EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 18 novembre 2015, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 105 - Action de la France en Europe et dans le monde - de la mission « Action extérieure de l'Etat» inscrits dans le projet de loi de finances pour 2016.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis . - Au sein de la mission « Action extérieure de l'État », le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » finance : d'une part, les contributions obligatoires aux organisations internationales et opérations de maintien de la paix dues par notre pays et d'autre part, l'administration centrale du ministère des affaires étrangères et notre réseau diplomatique, dont je vous rappelle qu'il est, avec 163 ambassades, le troisième réseau diplomatique du monde, derrière ceux des États-Unis et de la Chine.

Ce programme représente près d'un tiers des crédits et un peu moins de la moitié des emplois dont dispose le Quai d'Orsay. Pour 2016, il est doté d'un plafond d'emplois de 7 836 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et de crédits de paiement à hauteur de 1,97 milliard d'euros, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2015, dont nous ne pouvons pas nous réjouir, comme je vais m'efforcer de vous le montrer.

L'évolution du barème des contributions de la France aux opérations de maintien de la paix permet pour 2016, une nouvelle réduction de 30 millions d'euros. Or, ceci ne donnera pas de nouvelles marges de manoeuvre au ministère parce que le risque de change n'est pas couvert correctement. L'augmentation de 10 % des crédits du programme 105 résulte essentiellement d'un effet de change défavorable. La dépréciation de l'euro par rapport au dollar induit une hausse du coût en euros des contributions internationales payables en devises qui passent de 746 millions d'euros en 2015 à 904 millions d'euros en 2016. Le rapport de la Cour des Comptes sur les contributions internationales de la France, remis en octobre 2015 à la commission des finances de l'Assemblée nationale, estime que la perte de change pourrait s'élever à la fin de l'année 2015 à 145 millions d'euros, et 150 millions d'euros en 2016 et en 2017. Ce chiffre doit être rapproché des débats que nous avons sur l'attribution de 5 millions d'euros supplémentaires aux bourses ou à la promotion du tourisme. À ce jour, selon le rapport précité de la Cour des comptes, la convention pour la couverture du risque de change, signée entre le MAEDI et l'Agence France Trésor, fige les gains budgétaires en cas d'appréciation de l'euro et empêche la couverture de risques en cas de baisse de l'euro sur une longue tendance. Certes, ce n'est pas le rôle de l'administration de spéculer sur la baisse de l'euro, mais ce choix a un prix pour le MAEDI. Il est donc indispensable que des stratégies de couverture du risque de change soient mises en place, et que le ministère professionnalise, avec l'aide de Bercy, cette fonction de couverture du risque de change.

De même, il n'est pas de bonne gestion que le différentiel entre la « somme appelée » et « l'état de la trésorerie de l'ONU sur les opérations de maintien de la paix closes » ne soit pas recouvré par la France. Selon la Cour des Comptes, un reliquat de 13,7 millions de dollars pourrait ainsi être rappelé. On voit là tout l'enjeu d'une gestion rénovée des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix.

Un second point de critique importante tient au modèle de gestion immobilière que met en oeuvre le ministère des affaires étrangères. Le problème de cette gestion- nous l'avons souvent dit-, c'est qu'elle fait dépendre l'entretien normal des bâtiments des recettes exceptionnelles de cessions d'immeubles. Ce modèle n'est pas vertueux : faire financer des dépenses de fonctionnement par des recettes patrimoniales, c'est appauvrir le patrimoine de l'État. De plus, ce système est en voie d'essoufflement. Certes, d'importants produits de cession ont encore été réalisés cette année : telle que la vente de notre vaste campus diplomatique en Malaisie, à Kuala Lumpur, à hauteur de 171 millions d'euros, amenant le produit de cessions, pour 2015, à 252 millions d'euros. Notons que le risque de change n'a, encore une fois, pas été couvert ce qui aurait réduit de 20 millions d'euros la recette attendue. Sont encore prévues les ventes du palais Clam-Gallas à Vienne, pour 22 millions d'euros et de la résidence consulaire à Munich, pour 10 millions d'euros.

