B. UNE MOBILISATION ACCENTUÉE EN FAVEUR DE LA DIPLOMATIE ÉCONOMIQUE

Le décret n° 2014-400 du 16 avril 2014 relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères et du développement international, en reconnaissant à celui-ci la compétence de « définir et mettre en oeuvre la politique du développement international de la France, notamment au titre du commerce extérieur et du tourisme », a consacré, au plan de l'organisation du Gouvernement, l'essor de la diplomatie économique impulsé depuis plusieurs années par le ministère chargé des affaires étrangères 12 ( * ) .

Il s'agit en pratique de coordonner l'action diplomatique et celle des entreprises, dans le but de favoriser le développement économique par le soutien aux entreprises françaises à l'international et par la promotion de la destination « France », tant pour les investisseurs que pour les voyageurs étrangers. Ces actions sont conduites en lien avec l'ensemble des services et des opérateurs de l'action économique extérieure, en particulier UbiFrance , l'agence française pour le développement international des entreprises - promise, l'année prochaine, à une fusion avec l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) - et Atout France , l'agence de développement touristique de notre pays.

Dans un contexte où la part de marché de la France au sein du commerce mondial, désormais de l'ordre de 3 %, s'est fortement dégradée, y compris au sein de la zone euro, et alors que les exportations françaises ont enregistré, l'année dernière, un repli de 1,3 %, après une croissance ralentie en 2012 13 ( * ) , vos rapporteurs pour avis ne peuvent que se réjouir de cet investissement du MAEDI au service de la compétitivité nationale . Toutefois , outre que la maquette budgétaire n'a pas entièrement suivie , pour l'année prochaine, la nouvelle architecture gouvernementale, certains des fondamentaux de cette politique , aux yeux de vos rapporteurs , restent à consolider .

1. Une politique rehaussée

La mobilisation de l'outil diplomatique pour accompagner le développement des entreprises françaises à l'international et soutenir la promotion de la France auprès des investisseurs, voire des touristes potentiels, fait de longue date partie intégrante du rôle des représentants de la France à l'étranger pourvus d'une autorité sur les différents services des ambassades, notamment les missions économiques et les délégations d'Ubifrance. Cependant, cette diplomatie économique se trouve depuis quelques années affichée comme l'une des premières priorités du ministère chargé des affaires étrangères, en vue de fédérer, dans chaque pays, les énergies du poste concerné et celles des entreprises implantées sur place.

Dans cette perspective, depuis 2012, le Gouvernement a notamment pris la série d'initiatives suivantes :

? La création d'une nouvelle direction d'administration centrale, au sein de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM),  à compter du 1 er mars 2013 : la direction des entreprises et de l'économie internationale.

Cette direction doit constituer le point d'entrée au MAEDI des entreprises, grands groupes comme PME. Elle vise notamment à s'assurer que les intérêts des entreprises sont bien pris en compte à l'occasion des négociations susceptibles d'avoir un impact sur leurs activités, en particulier pour ce qui concerne la régulation économique internationale.

? L'instauration de conseils économiques pour les postes situés dans un pays recevant plus de 50 millions d'euros d'exportations françaises - soit, au total, 126 postes.

Chacun de ces conseils doit réunir, autour de l'ambassadeur - envisagé, dans chaque pays, comme le chef de l'« équipe de France de l'export » -, les services concernés et un éventail représentatif des milieux d'affaires français dans le pays. En pratique, les conseillers du commerce extérieur et les représentants des chambres de commerce et d'industrie bilatérales sont systématiquement associés ; la plupart des postes tentent d'assurer une représentation des grands groupes, mais aussi des PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI), et visent une représentation équilibrée des secteurs d'activité. Au cas par cas, tous autres intervenants extérieurs peuvent être conviés aux réunions.

Ces conseils économiques ont vocation à se réunir régulièrement. Les postes importants les réunissent chaque mois ; dans les autres postes, cette périodicité est généralement trimestrielle. Certains postes ont mis en place un système de rotation des réunions du conseil économique entre les différents centres économiques du pays.

? L'insertion systématique d'un volet économique dans les plans d'action des ambassades .

Les plans d'action des ambassades comprenaient déjà, la plupart du temps, un volet consacré aux actions du poste à mener dans le domaine économique et, en particulier, pour soutenir les entreprises françaises et favoriser les investissements dans notre pays. La rédaction de ce volet économique a cependant été systématisée, dans un format contraint (8 pages, dont 6 pages d'objectifs). Le document doit être revu chaque année ; à cet effet, des indicateurs de suivi annuel ont été mis en place.

