Avis n° 170 (2015-2016) de M. Jean-Yves LECONTE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 novembre 2015

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N° 170

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME XII

PROTECTION DES DROITS ET LIBERTÉS

Par M. Jean-Yves LECONTE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, François Pillet, Alain Richard, François-Noël Buffet, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. André Reichardt, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Michel Mercier, Jacques Mézard, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 164 à 169 (2015-2016)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le 18 novembre 2015, sous la présidence de M. Philippe Bas, président, la commission des lois a examiné, sur le rapport pour avis de M. Jean-Yves Leconte 1 ( * ) , les crédits du programme « Protection des droits et libertés » au sein de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » du projet de loi de finances pour 2016 .

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis, a mis en parallèle l'augmentation des crédits alloués au programme 308 avec la création régulière par le législateur d'autorités administratives et l'élargissement des missions des autorités existantes, telles le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Le rapporteur pour avis a salué la poursuite des efforts de mutualisation entre autorités administratives indépendantes, qui se matérialiseront par le regroupement de plusieurs d'entre elles en 2016 et 2017 sur le site Ségur-Fontenoy. Cette mutualisation ne doit cependant pas porter atteinte à l'indépendance des autorités, point sur lequel votre rapporteur se montrera particulièrement vigilant.

Par ailleurs, le rapporteur pour avis s'est ému que des mises à disposition de personnel soient pratiquées au sein de la Commission consultative du secret de la défense nationale, ce qui constitue une atteinte à l'indépendance d'une autorité au rôle fondamental.

Enfin, M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis poursuit sa réflexion sur d'éventuelles fusions d'autorités qui, en tout état de cause, doivent être mûrement réfléchies ; en effet de telles fusions ne pourraient utilement porter sur des autorités aux activités très différentes, sous peine d'échec.

Sur proposition de son rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 308 « Protection des droits et libertés » au sein de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Mesdames, Messieurs,

Ainsi qu'elle le fait depuis 2009, votre commission se saisit pour avis du programme 308 « Protection des droits et libertés » qui figure dans la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Cet avis intervient alors que la commission d'enquête sénatoriale a rendu le 28 octobre 2015 son rapport sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, qui dresse un état des lieux exhaustif de ces organismes créés depuis 1978 dans différents domaines « de la vie de la Nation ».

Le programme 308, plus restreint, réunit au 1 er janvier 2016 les budgets de onze autorités indépendantes :

- la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ;

- le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ;

- le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) ;

- la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) ;

- le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) ;

- la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) ;

- la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ;

- le Défenseur des droits ;

- la Commission consultative du secret de la défense nationale  (CCSDN) ;

- la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ;

- l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP).

Votre rapporteur s'est attaché, pour son deuxième avis budgétaire, à analyser l'augmentation globale des crédits alloués aux autorités administratives indépendantes.

Cette tendance récurrente est la conséquence de la création régulière de nouvelles autorités et de l'accroissement des missions dévolues aux autorités déjà en place.

Dès lors, il convient de se pencher sur les réponses à apporter, notamment en poursuivant la réflexion sur d'éventuelles fusions entre AAI, mais aussi en favorisant les efforts de rationalisation budgétaire engagés depuis plusieurs années.

I. UN BUDGET 2016 STABLE EN AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT, EN PROGRESSION EN CRÉDITS DE PAIEMENT

A. ÉVOLUTION DE L'ARCHITECTURE DU PROGRAMME

Deux modifications sont à noter dans l'architecture du programme 308. À la suite de l'adoption le 24 juillet 2015 de la loi n° 2015-912 relative au renseignement, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement remplace la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité au sein de l'action 07 « sécurité et protection des libertés ».

L'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP), créée par la loi n°2011-852 du 22 juillet 2011 relative à la régulation du système de distribution de la presse, a été qualifiée d'autorité administrative indépendante par la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse. Elle est rattachée au budget de l'État à compter du 1 er janvier 2016 et vient ainsi élargir le périmètre du programme 308.

L'ARDP arbitre les différends liés au fonctionnement des sociétés coopératives et commerciales de messageries de presse, à l'organisation et au fonctionnement du réseau de distribution de la presse et à l'exécution des contrats des agents de la vente de presse. Elle rend exécutoires les décisions de portée générale prises par le Conseil supérieur des messageries de presse.

