DEUXIÈME PARTIE - LES MESURES RELATIVES AUX RECETTES

I. LA DEUXIÈME PHASE DE MISE EN oeUVRE DU PACTE DE RESPONSABILITÉ ET DE SOLIDARITÉ

A. DES MESURES ALLÉGEANT DE 4,1 MILLIARDS D'EUROS LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DES ENTREPRISES EN 2016

1. La réduction du taux de cotisation d'allocations familiales entre 1,6 et 3,5 SMIC (article 7)

Dans le cadre de la première phase de mise en oeuvre du Pacte de responsabilité et de solidarité, l'article 2 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 25 ( * ) a introduit une réduction du taux de cotisation patronale d'allocations familiales de 1,8 point - soit un taux réduit de 5,25 % à 3,45 % - pour les rémunérations comprises entre 1 fois et 1,6 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) à compter du 1 er janvier 2015. S'agissant des travailleurs indépendants, une réduction dégressive de 3,1 points du taux de cotisation d'allocations familiales a également été instaurée, pour ceux dont le revenu d'activité annuel est inférieur à l'équivalent de 3,8 SMIC. Enfin, ces allègements de cotisations se sont accompagnés d'un renforcement des allègements généraux sur les bas salaires avec la mise en oeuvre du dispositif « zéro cotisation Urssaf » au niveau du SMIC . L'ensemble de ces mesures devrait se traduire par une perte de recettes estimée à 5,5 milliards d'euros en 2015 pour les organismes de sécurité sociale, entièrement compensée par le budget de l'État.

En tenant compte des effets du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), ces mesures auraient permis de réduire le coût du travail de 8,4 % au niveau du SMIC entre 2012 et 2015, d'après l'évaluation préalable annexée au présent projet de loi de financement.

L' article 7 du présent projet de loi de financement modifie l'article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale afin d' étendre jusqu'aux rémunérations n'excédant pas 3,5 fois le SMIC (soit près de 4 000 euros mensuels nets) la réduction de 1,8 point du taux de cotisation d'allocations familiales . Le point de sortie élevé de cet allègement permettrait de couvrir 90 % des salariés et d'atteindre d'autres secteurs d'activité, dont la main d'oeuvre est plus qualifiée, tels que l'industrie manufacturière, les activités scientifiques et techniques ou les secteurs de l'information et de la communication, conformément aux préconisations du rapport remis par Louis Gallois au Premier ministre en novembre 2012 26 ( * ) .

D'après l'évaluation préalable annexée au projet de loi de financement, le niveau des exonérations résultant des effets cumulés de la baisse du taux de cotisation d'allocations familiales, des allègements généraux et du CICE atteindrait 36,3 points pour un salarié rémunéré au SMIC et 7,8 points pour un salarié gagnant deux fois le SMIC dans les entreprises de plus de vingt salariés. À partir de 2,6 SMIC et jusqu'à 3,5 SMIC, seule la réduction du taux de cotisation d'allocations familiales viendrait à s'appliquer .

Points de cotisations exonérés en cumulant les effets des allègements généraux, de la baisse du taux de cotisation d'allocations familiales et du CICE

Source : évaluation préalable annexée au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016

Contrairement aux annonces initiales du Gouvernement, l'élargissement du champ de la réduction de cotisation d'allocations familiales prévu par le présent article n'entrera pas en vigueur au 1 er janvier 2016 mais au 1 er avril 2016 . Le coût de la mesure serait ainsi de 3,075 milliards d'euros en 2016 contre environ 4,1 milliards d'euros en année pleine. Compte tenu des prévisions d'évolution de la masse salariale 27 ( * ) , le coût de la réduction passerait de 4,23 milliards d'euros en 2017 à 4,55 milliards d'euros en 2019.

Coût de la deuxième phase de mise en oeuvre
du Pacte de responsabilité et de solidarité

(en millions d'euros)

2016

2017

2018

2019

Extension de la réduction de cotisation d'allocations familiales jusqu'à 3,5 SMIC (article 7)

- 3 075

- 4 230

- 4 385

- 4 550

Hausse de l'abattement d'assiette de C3S (article 8)

- 1 000

- 1 000

- 1 000

- 1 000

TOTAL

- 4 075

- 5 230

- 5 385

- 5 550

Source : évaluation préalable annexée au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016

Entendu par votre commission des finances le 30 septembre 2015, le secrétaire d'État au budget, Christian Eckert , a indiqué que le décalage d'un trimestre de l'entrée en vigueur de la baisse du taux de cotisation d'allocations familiales était « assumé » et qu'il ne remettait pas en question l'engagement du Gouvernement de réduire de 9 milliards d'euros les impôts des entreprises en 2016 : « Courant 2015, nous avons pris en leur faveur plusieurs mesures qui n'étaient pas prévues , dont le suramortissement des investissements industriels, que votre rapporteur général appelait de ses voeux, et qui a un coût annuel de 500 millions d'euros. De même, nous avons instauré la prime à la première embauche de 4 000 euros. Nous avons également pris des mesures en faveur de l'apprentissage et nous avons aménagé le seuil du versement transport. Le total est évalué à un milliard d'euros et j'ai le sentiment qu'il pourrait être supérieur à ce chiffre. Nous avons estimé que ce milliard d'euros devait être intégré dans les 9 milliards d'euros de réductions d'impôts sur les entreprises . Nous aurions pu le faire à travers une mesure pérenne, par exemple en ne supprimant que la moitié de la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés, mais nous avons préféré prendre une mesure ponctuelle, « one shot », et décaler d'un trimestre l'entrée en vigueur de ce dispositif . L'effet sera sensible en 2016, mais il disparaîtra en 2017 » 28 ( * ) .

