II. ANALYSE DES CRÉDITS PAR OPÉRATEURS

À l'aube de 2016, jamais sans doute la situation des sociétés de l'audiovisuel public n'a semblé nécessiter autant une vision stratégique claire de la part de l'actionnaire :

- France Télévisions est confronté à une crise de son modèle économique (baisse du marché publicitaire et hausse des charges), à l'émergence de nouveaux concurrents (Netflix, BeIn Sports) et au renforcement des anciens (TF1, Canal+), et à la nécessité d'améliorer ses droits sur les programmes dont il assure l'essentiel du financement ;

- Arte France poursuit son développement malgré la faiblesse de ses moyens, grâce à une ligne éditoriale particulièrement opportune, et s'affirme de plus en plus comme la chaîne « Premium » 17 ( * ) du service public ;

- Radio France connaît une forte dégradation de sa situation financière qui se traduit par un déficit endémique faute d'un rythme de réformes suffisant et compte tenu d'une gestion défaillante de son chantier ;

- France Médias Monde 18 ( * ) - malgré des réformes nécessaires - ne dispose pas des moyens suffisants compte tenu de son niveau d'ambition et connaît une certaine dégradation de son offre de programmes ;

- l'INA a besoin de redéfinir son projet stratégique et d'engager un redimensionnement de ses moyens compte tenu de l'arrivée prochaine à leur terme de certaines de ses missions. Les orientations présentées par son nouveau président semblent répondre à ces enjeux et on ne peut que saluer sa volonté de conduire des actions communes avec les autres sociétés de l'audiovisuel public.

Au-delà de l'analyse des crédits, c'est donc une réflexion globale sur l'adaptation de notre audiovisuel public au nouveau paysage des médias et des usages qui est devenue urgent. Votre rapporteur pour avis ne pourra, dans la suite de son récent rapport présenté avec notre collègue André Gattolin, que réaffirmer l'urgence d'une réforme de l'audiovisuel public ayant pour objectif de favoriser un regroupement de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA dans une structure commune respectueuse de l'identité de ses filiales à l'horizon 2020 afin de permettre des mutualisations et un développement harmonieux tous azimuts, dans le numérique, à l'international et dans la production.

Répartition de la contribution à l'audiovisuel public

(Montants TTC, en millions d'euros)

LFI 2015

PLF 2016

Évolution

France Télévisions

2 369,36

2 494,73 (1)

5,3 %

Arte France

267,25

269,80

1 %

Radio France

614,39

619,50

0,8 %

France Médias Monde

247,08

249,12

0,9 %

INA

90,87

90,87

0,1 %

TV5

77,83

78,55

1,0 %

Total

3 666,7

3 802,57

3,7 %

(1) dont 75 millions d'euros de taxe sur les opérateurs de communications électroniques.

Source : État D du projet de loi de finances

A. FRANCE TÉLÉVISIONS : UN MODÈLE ÉCONOMIQUE À REFONDER D'URGENCE

1. La nécessaire refondation du projet de France Télévisions

France Télévisions est confronté simultanément à une érosion de ses audiences sur longue période et à une aggravation de ses faiblesses structurelles. Concernant les audiences par exemple, si l'on compare les audiences du mois d'octobre 2015 19 ( * ) avec celles de 2010, le groupe France Télévisions a perdu en 5 ans 3,6 % d'audience à 28 % . Jamais France 2 avec 13,6 % et France 3 avec 8,6 % d'audience n'ont eu des niveaux d'audience aussi faibles. Bien entendu, il convient d'indiquer que cette baisse s'explique pour partie par l'arrivée de 6 nouvelles chaînes de la TNT en 2012 , mais pour partie seulement, car les audiences ont commencé à baisser avant 2012 et cette baisse s'accélère jusqu'à aujourd'hui.