? La nomination d'« ambassadeurs pour les régions » et de représentants spéciaux .

Des « ambassadeurs pour les régions » - en pratique, six à ce jour - ont été mis à disposition des présidents de région qui le souhaitaient pour favoriser le rapprochement entre les régions françaises, leurs entreprises - en particulier les PME et ETI - et le réseau diplomatique. Il s'agit de mieux soutenir les initiatives des régions et de promouvoir les atouts de ces dernières, notamment les pôles de compétitivité, à l'étranger. Ces ambassadeurs sont liés au MAEDI par une convention signée par le ministre et par le président de région ; ils doivent présenter un plan d'action, qui décline concrètement les objectifs poursuivis et les échéances de réalisation prévues. Il leur appartient, d'une part, de s'insérer dans les dispositifs locaux - un environnement complexe où les structures publiques de tous ordres encadrent l'action économique internationale de la région ; d'autre part, d'aller au contact avec les entreprises, en particulier afin de sélectionner, en lien avec les structures régionales compétentes, des PME et ETI à fort potentiel qui pourront utilement accompagner les déplacements officiels à l'étranger.

Par ailleurs, des représentants spéciaux, personnalités à l'expertise reconnue, ont été nommés pour favoriser le développement de la relation économique avec certains pays ou régions clés (Algérie, Balkans, Brésil, Chine, Émirats arabes unis, Inde, Japon, Mexique, Russie) et y appuyer les efforts de l'État visant à soutenir les entreprises.

Le décret du 16 avril 2014 précité est venu compléter ces réformes en offrant une pleine latitude au MAEDI pour piloter son action de développement international, qu'il s'agisse de la dimension commerciale ou du secteur touristique.

2. Les apories de l'imputation budgétaire pour 2015

La construction du PLF 2015 s'avère pour partie en décalage, sinon en contradiction, avec la nouvelle organisation du Gouvernement. En effet, les crédits de la subvention d'UbiFrance (95 millions d'euros) ne figurent pas dans la mission « Action extérieure de l'État » où - dès lors que le ministère chargé des affaires étrangères l'est aussi, à présent, du commerce extérieur - ils auraient dû se trouver. Ces crédits sont toujours logés dans la mission « Économie » (et, plus précisément, imputés sur le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme ») ; ils relèvent par conséquent, a priori , de la responsabilité du ministère chargé de l'économie. Leur transfert, logiquement, devrait être réalisé, pour le PLF 2016, vers le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ».

En attendant, le projet annuel de performance (PAP) la mission « Action extérieure de l'État » annexé au PLF 2015 n'identifie de crédits, en faveur de la diplomatie économique, qu'au titre :

- d'une part, des déplacements du secrétaire d'État en charge du commerce extérieur et de la promotion du tourisme (0,5 million d'euros, inscrits sur le programme 105) ;

- d'autre part, de la subvention à Atout France (30 millions d'euros, inscrits sur le programme 185).

De la sorte, 75 % des crédits identifiés en faveur de la diplomatie économique relèvent, pour l'année prochaine, non du Quai d'Orsay, mais de Bercy .

Certes, vos rapporteurs pour avis comprennent bien que l'essentiel de l'action de diplomatie économique tient dans une mobilisation du réseau diplomatique (programme 105) et du réseau consulaire (programme 151), qui n'est pas quantifiée au plan budgétaire. Mais, précisément, cette absence de quantification - dont les ressources de la comptabilité analytique devraient pourtant autoriser un calcul - est gênante : elle obère de facto la capacité du Parlement à apprécier, aujourd'hui, l'adéquation des moyens prévus aux objectifs fixés à une politique réputée prioritaire et, demain, l'efficience de l'action conduite en la matière, dont la mesure supposerait de rapporter les résultats aux moyens qui auront été alloués.

Aussi, vos rapporteurs souhaitent qu'un plus grand effort d'information soit témoigné à l'avenir, de la part du Gouvernement, pour rendre compte de cette politique , en indiquant le plus complètement possible suivant quels objectifs (chiffrés) et par quels moyens - donc pour quels coûts - l'action en ce domaine aura été menée. En tout état de cause, le meilleur indicateur sera l'évolution du solde de notre balance commerciale.