Je souhaite faire à ce sujet plusieurs remarques. Ces ventes ne me semblent avoir de sens que si elles permettent de rationaliser les implantations de la France et d'assurer le rayonnement international de notre pays. Dans le cas contraire, c'est une perte sèche de patrimoine et de prestige. Ces cessions doivent également être l'occasion de développer des colocalisations bilatérales avec nos partenaires allemands. Au-delà des sept ambassades colocalisées existant déjà, deux nouveaux projets verront le jour en 2016 : à Dacca au Bangladesh et à Koweït City. De même, les colocalisations avec les services extérieurs de l'Union européenne doivent être privilégiées comme ce sera le cas au Nigéria à Abuja.

Enfin, la participation du ministère au désendettement de l'État est certes louable mais elle doit être assortie à mon sens de deux conditions : la première concerne l'établissement d'un état sanitaire pour l'ensemble du patrimoine immobilier du ministère. Il est indispensable de connaître le besoin réel d'investissement et de crédits d'entretien du MAEDI, sans se limiter aux plus gros postes diplomatiques comme ça été le cas jusqu'ici. La seconde condition est que les crédits nécessaires soient inscrits en loi de finances initiale.

A l'heure actuelle, le ministère contribue au-delà de ses obligations au désendettement de l'État alors que ses perspectives de cession s'essoufflent et que ses besoins d'investissement et de dépenses d'entretien sont mal connus. Les 5 millions d'euros supplémentaires prévus au titre des dépenses d'entretien en 2016, soit un total de 7,2 millions d'euros sont très loin d'être suffisants : le projet de modernisation et de rénovation du Quai d'Orsay devrait coûter à lui seul 27 millions d'euros en 2016 et le besoin d'entretien des biens situés à l'étranger, soit 2000 bâtiments représentant 2 millions de mètres carrés, se situe dans une fourchette allant de 15 à 30 millions d'euros par an. Cette imprécision est à elle seule le signe qu'une amélioration est possible.

Le MAEDI devait verser au titre du désendettement de l'État 25 millions d'euros par an en 2015, 2016 et 2017. En 2016 pour tenir compte des recettes exceptionnelles de Kuala Lumpur, sa contribution sera portée à 100 millions d'euros. Mais les ventes « faciles » auront bientôt toutes été réalisées. Il est regrettable que le maintien en l'état du patrimoine du MAEDI dépende d'objectifs de vente qui sont par nature soumis à la fois au risque de change et aux incertitudes liées au marché de l'immobilier.

Enfin, je voudrais dire quelques mots de la mue du réseau diplomatique. Cette « mue », vous le savez c'est le « recalibrage » des postes catégorisés, en postes « à mission élargies », postes « à missions prioritaires » et postes « de présence diplomatique ». Je reste prudent sur les premiers postes de présence diplomatique, dont le bilan doit nous être présenté d'ici la fin de l'année. Pour que la politique menée ne se cantonne pas à une politique d'influence, il faut que ces postes s'appuient sur les ressources des services extérieurs de l'Union européenne. Une mutualisation est possible sans remettre en cause l'indépendance de la politique diplomatique française. De même, il me semble primordial que l'action de ces postes intègre l'ensemble du « réseau de l'action publique française » dont Leïla Aichi vous parlera. Les régions ont là un rôle à jouer. Enfin, il apparaît que ces postes de présence diplomatique reposent tout entier sur la personnalité de l'ambassadeur nommé. Une réelle évolution du métier d'ambassadeur est en cours sur laquelle il me semble que notre commission devra se pencher dès l'année prochaine.

Mme Leila Aïchi, rapporteur pour avis . - Comme Christian Cambon l'a indiqué d'emblée, les crédits du programme 105 sont en hausse, dans le projet de loi de finances pour 2016 de 10 %, et reflètent en cela l'absence de couverture du risque de change.