Au-delà de l'augmentation du nombre des chaînes de la TNT, France Télévisions doit également se poser la question de la qualité de ses contenus. Si l'offre de documentaires de France Télévisions reste sans équivalent, la place du sport ne cesse de se réduire et les journaux d'information de France 2 n'ont jamais été aussi comparables à ceux de TF1. En matière de fiction, force est de reconnaître que les productions de France Télévisions sont trop rarement innovantes ou audacieuses et qu'elles ne sont pas exportées, ce qui prive le groupe de ressources propres. Votre rapporteur pour avis considère que la fiction de France Télévisions n'a pas pour seul but de « représenter la société de la manière la plus juste » comme le revendique l'entreprise, elle doit également s'inscrire dans une démarche artistique qui donne la priorité à l'écriture, aux scénarios audacieux, au talent des dialoguistes et aux nouveaux acteurs. Une remise à plat est donc nécessaire qui ne doit pas exclure la prise en compte des critères de qualité internationaux.

Part d'audience de France Télévisions

Part d'audience sur les 4 ans et + (%)

2010

2011

2012

2013

2014

France 2

16,1

14,9

14,9

14,0

14,1

France 3

10,7

9,7

9,7

9,5

9,4

France 4

1,6

1,9

2,1

1,8

1,6

France 5

3,2

3,3

3,5

3,3

3,2

France Ô (mesure sur septembre - décembre 2014)

-

-

-

-

0,6

Total

31,6

29,9

30,3

28,6

28,8

Source : Réponse questionnaire budgétaire PLF 2016

Comme il en a pris l'habitude depuis l'année dernière, votre rapporteur pour avis a souhaité rencontrer les représentants syndicaux de France Télévisions afin de les interroger sur le projet de budget et la situation sociale mais également afin de recueillir leur avis sur le rapport d'information 20 ( * ) présenté fin septembre avec notre collègue André Gattolin visant en particulier à faire émerger d'ici 2020 un groupe audiovisuel puissant et véritablement indépendant dans le cadre d'une holding commune qui respecterait l'identité de ses filiales.

Concernant le projet de rapprochement, la CGT a rappelé qu'elle avait toujours été favorable à la constitution d'un grand pôle de l'audiovisuel public et que les grands exemples de réussite en Europe concernaient tous des modèles intégrés . FO a pour sa part rappelé les difficultés créées par la fusion réalisée au sein de France Télévisions et le SNJ a déclaré qu'il faudrait voir exactement ce que recouvrirait ce projet de rapprochement. La CFDT a considéré qu'il y avait aujourd'hui un véritable problème de gouvernance de l'audiovisuel public et qu'il était indispensable de rechercher davantage de clarté. Compte tenu de l'intérêt des intervenants pour approfondir ce sujet, votre rapporteur pour avis a proposé 21 ( * ) de poursuivre les échanges dans les mois qui viennent afin d'examiner dans le détail les modalités que pourrait prendre le rapprochement des sociétés de l'audiovisuel public.

Interrogés par votre rapporteur pour avis sur la production, les syndicats ont défendu l'idée d'un renforcement de la production interne. Pour la CFDT, un « rapatriement » de la production en interne permettrait de produire au coût « le plus juste » compte tenu, en particulier, des faibles contrôles opérés sur la production externe. Le syndicat a estimé que France Télévisions n'était pas en mesure de contrôler les coûts de ses prestataires. La CGT a proposé de « faire sauter le verrou des 5 % de production dépendante » imposé à France Télévisions pour le porter à 30 % en considérant que le groupe public ne devait pas être traité différemment de la BBC .

Concernant la situation au sein de l'entreprise, la CGT a apprécié la proposition de la nouvelle présidente, Mme Delphine Ernotte-Cunci, de « co-construire » le projet de l'entreprise en indiquant attendre maintenant l'organisation des assises de l'entreprise. La CGT a indiqué toutefois qu'il était difficile pour France Télévisions de développer un projet sans connaître les moyens dont il disposera pour le mettre en oeuvre.

FO a constaté le changement de style entre l'actuelle présidente et son prédécesseur en déclarant attendre maintenant les évolutions de fond. Le syndicat estime indispensable que les personnels puissent s'inscrire dans un projet en évoquant notamment la chaîne d'information en continu et le développement international.

La CFDT a rappelé pour sa part que les prévisions avaient fait apparaître un besoin de financement de 50 millions d'euros en 2016 et que « la vision de l'entreprise restait succincte » et s'est inquiétée de l'absence de débat sur l'avenir de France 3 dont le modèle a vieilli.