Le Conseil supérieur des messageries de presse et l'Autorité de régulation de la distribution de la presse veillent, dans leur champ de compétences, au respect de la concurrence et des principes de liberté et d'impartialité de la distribution. Ils sont garants du respect des principes de solidarité coopérative et des équilibres économiques du système collectif de distribution de la presse (art. 2).

L'ARDP formule également des avis, d'une part, sur l'exécution par le Conseil supérieur des messageries de presse des missions comptables et financières qui lui sont confiées, d'autre part, sur l'évolution des conditions tarifaires des sociétés coopératives de messageries de presse (art. 4).

B. GRANDES LIGNES DU BUDGET 2016 DU PROGRAMME 308

1. Évolution des crédits

Une lecture globale des crédits demandés en 2016 pour la protection des droits et libertés fait apparaître une baisse de 0,74 % en autorisations d'engagement et une hausse de 4,59 % en crédits de paiement par rapport aux crédits votés pour 2015.

Évolution des crédits en 2016 par rapport à la loi de finances pour 2015

Intitulé de l'action

Autorisations d'engagement en €

Crédits de paiement en €

Ouvertes

en LFI
pour 2015

Demandées
pour 2016

Évolution
en %

Ouverts en LFI
pour 2015

Demandés
pour 2016

Évolution
en %

02

CNIL

22 907 204

17 525 492

- 23,49 %

18 817 431

19 423 268

3,22 %

03

CSA

37 792 612

37 791 324

- 0,003 %

37 792 612

37 791 324

- 0,003 %

05

CGLPL

4 763 591

5 185 513

8,86 %

4 903 550

5 265 283

7,38 %

06

Autres autorités

indépendantes

3 304 119

3 094 796

- 6,33 %

3 304 119

3 094 796

- 6,33 %

CADA

1 169 912

1 169 912

CCNE

800 732

800 732

CNCDH

1 124 152

1 124 152

07

Sécurité et protection

des libertés

785 258

2 436 070

210 %

785 258

2 436 070

210 %

CNCIS/CNCTR

579 979

2 220 529

282,86 %

579 979

2 220 529

282,86 %

CCSDN

205 279

215 541

5 %

205 279

215 541

5 %

09

Défenseur des droits

25 189 765

26 589 903

5,56 %

29 078 787

30 285 648

4,15 %

10

HATVP

3 121 209

4 015 625

28,65 %

3 621 209

4 015 625

10,89 %

11

ARDP

503 000

503 000

Total

97 863 758

97 141 723

- 0,74 %

98 302 966

102 815 014

4,59 %

Source : PAP de la mission « Direction de l'action du Gouvernement »
annexé au projet de loi de finances pour 2016

Cette première lecture doit être affinée dans la mesure où le périmètre du programme 308 évolue en 2016 avec l'arrivée de l'ARDP, dotée d'un budget de 503 000 €.

À périmètre constant, la baisse en autorisations d'engagement est de 1,25 % tandis que les crédits de paiement progressent de 4,08 %.

Cependant, une analyse plus fine, autorité par autorité, fait apparaître des évolutions très contrastées. Ainsi, le budget de la CNCTR, un des plus modestes en 2015, augmente de 283 %. Celui de la HATVP progresse de 29 % en autorisations d'engagement et de 11 % en crédits de paiement.

Le CGLPL présente lui aussi un budget pour 2016 en hausse de 8,86 % (autorisations d'engagement) et 7,38 % (crédits de paiement).

Le budget 2016 de la CNIL diminue en autorisations de paiement (- 23,49 %) et progresse en crédits de paiement (+ 3,22 %).

A contrario, le budget de l'action 06 « autres autorités indépendantes » qui regroupe la CADA, le CCNE et la CNCDH, diminue globalement de 6,33 %. Mais faute de ventilation des dotations pour 2015 par autorité, il n'est pas possible de déterminer la répartition de l'effort budgétaire demandé.

Le budget le plus important du programme 308, celui du CSA, est quasi identique en 2016, à hauteur de 37 791 324 €.