Cela étant dit, le PLF 2016 présente l'avantage de préserver les moyens de fonctionnement du réseau diplomatique qui constitue l'essentiel du programme 105. Une dotation de 209,5 millions d'euros est en effet prévue pour le fonctionnement de ce réseau, ce qui représente une augmentation de 12,7 millions d'euros pour couvrir la perte au change et de 13,15 millions d'euros pour tenir compte de la dégradation du contexte sécuritaire. À ce titre, 55,88 millions d'euros sont ouverts pour la sécurisation des biens situés à l'étranger, soit une augmentation de 31 % par rapport à la loi de finances pour 2015 et 8,1 millions d'euros pour les emprises du ministère situées en France. À ses moyens budgétaires s'ajouteront également 10 millions d'euros prélevés sur le produit des cessions immobilières pour financer les travaux de sécurisation des postes. Il est important de rappeler que la question de la sécurité ne se pose plus seulement pour nos ambassades, consulats et résidences. Les attentats ayant frappé les instituts français ont conduit le MAEDI à renforcer la sécurité du réseau culturel et scolaire et à y consacrer 1 million d'euros en 2015 et 10 millions d'euros par an à partir de 2016, selon le programme « MAEDI 21, une diplomatie globale pour le XXIe siècle ».

Des efforts de maîtrise de dépenses s'avèrent nécessaires pour préserver le réseau diplomatique, tout en assumant la dégradation de la valeur de l'euro, qui renchérit chaque poste de dépenses libellées en devises. Cela se traduit par le fait que d'importants efforts sont réalisés sur les lignes de dépenses « dites pilotables » du programme 105, par opposition aux lignes « contraintes » que sont les contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix et les dépenses de personnel. Sont ainsi réduites de 6 millions d'euros les dotations du protocole, de 4,6 millions les dépenses de la direction de la coopération de sécurité et de défense.

En 2016, le plafond global de la mission « Action extérieure de l'État » devrait être réduit de 97 équivalents temps pleins dont 88 sur le seul programme 105, soit une diminution de 1,1 % de ses effectifs contre une baisse de 08 % du plafond d'emploi de la mission. Comme pour les crédits, cette diminution d'effectifs va peser essentiellement sur la mission de coopération de sécurité et de défense. Année après année, cette mission pourtant essentielle est considérée comme la variable d'ajustement du budget du MAEDI.

Cette réduction des moyens en la matière, de 4 % sur le triennum 2015 - 2017, constitue, au premier chef, une entrave à la capacité de la France de faire émerger en Afrique une architecture de sécurité africaine. Or cette orientation ne paraît pas cohérente avec les ambitions affichées. En particulier, elle n'est pas en ligne avec la nécessité de lutter contre le terrorisme et les trafics transnationaux au Sahel, et de renforcer la sécurité maritime dans le golfe de Guinée. Elle n'est pas davantage en phase avec l'implication de nos forces armées dans la bande sahélo-saharienne, notamment au Mali. À cet égard, comment expliquer que les crédits consacrés à la prévention et à la consolidation des capacités de sortie de crise de nos partenaires africains, pourtant modestes, soient continûment diminués ? Il y a là une forme de contradiction de la politique étrangère française. Enfin, lors des auditions que nous avons menées dans le cadre de la préparation de ce rapport, il nous a été indiqué que des coopérations dans le domaine de la santé avaient été supprimées alors que le rôle du Service de Santé des Armées dans la gestion de l'épidémie Ébola, par exemple, a été crucial. Faute d'évaluation des actions menées, les décisions prises sont-elles toujours les plus pertinentes ?

Je voudrais maintenant revenir sur les enjeux de la diplomatie économique. Il s'agit de mobiliser l'outil diplomatique dans le but de favoriser le développement des entreprises françaises à l'international et de promouvoir l'attractivité de notre pays pour les investisseurs et pour les touristes étrangers. Je voudrais tout d'abord exprimer deux regrets : malgré nos recommandations de l'année dernière, aucun indicateur d'activité n'a été associé à ce pan des compétences du MAEDI, d'une part, et l'opérateur Business France, dont la création nous réjouit, regroupant UbiFrance et l'agence française pour les investissements internationaux, l'AFII, reste rattaché au ministère de l'économie d'autre part. L'essentiel des crédits de la diplomatie économique dépendent donc de Bercy et non du Quai d'Orsay.