Évoquant la situation financière, la CGT a évoqué le droit d'alerte exercé dans le cadre du comité central d'entreprise qui devrait donner lieu à la réalisation d'un diagnostic avec un expert. Le syndicat a estimé que la hausse de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (« TOCE ») présentait un danger pour le développement de ces opérateurs et l'avenir de leurs obligations de service public. La CGT s'est déclarée favorable à une hausse de la fiscalité affectée. FO a également considéré qu'il n'y aurait pas de stabilité pour France Télévisions tant que l'entreprise ne disposerait pas d'un financement pérenne .

Concernant enfin le projet de chaîne d'information en continu, la CFDT a estimé que le groupe public aurait dû s'en doter depuis longtemps et qu'il était nécessaire d'envisager sa diffusion hertzienne.

« France 23 » : un projet pour la chaîne d'information en continu ?

Le projet de chaîne d'information en continu initié par France Télévisions devrait être arrêté à la mi-décembre avec pour objectif un lancement en septembre 2016. La conduite du projet suscite néanmoins de nombreuses questions, le groupe de travail commun à France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA s'étant réuni pour la première fois seulement le 17 novembre et les échanges ayant été organisés essentiellement sur une base bilatérale et informelle entre les trois principaux acteurs. Même si le projet a été évoqué lors de la première réunion du Comité stratégique de l'audiovisuel public (CSAP) le 21 octobre dernier autour de la ministre de la culture et de la communication, l'actionnaire public ne coordonne pas le projet et a préféré laisser les entreprises se parler pour permettre à chacune d'être associée en fonction de ses atouts.

Si le choix d'une programmation « en linéaire » est acquis, des échanges menés avec la DGMIC indiquent que le choix ne serait pas encore arrêté entre une répartition des tranches entre les différents contributeurs publics (France Télévisions se chargeant des journaux du matin et du soir et pouvant s'appuyer le reste du temps sur France 24 par exemple) et la constitution d'une équipe commune . La seconde option pourrait n'intervenir que dans un second temps selon le ministère de la culture et de la communication compte tenu des délais plus longs qu'elle nécessiterait. À ce stade, compte tenu des nombreuses questions qui se posent encore, le ministère n'exclue pas que le lancement prévu en septembre 2016 puisse, le cas échéant, être décalé si nécessaire .

Les auditions menées par votre rapporteur pour avis ont montré que les personnels des sociétés de l'audiovisuel public étaient tous intéressés par le projet de chaîne d'information en continu mais que les craintes étaient également importantes notamment sur l'ambition réelle du projet et sur le risque de doublons par rapport aux services déjà existants. Alors que le CSA pourrait prochainement autoriser le passage en clair de LCI sur la TNT hertzienne, il a semblé utile à votre rapporteur pour avis de faire part de ses propres propositions pour créer une chaîne d'information en continu qu'il se propose de dénommer « France 23 » pour au moins trois raisons :

- La nécessité de doter cette chaîne d'une véritable identité . Il n'existe pas d'exemple de véritable chaîne d'information composée d'une juxtaposition de programmes produits par des sociétés sans lien les unes avec les autres. Le suivi de l'actualité nécessitera en particulier de pouvoir prendre l'antenne lors d'événements importants ou graves, ce qui exclue une répartition des tranches d'information trop rigide. La constitution d'une équipe commune apparaît donc nécessaire qui serait dotée d'une rédaction propre qui pourrait s'appuyer sur les services des rédactions des différents partenaires.

Si la marque « France Info » semble toute indiquée pour désigner cette chaîne, il n'est pas sûr que le rôle finalement limité 22 ( * ) que pourrait jouer Radio France dans ce projet facilite ce choix.

