B. UNE AIDE FRANÇAISE EN PROGRESSION SENSIBLE POUR 2017

1. Une augmentation de 4 milliards d'euros des financements français en faveur de l'aide au développement d'ici 2020

Le 8 septembre 2015, devant l'Assemblée générale des Nations unies, le Président de la République a annoncé que la France allait augmenter progressivement de 4 milliards d'euros ses financements en faveur du développement durable à horizon 2020 . Sur ces 4 milliards, 2 milliards seront consacrés à la lutte contre le changement climatique. En 2020, la France consacrera ainsi plus de 5 milliards d'euros par an à la lutte contre le changement climatique, cet objectif ambitieux devant se traduire par des prêts de l'Agence française de développement et de Proparco. En outre, le Gouvernement s'est engagé à augmenter de façon parallèle son soutien au développement sous forme de subventions . Le niveau des dons devrait ainsi progresser dans les années à venir, afin d'être, en 2020, supérieur d'environ 400 millions d'euros au montant actuel.

Au sein du PLF 2017, ces objectifs se traduisent par une augmentation importante des autorisations d'engagement au profit des crédits de bonification de dons de l'AFD au sein du programme 110, ainsi que par une hausse des crédits du programme 209 consacrés aux dons-projets. En outre, un amendement adopté par les députés au cours de l'examen du présent projet de loi de finances en première lecture à l'Assemblée nationale devrait également avoir pour effet d'accroître le montant total des subventions que l'AFD sera en mesure de verser.

2. L'adossement de l'AFD à la Caisse des dépôts et consignations : des avancées modestes et pragmatiques

Après avoir annoncé en conférence des ambassadeurs un rapprochement entre l'Agence française de développement (AFD) et la Caisse des dépôts (CDC), le Président de la République a confié le 12 septembre 2015 à Rémi Rioux, alors secrétaire général adjoint du Ministère des affaires étrangères, la mission de mener à bien un rapprochement entre l'AFD et la CDC.

L'objectif affiché de cette réforme était double :

- en premier lieu, débloquer les ressources financières nécessaires pour que l'AFD puisse remplir des missions en pleine extension, le Président de la République ayant annoncé un accroissement des prêts en faveur du développement de 4 milliards d'euros à l'horizon 2020, dont 2 milliards d'euros de financements « climat ». La concrétisation de cette annonce supposait que l'AFD commence à augmenter dès que possible le montant de ses prêts. Or, l'agence est un établissement bancaire et doit comme tel se conformer aux règles « Bâle II » traduites dans la directive européenne « CRD IV » qui exigent un certain niveau de fonds propres. Les fonds propres de l'AFD ont déjà été renforcés dans le cadre du Contrat d'objectif et de moyens 2014-2016 entre l'Etat et l'AFD, afin que le niveau d'activité de l'Agence passe à 8,5 milliards d'euros par an en 2016 (contre 7,8 milliards en 2013). Toutefois, cet accroissement serait insuffisant pour aller plus loin et atteindre l'objectif des 4 milliards supplémentaires en 2020 ;

- en second lieu, le rapprochement des deux entités devait permettre de créer, selon les termes du rapport de Rémy Rioux, un « grand pôle financier public, actif au plan domestique et international, et de rejoindre ainsi un modèle institutionnel qui se développe en Europe continentale et dans de nombreux pays émergents ».

Deux options semblaient possibles pour concrétiser le rapprochement des deux entités. D'abord envisagée, la création d'une filiale commune de l'Etat et de la Caisse des dépôts, sur le modèle de Bpifrance, a été abandonnée devant l'opposition du Conseil de surveillance de la Caisse des dépôts. Seconde possibilité, la transformation de l'AFD en une troisième section de la CDC (à côté de la section générale et du fonds d'épargne) n'a pas non plus été retenue.