Un autre indicateur permettant de mesurer l'évolution des autorités administratives indépendantes réside dans l'attribution des emplois alloués à chacune d'entre elles.

2. Évolution des emplois

Les autorités administratives indépendantes sont soumises au plafond d'emplois qui se décompose de la manière suivante :

Évolution du plafond d'emplois
(exprimé en équivalent temps plein travaillé, (ETPT))

Plafond PLF 2015

Plafond PLF 2016

Évolution

Commission nationale de l'informatique et des libertés

189

195

+ 6

Contrôleur général des lieux de privation de liberté

31

33

+ 2

CADA

13

13

0

CCNE

5

5

0

CNCDH

7

7

0

CNCIS/CNCTR

6

15

+ 9

CCSDN

1

1

0

Défenseur des droits

226

226

0

Haute autorité pour la transparence de la vie publique

30

34

+ 4

Total

508

529

+ 21

Source : PAP de la mission « Direction de l'action du Gouvernement »
annexé au projet de loi de finances pour 2016

Cette augmentation du plafond d'emplois en 2016 doit cependant être nuancée. En effet, 10 de ces 21 ETPT supplémentaires (3 pour la CNIL, 2 pour le CGLPL et 5 pour la CNCTR) sont des créations de postes au titre de l'extension en année pleine du schéma d'emplois de 2015, postes qui s'étaient révélés nécessaires en cours d'année.

Les créations nettes de postes au titre de l'année 2016 s'élèvent à 11 ETPT.

L'ARDP, nouvellement intégrée au programme 308, ne figure pas dans ce tableau car elle n'a recours qu'à des collaborateurs qui sont hors plafond d'emplois ( source : bleu budgétaire) .

Le CSA, devenu autorité publique indépendante par la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013, bénéficie désormais d'une dotation globale répartie par lui entre les dépenses de fonctionnement, de personnel et d'investissement.

Le point de savoir si le CSA reste soumis à un plafond d'autorisation d'emplois ne trouve toutefois pas de réponse claire. À sa question n° 20 relative à l'évolution générale des emplois, votre rapporteur a obtenu la réponse suivante : « La rémunération des agents du Conseil est désormais englobée dans la subvention qui lui est versée et ses effectifs ne figurent plus sous plafond d'emplois du programme ».

Au contraire, le rapport 2016 sur les autorités administratives indépendantes (jaune budgétaire) mentionne que le CSA est soumis à un plafond d'autorisation d'emplois de 284 ETPT (plafond qui ne figure pas dans la ventilation des emplois du programme 308), identique en 2016 à celui de 2015.

Les plus fortes hausses de personnel bénéficient à la CNCTR et à la HATVP. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, créée par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement, prend la suite de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité dont les missions s'étaient élargies au 1 er janvier 2015, avant que n'entre en vigueur la loi sur le renseignement.

La Haute autorité pour la transparence de la vie publique, pour sa part, s'est vu attribuer en 2014 un plafond d'emplois qui s'est rapidement révélé insuffisant, nécessitant un réajustement en 2015 et en 2016.

Ces plafonds d'emplois pourraient être amenés à évoluer en cours d'année 2016, afin de tenir compte des besoins des autorités administratives.

M. Francis Delon, président de la CNCTR depuis le 3 octobre 2015, a estimé, lors de son audition par votre rapporteur, que la Commission se situait « au début de la montée en charge ». Il fait le constat d'un « travail à flux tendu avec des moyens réduits qui doivent être augmentés ». Il se réserve la faculté de solliciter des moyens humains supplémentaires après plusieurs mois d'activité, lorsque la CNCTR exercera toutes les compétences qui lui sont dévolues.

La Commission consultative du secret de la défense nationale a évoqué aux cours des auditions de votre rapporteur sa situation particulière en matière d'emplois qui suscite des interrogations. En effet, cette commission, dont le plafond d'emplois est d'un ETPT, bénéficie du concours de cinq autres agents mis à sa disposition par les ministères de l'intérieur et de la défense.