- L'indispensable diffusion hertzienne . En proposant le nom de « France 23 », votre rapporteur pour avis souhaite affirmer la nécessité de prévoir dès son lancement une diffusion hertzienne pour la chaîne d'information. Seule la TNT est, en effet, aujourd'hui en situation de permettre une large audience à cette chaîne et de justifier les investissements envisagés comme ont pu le démontrer à leur manière le suivi des événements du 13 novembre. À cet égard, l'abrogation de l'autorisation d'émettre de la chaîne Numéro 23 décidée le mois dernier par le CSA ouvre la possibilité pour le gouvernement d'exercer son droit de réserve comme l'a confirmé le président du CSA lors de son audition par votre commission le 20 octobre dernier. Or, les échanges conduits avec le ministère de la culture et de la communication ont permis d'établir que le gouvernement n'excluait pas d'exercer ce droit de réserve au bénéfice de la chaîne d'information en continu du service public même si, pour le moment, aucune demande n'avait été formulée en ce sens par France Télévisions. Une telle demande nécessiterait toutefois probablement une modification du cahier des charges de la société.

- L'incontournable rapprochement avec France 24 . Le choix de l'appellation « France 23 » a également pour mérite aux yeux de votre rapporteur pour avis de rappeler la nécessité de réaffirmer la nécessité de mutualiser les moyens avec la chaîne d'information France 24 . Les deux chaînes d'information pourraient ainsi être localisées dans les mêmes locaux comme le proposent les syndicats de France 24, ce qui pourrait permettre de confier la direction de « France 23 » à une personne désignée par France Télévisions.

2. Un changement de modèle économique devenu urgent
a) Le rapport d'orientation remis au Parlement et les engagements de l'entreprise

Mme Delphine Ernotte-Cunci a été nommée par le CSA présidente de France Télévisions le 23 avril 2015. Conformément à la loi, votre commission a souhaité l'auditionner le 4 novembre 2015 sur la base de son rapport d'orientation.

L'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 prévoit en effet que « dans un délai de deux mois après le début de leur mandat, les présidents de (France Télévisions, Radio France et France Médias Monde) transmettent au président de chaque assemblée parlementaire et aux commissions permanentes de ces mêmes assemblées un rapport d'orientation . Les commissions permanentes chargées des affaires culturelles des assemblées parlementaires peuvent procéder à l'audition des présidents (...) sur la base de ce rapport » .

Notre commission a reçu en date du 22 octobre 2015 le rapport sur les orientations de France Télévisions qui présente les trois principaux objectifs de la présidente de l'entreprise, Mme Delphine Ernotte-Cunci : renouveler la création et les programmes, devenir un éditeur multimédia pour tous les usages et refonder le modèle économique .

Concernant l'avenir du modèle économique qui intéresse plus particulièrement le présent avis budgétaire, le rapport d'orientation reconnaît que le modèle économique de France Télévisions « est aujourd'hui dépassé » 23 ( * ) comme votre rapporteur pour avis l'avait déjà affirmé dans un récent rapport d'information. Il insiste par ailleurs sur « la nécessité d'un financement qui s'appuie sur plusieurs leviers solides : une ressource publique stabilisée et des ressources commerciales développées » . Il rappelle que le marché publicitaire est aujourd'hui fragmenté et que « France Télévisions, du fait de la réglementation, est démuni dans sa capacité à mieux exploiter ses programmes sur le numérique » . Le rapport estime ainsi qu' « une évolution de la réglementation est nécessaire pour mieux exploiter les oeuvres et les revenus commerciaux afférents » .

Concernant la situation financière, le rapport d'orientation indique que « l'entreprise se trouve confrontée à des difficultés majeures suite à trois années consécutives de déficit. Dès cette année, un plan d'économies structurelles sera engagé et devra être poursuivi dans les années à venir. Cet effort n'est pas une action nouvelle. L'entreprise a en effet accompli en trois ans un plan d'économies conséquent de 350 millions d'euros au travers notamment de sa masse salariale » .