Par ailleurs, je voudrais saluer l'initiative des « rencontres expresses » ou « speed dating » mise en place lors de la semaine des ambassadeurs afin de permettre à toute entreprise le demandant de rencontrer l'ambassadeur à Paris ou dans le cadre de rendez-vous réguliers par visioconférence. Comme toujours, je souhaiterais que cette initiative soit évaluée. Tout comme les mesures relatives à l'instauration de conseils économiques pour les 126 postes situés dans un pays recevant plus de 50 millions d'euros d'exportations françaises, à l'insertion systématique d'un volet économique dans les plans d'action des ambassades, et à la nomination d'« ambassadeurs pour les régions », qui sont mis à la disposition des présidents de région le souhaitant, pour favoriser le rapprochement entre les régions françaises, leurs entreprises - en particulier les PME - et le réseau diplomatique. Cette initiative va dans le bon sens, les régions doivent être plus amplement et plus systématiquement associées aux initiatives des services de l'État en faveur du développement économique national à l'étranger, notamment pour la préparation et dans la réalisation des déplacements officiels. Il en va de même des PME, envers lesquelles je souhaiterais que le réseau diplomatique mène une « action proactive », en analysant les marchés puis en les sollicitant, au lieu d'attendre que la PME fasse elle-même les démarches.

Enfin, extrêmement succinctement, je souhaiterais rappeler, en plein accord avec le Président du Sénat, que la diplomatie parlementaire doit être développée ainsi qu'il l'a fait tout au long de l'année en défendant à chaque rencontre, à chaque voyage, les positions françaises sur la COP 21.

C'est sur la COP 21 que je conclurai justement. Il est regrettable que les coûts d'organisation se soient avérés supérieurs aux estimations initiales. Bien sûr l'organisation du sommet des chefs d'État n'était pas prévisible, et la volonté d'associer la société civile par la création d'un espace dédié est louable. En revanche, l'accroissement de 50 000 m² du besoin des surfaces aménagées dans le cadre de l'accord de siège signé au printemps 2015 me semble plus difficile à justifier. Dans ce contexte, les dépenses de mécénat, à 75 % en nature, ne viennent pas en déduction du budget initialement prévu mais financent les surcoûts. Je comprends que nos collègues de la commission des finances souhaitent pointer cette moindre performance par leur amendement de suppression de 10 millions d'euros de crédits, et ce d'autant plus que les 139 millions d'euros de crédits de paiement ouverts au titre de 2016 ne constituent pas des coûts complets. Aucune dépense de personnel n'est imputée au programme 341 dédié à la COP 21. De même, l'essentiel des dépenses de sécurisation de la COP 21 est imputé sur la mission « Sécurités ». Il est encore trop tôt pour avoir une évaluation des coûts évités par la déprogrammation annoncée par le gouvernement de certains évènements de la COP 21, mais nous suivrons ces questions.

Enfin, je regrette que l'action du ministère n'est pas été plus volontariste en direction des PME moins au fait des dispositions fiscales du mécénat que les grandes entreprises qui ont décroché le label COP 21. Certains de nos champions dans des secteurs très pointus et porteurs ne seront ainsi pas représentés sur le forum des associations alors qu'il y avait là un tremplin qui aurait dû être exploité.

M. André Trillard. - Dans un contexte de rationalisation immobilière des postes diplomatiques commandée par la contrainte budgétaire, je crois qu'il faudrait réfléchir au regroupement physique des ambassades européennes situées dans des pays où nos intérêts sont faibles ; je pense, par exemple, au Kosovo. On pourrait imaginer, dans chaque capitale concernée, une emprise européenne dûment sécurisée.