Ce dispositif de mise à disposition, propre à cette autorité administrative, a pour conséquence de « fausser » le budget de la CCSDN tel qu'il apparaît dans le programme. Il a également pour grave inconvénient d'imposer à la CCSDN des agents, lui retirant toute liberté de recrutement, situation qu'elle juge, à juste titre, incompatible avec son statut d'autorité administrative indépendante.

La CCSDN a précisé à votre rapporteur avoir sollicité pour 2016 un mouvement d'emplois auquel le Secrétariat général du Gouvernement n'a pas répondu favorablement.

Votre rapporteur souhaite fermement que ce mouvement d'emplois s'opère en 2016, afin d'assurer à la CCSDN toute l'indépendance qui doit s'attacher à ses fonctions fondamentales, sans qu'aucun soupçon de « manipulation » ne puisse les entacher.

II. AUGMENTATION DES CRÉDITS ALLOUÉS AUX AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES : UN PROCESSUS INÉLUCTABLE ?

Le constat est fait chaque année d'une augmentation de la dotation allouée aux autorités administratives indépendantes du programme 308.

Les crédits de paiement s'élevaient à 91,7 millions d'euros pour 2013, 94,48 millions d'euros pour 2014, 98,3 millions d'euros pour 2015. En loi de finances pour 2016, la dotation demandée s'élève à 102,81 millions d'euros.

L'Assemblée nationale a adopté, lors de sa séance du 5 novembre 2015, un amendement du Gouvernement venant abonder à hauteur de 750 000 € le titre 2 (dépenses de personnel) du budget de la CNCTR ; en effet, la maquette initiale, élaborée avant l'entrée en vigueur du décret du 29  septembre 2015 relatif à l'organisation administrative et financière de la CNCTR, ne tenait pas compte des rémunérations accordées aux quatre membres du collège se consacrant à temps plein à l'activité de la Commission.

Il convient dès lors de s'interroger sur les raisons de ce phénomène d'accroissement des crédits.

A. UNE EXPANSION DES AAI

Dans son rapport en date du 28 octobre 2015, la commission d'enquête sénatoriale sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des AAI, affirme son souhait de « canaliser la prolifération des AAI pour mieux les contrôler ».

Ces autorités ont vu au fil des années leur nombre augmenter ainsi que leurs missions se développer.

1. De nouvelles AAI créées

La commission d'enquête sénatoriale énumère 42 autorités administratives indépendantes créées, tous secteurs confondus, depuis 1978, année de mise en place de la première d'entre elles, la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

S'agissant du secteur plus restreint du programme 308, relatif à la protection des droits et libertés qui fut créé par la loi de finances pour 2009, on peut y noter l'arrivée ces dernières années de plusieurs autorités. La Haute autorité pour la transparence de la vie publique est issue de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

L'Autorité de régulation de la distribution de la presse, créée en 2011, est qualifiée d'AAI par la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, quant à lui, a été institué peu avant la création de ce nouveau programme 308, par la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007.

Chaque création d'une autorité s'accompagne bien évidemment de l'allocation de moyens financiers pour réaliser les missions que la loi lui confie, ce qui mécaniquement entraîne une augmentation de l'enveloppe du programme, malgré les efforts de rationalisation réalisés par ailleurs.

2. De nouvelles missions confiées aux AAI existantes

Régulièrement, le législateur étend les compétences dévolues aux AAI qu'il a créées antérieurement, ce qui s'accompagne d'une augmentation des moyens humains et matériels des autorités concernées.

EVOLUTIONS LEGISLATIVES ELARGISSANT LES MISSIONS DES AAI

Loi n° 2014-528 du 26 mai 2014 confiant au Contrôleur général des lieux de privation de liberté le contrôle de l'exécution par l'administration des mesures d'éloignement prononcées à l'encontre d'étrangers jusqu'à leur remise aux autorités de l'État de destination et lui accordant un droit de visite sur site des personnes privées de liberté l'ayant saisi.

Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire instaurant une procédure administrative de géolocalisation en temps réel après avis préalable de la CNCIS puis de la CNCTR . La loi étend l'accès aux données de connexion à l'ensemble des services de renseignement pour des finalités élargies, sur lequel l'autorité exerce un contrôle a posteriori.

Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement élargissant la possibilité de recourir aux techniques de recueil de renseignement et facilitant la saisine du Conseil d'État par la CNCTR.

Loi adoptée à l'Assemblée nationale et au Sénat le 5 novembre 2015 relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales en confiant le contrôle à la CNCTR (saisine du Conseil constitutionnel le 12 novembre 2015).

Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme confiant à une personnalité qualifiée, désignée au sein de la CNIL, le soin de contrôler les demandes de retrait de contenus sur internet provocant à des actes terroristes ou en faisant l'apologie, ou de représentation de mineurs à caractère pornographique.

Ces nouvelles missions peuvent se révéler coûteuses. C'est le cas du contrôle des mesures d'éloignement d'étrangers décidées dans des délais très brefs pour lequel le Contrôleur général des lieux de privation de liberté met en place deux équipes de contrôleurs dont l'une effectue le voyage avec l'étranger jusqu'au pays de destination. Ces contrôles engendrent d'importants frais de transport, les billets étant achetés à la dernière minute au tarif le plus élevé. C'est la raison pour laquelle cette nouvelle compétence n'a été exercée qu'à 5 ou 6 reprises.

La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement doit faire face à un accroissement mais aussi une diversification de ses activités. Ses nouvelles compétences qui lui permettent de saisir le Conseil d'État en cas de désaccord avec le Gouvernement rendent indispensable l'embauche d'un juriste au sein de la Commission. Par ailleurs, des frais de mise en place de réseaux sécurisés, notamment téléphoniques, qui n'ont pas été budgétés pour 2016, seront à prévoir.

De nouvelles lois étendant les missions de la HATVP pourraient également être votées dans les mois à venir. Les projets de loi relatifs à la déontologie des fonctionnaires et à la justice du XXI ème siècle, ainsi que le projet de loi organique relatif à l'indépendance et à l'impartialité des magistrats prévoient de soumettre environ 4 200 personnes supplémentaires à l'obligation de déclaration de situation patrimoniale qui concerne d'ores et déjà 10 000 déclarants environ.

Une telle extension des missions, si elle était adoptée par le Parlement, conduirait la HATVP à solliciter en cours de gestion des moyens supplémentaires, et ce d'autant qu'elle commence seulement à traiter un stock de déclarations toujours en attente.

3. De nouveaux projets développés par les AAI

Les autorités administratives indépendantes sont également amenées, en dehors de toute évolution législative, à demander le financement de projets entrant dans le champ de leurs missions ou permettant d'en faciliter l'exécution.

Ainsi, la CNIL a obtenu pour 2016 une enveloppe de 100 000 € « afin de finaliser les différents projets entrepris dans le cadre de l'adoption de son schéma directeur des systèmes d'information » ( source : bleu budgétaire ).

Cette autorité, qui fait face à un accroissement des différentes activités qui lui sont dévolues (600 appels par jour ; 6 000 plaintes par an, en hausse de 25 % en 2015), rationalise ses moyens grâce aux nouvelles technologies : développement de la plainte en ligne ; meilleur accompagnement du public grâce à un onglet questions-réponses sur son site internet (1 000 interrogations par jour depuis sa création en juillet 2015).

Toutefois, les arbitrages financiers ne sont pas toujours favorables aux AAI. Le Défenseur des droits, engagé dans une démarche volontariste de développement de l'accès aux droits pour tous, regrette de ne pas avoir obtenu le financement des actions envisagées par lui en 2016.

Il souhaitait obtenir le budget nécessaire au développement de sa plateforme de lutte contre le racisme, au déploiement de jeunes ambassadeurs pour les droits de l'enfant, au développement du service civique par le recrutement de jeunes, enfin au renforcement du réseau de délégués sur le terrain (qui traitent actuellement 80 % des dossiers et contribuent à éviter de nombreux contentieux).

Ces actions, chiffrées à hauteur de 1,495 million d'euros, ne sont pas financées par le projet de loi de finances pour 2016. En effet, l'augmentation des crédits de paiement pour 2016 à hauteur de 1,21 million d'euros permettra d'augmenter l'enveloppe de la masse salariale (547 531 € en titre 2) qui avait été calculée à un niveau moyen trop bas pour permettre le recrutement de personnel qualifié et couvrira les dépenses exceptionnelles (709 330 € en titre 3) liées à l'emménagement en 2016 sur le site de Fontenoy (frais de déménagement, remise en état des locaux actuels, frais d'installation sur le nouveau site).

