B. UNE PLUS GRANDE IMPLICATION DES COLLECTIVITÉS LOCALES, EN PARTICULIER DES RÉGIONS, DANS LE RESPECT DU DROIT EUROPÉEN

En cas de contentieux européen concernant des actes relevant de la compétence d'une collectivité territoriale, l'État est responsable des discussions et des négociations avec la Commission européenne. En d'autres termes, l'État peut être condamné in fine au paiement d'une amende et d'astreintes par la Cour de justice de l'Union européenne en cas de saisine par la Commission européenne, pour un manquement du fait d'une collectivité territoriale dont il n'est pas responsable.

Pour cette raison, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a posé un nouveau principe de co-responsabilité en matière de respect du droit européen dans son article 112, au sein d'un nouvel article L. 1611-10 du code général des collectivités territoriales, rappelé dans l'encadré ci-après. Ce dispositif d'action récursoire se situe dans le prolongement des mécanismes actuels de récupération des aides d'État 55 ( * ) et de correction ou sanction en matière de fonds structurels 56 ( * ) .

Ce dispositif prévoit que l'État informe les collectivités territoriales concernées lorsque la Commission européenne lui notifie un manquement à une obligation tirée du droit européen dans un domaine de compétence de ces collectivités. Celles-ci doivent fournir à l'État toutes les informations utiles en vue de ses discussions avec la Commission. La répartition des éventuelles provisions pour litiges et des éventuelles amendes et astreintes est arrêtée par décret, après avis d'une commission composée de membres du Conseil d'État et de la Cour des comptes et de représentants des collectivités territoriales, en tenant compte de la situation financière des collectivités concernées.

Article L. 1611-10 du code général des collectivités territoriales

I. - Lorsque la Commission européenne estime que l'État a manqué à l'une des obligations qui lui incombent en application du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et que l'obligation concernée relève en tout ou partie de la compétence de collectivités territoriales ou de leurs groupements et établissements publics, l'État les en informe et leur notifie toute évolution ultérieure de la procédure engagée sur le fondement des articles 258 ou 260 du même traité.

II. - Les collectivités territoriales et leurs groupements et établissements publics mentionnés au I transmettent à l'État toute information utile pour lui permettre de vérifier l'exécution de ses obligations et d'assurer sa défense.

III. - Il est créé une commission consultative composée de membres du Conseil d'État, de magistrats de la Cour des comptes et de représentants des collectivités territoriales.

IV. - Lorsque des provisions pour litiges sont constituées dans les comptes de l'État en prévision d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne constatant un manquement sur le fondement de l'article 260 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et que le manquement concerné relève du I du présent article, la commission définie au III est saisie par le Premier ministre. La commission rend un avis après avoir entendu les représentants de l'État, des collectivités territoriales, de leurs groupements et établissements publics concernés ainsi que toute personne ou organisme dont l'expertise lui paraît utile à ses travaux. L'avis inclut une évaluation de la somme forfaitaire ou de l'astreinte dont le paiement est susceptible d'être imposé par la Cour de justice de l'Union européenne ainsi qu'une répartition prévisionnelle de la charge financière entre l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements et établissements publics à raison de leurs compétences respectives.

V. - Si la Cour de justice de l'Union européenne constate un manquement relevant du I du présent article et impose le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte sur le fondement de l'article 260 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les collectivités territoriales, leurs groupements et établissements publics concernés et la commission définie au III du présent article en sont informés dans les plus brefs délais. La commission peut rendre un avis dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne pour ajuster, le cas échéant, la répartition de la charge financière au regard des motifs et du dispositif de l'arrêt.

VI. - Un décret, pris après avis de la commission prévu, selon le cas, aux IV ou V, fixe les charges dues par les collectivités territoriales et leurs groupements et établissements publics, qui constituent des dépenses obligatoires, au sens de l'article L. 1612-15. Ce décret peut également prévoir un échéancier pluriannuel de recouvrement des sommes dues par les collectivités territoriales et leurs groupements dont la situation financière ne permet pas l'acquittement immédiat de ces charges. En cas de situation financière particulièrement dégradée, ces charges peuvent faire l'objet d'un abattement total ou partiel.

VII. - Le présent article s'applique sans préjudice des articles L. 1511-1-1 et L. 1511-1-2.

VIII. - Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article.

Votre rapporteur rappelle que votre commission, en première lecture comme en deuxième lecture de la loi du 7 août 2015 précitée, avait supprimé ce dispositif , en raison de son caractère particulièrement large. Votre commission avait en effet considéré que le partage de certaines compétences entre l'État et les collectivités territoriales rendait complexe la répartition des responsabilités et sa répercussion financière, que certaines collectivités pourraient ne pas être en mesure d'acquitter la part de l'amende qui relèverait de leur responsabilité et que certains manquements aux obligations communautaires pouvaient être liés à la négligence du contrôle de légalité par l'État. En outre, il était discutable d'appliquer en France un mécanisme conçu par des États fédéraux, à savoir la Belgique et l'Autriche, vis-à-vis de leurs entités fédérées.

La commission mixte paritaire a néanmoins décidé le rétablissement de ce dispositif, compte tenu de certaines améliorations apportées par l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement.

Entendu en audition, le secrétaire général des affaires européennes a indiqué à votre rapporteur qu'une mise en oeuvre intelligente de ce dispositif consistait à associer les collectivités concernées par une règle européenne en amont de sa négociation. Le SGAE dispose déjà d'un agent chargé de dialoguer avec les régions, au-delà de la question traditionnelle de la gestion des fonds européens, à travers notamment l'Association des régions de France (ARF). Ce dialogue doit désormais être amplifié, l'objectif étant d'assurer un plus grand respect du droit européen par les collectivités territoriales , en particulier les régions, les plus concernées par ce sujet selon le SGAE, s'agissant notamment des questions environnementales, mais pas de mettre en oeuvre fréquemment l'action récursoire. Ce dialogue doit également être élargi à toutes les catégories de collectivités territoriales, puisque toutes sont concernées par le dispositif. Le partage des sanctions financières aurait aussi un aspect préventif, pour inciter au respect du droit européen, par la programmation des investissements locaux nécessaires ou par la coopération entre collectivités et État sur des dossiers d'intérêt commun, y compris le cas échéant par le recours à des financements européens.

Ainsi, selon le SGAE, la co-responsabilité de l'État et des collectivités est à la fois politique et financière et présente une vocation plus préventive que punitive. Votre rapporteur admet que, plus les régions seront impliquées dans le respect des obligations tirées du droit européen, par une association politique en amont, moins l'action récursoire devrait avoir vocation à être appliquée. Il sera néanmoins attentif à l'amélioration des conditions d'association des régions aux travaux du SGAE.


* 55 Article L. 1511-1-1 du code général des collectivités territoriales.

* 56 Article L. 1511-1-2 du même code.

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