Il n'en reste pas moins que les nouvelles mesures introduites en 2015 n'auront pas nécessairement un effet immédiat pour l'ensemble des entreprises, contrairement à la réduction du taux de cotisation d'allocations familiales qui a un impact direct sur leur trésorerie et leurs charges. En outre, une telle décision tend à fragiliser de nouveau la confiance des entreprises vis-à-vis du Gouvernement.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Votre rapporteur pour avis est favorable à la baisse des prélèvements obligatoires en faveur des entreprises, et donc à la mesure proposée par le présent article.

2. La hausse de l'abattement d'assiette de C3S (article 8)

À la suite d'un premier allègement en 2015 29 ( * ) , l' article 8 du présent projet de loi de financement propose de relever de 3,25 à 19 millions d'euros l'abattement d'assiette de contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) , à compter du paiement réalisé en 2016 (sur le chiffre d'affaires de 2015). Le montant de cet abattement a été calibré de façon à procurer un allègement global de 1 milliard d'euros pour les entreprises, en plus de la baisse de 1 milliard d'euros intervenue en 2015, consécutive à la première phase de mise en oeuvre de la suppression de la C3S.

Pour mémoire, la suppression de la C3S, régie par les articles L. 651-1 à L 651-9 du code de la sécurité sociale, avait été préconisée dans le cadre des Assises de la fiscalité des entreprises au printemps 2014. En tant qu'impôt dit « de production », assis sur le chiffre d'affaires, la C3S ne reflète pas de façon adéquate la capacité contributive des entreprises, mieux appréhendée par les bénéfices. Par exemple, une société déficitaire reste soumise à la C3S, qui, dès lors, peut avoir un effet procyclique. De même, pour un montant identique de chiffre d'affaires, la marge dégagée par deux entreprises peut être différente. En outre, en pesant à la fois sur la valeur ajoutée et sur les consommations intermédiaires, la C3S introduit « une distorsion dans les choix d'organisation et de production des entreprises qui est défavorable à l'activité » selon l'évaluation préalable au présent article.

Le relèvement de l'abattement d'assiette proposé par le présent article conduit à réduire le nombre d'entreprises redevables. Sur les 98 000 entreprises imposées en 2015, 79 000 petites et moyennes entreprises (PME) seront exonérées de C3S en 2016 (soit une moindre recette totale de 810 millions d'euros) et environ 20 000 verront leur impôt diminuer :

- pour 12 000 entreprises de taille intermédiaire (ETI), le montant moyen de C3S acquitté passerait de 28 500 euros à 7 400 euros ;

- pour 8 000 grandes entreprises, le montant moyen de C3S baisserait de 5,2 %, pour atteindre environ 446 000 euros. Les charges de C3S reposeront ainsi à 94 % sur les grandes entreprises en 2016 .

Les principaux secteurs bénéficiaires de cette mesure sont le commerce (environ 38 % du gain total), l'industrie manufacturière (environ 22 % du gain total) et la construction (environ 9 % du gain total).

Évolution des recettes de C3S et du nombre d'entreprises redevables

Source : commission des finances du Sénat (à partir de l'évaluation préalable annexée au présent projet de loi de financement et du rapport sur l'évaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2016)

Compte tenu de ce nouvel allègement, les recettes de C3S recouvrées par le régime social des indépendants (RSI) 30 ( * ) s'élèveraient à 3,37 milliards d'euros en 2016, soit une baisse de 38 % par rapport à 2014. Lors de son discours de politique générale, le 8 avril 2014, le Premier ministre s'est engagé à supprimer entièrement la C3S sur une période de trois ans, soit en 2017.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Toujours dans une logique de réduction des prélèvements pesant sur les entreprises, votre rapporteur pour avis est favorable à l'adoption de cet article et appelle de ses voeux la suppression totale de la C3S en 2017, en particulier pour les ETI .


* 25 Loi n° 2014-892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

* 26 Rapport au Premier ministre du commissaire général à l'investissement Louis Gallois, « Pacte pour la compétitivité de l'industrie française », novembre 2012.

* 27 3,1 % en 2017, 3,7 % en 2018 et 3,8 % en 2019.

* 28 Audition de MM. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, et Christian Eckert, secrétaire d'État au budget, sur le projet de loi de finances pour devant la commission des finances du Sénat, 30 septembre 2015.

* 29 Article 3 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 précitée.

* 30 Depuis 2015, les recettes de C3S, même si elles continuent d'être recouvrées par le RSI, ne lui sont plus affectées. Celles-ci sont reversées à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), à la CNAMTS, à la CNAV et au FSV.

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