B. DES BUDGETS QUI N'ECHAPPENT PAS À TOUT CONTRÔLE

Les autorités administratives du programme 308, tout en étant indépendantes, n'en sont pas moins soumises à un contrôle en matière budgétaire.

Leur activité est tout d'abord examinée au moyen d'indicateurs dans un souci d' « affirmation de démarches de performance conduites par chacune des AAI » ( source : bleu budgétaire) .

En outre, le Secrétariat général du Gouvernement, responsable du programme 308, favorise une démarche de mutualisation aux fins de réaliser des économies budgétaires.

1. Les indicateurs de performance, instrument de mesure de l'activité des AAI

Il pourrait sembler contradictoire de soumettre des autorités administratives indépendantes, de surcroît ayant pour finalité la protection des droits et libertés, à la mesure de leurs performances et à la quantification des missions réalisées par celles-ci.

Cependant, aucune des autorités administratives indépendantes entendues par votre rapporteur n'a émis de réserve sur l'utilisation de cet outil.

Le nombre d'indicateurs figurant dans le projet de loi de finances 2016 est le même qu'en 2015. Toutes les AAI disposent d'un dispositif de performance qui leur permet de comparer, année après année, le nombre de dossiers traités par agent, le délai de traitement des demandes, le nombre de lieux contrôlés ou encore l'efficience de la gestion immobilière.

Selon le bleu budgétaire de la mission, « le libellé des objectifs, volontairement large, offre une grande transversalité au programme ».

Ces objectifs, au nombre de cinq, sont les suivants :

- Objectif 1 - Défendre et protéger efficacement les droits et les libertés ;

- Objectif 2 - Éclairer la décision politique en offrant une expertise reconnue ;

- Objectif 3 - Renforcer l'efficacité de la régulation du secteur audiovisuel au profit des auditeurs et des téléspectateurs ;

- Objectif 4 - Accompagner les professionnels dans leur démarche de conformité à la loi ;

- Objectif 5 - Optimiser la gestion des fonctions support.

La direction du budget s'est engagée à l'occasion du budget triennal 2015-2017 dans une rénovation de la démarche de performance avec pour objectif une réduction du nombre des objectifs et indicateurs.

Toutefois, cet objectif n'a pas été atteint concernant la mission « direction de l'action du Gouvernement » qui comprend le programme 308.

On peut toutefois s'interroger sur l'intérêt de cette démarche de réduction des indicateurs s'agissant d'autorités aux missions si diverses.

Questionnée sur l'utilisation qui est faite des indicateurs, la direction du budget estime difficile de faire un lien entre les valeurs des indicateurs de performance et les dotations budgétaires allouées aux AAI, ces dotations étant « plutôt décidées en fonction des besoins de fonctionnement retracés dans le volet JPE (justification au premier euro) » du projet annuel de loi de finances.

Ces valeurs n'en constituent pas moins un élément d'information très utile pour quantifier l'activité des AAI année après année et de mieux en appréhender la teneur.

2. Poursuite de la mutualisation

La mutualisation des moyens alloués aux AAI est la conséquence du processus de modernisation de l'action publique engagé depuis plusieurs années.

Elle constitue l'objectif n° 5 « optimiser la gestion des fonctions support » assigné aux AAI. Cet objectif se décline en quatre indicateurs relatifs à l'efficience bureautique, à la gestion immobilière, à la gestion des ressources humaines et enfin à la part des bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue par la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987.

La DSAF, direction des services administratifs et financiers du Premier ministre, fournit un appui complet aux plus petites AAI, de l'informatique au gardiennage. Les autorités plus importantes bénéficient de la mutualisation de certains services seulement (achats, téléphonie, informatique etc.). Les services du Premier ministre assurent la paie des personnels des AAI qui en conservent la gestion, à l'exception de la CNCDH qui délègue également cette gestion ( source : audition le 4 juin 2015 de M. Marc Guillaume par la commission d'enquête sénatoriale sur les AAI ).