Deuxième questionnement, nous avions l'habitude, c'était encore le cas il y a deux ans, de fournir à certaines organisations internationales des engagements supérieurs à nos obligations alors même que notre présence réelle dans ces zones était peu importante. Je pense notamment à l'Amérique du Sud. J'espère que cette tendance a été rectifiée.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Je félicite les deux rapporteurs pour leur excellent travail, très dense. Je salue leur proposition visant à mettre en place un système de couverture du risque de change. J'aimerais savoir si vous pouvez nous fournir des précisions sur ce que pourrait être une réforme dans ce domaine. Par ailleurs si la rationalisation de notre patrimoine immobilier s'imposait pour des raisons budgétaires, notamment dans certains pays où nous avions trois ambassades par exemple, le ministre lors de son audition devant notre commission a avoué que les services du ministère n'étaient pas une agence immobilière. Je me demande dès lors comment s'assurer que les cessions sont réalisées dans de bonnes conditions.

Je rappelle que le choix de l'universalité du réseau a été fait par les ministres successifs. La fermeture d'une ambassade peut être interprétée de façon très négative alors que sa transformation ou le maintien d'un consulat ou d'un poste simplifié permettent d'assurer une veille politique et de montrer que la France est toujours présente. La permanence de notre représentation en Birmanie permet aujourd'hui à nos entreprises, alors que le climat politique évolue, d'être bien positionnées.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Je souhaitais revenir sur la répartition de notre réseau diplomatique en trois catégories que vous avez évoquée. Il me semble que le choix d'un format simplifié ou non de nos postes à l'étranger relève du pouvoir exécutif. Je me demande si le Parlement a un quelconque droit de regard en la matière. Il se trouve que le Sénat m'a confié la responsabilité de m'occuper des pays d'Asie centrale. Je m'étonne que les effectifs de la représentation française au Tadjikistan soient si peu proportionnés aux enjeux : le Tadjikistan est le pays par lequel nos troupes sont passées lors de nos interventions en Afghanistan, c'est une zone limitrophe d'importants trafics de drogue, des entreprises françaises, telles qu'Auchan, s'installent dans ce pays. Enfin l'entreprise Total semble vouloir y développer ses activités suite à la découverte d'une poche de gaz naturel d'une taille inégalée.

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Il est évident que la question du patrimoine immobilier a un impact déterminant sur l'image et le prestige de la France. Abandonner, en période de crise, certains bâtiments peut donner l'impression d'un affaiblissement de la France, cela a été le cas à Londres ou aurait pu l'être à Shanghai récemment. On envoie parfois des messages de paupérisation de la France, contre-productifs par rapport au travail diplomatique accompli sur place. Je me demande s'il ne faudrait pas dresser une sorte de cartographie d'un patrimoine minimum nécessaire au maintien du rayonnement de notre pays et qu'il conviendrait de conserver. On voit également que la question des ambassades à format réduit suscite des interrogations au sein de notre commission. Les frais de fonctionnement sont extrêmement réduits et la présence française est maintenue. Il serait intéressant d'évaluer ce dispositif. Il me semble plus que jamais nécessaire de travailler sur notre réseau diplomatique et sur le métier d'ambassadeur, en 2016.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. - Il est certain que certaines cessions peuvent nuire à l'image de la France. La vente du palais Clam-Gallas à Vienne a constitué un premier signal négatif, renforcé par le rachat dudit palais par le Qatar. Lors de la préparation de notre rapport budgétaire, nous avons ressenti sur la question du patrimoine immobilier une sorte de malaise dans la mesure où il semble que les directives du ministère de l'économie soient de maximiser les ventes, sans qu'aient été hiérarchisées, en premier lieu, les sites à préserver. Certaines ventes, comme celle de l'appartement à New York du représentant permanent de la France à l'ONU, n'étaient pas contestables. Dans d'autres cas, il convient d'analyser plus finement la situation locale. Ces cessions n'ont de sens que si elles permettent la rationalisation de l'implantation de la France et l'accroissement du rayonnement de notre pays. Je prends l'exemple d'Hanoi où les représentations françaises sont dispersées en de multiples sites, alors que l'Allemagne a vendu ses emprises pour s'installer dans un immeuble ultramoderne et très visible, véritable vitrine du pays contribuant à son identification et à son influence et rassemblant à la fois la chancellerie, les services d'aides aux entreprises, etc. Ce genre d'initiative peut être intéressant puisqu'elle permet le dialogue entre les différents services qui composent la représentation nationale à l'étranger et qu'elle accroît l'efficacité et le rayonnement de la France. Cela me semble en revanche beaucoup moins convaincant s'il s'agit d'alimenter le tonneau des Danaïdes qu'est le désendettement de l'État. Certains projets sont dérisoires : conserver la villa Bonaparte au Saint-Siège tout en vendant le logement du gardien n'a pas de sens. Il me semble intéressant que la commission se saisisse de ce sujet et demande au ministère une cartographie des projets de cession. Certes, le Parlement n'a pas compétence en ce domaine, mais nous pouvons exiger un pilotage plus stratégique des cessions, ce que nous faisons d'ailleurs dans le cadre de la préparation de l'avis budgétaire.

