B. LA STRATÉGIE FRANÇAISE D'ATTRACTIVITÉ

1. Atouts, défis et objectifs
a) Un diagnostic

La mission interministérielle d'inspection sur l'accueil des talents étrangers a relevé dans son rapport de mai 2013 les principaux atouts français : « la grande qualité et globalement la réputation de ses établissements d'enseignement supérieur et de recherche (nonobstant des classements internationaux qui ne reflètent pas la place de la France dans la production scientifique et technologique), des frais d'inscription extrêmement faibles à l'université (contrairement à la plupart des pays pour lesquels l'attractivité des étudiants est aussi une ressource), et une grande richesse de programmes de mobilité et de bourses d'excellence » .

La richesse de notre offre de formation en français, parfois la seule offre disponible en français dans le monde dans certains secteurs pointus, est également un atout. Cette offre est essentielle pour le public ayant choisi le français comme langue d'études.

Les classements internationaux sont devenus des éléments incontournables de mesure de l'attractivité des universités. Les établissements français sont encore peu nombreux à figurer en tête des classements d'universités, bien que les écoles de management et les business schools soient plébiscitées.

Le défaut des classements internationaux est leur focalisation sur l'évaluation de la recherche, notamment dans les filières de « sciences dures », à travers la comptabilisation des publications scientifiques, au détriment des missions de formation et d'insertion professionnelle des établissements. Un classement européen lancé en mai 2014 ( U-multirank ), davantage orienté vers la qualité de l'enseignement, pourrait s'avérer plus favorable pour la France. Malgré les critiques, les classements ont néanmoins incité les universités françaises à accroître leur visibilité internationale en procédant à des regroupements.

L'influence des classements auprès des étudiants doit être relativisée, comme le montrent les résultats d'une enquête réalisée par Campus France. Cette étude démontre que, loin de constituer un facteur déterminant, l'influence des classements sur le choix du pays d'accueil varie considérablement en fonction du pays d'origine des étudiants et des domaines d'études. 75 % des étudiants choisissent leur pays de destination avant leur établissement d'accueil et seul un étudiant sur dix déclare utiliser les classements pour opérer sa sélection 11 ( * ) .

Le classement U-Multirank

Contrairement aux autres classements, U-Multirank ne se présente pas sous la forme d'un palmarès classique, mais évalue les caractéristiques des établissements selon cinq dimensions : enseignement, recherche, transfert/ valorisation, orientation internationale et engagement régional. Les établissements sont évalués par une lettre variant de "A" à "E", pour chacun des 31 indicateurs, classés en deux types : données factuelles et enquêtes de satisfaction auprès des étudiants.

L'intérêt de U-Multirank est multiple : il montre notamment que l'excellence est protéiforme et peut appartenir à de nombreuses institutions, le concept de « meilleure université du monde » dépendant surtout de l'indicateur que l'on recherche. Il permet surtout de guider les étudiants dans leurs choix de mobilité puisque le résultat des recherches donne une comparaison en fonction des critères choisis.

Plus de 1 200 établissements d'enseignement supérieur, contre 850 l'an dernier, ont pris part à la deuxième édition du classement U-Multirank, publié en mars dernier. 83 pays sont représentés, ainsi que 1 800 départements et 7 500 programmes d'études. 148 établissements sur les 1 200 analysés comptabilisent dix "A" ou plus, dont 17 françaises (6 universités et 11 écoles). Quarante-trois n'apparaissent pas dans les derniers classements de Shanghai, de QS ( Quacquarelli Symonds ) et du THE ( Times Higher Education ).

Parmi les 69 établissements français recensés, l'ESSEC et l'EDHEC sont les plus ouverts à l'international, l'Université Lyon-I a de bons résultats en matière de transfert de connaissances, l'ENS est l'institution qui se détache pour la recherche et l'EDHEC est performante pour ce qui est de l'enseignement et des formes d'apprentissage.

Des établissements n'ont pas participé à U-Multirank car ils ont préféré attendre et voir le développement futur du classement. Les prochaines éditions devraient donc s'enrichir et offrir une meilleure palette de comparaison.

Source : MAEDI

Les démarches administratives liées à l'entrée ou à l'installation en France font, en revanche, partie des domaines d'améliorations souhaités par les étudiants internationaux.

b) Une stratégie

La stratégie mise en oeuvre par la France pour attirer les étudiants étrangers comprend plusieurs axes :

• diversifier l'origine des étudiants en ciblant prioritairement les pays émergents, les grands pays prescripteurs et la zone francophone ;

• attirer les étudiants à fort potentiel qui occuperont demain des fonctions de responsabilité dans le monde politique, économique, culturel de leur pays et constitueront autant de relais et points d'appui pour notre rayonnement. La priorité est ainsi donnée aux étudiants de masters et doctorats ainsi qu'à la constitution et l'animation de réseaux alumni .