Cette volonté de partager les fonctions dites « support » se concrétise de manière variable selon les autorités administratives. Certaines d'entre elles (CADA, CNCTR, CCSDN) occupent des locaux mis à leur disposition par les services du Premier ministre qui en assurent la gestion.

Cette mutualisation a vocation à s'accentuer et prendre tout son sens grâce au regroupement de certaines AAI du programme 308 et de services du Premier ministre sur le site Ségur-Fontenoy, dans le cadre de l'opération immobilière décidée en 2009.

Le bail civil en état de futur achèvement a été signé le 23 mai 2014 ; le permis de construire, déposé le 23 mai 2014, est devenu définitif le 22 février 2015. Les travaux, qui ont débuté début 2015, devraient permettre la livraison du bâtiment Fontenoy le 30 juin 2016 et celle du bâtiment Ségur le 31 août 2017.

La CNIL et le Défenseur des droits y emménageront en septembre 2016, suivis en octobre-novembre 2017 des autres AAI devant les rejoindre (CADA, CCNE, CNCDH).

Plusieurs autorités administratives indépendantes ne sont pas concernées par ce déménagement, pour des raisons diverses : le CSA, en raison de sa taille importante ; le CGLPL qui bénéficie d'un loyer « modéré » ; la CNCTR, pour des raisons de sécurité ; l'ARDP, en raison de sa petite taille.

Ce regroupement permettra de résilier des baux privés d'un montant élevé et de soumettre les AAI concernées au ratio de 10,5 m 2 par agent préconisé par France domaine, service de la direction générale des finances publiques représentant l'État propriétaire.

Les services du Premier ministre souhaitent également donner un nouvel élan au mouvement de mutualisation des fonctions support engagé depuis 2012. Cette mutualisation concernera des aspects divers tels qu'un service de documentation commun, des services logistiques mutualisés, le recours aux marchés ministériels (auxquels plusieurs AAI adhèrent d'ores et déjà). Toutefois, cette démarche ne saurait porter atteinte à l'indépendance des autorités administratives qui doivent conserver la maîtrise de leurs systèmes informatiques et de leurs archives.

La Cour des Comptes, lors de son contrôle de 2013 ayant donné lieu à un rapport du mois de mai de cette même année, a appuyé cette démarche de mutualisation et préconisé le renforcement des prérogatives de la DSAF. Elle note également que sa préconisation de 2011 de supprimer les centres de services spécifiques aux AAI a été prise en compte par l'ensemble des autorités administratives du programme 308, à l'exception des trois plus importantes à savoir la CNIL, le CSA et le Défenseur des droits.

Il faut relever que les bénéfices qui découleront de l'opération Ségur-Fontenoy ne seront pas immédiatement visibles et qu'il faudra attendre plusieurs années avant d'en voir les répercussions sur le plan budgétaire.

Dans un premier temps, ce projet de regroupement entraînera même un coût supplémentaire dans la mesure où il a fallu renouveler les baux privés de la CNIL et du Défenseur des droits jusqu'en 2016, que des frais de remise en état de l'immeuble occupé par le Défenseur des droits ont été provisionnés (200 000 €), de même que des doubles loyers en fonction des dates de fin des baux.

Pour accélérer et accentuer ces économies à venir, votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité de fusionner certaines autorités administratives indépendantes.

C. FUSIONNER DES AAI, UNE SOLUTION PERTINENTE ?

Votre rapporteur s'était prononcé dans son précédent avis budgétaire en faveur d'une réflexion sur la délimitation des compétences de certaines AAI ainsi que sur d'éventuelles fusions à opérer.

Notre collègue Patrice Gélard, dans son rapport d'information sur les autorités administratives indépendantes en date du 11 juin 2014 2 ( * ) , évoquait le rapprochement possible entre la CNIL et la CADA, l'absorption par le CSA de l'HADOPI (Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet), le rapprochement du CSA et de l'ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), l'intégration de la CNCCFP (Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques) au sein de la HATVP.