L'entreprise reconnaît par ailleurs que le déficit n'est pas conjoncturel mais « résulte d'une fragilité structurelle de son exploitation. Sans action décisive, le déficit en 2016 s'élèvera à 50 millions d'euros et pourrait atteindre 120 millions en 2020 » . Le rapport explique que la situation budgétaire de 2016 s'annonce « particulièrement difficile » , l'ouverture d'un « Plan de Départs Volontaires » jusqu'à fin décembre 2015 rendant « tout effort supplémentaire sur la masse salariale impossible » . À court terme, « le plan d'économie portera sur les charges variables » ce qui pourrait se traduire par une baisse en valeur absolue de l'investissement dans la création. Par ailleurs, « à moyen terme, seules des réformes de structures permettront de revenir à un équilibre financier. Ces réformes interrogeront de manière prioritaire les coûts de structure, à commencer par les coûts de siège. Elles devront, pour se traduire en économies réelles, s'adosser à un nouvel accord sur l'emploi qui ne peut se conclure sans une négociation franche et loyale avec les partenaires sociaux » . Le rapport d'orientation évoque également qu' « un effort particulier sera fourni pour mieux mutualiser les moyens de l'audiovisuel public » .

b) La nécessité de développer les ressources propres issues de la production

Le rapport d'orientation précité évoque également la nécessaire mise en oeuvre d'une politique offensive de conquêtes de nouvelles ressources. Votre rapporteur pour avis ne peut que partager le constat de France Télévisions selon lequel « la chaîne de valeur de l'audiovisuel s'est transformée sous l'impulsion de la révolution numérique. Elle se situe désormais dans la propriété et la maîtrise des contenus, davantage que dans la diffusion. Ce nouveau modèle fragilise le rôle traditionnel du diffuseur qui tenait ses ressources de la publicité afférente. Les sources de revenus se situent désormais dans l'exploitation des droits et dans la capacité des groupes audiovisuels à mieux valoriser leurs contenus » 24 ( * ) .

Suite à l'annonce du projet de rachat de Newen par TF1, France Télévisions a réaffirmé avec d'autant plus de force la nécessité de modifier la réglementation. Lors de son audition par votre commission, Mme Delphine Ernotte-Cunci, a ainsi indiqué que le nouvel équilibre pourrait « prendre différentes voies comme la coproduction, la copropriété des marques, voire la copropriété du format lui-même . Les règles ne peuvent être différentes entre secteur privé, qui bénéficie d'une part dépendante plus importante, et service public » 25 ( * ) .

Les dix premières sociétés de production
qui fournissent France Télévisions

Producteur

Dirigeant

Chiffre d'affaires (€)

1

TELFRANCE SERIE

Hubert BESSON

37 282 229

2

AIR PRODUCTIONS

Nagui FAM

24 115 381

3

RESERVOIR PROD

Jean-Baptiste CLAVERIE

19 004 629

4

MARTANGE PRODUCTION

Nathalie COTTET

17 985 612

5

TROISIEME OEIL PRODUCTIONS

Pierre-Antoine CAPTON

17 089 226

6

TOUT SUR L'ECRAN PROD

Philippe LEFEBVRE

15 142 430

7

17 JUIN MEDIA

Christian GUERIN

14 154 134

8

FREMANTLEMEDIA FRANCE

Monica GALER

13 473 120

9

GMT PRODUCTIONS

Alban ETIENNE

12 806 519

10

EFFERVESCENCE

Simone HALBERSTADT HARARI

12 760 734

Source : Réponse au questionnaire budgétaire PLF 2016

Votre rapporteur pour avis a également pris note avec satisfaction du fait que France Télévisions n'excluait pas une évolution de son modèle économique qui continuerait à voir décroître la place de la publicité à mesure que de nouvelles ressources issues d'une augmentation des droits attachés à la production pourrait intervenir . Lors de son audition par notre commission, Mme Delphine Ernotte a ainsi déclaré qu'elle était « attachée à un financement mixte de France Télévisions. Si demain l'entreprise devenait copropriétaire des droits sur les programmes, cela constituerait une nouvelle source de revenus mais il n'est pas sûr que ces ressources pourront compenser la baisse des recettes de la publicité, ce qui pose, en tout état de cause, un problème de calendrier » .