S'agissant de la sécurisation de nos postes à l'étranger, un effort réel est fait augmentant de 13,5 millions d'euros les crédits dédiés, soit une progression de 31 % par rapport à l'année dernière. Ce sont d'abord nos postes les plus exposés qui seront renforcés. Un vrai effort est accompli qui correspond à une forte mobilisation des services.

Par ailleurs, on nous a précisé que le ministère s'entourait d'experts pour réaliser les cessions à l'étranger, qu'il s'agisse d'agences immobilières ou de cabinets d'avocats. Les spécialistes locaux sont sollicités et travaillent en concertation avec les services à Paris. Les prix de cession semblent donc correspondre à la réalité des marchés immobiliers, sous réserve du problème de la non-couverture du risque de change.

À ce sujet, une première proposition de modernisation consiste à réviser la convention de change signée entre le ministère et l'agence France Trésor. La piste de la création d'un programme spécifique pourrait également être suivie. Cela permettrait de constituer des provisions pour risque de change, comme le fait tout importateur.

S'agissant de la dimension universelle de notre réseau diplomatique, il me semble important de rappeler qu'un rééquilibrage doit être fait. La tradition consistant à davantage doter en postes les pays européens ou africains au détriment des émergents paraît décalée par rapport au monde actuel. Il convient de renforcer notre réseau dans les pays émergents tels que l'Indonésie. De plus, la fluidité et l'aisance de certaines de nos relations diplomatiques pourraient nous permettre de réduire certains postes, qui paraissent aujourd'hui surdimensionnés, sans nuire à la qualité de nos relations et de nos échanges avec les pays concernés.

Mme Leila Aïchi, rapporteur pour avis. - Je n'ai que quelques points de compléments à apporter. Je voulais notamment souligner l'importance de l'effort réalisé en faveur de la sécurisation de l'ensemble de notre réseau diplomatique à l'étranger. Par ailleurs, le dimensionnement de notre réseau diplomatique doit résulter d'un choix, ce qui implique forcément des renoncements. Il est peut-être temps de se demander si la France doit avoir un représentant dans chaque pays si cela nous conduit à des décisions économiques irrationnelles telles que la vente de notre patrimoine pour financer des dépenses d'entretien de bâtiments. Je conviens, en m'appuyant sur mon expérience personnelle, qu'il est aisé aujourd'hui de rencontrer nos interlocuteurs européens, pour autant chaque fermeture de poste est vue comme un signal politique ce qui doit nous amener à analyser finement ces décisions.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. - En réponse à Yves Pozzo di Borgo, la détermination du format des postes diplomatiques est une prérogative de l'exécutif. En revanche, notre commission peut s'intéresser à cette question dans le cadre de ses travaux. Sur cette question, l'importance de l'évaluation d'une politique publique apparaît clairement. Le bilan qui doit nous être adressé d'ici la fin de l'année sur le fonctionnement des premiers postes à format réduit devrait être éclairant. Dans ce domaine, comme dans d'autres, la culture de l'évaluation doit être renforcée. Avec ma co-rapporteure, nous appelons de nos voeux la mise en place une évaluation de la diplomatie économique, qui prenne réellement en compte l'intégralité de l'action diplomatique française, collectivités territoriales et chambres de commerce comprises. De même, il me paraît souhaitable que les voyages officiels favorisent plutôt les PME et TPE. Les très grandes entreprises n'ont pas besoin d'aide pour avoir directement accès aux acteurs influents des pays dans lesquels elles se développent.