• soutenir les classes moyennes qui sont au coeur du développement de leur pays et constituent un puissant vecteur de notre image à l'étranger. C'est ainsi que la France développe une série de programmes en soutien à la formation professionnelle des cadres. C'est dans les pays du Maghreb en particulier que le ministère des Affaires étrangères déploie des coopérations de ce type parmi les plus ancrées et les plus ambitieuses.

• encourager la modernisation de l'enseignement supérieur, notamment des pays du Sud avec le financement de pôles francophones d'excellence .

Le développement d'un réseau d'anciens étudiants étrangers en France

Projet prioritaire du MAEDI, le développement d'un réseau d'alumni confié à Campus France a été lancé fin 2014. France alumni a pour ambition de mettre en réseau les étudiants étrangers ayant fait des études en France avec nos ambassades, nos établissements d'enseignement supérieur et nos entreprises. Moins d'un an après son lancement, il a été déployé dans près de 20 pays et compte environ 15 000 inscrits. Nos actions de coopération peuvent désormais s'appuyer sur ce réseau dont les meilleurs alumni (Nobel, médaille Fields...) attestent de l'excellence de nos formations et contribuent à notre influence.

Source : MAEDI

c) Des moyens d'action

Plusieurs leviers concourent à la mise en oeuvre de cette politique d'attractivité :

- en amont, le réseau culturel à l'étranger , et en particulier les « espaces Campus France », font la promotion des études supérieures en France et mettent à disposition de l'information ;

- la politique en matière de visas y participe également : ainsi, près de 75 000 visas de long séjour pour études ont été délivrés en 2013, en augmentation de 6 % par rapport à l'année 2012 , ce qui est un signal favorable car les étudiants étrangers ont encore trop souvent du mal à obtenir un visa ;

- la politique des bourses est déterminante . Elle tend à favoriser les diplômes de niveaux supérieurs (masters et doctorats) et les disciplines clés (sciences, économie, gestion, droit...) et privilégie une forte sélectivité . Les crédits consacrés aux bourses du gouvernement français (BGF) pour les étudiants étrangers, qui s'élèvent à 54,3 millions d'euros, diminuent fortement en 2016 (- 5,7 %). Son montant reste très en-deçà de ce qu'il a pu être dans le passé (105 millions d'euros en 2005) ;

- enfin, l'opérateur Campus France est chargé de l'accueil des étudiants étrangers en France , ce qui va de l'appui pour trouver un logement au versement des bourses (l'attribution relevant du réseau ou de l'administration centrale) et à l'accompagnement pour bénéficier d'une couverture sociale...

La mise en place de plateformes numériques , afin de simplifier l'ensemble des démarches, est souhaitable, dans l'esprit de la procédure CEF, par exemple pour la recherche d'un logement, qui constitue l'un des principaux freins à la mobilité des étudiants étrangers en France.

La procédure CEF

La procédure CEF fait l'objet de la convention "Centres pour les Etudes en France" signée le 14 décembre 2005, reconduite le 10 janvier 2007 entre les ministères des Affaires étrangères et du Développement international, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, de la Culture et de la Communication, ainsi que les Conférences des Présidents d'universités, des Grandes écoles et des Directeurs des écoles françaises d'ingénieurs.

Sous la responsabilité du service de coopération et d'action culturelle de l'Ambassade, les agents des Espaces Campus France mettent à la disposition des établissements d'enseignement supérieur, via la plateforme informatique CEF-Pastel, un ensemble d'informations sur le profil, le niveau académique et les compétences linguistiques des étudiants et vérifient les justificatifs fournis. Ce dossier électronique est également accessible aux services consulaires, qui prennent connaissance de l'objet du séjour en France de l'étudiant.

Cette mutualisation évite au candidat de produire les mêmes justificatifs à plusieurs reprises et facilite le dialogue entre les différents services traitant sa demande.

La procédure CEF est plébiscitée : elle enregistre jusqu'à 60 000 connexions par jour en période de pointe ; 134 000 dossiers de candidatures ont été créés en 2014.

Son mode de fonctionnement a été revu afin de correspondre aux évolutions technologiques et aux attentes des utilisateurs en termes d'ergonomie. Au 15 novembre 2015, l'application Etudes en France se substituera à CEF-Pastel. Son catalogue de formations mettra notamment mieux en valeur le français langue étrangère et les formations dispensées en anglais.

Source : MAEDI

2. Attribution des bourses : bilan de l'année 2013

En 2014, le nombre total de boursiers du gouvernement français (BGF) était de 13 550 ; le nombre total de mensualités versées s'établit à 65 369 pour une durée moyenne de 4,8 mois et un coût total de 62,2 millions d'euros.

Années

2013

2014

Nombre de BGF

14.500

13.550

dont bourses d'études

9.500

8.700

dont bourses de stages

4.100

4.000

nombre total de mensualités

66 134

65.369

moyenne de mois par boursier

4,5

4,8

Coût total en M€

62,1

62,2

Source : Campus France

(1) Répartition par origine géographique

En 2014, les boursiers proviennent d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient (29 %), d'Afrique (22 %), d'Europe (21 %) et d'Asie-Océanie (20 %).

