III. L'ADAPTATION DE LA RECONNAISANCE DE LA NATION ET DU DROIT À RÉPARATION À L'ÉVOLUTION DU PROFIL DE SES BÉNÉFICIAIRES

Le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » assure le financement des mesures qui traduisent le droit à réparation reconnu par la République à ses anciens combattants et à leurs ayants droit. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la loi du 31 mars 1919 40 ( * ) a en effet proclamé, à son article 1 er , la reconnaissance de la République « envers ceux qui ont assuré le salut de la patrie » et leur a accordé réparation des infirmités résultant de la guerre. Elle a également prévu la prise en charge des veuves et orphelins de ceux morts pour la France.

L'esprit de ces dispositions , codifiées après avoir été légèrement modifiées à l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) 41 ( * ) , est inchangé depuis bientôt un siècle . Cet article constitue le fondement juridique de ce droit à réparation et définit son champ d'application , qui tient compte des différentes formes de l'engagement pour la France au cours du 20 ème siècle : service dans les armées, résistance, déportation et internement politiques, refus du travail obligatoire. De plus, l'article L. 1 bis du même code énonce l'égalité, au regard du droit à réparation, de la troisième génération du feu avec celles qui l'ont précédée.

Cette stratification de dispositions, héritage des guerres du siècle passé, cèdera sa place au 1 er janvier prochain à une disposition de principe inscrite à l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) issu de l'ordonnance du 28 décembre 2015 42 ( * ) , et qui regroupe en un article unique l'objet de ce code ainsi que ses bénéficiaires, mentionnant pour la première fois explicitement les militaires servant en Opex .

Evolution des crédits de paiement du programme 169 entre 2016 et 2017

(en millions d'euros)

Action

LFI 2016

PLF 2017

Variation

N° 1 : Administration de la dette viagère

1 946

1 896

- 2,7 %

N° 2 : Gestion des droits liés aux PMI

153,1

144,7

- 5,5 %

N° 3 : Solidarité

356,7

349,2

- 2,1 %

N° 7 : Actions en faveur des rapatriés

17,5

17,3

- 1,1 %

Total

2 473

2 407

- 2,7 %

Source : Projet annuel de performances de la mission annexé au PLF

Les actions n° 1 (administration de la dette viagère), n° 2 (gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité) et n° 3 (solidarité) du programme financent les principales mesures et prestations qui concrétisent ce droit à réparation, c'est-à-dire :

- la retraite du combattant , versée aux titulaires de la carte du combattant âgés de plus de soixante-cinq ou, sous certaines conditions, soixante ans (action n° 1) ;

- les pensions militaires d'invalidité (PMI), qui indemnisent la gêne fonctionnelle résultant d'une blessure ou maladie contractée lors d'évènements de guerre, par le fait ou à l'occasion du service
(action n° 1) ;

- les droits liés aux PMI , en particulier la gratuité des soins médicaux et de l'appareillage liés aux infirmités pensionnées, des réductions tarifaires dans les transports ainsi que le financement du régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre , qui prévoit la prise en charge complète des dépenses de soins des personnes dont l'invalidité dépasse 85 % et qui ne bénéficient d'aucune autre couverture sociale (action n° 2) ;

- la majoration des rentes mutualistes auxquelles les titulaires de la carte du combattant et du titre de reconnaissance de la Nation (TRN) peuvent souscrire (action n° 3).

Ce programme prend également en charge, depuis la loi de finances pour 2014, les prestations à destination des harkis et des rapatriés (action n° 7). Son périmètre ne connaît cette année aucune modification, et représente 94,6 % des crédits de la mission , une proportion quasiment identique à celle de la loi de finances pour 2015. Il voit en un an ses crédits diminuer de 67 millions d'euros , soit - 2,7 % , après avoir connu des baisses de 4,8 % entre 2015 et 2016, 5,4 % entre 2014 et 2015, 2,8 % entre 2013 et 2014 et 2,6 % entre 2012 et 2013.

A. UNE RÉALITÉ DÉMOGRAPHIQUE QUI CONDITIONNE L'ÉVOLUTION DU BUDGET

L'évolution à la baisse des crédits du programme 169 (cf. supra ) est la conséquence directe de la diminution du nombre de bénéficiaires des prestations dont il assure le financement.

Le droit à réparation a en effet été bâti en réponse à la dette contractée par la Nation envers les millions d'hommes qui, dans le cadre de l'armée de conscription , ont été mobilisés pour combattre durant les deux conflits mondiaux puis, dernière guerre durant laquelle les appelés ont été massivement engagés, en Algérie entre 1954 et 1962. Professionnalisées à partir de 1997, les armées françaises ont vu leurs effectifs fortement décroître depuis cette date et leurs formes d'engagement évoluer. En conséquence, le nombre d'anciens combattants ayant participé à des Opex et pouvant bénéficier des différentes mesures mises en place en leur faveur reste très limité , celles à caractère universel, comme la retraite du combattant pour les titulaires de la carte du combattant, étant soumises à des conditions d'âge qui ne sont à ce jour pas encore atteintes.