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Il ressort clairement de nos débats que ces sujets ne font pas consensus. Il serait intéressant que notre commission réfléchisse à ce qu'est ou à ce que doit être la représentation française à l'étranger. L'influence d'un pays se crée dans le temps, en fonction de l'histoire et des réseaux présents sur place. L'annualité budgétaire ne correspond pas à ce temps long. Pour peser sur les décisions du pouvoir exécutif, il faut que le Parlement ait une pensée claire de ce que doit être un réseau diplomatique moderne et professionnel. Si des efforts budgétaires doivent être consentis, il faut que ce soit au service de cette vision.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. - Il y a du reste des choix à faire. Si vous regardez la façon dont les ambassades américaines ont toutes été reconstruites selon un « cube sécurisé », où le critère de protection des accès et des personnels est essentiel, on voit bien que le réseau diplomatique français n'est pas à ce jour soumis à cette orientation. Cependant, le besoin de sécurisation devient prégnant.

Mme Nathalie Goulet. - Je remarque que les mêmes débats se tiennent année après année au sein de notre commission. Nous avons su en matière d'aide au développement développer des positions claires qui ont permis d'instituer une culture d'évaluation. Il me semble nécessaire de mener le même effort dans le domaine de la définition du dimensionnement et de l'implantation de notre réseau diplomatique. Je souhaiterais que notre commission puisse d'ici un à deux ans être force de proposition en la matière.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Je tenais à rappeler que si les grandes entreprises sont régulièrement invitées à des voyages officiels, c'est parce que ceux-ci sont l'occasion de signer d'importants contrats commerciaux. Pour autant les PME ne sont pas oubliées et sont régulièrement associées, elles aussi, aux déplacements officiels.

Je ne suis pas sûre que nous puissions à ce stade nous inspirer de l'exemple américain de création d'un poste de représentation à l'étranger, sorte de modèle type, extrêmement sécurisé. Cela voudrait dire que nous ne vendons plus notre patrimoine immobilier pour entretenir les bâtiments existants - ce que nous faisons - mais pour réinvestir et construire de nouveaux postes.

L'augmentation des crédits destinés à la sécurisation des représentations françaises concerne des dépenses de sécurité passive. Cela ne doit pas conduire à délaisser la formation des forces locales ; comme j'avais eu l'occasion de le dire lors de la fermeture du lycée français au Mali, sa réouverture ne pouvait être envisagée que lorsque sa sécurité pourrait être garantie par les forces maliennes.

Enfin, le ministre a procédé à une consultation interne sur la diplomatie du XXI e siècle qui s'est traduite par la rédaction du document intitulé « MAEDI 21 » qui pourrait, en raison notamment de l'exhaustivité des acteurs consultés, inspirer le travail de notre commission sur les implantations et le dimensionnement des postes diplomatiques français.

M. Christian Cambon , rapporteur pour avis. - Le résultat de cette consultation nous a été fourni par le ministre et nous l'avons exploité. Par ailleurs, je précise que le produit des cessions de biens immobiliers est versé au compte d'affectation spéciale n° 723 et peut être utilisé, par le ministère, comme il l'entend pour entretenir son patrimoine ou construire de nouveaux postes, ambassades, résidences ou autres.