Le 12 janvier dernier, lors de la cérémonie du bicentenaire de la Caisse des dépôts, le Président de la République avait annoncé que l'AFD serait « intégrée par la loi au sein du groupe de la Caisse des dépôts ». L'AFD conserverait son statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC). Il y aurait en outre une « étanchéité financière » entre l'AFD et l'établissement public Caisse des dépôts et consignations. Dès lors, la concrétisation du rapprochement entre les deux entités aurait seulement consisté en l'instauration d'une « gouvernance croisée » entre les deux.

Cette réforme impliquait des modifications législatives au sein du code monétaire et financier, qui devaient être intégrées au projet de loi sur la transparence de l'économie dit « Sapin 2 » présenté au Parlement au cours du premier semestre de 2016.

Telle que présentée par le rapport de Rémy Rioux, la réforme soulevait plusieurs interrogations.

La première concernait le sens même de la réforme. Alors que l'objectif affiché était de permettre à l'AFD de s'émanciper des contraintes financières qui l'enserrent en s'appuyant sur le capital de la CDC, c'est finalement l'Etat qui devra augmenter les fonds propres de l'Agence, comme cela a déjà été fait par le passé. Cette augmentation des fonds propres de l'AFD n'aurait donc eu aucun lien avec le rapprochement des deux entités.

Se posait ensuite la question de la gouvernance du nouvel ensemble. Le rapport indiquait que le directeur général de la Caisse des dépôts devrait présider le conseil d'administration de l'AFD et des représentants de la CDC être désignés en son sein. Inversement, le directeur général de l'AFD devrait être « chargé de responsabilités auprès du directeur général de la CDC et être placé sous son autorité ». Les liens de l'AFD avec l'Etat perdureraient, notamment par le biais de la fixation des orientations de la politique de développement par le Comité interministériel de coopération internationale et du développement (CICID). L'intérêt et l'efficacité d'une telle réforme en matière de gouvernance des deux organismes n'apparaissait pas de manière évidente.

Plus fondamentalement, il était nécessaire de rester vigilant sur les grandes orientations politiques qui sous-tendent, et doivent continuer à sous-tendre l'action de l'AFD. Il convenait notamment de veiller à ce que ces objectifs ne soient pas dilués dans un objectif plus vaste d'aide au développement durable se traduisant essentiellement par l'octroi de prêts à taux de marché à des pays déjà relativement développés, dans une démarche qui comporterait en outre une forte composante de soutien à l'international des entreprises françaises.

Enfin, il convenait de veiller à ce que l'introduction d'un nouvel acteur, la CDC, ne conduise pas à une complexification supplémentaire du paysage de l'APD, déjà éclaté entre plusieurs opérateurs.

Compte tenu de l'importance de ces questions et considérant qu'en tout état de cause une réforme importante de l'AFD méritait un examen et un débat approfondis, M. Jean-Pierre Raffarin, président de votre Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, avait d'ailleurs écrit au Premier ministre pour demander la disjonction de cette réforme du projet de loi sur la transparence de l'économie et la lutte contre la corruption dit « Sapin II » 3 ( * ) . Son souhait avait été entendu, le Gouvernement renonçant à présenter des dispositions législatives sur ce sujet.

Entendu par votre commission, M. Rémi Rioux, directeur général de l'AFD, a néanmoins fait valoir l'intérêt de poursuivre un rapprochement envisagé de manière pragmatique et a indiqué qu'une convention entre les deux organismes était en préparation, pour une signature en décembre.

3. La poursuite de la montée en puissance de l'AFD et d'Expertise France

Le PLF 2017 marque une nouvelle étape dans la progression rapide de l'activité de l'Agence française de développement :

- les crédits (autorisations d'engagement) de bonification de l'agence prévus au programme 110 augmentent de 10 % en 2017, s'élevant ainsi à 315 M€, ce qui correspond à une cible de 9,5 Md€ d'octrois en 2017, deuxième palier vers l'objectif de 12,5 Md€ en 2020 ;

- les crédits de paiement pour subventions prévus au programme 209 augmentent d'environ 30 millions d'euros ;

- le projet de loi de finances pour 2017 prévoit également la conversion de 280 millions de ressources à condition spéciale (RCS) en obligations perpétuelles de l'AFD, ce qui permet d'augmenter la capacité de l'Agence à prêter en respectant des règles prudentielles bancaires ;

- un amendement des députés en première lecture a affecté directement une part de 270 millions d'euros de la TTF à l'AFD.