Comme le remarque la présidente de France Télévisions, « la BBC ne programme pas de publicité et son chiffre d'affaires atteint 1 milliard d'euros avec la monétisation des oeuvres qu'elle produit. Il y a un équilibre à trouver, par des financements mixtes ou publics » . On ne peut dès lors que partager là encore sa conviction selon laquelle il est « important pour l'entreprise que des équipes se mobilisent pour chercher des ressources supplémentaires. Il est sain pour son fonctionnement de continuer à insuffler cette culture d'entreprenariat, les notions de gestion et de chiffre d'affaires » . Si le maintien d'un financement mixte fait donc sens afin de compléter les ressources publiques par une ressource qui dépend de l'activité de la société, la seconde composante doit progressivement changer de nature à mesure que les droits issus de la production qui sont aujourd'hui négligeables pourront prendre le relai des recettes publicitaires . Une telle évolution semble réalisable compte tenu du poids des investissements de France Télévisions dans la production audiovisuelle pour autant qu'un changement de la réglementation soit réalisé.

Bilan de la contribution des chaînes à la production audiovisuelle en 2013

(en millions d'euros)

Éditeur

Total contribution = 829,9 M€

Contribution à la production indépendante = 713,9 M€

Groupe FTV

399,8 M€

393 M€ dont 386,5 M€ inédit

Groupe TF1

186 M€

139,6 M€ dont 129,6 M€ inédit

Groupe M6

110,8 M€
dont 36,3 M€ non patrimonial

69,8 M€ dont 61 M€ inédit

Groupe C+

85,9 M€

74,3 M€ dont 64 M€ inédit

Autres éditeurs

46,4 M€

36,2 M€ dont 25,2 M€ inédit

Source : CSA - Chiffres clés de la production audiovisuelle 2013

c) Les difficultés persistantes des recettes publicitaires

La baisse des recettes issues de la publicité et des parrainages explique pour une part importante la dégradation du résultat de France Télévisions et le déficit de 2015. Alors que le COM prévoyait un retour à l'équilibre en 2015, le Conseil d'administration de l'entreprise du 9 juillet dernier a acté une perte nette pour l'exercice de 11 millions d'euros qui doit être rapprochée de la baisse de 10 millions d'euros des recettes de publicité attendues en 2015 dans le cadre des nouvelles prévisions réalisées cet été.

Évolution des recettes de publicité et de parrainage de France Télévisions

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

Budget

2015

Nouvelles prévisions

372,2

333,1

317,8

340,1

330,1

Source : Projet de loi de finances 2016

Ces moindres performances trouvent leur origine dans la dégradation du marché publicitaire, la concurrence accrue avec un nombre plus important de chaînes de la TNT et, par voie de conséquences, l'érosion des audiences de France Télévisions. Elles s'expliquent également par la moindre attractivité de la régie de la télévision publique qui ne peut proposer de messages en soirée alors même que les annonceurs ont tendance à concentrer leurs investissements sur un nombre plus réduit de médias. Les recettes de parrainages qui ont diminué de 3,9 % en 2014 pour s'établir à 56,9 millions d'euros devraient également connaître un recul en 2015 et 2016 du fait de l'inadaptation de la réglementation qui ne permet pas de mettre en valeur les produits.

3. Une dégradation de la situation financière de l'entreprise qui appelle des réformes structurelles

La structure du financement de l'audiovisuel public a sensiblement évolué depuis 2015, les différentes sociétés étant depuis lors financées exclusivement par la CAP à l'exception de France Télévisions qui a conservé une part de dotation budgétaire. Faute d'une réforme de la CAP qui aurait permis de mettre un terme au besoin d'une ressource complémentaire pour le groupe public de télévision, la dotation budgétaire devrait être remplacée en 2016 par l'affectation d'une part du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques.

a) Les ressources publiques en 2015

Le programme 313 « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique » a été créé en LFI 2009, avec pour principal objet d'apporter à France Télévisions un financement complémentaire à la dotation issue du programme 841 « France Télévisions » de la mission « Avances à l'audiovisuel »), en raison des pertes de recettes commerciales occasionnées par la disparition de la publicité en soirée sur les chaînes de France Télévisions à partir de janvier 2009 (conséquence de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision).

En LFI 2015, les crédits totaux du secteur étaient stables par rapport à la LFI 2014 mais l'augmentation du produit de la CAP (notamment grâce aux 2 euros supplémentaires) a permis une diminution de la dotation en provenance du budget général. Dans un souci de simplification, la totalité du financement audiovisuel portée par le budget général a été affectée en 2015 à France Télévisions. Cette modalité de répartition des crédits audiovisuels a permis de mettre un terme dès 2015 au financement par le budget général de France Médias Monde et de TV5 Monde . Ce faisant, le nombre des organismes de l'audiovisuel public financé par le budget général a diminué.