M. Jeanny Lorgeoux . - Il me semble que l'influence de la France ne peut pas être subordonnée aux fluctuations économiques et aux restrictions budgétaires de court terme. L'implantation du réseau diplomatique doit répondre à des objectifs politiques de long terme et non à des contingences économiques.

Mme Leila Aïchi, rapporteur pour avis. - L'examen pour avis du budget du programme 105 nous donne l'occasion d'aborder un enjeu qui dépasse ces crédits, celui du dimensionnement et de l'implantation de notre réseau diplomatique. Je partage tout à fait l'opinion selon laquelle la construction d'une architecture de sécurité africaine est indispensable, et c'est pour cela que la réduction des crédits dédiés à la coopération de sécurité et de défense apparaît regrettable. Enfin, les PME sont, je vous le rappelle, le premier employeur de France, il est indispensable qu'elles se sentent soutenues dans leurs efforts à l'exportation. Nous avons tous des demandes en ce sens que nous devons relayer. Il me semble d'ailleurs que la diplomatie parlementaire est sous-estimée et que le réseau diplomatique français gagnerait à tenir compte des déplacements et des actions des parlementaires. Nous avons tous à coeur d'oeuvrer pour les intérêts de notre pays.

M. Alain Joyandet. - Il ne me paraît pas envisageable de revenir sur l'universalité de notre réseau. J'avais en mémoire qu'un travail avait déjà été effectué au Quai d'Orsay pour hiérarchiser et calibrer nos représentations selon un certain nombre de critères. Je ne comprends pas très bien ce que nous souhaitons faire de plus.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. - Nous avons simplement demandé la transmission de l'évaluation, qui est en cours de réalisation, pour les treize premiers postes à format réduit, avant l'ouverture de postes supplémentaires. Ces postes semblent effectuer de façon satisfaisante les missions qui leur sont confiées, en revanche certaine mesures d'accompagnement doivent être prévues. Lors de nos auditions, nous avons entendu parler des locaux devenus vides suite au recalibrage de postes. Cette évolution doit être accompagnée d'une réflexion sur l'utilisation des locaux dans ces nouveaux postes à présence réduite.

M. Jean-Marie Bockel. - Je me demande, s'il ne faut pas repenser l'universalité de notre réseau, au profit de coopérations et d'actions groupées avec nos partenaires. Il est sans doute possible de faire mieux à certains endroits. Ceci ne nous empêcherait pas, le cas échéant, de nous redéployer le moment venu.

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - - Il y a un vrai choix politique à faire sur ce principe d'universalité du réseau. Nous travaillerons sur ce sujet très stratégique en 2016, sans en sous-estimer la difficulté. Le principe d'universalité de notre réseau est un marqueur fort, il est vrai que nous avons ce débat depuis des années, sans doute en raison justement des divergences existant sur ces questions. La remise en cause de l'universalité n'est pas sans rappeler l'utilisation par Valéry Giscard d'Estaing, alors Président de la République, de l'expression « puissance moyenne » pour qualifier la France, qui avait soulevé, c'est le moins qu'on puisse dire, de l'émotion.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. - Il me semble que nous sommes tous favorables au développement de partenariats avec les pays membres de l'Union européenne. Or, la réduction du format de notre représentation en Papouasie Nouvelle-Guinée a eu des répercussions sur nos collaborations européennes, puisque nous étions seuls présents sur ce territoire et donc en charge de délivrer les visas pour toute la zone Schengen. Désormais, le poste simplifié ne délivre plus de visas.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je suis pour ma part extrêmement attachée au principe d'universalité du réseau diplomatique français. Je pense qu'il nous faut également réfléchir plus largement à la façon d'inscrire les affaires internationales plus au coeur de nos préoccupations. Le budget du ministère des affaires étrangères est trop souvent sacrifié. C'est une tâche politique essentielle qui nous revient : garantir, par une meilleure prise en compte de l'importance de ces problématiques, le rayonnement de notre pays.

À l'issue de sa réunion du mercredi 18 novembre 2015, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat ».

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