Par ailleurs, une autre dimension importante de la coopération est l'expertise technique, qui vise à renforcer les capacités des pays pauvres à élaborer leurs politiques publiques dans tous les domaines. Il s'agit par ailleurs secteur qui peut avoir in fine de retombées économiques importantes pour les entreprises françaises. Dans ce domaine, le principal acteur est Expertise France, née en 2014 de la fusion, souhaitée par votre commission, de plusieurs organismes de coopération technique.

Expertise France a poursuivi sa forte croissance en 2016, conformément à son contrat d'objectifs et de moyens 4 ( * ) . L'agence reçoit un double financement du ministère des finances (programme 110) pour 4,52 millions d'euros et du ministère des affaires étrangères (12,7 millions d'euros du programme 209, dont 8,59 millions correspondant au transfert à Expertise France des experts techniques internationaux du ministère).

L'agence devrait également multiplier les projets en collaboration avec l'AFD , de manière à pouvoir proposer de plus en plus souvent une offre intégrée de l' « équipe France » de la coopération.

4. Une APD française stable à 0,37 % du RNB selon les derniers chiffres disponibles

L'APD française s'est établie à 0,37 % du RNB en 2015 , confortant la place de la France au troisième rang des bailleurs du G7 en termes de pourcentage de RNB consacré à l'APD (l'Allemagne occupant le 2 ème rang depuis 2014). S'agissant de l'objectif consistant à atteindre 0,7 % du RNB consacré à l'aide publique au développement, le Président de la République a réaffirmé en clôture des Assises du développement et de la solidarité internationale en mars 2013 l'engagement de la France de replacer l'aide publique dans une trajectoire compatible avec les objectifs internationaux dès que le retour durable de la croissance le permettra.

La position européenne sur ce sujet peut également être rappelée, les conclusions du Conseil affaires étrangères, adoptées le 26 mai 2015, servant en effet de feuille de route en la matière. Les pays entrés dans l'Union européenne avant 2002 réaffirment l'objectif d'atteindre 0,7 % dans l'horizon temporel de l'agenda post-2015 (soit en 2030) . Les circonstances budgétaires exceptionnelles auxquelles sont confrontés certains pays, dont la France, sont explicitement mentionnées.

Toutefois, les événements exceptionnels survenus en 2015/2016, notamment avec la crise des réfugiés, ne constituant probablement qu'un avant-goût des défis que devra affronter la communauté internationale au cours des prochaines décennies, il paraît nécessaire d'accélérer ce replacement de l'APD française sur une trajectoire de croissance , dans la mesure où il s'agit d'une des seules réponses de long terme à ces défis. À cet égard, le PLF 2017 semble encourageant.

Série statistique de l'APD cumulée des pays du CAD et de la France, en valeur absolue et en pourcentage du RNB depuis 1981 :