En LFI 2015, la dotation totale de ressources publiques à France Télévisions était de 2 481,0 millions d'euros (HT), en baisse de -0,5 % par rapport à la LFI 2014, répartie comme suit : 160,4 millions d'euros à partir du programme 313 du budget général et 2 320,6 millions d'euros HT (2 369,4 millions d'euros TTC) à partir du programme 841 du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » . Cette dotation était inférieure de 4,6 millions d'euros HT (0,2 % des concours publics) par rapport à la prévision de l'avenant au COM pour l'annuité 2015.

b) Les ressources publiques en 2016

Le bleu budgétaire « Avances à l'audiovisuel public » indique que « lors de la remise du rapport du groupe de travail interministériel sur l'avenir de France Télévisions en mars dernier, le Gouvernement a indiqué que la trajectoire de ressources publiques de l'entreprise serait « au mieux stable, et pourrait plus probablement s'inscrire dans l'évolution à la baisse constatée ces dernières années » et que les conditions d'une modification de son régime publicitaire n'étaient pas réunies » .

Dans ce cadre, le projet de loi de finances prévoit d'allouer à France Télévisions en 2016 une dotation totale de ressources publiques de 2 485,5 millions d'euros HT, en hausse de 4,4 millions d'euros (+0,2 %) par rapport à la LFI 2015 . Cette dotation est composée de 40,5 millions d'euros issus du programme 313 du budget général et de 2 444,9 millions d'euros HT (2 494,7 millions d'euros TTC) issus du programme 841 du compte de concours financiers (CCF) « Avances à l'audiovisuel public ».

Les crédits du programme 841 proviennent pour 2 370,7 millions d'euros HT (2 420,5 millions d'euros TTC) du produit de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) et pour 74,3 millions d'euros de la part de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) nouvellement affectée à France Télévisions , équivalent au produit attendu d'une hausse de 0,3 point du taux de cette taxe en PLF 2016.

Évolution du financement de France Télévisions

(Montants TTC, en millions d'euros)

2015

PLF 2016

PLF 2016
après vote
de la 1 re partie

Évolution 2016/2015

Contribution à l'audiovisuel publique

dont taxe sur les opérateurs de communications électroniques

2 369,3

-

2 494,7

75

2 560,2

140,5

+8 %

-

Crédits budgétaires

160,4

40,533

0

-100 %

Total

2 529,7

2 535,233

2 560,2

+1,2 %

Source : Projet de loi de finances pour 2015 et 2016 - État D

Comme cela a été indiqué précédemment, lors du débat à l'Assemblée nationale 26 ( * ) , la hausse de la « TOCE » a été finalement portée à 0,4 point par le Gouvernement afin d'affecter 25 millions d'euros de ressources supplémentaires à France Télévisions, ce qui revient à remettre en question l'intention de stabiliser les ressources de France Télévisions . Parallèlement, la dotation budgétaire a été entièrement remplacée par l'affectation d'une part du produit de la TOCE.

Cette hausse des ressources du groupe public de télévision trouve son origine dans la forte augmentation du déficit prévisionnel estimé à 50 millions d'euros en 2016 par la présidente de l'entreprise et la volonté de répartir les efforts entre les nouvelles économies réalisées par l'entreprise et l'actionnaire.

Un déficit de 45 à 50 millions d'euros à financer en 2016 pour France Télévisions

La prévision budgétaire de France Télévisions reposait sur une augmentation de 4,4 millions d'euros des ressources publiques par rapport au budget 2015 cohérente avec le niveau prévu pour 2015 à l'avenant au COM et une diminution de 20 millions d'euros des recettes publicitaires par rapport au budget 2015 qui s'explique par l'évolution défavorable du marché publicitaire pour France Télévisions (atonie du marché, concentration des investissements sur un nombre plus limité de régies, progression des audiences commerciales des chaînes de la TNT).