Les anciens participants aux Opex ne viennent donc pas compenser la baisse du nombre d'anciens combattants des conflits du 20 ème siècle , résultat d'un inexorable vieillissement démographique .

La baisse est la plus marquée s'agissant des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale , âgés aujourd'hui d'au moins 90 ans . Entre 2014 (21 862), et 2015 (18 373), le nombre de PMI versées à des anciens combattants invalides de ce conflit a diminué de 16 % . Par rapport à 2013 (25 115), cette baisse s'élève à 27 % . Au 31 décembre 2015, 92 661 retraites du combattant étaient perçues au titre de cette guerre contre 109 965 un an plus tôt (- 15,7 %) et 128 617 deux ans plus tôt, soit une baisse totale de 28 % .

Les conditions d'attribution de la carte du combattant en faveur des anciens combattants de la guerre d'Algérie ont été successivement assouplies 43 ( * ) , la dernière mesure adoptée en ce sens ayant porté sur la carte « à cheval » 44 ( * ) , c'est-à-dire en faveur de ceux d'entre eux dont le déploiement d'au moins quatre mois en Algérie a débuté avant le 2 juillet 1962 mais s'est achevé après cette date. Néanmoins, le nombre d'anciens appelés et militaires de carrière ayant participé à la guerre d'Algérie et bénéficiant des prestations du programme 169 poursuit également sa diminution .

Nés, pour les plus jeunes d'entre eux, au premier semestre 1942, ils ont tous aujourd'hui plus de 74 ans et perçoivent donc la retraite du combattant . Ils représentent toujours 81,5 % des 1 108 996 bénéficiaires de celle-ci en 2015 mais poursuivent leur baisse : après un recul de 2,6 % entre 2013 et 2014, leur effectif au 31 décembre 2015 ( 912 916 ) était inférieur de 3,3 % à celui au 31 décembre 2014 ( 944 500 ), malgré l'attribution de près de 11 000 cartes du combattant au titre de la carte « à cheval » sur cette période.

Evolution des effectifs des bénéficiaires du programme 169

Prestation

2015

2016 1

2017 1

Variation 2017/2016
(en %)

Pensions militaires d'invalidité

241 360

229 516

218 253

- 4,9

Retraite du combattant

1 108 996

1 059 106

1 008 206

- 4,8

Soins médicaux gratuits

55 334

52 522

49 854

- 5,1

Remboursement des prestations
de sécurité sociale

10 061

7 729

6 750

- 12,7

Rente mutualiste

375 054

362 770

355 125

- 2,1

Total

1 790 805

1 711 643

1 638 688

- 4,3

1 Effectifs prévisionnels

Source : Commission des affaires sociales à partir du projet annuel de performances de la mission annexé au PLF

Le taux de diminution des crédits du programme 169 (- 2,7 %) en 2017 est plus faible que celui intervenu en 2016 (- 4,8 %). Surtout, et contrairement à l'année passée, il est inférieur à celui du nombre de ses bénéficiaires . Cela s'explique par plusieurs mesures décidées par le Gouvernement en faveur du monde combattant, principalement la revalorisation du montant de la retraite du combattant (cf. infra ).

Votre rapporteur pour avis est satisfait que ce dividende démographique inversé soit enfin mis à profit en faveur du monde combattant et qu'une partie des économies réalisées grâce à la disparition, chaque année, d'environ 50 000 anciens combattants, soit redistribuée à leurs pairs. Comme il le souligne depuis maintenant deux ans, il convient d'utiliser cette ressource afin d'approfondir le droit à réparation et de corriger certaines des inégalités qu'il fait persister (cf. supra ). Le maintien des droits acquis ne requiert aucun effort financier de la part du ministère mais est au contraire facilité par un facteur démographique qu'il ne contrôle pas. Dans ce contexte, les anciens combattants sont en droit d'attendre une meilleure prise en compte de leurs droits et de leurs revendications légitimes , et pas uniquement à la veille d'échéances électorales nationales majeures.


* 40 Loi du 31 mars 1919 modifiant la législation des pensions des armées de terre et de mer en ce qui concerne les décès survenus, les blessures reçues et les maladies contractées ou aggravées en service ; JO 2 avril 1919.

* 41 Dont la recodification devrait entrer en vigueur le 1 er janvier 2017.

* 42 Ordonnance n° 2015-1781 du 28 décembre 2015 relative à la partie législative du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

* 43 Finalement fixées à quatre mois de présence sur le territoire par l'article 123 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

* 44 Par l'article 109 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

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