Versements, en millions de dollars

Année

APD nette totale des pays du CAD

APD nette de la France

Ratio APD en % RNB de la France

1981

24 610

2 964

0,52

1982

27 040

3 050

0,56

1983

26 772

2 909

0,56

1984

28 134

3 026

0,62

1985

28 774

3 134

0,61

1986

35 853

4 042

0,56

1987

40 641

5 250

0,60

1988

47 108

5 463

0,57

1989

45 775

5 802

0,61

1990

54 329

7 163

0,60

Année

APD nette totale des pays du CAD

APD nette de la France

Ratio APD en % RNB de la France

1991

58 368

7 386

0,62

1992

62 440

8 270

0,63

1993

56 286

7 915

0,63

1994

58 991

8 466

0,62

1995

58 896

8 443

0,55

1996

55 751

7 451

0,48

1997

48 658

6 307

0,44

1998

52 312

5 742

0,38

1999

53 601

5 639

0,38

2000

54 021

4 105

0,31

2001

52 767

4 198

0,31

2002

58 654

5 486

0,38

2003

69 583

7 253

0,40

2004

80 130

8 473

0,41

2005

108 296

10 026

0,47

2006

105 415

10 601

0,47

2007

104 917

9 884

0,38

2008

122 784

10 908

0,39

2009

120 558

12 602

0,47

2010

128 369

12 915

0,50

2011

134 971

12 997

0,46

2012

126 911

12 028

0,45

2013

134 832

11 339

0,41

2014

137 222

10 620

0,37

2015*

131 586

9 226

0,37

Source: OCDE CAD1

* Pour 2015, le tableau ci-dessus présente les données préliminaires publiées en avril 2016 par le CAD. Toutefois, le chiffre définitif d'APD 2015 de la France transmis au Secrétariat du CAD est de 9,04 Md$ (le ratio définitif d'APD de la France pour 2015 en % du RNB s'élèverait donc à 0,37%). Ce chiffre est en cours de vérification par les services de l'OCDE et sera publié d'ici la fin de l'année 2016.

Versements nets de l'APD Française par nature de dépenses

en millions d'euros

2011

2012

2013

2014

2015

APD totale

9 348

9 358

8 540

8 005

8 149

APD bilatérale

6 109

6 169

5 122

4 909

4 649

(i) Soutien budgétaire

398

94

171

148

110

(ii) Contributions aux budgets réguliers des organisations et contributions groupées affectées à un objectif spécifique

130

45

89

53

52

(iii) Interventions de type projet

2 258

2 479

2 028

2 379

2 167

(iv) Experts et autres formes d'assistance technique

981

830

782

734

702

(v) Coûts imputés des étudiants

704

724

738

648

593

(vi) Allégement de la dette

900

1 147

524

23

125

(vii) Frais administratifs non compris ailleurs

337

384

388

413

423

(viii) Autres dépenses dans le pays donneur

397

401

344

369

332

dont aide aux réfugiés dans le pays donneur

392

394

341

366

328

Autres formes d'APD

nc

nc

nc

nc

nc

mémo : Aide alimentaire à des fins de développement

37

40

36

36

39

mémo : Aide humanitaire

62

48

31

38

29

APD multilatérale

3 238

3 189

3 418

3 095

3 499

(i) Organismes des Nations Unies

188

164

190

164

215

(ii) Union européenne

1 742

1 631

1 711

1 771

1 751

(iii) Association Internationale de Développement (AID)

461

422

400

440

794**

(iv) Autres org. de la Banque Mondiale (AMGI, BIRD, SFI)*

83

25

24

25

24

(v) Banques régionales de développement

200

203

245

166

229

(vi) Fonds pour l'environnement mondial

64

65

34

34

51

(vii) Protocole de Montréal

7

8

8

8

8

(viii) Autres organismes

494

671

807

488

427

Source : OCDE, Dac1 et SNPC ++, l'OCDE procède régulièrement à des mises à jour des statistiques.

* AMGI : Agence multilatérale de garantie des investissements ; BIRD : Banque internationale pour la reconstruction et le développement ; SFI : Société financière internationale ** Cette ligne comprend à la fois les prêts et les dons : l'année 2015 est une année exceptionnelle pour la contribution de la France à l'AID en raison de la réalisation d'un prêt concessionnel à hauteur de 430 M€ (prêt qui ne se renouvelle pas chaque année).


* 3 La commission des finances du Sénat avait préconisé quant à elle la transformation de l'AFD en une section à part entière de la Caisse des dépôts, en mettant toutefois en exergue la complexité de l'opération, en particulier pour mettre en place une gouvernance viable pour le nouvel organisme.

* 4 Cf. « Expertise France : 3 ans pour devenir une référence internationale », Rapport d'information de M. Christian CAMBON et Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, n° 675 (2015-2016) - 8 juin 2016. https://www.senat.fr/rap/r15-675/r15-6751.pdf

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