IV. LA POURSUITE DE L'INDEMNISATION DES VICTIMES DE LA BARBARIE NAZIE

Le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale » assure le financement de mesures de réparation , instaurées par décret, à destination de certaines des victimes de cette guerre et de leurs ayants droit :

- les victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation 49 ( * ) ;

- les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites 50 ( * ) ;

- les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie 51 ( * ) .

Dans ce cadre, c'est le Premier ministre qui prend les décisions accordant une indemnisation, la mise en paiement étant assurée par l'Onac.

Tableau n° 15 : Evolution des crédits de paiement du programme 158

(en millions d'euros)

Action

LFI 2014

PLF 2015

Variation
(en %)

N° 1 : Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation

50,73

46,05

- 9,2

N° 2 : Indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale

53,29

54,5

+ 2,3

Total

104,02

100,56

- 3,3

Source : Projet annuel de performance de la mission annexé au PLF

Les crédits du programme, fixés à 100,56 millions d'euros pour 2015, sont en baisse de 3,3 % par rapport à 2014, après - 5,5 % entre 2013 et 2014, en raison d'une diminution progressive du nombre de nouvelles demandes ces dernières années. Il n'est pas pour autant envisagé de fixer de date de forclusion pour ces dispositifs.

Dans sa note sur l'exécution budgétaire de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » pour l'année 2013, la Cour des comptes a fait deux remarques concernant ce programme.

Elle a relevé que l'exonération d'impôt sur le revenu appliquée aux rentes qu'il permet de verser manque de base légale . En effet l'article 81 du code général des impôts prévoit, entre autres dispositions, que les pensions servies en vertu du CPMIVG ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu. Or ce code ne contient aucune référence aux rentes financées par le programme 158. Le Gouvernement estime que ces rentes entrent bien dans le champ de l'exonération, mais votre rapporteur pour avis partage le point de vue de la Cour des comptes selon lequel il serait souhaitable que cette situation soit « régularisée ».

Elle a également souligné que le taux de revalorisation annuelle des rentes versées aux orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ou d'actes de barbarie, qui est de 2,5 % 52 ( * ) , ne correspondait ni à l'évolution du PIB, ni au niveau de l'inflation et qu'il devait être considéré comme « très favorable » dans le contexte actuel. Elle a appelé le Gouvernement à le justifier. Aux yeux de votre rapporteur pour avis, il n'est pas anormal que la politique de l'Etat envers ces personnes ne soit pas dictée par des indicateurs économiques. Elle est le reflet du préjudice irréparable qu'elles ont subi.

A. L'INDEMNISATION DES ORPHELINS DE LA DÉPORTATION ET DES VICTIMES DE SPOLIATIONS

L'action n° 1 du programme regroupe les mécanismes créés par les décrets du 10 septembre 1999 et du 13 juillet 2000. Ils ont un objet commun : l'indemnisation des préjudices subis en raison des mesures antisémites en vigueur en France pendant l'Occupation.

1. L'indemnisation des victimes de spoliations

Remis à Lionel Jospin en 1998, le rapport Matteoli a posé le principe général de l'indemnisation des spoliations survenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation. En conséquence, le décret du 10 septembre 1999 a créé la commission d'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) afin d'examiner les demandes présentées par les victimes individuelles ou leurs ayants droit qui ont été victimes de spoliations matérielles ou bancaires et de recommander ensuite des mesures de réparation, restitution ou indemnisation . Composée de dix membres, elle dispose de vingt-six agents, dont trois affectés à son antenne de Berlin, tandis que quatorze magistrats occupent des fonctions de rapporteur.

La CIVS est confrontée à la diminution du nombre de requêtes qu'elle reçoit : de 104 par mois, en moyenne, en 2004, ce chiffre est passé à 70 en 2009 et 2010, 46 en 2011, 33 en 2012, 32 en 2013 et 25 depuis le début de l'année 2014. Elle siège en séance restreinte chaque semaine et en séance plénière une fois par mois, contre deux jusqu'à présent, pour examiner les dossiers les plus complexes et à fort enjeu financier. Au 31 juillet 2014, la CIVS s'était réunie trente fois dans l'année (formation restreinte et formation plénière confondues), adoptant 289 recommandations pour un total de 6,1 millions d'euros . A la même période en 2013, 430 recommandations avaient été adoptées mais les sommes à la charge de l'Etat, 4,95 millions d'euros , étaient moindres.