3. Une politique encore à consolider

Au-delà des mesures déjà prises, susmentionnées, et du renforcement de l'information budgétaire demandée par vos rapporteurs pour avis, l'impulsion donnée à la diplomatie économique paraît devoir être confortée par un certain nombre de mesures fondamentales pour favoriser le succès en la matière.

En premier lieu, une réflexion sur le recrutement, la carrière et la formation des diplomates semblerait fort opportune, dans la mesure où la plupart d'entre eux ne sont pas naturellement familiers du monde économique. L'organisation d'une mobilité en entreprise pour certains agents serait à l'évidence utile pour accompagner la transformation de notre outil diplomatique en adjuvant majeur de l'économie nationale. De manière réciproque, l' intégration dans les équipes diplomatiques de cadres supérieurs d'entreprise serait de nature à affiner les analyses et les stratégies des postes à cet égard.

En deuxième lieu, vos rapporteurs pour avis font leurs les préconisations récemment émises par la Cour des comptes 14 ( * ) en vue de clarifier et hiérarchiser les missions des services économiques à l'étranger , et de rationaliser leur organisation en recentrant ce réseau sur les zones à fort enjeux , comme le réseau diplomatique dans son ensemble (cf. supra ). Il s'agit aussi de dépasser certains clivages administratifs habituels entre ces services et les chancelleries : dans la logique du décret du 16 avril 2014, des passerelles et des synergies doivent être recherchées entre diplomatie politique et diplomatie économique . Ainsi, la Cour des comptes a suggéré que, dans les pays où les enjeux économiques, sans être prioritaires, sont importants, le premier conseiller d'ambassade soit aussi conseiller économique - comme c'est le cas, par exemple, en Allemagne. Vos rapporteurs soutiennent cette proposition.

En troisième lieu, la promotion du tourisme en France doit être accentuée , compte tenu des enjeux considérables qui s'attachent pour l'avenir à ce secteur. M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, lors de son audition par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, l'a bien relevé : « loin d'être marginal, le tourisme est une activité économique majeure qui a beaucoup à apporter à la France, qui jouit en ce domaine d'avantages comparatifs importants. [...] actuellement, 150 millions de Chinois voyagent, mais [...] dans 15 ans, ils seront 500 millions ! Si nous savons les attirer, notre balance extérieure s'en ressentira 15 ( * ) . » À cet effet, en particulier, l' amélioration de notre système de délivrance de visas est incontournable.

Enfin, vos rapporteurs estiment nécessaire de réviser certaines des méthodes actuelles du travail de la diplomatie économique, au plus près des réalités de celui-ci :

- d'une part, il convient d' améliorer, en quantité et en qualité, la « présence politique » de l'État qu'assurent les visites officielles , notamment les déplacements ministériels, dans les pays où les entreprises françaises sont susceptibles de se développer. Souvent, ces visites constituent des occasions essentielles de mise en valeur des atouts de nos PME et ETI ; les multiplier, c'est donc ajouter aux chances de ces dernières. Encore doivent-elles être calibrées - en termes de durée sur place, notamment - pour ne pas produire un contreproductif effet d'« attente déçue » ;

- d'autre part, l'implication des régions françaises doit être renforcée . La mobilisation de ces acteurs de premier plan pour le soutien des PME exportatrices fait en effet figure de clé maîtresse pour redresser notre commerce extérieur ; car ce sont ces PME qui ont besoin de soutien à l'international : les grands groupes savent prendre par eux-mêmes les contacts à l'étranger dont ils ont besoin. Le dispositif des « ambassadeurs pour les régions » va dans le bon sens, mais il reste insuffisant. Les régions doivent être plus amplement et plus systématiquement associées aux initiatives des services de l'État en faveur du développement économique national à l'étranger, notamment pour la préparation et dans la réalisation des déplacements officiels.


* 12 Dans le cadre de l'examen du PLF 2015, vos rapporteurs pour avis ont auditionné M. Rémy Rioux, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et du développement international, en charge des affaires économiques, le 5 novembre 2014.

* 13 Compte tenu du repli parallèle des importations (- 2,3 %), le déficit global du commerce extérieur français s'est établi 61,2 milliards d'euros en 2013, soit malgré tout une réduction pour la deuxième année consécutive (il était de 67,2 milliards en 2012). Source : direction générale des douanes et droits indirects.

* 14 Référé n° 70 752, septembre 2014.

* 15 Audition du 14 octobre 2014 dont le compte-rendu se trouve en annexe au présent rapport.

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