le principe selon lequel, « en vue d'un déroulement ordonné des opérations au mieux des intérêts des investisseurs et du marché, toutes les personnes concernées par une offre doivent respecter le libre jeu des offres et de leurs surenchères, d'égalité de traitement et d'information des détenteurs de titres des personnes concernées par l'offre, de transparence et d'intégrité du marché et de loyauté dans les transactions et la compétition ».

Le processus ordonné de l'OPA est récapitulé dans le tableau ci-dessous. Il est enserré dans des délais stricts qui s'appliquent tant à l'initiateur et la société cible qu'à l'AMF.

Le régulateur n'évalue pas le prix proposé aux actionnaires. En revanche, une fois le projet de note d'information déposé, les engagements de l'offreur sont irrévocables jusqu'à la fin de l'offre .

Processus de l'offre publique normale

Période de préoffre

Information de l'AMF et du public sur les caractéristiques d'un projet d'offre (nature de l'offre et prix envisagé).

Dépôt à l'AMF d'un projet d'offre :

- lettre adressée à l'AMF par l'initiateur ;

- dépôt du projet de note d'information ;

- communiqué au public.

Période d'offre

10 jours

Publication, par l'AMF, des principales dispositions du projet d'offre :

- mise à disposition du public du projet de note d'information ;

- éventuellement, note en réponse et communiqué au public de la société visée.

5 jours*

Examen par l'AMF de la conformité du projet de note d'information.

Visa de l'AMF sur le projet de note d'information.

5 jours

Projet de note en réponse de la société visée.

Visa de l'AMF sur le projet de note en réponse.

Publication de la note d'information et de la note en réponse .

Dépôt à l'AMF et publication des informations complémentaires sur les caractéristiques, notamment juridiques, financières et comptables, de l'initiateur et de la société visée.

Ouverture de l'offre

Le jour de bourse suivant l'événement le plus tardif :

- la publication de la note d'information ou de la note en réponse ;

- la publication des informations complémentaires ;

- ou la transmission des autorisations préalables à l'AMF.

Durée : 25 jours

Clôture de l'offre

Dans les 9 jours suivant la clôture, l'AMF constate si l'offre a connu ou non une suite positive.

Réouverture de l'offre

Dans les 10 jours suivant le résultat définitif de l'offre et en cas de suite positive.

Durée : 10 jours

Clôture de la réouverture

* Le délai de transmission à l'AMF du projet de note en réponse peut être porté à 20 jours en cas de désignation d'un expert indépendant.

Les délais sont toujours comptés en « jours de négociation » ou « jours de Bourse ».


* 6 AMF, Rapport sur les déclarations de franchissements de seuil de participation et les déclarations d'intention , Groupe de travail présidé par Bernard Field, octobre 2008.

* 7 Source : http://www.boursedeparis.fr/cours/actions-paris , consulté le 23 janvier 2014.

* 8 Le compartiment A comprend les sociétés dont la capitalisation est supérieure à 1 milliard d'euros ; le compartiment B, les sociétés dont la capitalisation est comprise entre 150 millions et 1 milliard d'euros ; le compartiment C, les sociétés dont la capitalisation est inférieure à 150 millions d'euros.

* 9 Article 231-6 du RGAMF.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page