Tableau n° 16 : L'indemnisation des victimes de spoliations

Nombre de requêtes
reçues

Nombre de recommandations
ayant donné lieu
à indemnisation

Nombre de bénéficiaires

Coût total
(en millions d'euros)

Total 1

24 103

21 030

46 143

493,61

1 Données arrêtées au 31 juillet 2014

Source : Services du Premier ministre

Pour 2015, le PLF est bâti autour d'une estimation de 425 dossiers traités et un coût total de 6 millions d'euros , soit 14 118 euros en moyenne par dossier. C'est exactement la moitié des prévisions qui figuraient dans le PLF pour 2014 : 850 dossiers pour 12 millions d'euros . Pour 2013, dernière année dont les résultats d'exécution sont connus, 470 recommandations ont été rendues, pour un coût de 7 ,79 millions d'euros .

Le sujet des spoliations est revenu dans l'actualité récemment avec la question de la restitution aux ayants droit des oeuvres d'art spoliées conservées par les musées français . Elles leur ont été confiées à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, après qu'il se soit révélé impossible de retrouver leur propriétaire d'origine, et 2 143 d'entre elles ont été regroupées sous l'appellation « Musées nationaux récupération », ou MNR , et inscrits sur un inventaire spécifique. A ce jour, neuf oeuvres seulement ont été restituées : deux en 2001, une en 2003 et six en 2013.

C'est en partie grâce à l'action du Sénat qu'une nouvelle impulsion a été donnée dans ce domaine . La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a publié en janvier 2013 un rapport de notre collègue Corinne Bouchoux intitulé « OEuvres culturelles spoliées ou au passé flou et musées publics : bilan et perspectives ».

Les recommandations du rapport Bouchoux

1° Mettre en oeuvre rapidement une recherche systématique de provenance des oeuvres spoliées avec certitude ou sur lesquelles pèse une très forte présomption, soit 163 oeuvres ;

2° Lancer un travail de recherche de la provenance des autres MNR ;

3° Clarifier l'historique des oeuvres en dépôt dans les musées et inscrire, pour chaque oeuvre des collections publiques, un sigle permettant de garantir que sa provenance a été vérifiée ;

4° Proposer aux stagiaires de l'Institut national du patrimoine et des universités de contribuer aux travaux de recherche sur l'identification de la provenance des oeuvres des musées ;

5° Rappeler les obligations liées au statut des MNR, notamment dans les musées de province qui devraient bénéficier d'une aide du ministère de la culture, et soutenir l'exposition des MNR, y compris dans des monuments historiques ;

6° Réaliser un répertoire complet des archives relatives aux oeuvres spoliées et le rendre accessible en ligne ;

7° Rappeler les principes de Washington, que la France s'est engagée à respecter, aux directeurs et conservateurs des musées de France ;

8° Faire le bilan des recommandations du rapport Mattéoli relatives aux oeuvres d'art et les mettre à jour ;

9° Encourager la production documentaire permettant une meilleure connaissance du sujet.

Peu après, la ministre de la culture a décidé de mettre en place un groupe de travail spécifique chargé de travailler sur la provenance de 145 MNR qui sont très probablement issus de spoliations. Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, l'identification des propriétaires de 28 d'entre eux serait proche. Néanmoins, au vu de la quantité de travail requise pour y parvenir, il est nécessaire que ce groupe poursuive ses recherches en 2015 pour accomplir sa mission. Il serait regrettable, aux yeux de votre rapporteur pour avis, qu'il soit dissous ou que ses moyens soient réduits avant qu'il n'ait achevé ses travaux et sans que davantage de MNR aient été restitués .

2. L'indemnisation des orphelins des victimes de persécutions antisémites

Le décret de 2000 a, quant à lui, institué une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et sont morts en déportation . La procédure d'instruction des demandes est différente et relève de l'Onac, bien que la décision d'indemnisation soit toujours de la compétence du Premier ministre.

La mesure de réparation prend deux formes : soit une indemnité en capital de 27 440,82 euros , soit une rente viagère mensuelle revalorisée annuellement dont le montant en 2014 était de 530,38 euros et sera en 2015 de 543,64 euros . La première possibilité a été privilégiée par 48,5 % des bénéficiaires, soit 6 589 personnes, contre 51,5 % pour la seconde ( 6 985 personnes).

Le nombre de demandes nouvelles est désormais très faible : 19 en 2013, contre plusieurs milliers dans les trois années qui ont suivi l'entrée en vigueur du décret. Les dépenses prévues en 2015 vont, pour 37,57 millions d'euros sur un total de 37,58 millions , au paiement de 5 759 rentes viagères. Seulement deux nouvelles entrées dans le dispositif sont attendues l'an prochain, alors que trente étaient encore prévues par le PLF pour 2014.

Tableau n° 17 : L'indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites

Nombre
de demandes reçues

Nombre de bénéficiaires

Coût total
(en millions d'euros)

Total 1

17 605

13 574

673,7

1 Données arrêtées au 30 juin 2014

Source : Services du Premier ministre


* 49 Décret n° 99-778 du 10 septembre 1999.

* 50 Décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000.

* 51 Décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004.

* 52 En application des décrets n os 2009-1003 et 2009-1005 du 24 août 2009.

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