Répartition des bourses étudiantes par origine géographique (2014)

(2) Répartition par discipline

En 2014, les boursiers suivent pour 31 % d'entre eux des formations en sciences de l'ingénieur, 24 % des sciences « dures », domaines prioritaires dans la politique de bourses du gouvernement français.

Répartition des bourses étudiantes par disciplines (2014)

(3) Répartition par niveau d'étude

La répartition par niveau d'études reflète la priorité donnée aux niveaux master et doctorat dans les bourses du gouvernement français.

Répartition des bourses étudiantes par niveau d'étude (2014)

Par ailleurs, Campus France développe des partenariats avec les gouvernements étrangers. Ainsi, en 2014, les opérations menées pour le compte des mandants étrangers représentent 3,5 millions d'euros de recettes pour l'accueil et l'accompagnement de 6 300 boursiers. Campus France dépasse, depuis deux ans, les objectifs qui lui ont été fixés dans le cadre de son Contrat d'Objectifs et de Moyens (COM), en matière de bourses de gouvernements étrangers.

3. Campus France

L'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) Campus France exerce trois principales missions, selon les orientations définies conjointement par le Ministère des Affaires étrangères et du Développement international (MAEDI) et celui de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche :

- La gestion des boursiers du gouvernement français (BGF), y compris les missions et invitations (BMI) ;

- La gestion des boursiers pour d'autres mandants (boursiers des gouvernements étrangers, dits « BGE ») ;

- La promotion de l'enseignement supérieur français à l'international.

En juin 2015, il existe 235 implantations Campus France dans 119 pays, dont 33 à procédure «CEF » (Centres pour les études en France), à travers le réseau des Instituts culturels français et des Alliances françaises. Le personnel dédié aux espaces Campus France représente 229 agents (223 sous plafond et 6 hors plafond).

En particulier, avec l'appui des services de coopération et d'action culturelle des ambassades de France, Campus France a organisé, en 2014, 42 évènements de promotion de l'enseignement supérieur français contre 55 en 2013. Cette tendance traduit une stratégie de concentration des moyens sur un nombre plus limité d'opérations. Le nombre d'établissements participant est en hausse par rapport à 2013 : 272 en 2014 quand il s'élevait à 257 en 2013. Les établissements participant sont en majorité des universités (101), des écoles d'ingénieurs (77) et des écoles de management (43).

Conformément à l'effort supplémentaire demandé par le Premier ministre dans sa lettre de cadrage adressée au ministre des affaires étrangères et du développement durable, la subvention pour charge de service public attribuée à Campus France en PLF 2016 s'établit à 3,8 millions d'euros, soit une réduction de 4 % par rapport au montant de la subvention en LFI 2015.

Le budget rectificatif de Campus France, voté au conseil d'administration du 15 juillet 2015, est légèrement rehaussé (26,2 millions d'euros) par rapport au budget initial 2015 (25,6 millions d'euros). L'opérateur poursuit sa démarche de rationalisation afin d'alléger les frais de structure de l'établissement.

En LFI 2015, le plafond d'emplois de l'EPIC Campus France s'établit à 258 ETP dont 233 ETP sous plafond et 25 ETP hors plafond.

Vos rapporteurs regrettent la diminution des crédits de la politique d'attractivité de l'enseignement supérieur français, d'autant que l'enjeu n'est pas seulement culturel mais aussi économique.

L'apport économique net annuel des étudiants étrangers en France a été évalué à 1,7 milliard d'euros . Le coût pour la collectivité de l'accueil et de la formation des étudiants étrangers est immédiatement plus que remboursé au cours du séjour de l'étudiant. Au-delà de cet apport immédiat, les étudiants étrangers en France sont d'excellents ambassadeurs de la France dans tous les domaines (études, tourisme, échanges commerciaux notamment). Les études menées dans d'autres pays pour mesurer les retombées économiques de l'accueil des étudiants internationaux confirment ce constat et donc l'intérêt des pays d'accueil à accroître leur attractivité 12 ( * ) .

Le rapport du comité pour la stratégie nationale de l'enseignement supérieur (septembre 2015) formule des pistes pour développer l'internationalisation. Il s'agit notamment de faciliter l'obtention des visas ainsi que l'accès au logement depuis le pays d'origine, ce qui pourrait se faire au moyen d'outils numériques. La mobilité sortante est l'une des clefs de la mobilité entrante et doit donc être développée. Un rapprochement de Campus France et de l'agence Erasmus+ est une piste envisageable. Une hausse des droits d'inscription pour les étudiants étrangers n'est pas souhaitable, une telle mesure ayant eu des effets négatifs dans d'autres pays.


* 11 Source : Les notes de Campus France n° 47 (mai 2015).

* 12 Source : « Au-delà de l'influence : l'apport économique des étudiants étrangers en France », Les notes de Campus France n° 45 (novembre 2014).

Page mise à jour le

Partager cette page