La commission d'enquête sénatoriale sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des AAI, dans son rapport en date du 28 octobre 2015, « préconise un délai de trois années avant de procéder aux fusions nécessaires ». S'appuyant sur l'exemple de la fusion opérée en 2011 de quatre AAI au sein de l'institution du Défenseur des droits, la commission d'enquête rappelle que « plusieurs années s'avèrent nécessaires pour que la nouvelle autorité fonctionne normalement ».

Dès lors, de tels rapprochements ou fusions entre AAI doivent être envisagés après une mûre réflexion, en mesurant bien les avantages et inconvénients de telles opérations.

Interrogé par votre rapporteur sur cette question, M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement, estime qu'une fusion entre AAI doit apporter une réelle plus-value et s'inscrire dans une évolution du contexte juridique la rendant pertinente.

L'argument financier, consistant à vouloir rechercher des économies budgétaires par la fusion d'AAI, semble moins convaincant.

La CADA, qui pourrait être fusionnée avec la CNIL, consacre 91,7 % de son budget à ses dépenses de personnel. Il est peu probable que les missions actuellement remplies par ses agents soient, en cas de fusion, accomplies par ceux de la CNIL qui a elle-même une activité en expansion. Par contre, la complémentarité de ces deux autorités milite plutôt en faveur d'une telle fusion.

La CNIL, qui n'est pas hostile à un tel rapprochement, estime pour sa part judicieux de différer cette opération afin de lui permettre, au préalable, de s'adapter au règlement européen en matière de protection des données personnelles qui serait adopté début 2016 et applicable en 2018.

La fusion entre le Défenseur des droits et le CGLPL, que tous deux rejettent, aurait probablement un impact budgétaire limité. Le CGLPL, la plus petite des deux AAI, consacre 79,3 % de ses crédits aux frais de personnel composé en grande partie de contrôleurs (27 sur 33 ETPT) et de collaborateurs occasionnels qui participent aux contrôles. Ces missions ne peuvent être purement et simplement transférées au Défenseur des droits. En outre, le CGLPL a fait le choix de conserver ses locaux aux loyers relativement modestes, tandis que le Défenseur des droits rejoindra l'immeuble Fontenoy dans un an. Surtout, ces deux autorités exercent des missions très différentes, de sorte qu'une fusion présenterait peu d'avantages.

C'est plus en termes de lisibilité et de synergie que l'intérêt d'une fusion d'AAI doit par conséquent être évalué. C'est ainsi que le Défenseur des droits s'est prononcé auprès de votre rapporteur en faveur d'un rapprochement avec la CNCDH, au motif qu'il ne s'agit que d'un organe consultatif sans pouvoir de décision. Il estime plus cohérent d'être désigné référent auprès de l'ONU et du Conseil de l'Europe en lieu et place de la CNCDH.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme 308 « Protection des droits et libertés » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Secrétariat général du Gouvernement (SGG)

M. Marc Guillaume , secrétaire général

M. Serge Duval , directeur des services administratifs et financiers des services du Premier ministre

Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)

M. Francis Delon , président

M. Marc Antoine , conseiller

Mme Maud Morel-Coujard , déléguée générale

Défenseur des droits

M. Jacques Toubon , Défenseur des droits

M. Richard Senghor , secrétaire général

M. Luc Machard , directeur général des services

Mme France de Saint-Martin, attachée parlementaire

Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)

M. Édouard Geffray , secrétaire général,

M. Olivier Tournut , directeur administratif et financier

Mme Tiphaine Inglebert , conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires

Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP)

M. Guillaume Valette-Valla , secrétaire général

Mme Kamila Smail , responsable des affaires générales

Mme Elodie Cuerq , responsable du pôle communication et relations institutionnelles

Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL)

Mme Adeline Hazan , Contrôleure générale

M. André Ferragne , secrétaire général

Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN)

M. Patrick Pierrard , secrétaire général


* 1 Le compte rendu de cette réunion est consultable à l'adresse suivante :

http://senat.fr/compte-rendu-commissions/lois.html

* 2 Rapport d'information n° 616 (2013-2014) de M. Patrice Gélard fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur les autorités administratives et indépendantes 2006-2014 : un bilan.

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