Les hypothèses concernant l'évolution des charges opérationnelles (+30 millions d'euros) comportent une progression limitée à 1,5 % de la masse salariale (contre +1,7 % dans l'avenant au COM 2013-2015) soit 14 millions d'euros environ ainsi qu'un glissement des autres charges de 1 % conformément aux hypothèses d'inflation sous-jacentes au PLF 2016, soit 16 millions d'euros environ.

Des dépenses conjoncturelles sont également prévues à hauteur de 20 millions d'euros qui correspondent d'une part à la couverture des Jeux olympiques de Rio à hauteur de 15 millions d'euros et du passage au MPEG-4 prévu le 5 avril 2016 qui devrait engendrer des coûts de migration au cours de l'année 2016 estimés par la direction de l'entreprise autour de 5 millions d'euros (fourchette basse d'une estimation comprise entre 4 et 11 millions d'euros).

À l'inverse, la prise en compte des effets en année pleine du plan de départs volontaires mis en oeuvre en 2014 et 2015 devrait impacter favorablement les comptes 2016 à hauteur de 7,5 millions d'euros (les économies du PDV ayant été évaluées à 30 millions d'euros en année pleine et à 22,5 millions d'euros en 2015 compte tenu d'une mise en oeuvre en avril).

Au total, le bleu budgétaire estime que « ce sont de l'ordre de 40 à 45 millions d'euros de charges nettes supplémentaires qui devraient peser sur l'entreprise en 2016. Des économies de gestion - pour lesquelles FTV retient une hypothèse de 20 millions d'euros par rapport au budget 2015 - devraient permettre de réduire l'impact de ces charges supplémentaires sur le résultat, mais sans les compenser intégralement » .

Selon France Télévisions, ces éléments conduiraient en 2016 à un déficit tendanciel de 45 à 50 millions d'euros. Ce déficit peut être considéré comme structurel car il correspond à la situation identifiée par le rapport du groupe de travail interministériel sur l'avenir de France Télévisions coordonné par Marc Schwartz qui estimait que « la fragilisation des recettes de France Télévisions et la rigidification de sa structure de charges (...) entraînaient le groupe dans un « effet de ciseau » (...) qui ne manquerait pas de se déployer dans les prochaines années, faute d'adaptation de son modèle économique » . Selon ce rapport, cette situation « amènerait l'entreprise, toutes choses égales par ailleurs, dans une situation non soutenable financièrement, avec un résultat négatif atteignant rapidement plusieurs dizaines de millions d'euros » .


* 17 Une marque « Premium » se caractérise par sa capacité à se développer sans rien céder sur la qualité. Elle se distingue en cela des marques de luxe ou élitistes qui ne s'adressent qu'à un faible nombre de personnes et des marques « généralistes » qui privilégient les volumes à la qualité.

* 18 La situation de France Médias Monde et celle de TV5 Monde sont examinées dans le fascicule consacré à l'audiovisuel extérieur rapporté pour avis par notre collègue Claudine Lepage.

* 19 Les données publiées par le Médiamat le 3 novembre 2015 concernant la semaine du 26 octobre au 1 er novembre accordent les audiences suivantes : France 2 (13,6 %), France 3 (8,6 %), France 4 (1,8 %), France 5 (3,4 %), France Ô (0,6 %) soit un total de 28 %. Le groupe TF1 (TF1, TMC, NT1, HD1) réunissait à la même date quant à lui 28,9 % de l'audience.

* 20 « Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de "France Médias" en 2020 », rapport d'information n° 709 du 29 septembre 2015 de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances.

* 21 La même proposition a été faite aux représentants syndicaux de Radio France et votre rapporteur pour avis devrait également faire, le moment venu, la même proposition aux représentants syndicaux de France Médias Monde.

* 22 La proposition de Radio France d'équiper le studio de France Info de caméras et d'une régie afin de diffuser le même programme sur tous les supports ne semble pas avoir recueilli le soutien des autres partenaires.

* 23 Rapport au Parlement sur les orientations de France Télévisions, 22 octobre 2015, p. 15.

* 24 Rapport d'orientation précité, p. 17.

* 25 Audition de votre commission du 5 novembre 2015.

* 26 Voir à cet égard la présentation de l'article 20 du PLF 2016 dans le présent avis.

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