EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. EN DÉPIT D'UNE SITUATION SOCIALE TOUJOURS INQUIÉTANTE, UNE DÉSANCTUARISATION DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'OUTRE-MER POUR 2017

A. PLUSIEURS INDICATEURS POINTENT UNE SITUATION ÉCONOMIQUE, SOCIALE ET SANITAIRE TRÈS DÉGRADÉE DANS LA PLUPART DES OUTRE-MER

L'intitulé même du projet de loi pour l'égalité réelle outre-mer affirme, en creux, la situation d'un « rattrapage en panne » dans les territoires ultramarins , soulignée en ces termes en juin 2014 par la délégation sénatoriale à l'outre-mer 3 ( * ) . Et en effet, cette année comme depuis trop longtemps, les indicateurs apparaissent extrêmement alarmants sur l'ensemble des sujets qui intéressent la commission des affaires sociales. Sur certains sujets spécifiques, comme la mortalité infantile, le mouvement de résorption des inégalités avec l'hexagone présente même un inquiétant ralentissement. Au total, et malgré des situations très contrastées, l'écart de développement entre la France métropolitaine et les outre-mer continue de s'établir à 20 ans en moyenne, et atteint jusqu'à 28 ans pour la Polynésie française.


• C'est tout d'abord dans le champ sanitaire que de très fortes difficultés sont constatées, ainsi que l'ont mis en évidence les récents travaux de notre commission sur la situation sanitaire des populations de l'Océan Indien. De ce point de vue, les territoires ultramarins sont frappés par une double peine : tandis que les « maladies du siècle » que sont les maladies chroniques, notamment cardiovasculaires, s'y développent extrêmement rapidement sous l'effet de l'évolution de l'alimentation et du mode de vie traditionnels, certains territoires restent touchés par des maladies que l'on aurait pu penser éradiquées de longue date sur le sol français.

La délégation de notre commission relevait tout d'abord que, à La Réunion comme à Mayotte en particulier, l'espérance de vie reste notablement en deçà des standards hexagonaux - dans une proportion cependant différente ; l'écart est très notable à Mayotte, avec une espérance de vie inférieure de 6 à 10 ans à celle estimée pour la population hexagonale.

Sur le plan épidémiologique, tandis que l es maladies chroniques sont « en explosion » à La Réunion, avec un taux de prévalence du diabète (10 %) double de celui constaté en métropole, Mayotte connaît une situation « d'urgence sanitaire » persistante, dans un contexte de déstabilisation plus générale résultant de l'immigration massive en provenance des Comores . La fièvre typhoïde et la lèpre y sont en effet toujours présentes, de même que certaines pathologies résultant de la malnutrition (comme le béribéri), tandis que le surpoids et les pathologies chroniques associées connaissent une progression galopante. Face à cette alarmante situation, les standards de prise en charge sont encore très éloignés des normes hexagonales , du fait principalement du manque de praticiens. Ainsi, dans les maternités périphériques du centre hospitalier mahorais (CHM), les accouchements se font le plus souvent sans présence d'un médecin obstétricien.

Les deux collectivités affichent par ailleurs « une surmortalité marquée autour de la grossesse » : le taux de mortalité infantile atteint le double de la moyenne métropolitaine à La Réunion, et est même quatre fois plus élevé à Mayotte. Un écart sensible se retrouve du reste dans l'ensemble des territoires ultramarins, notamment en Guyane.

D'une manière plus générale, la Cour des comptes, dans son étude de 2014, soulignait que les territoires ultramarins dans leur ensemble cumulent les difficultés, avec des risques sanitaires spécifiques importants dans un contexte socio-économique dégradé . Elle relevait en particulier la présence d'agents infectieux spécifiques (épidémies de chikungunya et de zika), de pathologies rares ou peu fréquentes dans l'hexagone (leptospirose, résurgence de la tuberculose et des hépatites), la prévalence des maladies chroniques (en particulier le diabète et l'hypertension artérielle, associés à la prévalence du surpoids et de l'obésité, mais aussi le sida) et enfin certains risques environnementaux (chlordécone aux Antilles, notamment). Elle rappelait cependant que les différents territoires ultramarins présentent, du point de vue sanitaire, une situation très contrastée . Tandis que La Réunion et les Antilles sont dans une « dynamique de convergence » avec l'hexagone, la Guyane et Mayotte font face à des « retards importants ».

Les difficultés économiques rencontrées par les territoires ultramarins se traduisent ensuite par la permanence de taux de chômage extrêmement élevés , en dépit d'un recul sensible dans les Dom historiques pour l'année passée.

Selon l'enquête emploi pour l'année 2015, les taux de chômage constatés dans les Dom 4 ( * ) atteignent en effet plus du double de celui relevé dans l'hexagone . Ils s'élèvent ainsi à 23,7 % en Guadeloupe, 18,9 % en Martinique, 21,9 % en Guyane, 24,6 % à La Réunion et 23,6 % à Mayotte, contre 10 % en France métropolitaine.

Ces taux annuels masquent cependant une évolution contrastée selon les territoires : ainsi, en Martinique, en Guyane et à La Réunion, le niveau du chômage a baissé en un an respectivement de - 0,5, - 1,8 et - 2,2 points, tandis qu'il est resté stable en Guadeloupe et qu'il a augmenté de 3,5 points à Mayotte.

Votre rapporteur s'inquiète plus particulièrement du niveau du chômage des jeunes , qui représente également bien souvent le double du taux hexagonal (23,7 % en 2016). Si une évolution positive a certes pu être relevée entre 2015 et 2016, les jeunes ultramarins demeurent en effet bien trop nombreux à ne disposer d'aucune réelle perspective d'avenir : 54,9 % (soit - 1,5 point par rapport à 2015) des 15-24 ans sont ainsi au chômage en Guadeloupe, 47,8 % en Martinique (soit - 2,8 points), 52,4 % à La Réunion (- 2 points) et 47,2 % à Mayotte. La Guyane connaît une hausse très importante du chômage de ses jeunes, avec 46,5 % entre 2015 contre 40 % en 2014.

Les niveaux de richesse par habitant constituent un autre indicateur très révélateur des écarts qui continuent de se creuser entre la France hexagonale et les outre-mer. Comme l'an passé, l'écart par rapport au PIB par habitant mesuré dans l'hexagone est de 31 et 38 % respectivement pour la Martinique et la Guadeloupe, 40 % pour La Réunion, 51 % pour la Guyane et 75 % à Mayotte.

Les taux d'allocataires des différentes prestations sociales permettent par ailleurs de mesurer la pauvreté et la précarité des populations ultramarines.

Pour l'ensemble des prestations, on comptait l'an passé 70,2 % d'allocataires dans l'ensemble des Dom, contre 42,9 % dans l'hexagone.

S'agissant plus particulièrement du RSA, les Dom, qui ne regroupent que 2,8 % du total de la population nationale, représentent 10 % de ses bénéficiaires. Les allocataires du RSA représentent 31,2 % de la population active en Guadeloupe, 29,3 % en Martinique, 30,5 % en Guyane, 33,5 % à La Réunion et 10,5 % à Mayotte, contre 8,1 % dans l'hexagone.


* 3 « Les niveaux de vie dans les outre-mer : un rattrapage en panne ? », rapport d'information de MM. Eric Doligé et Michel Vergoz fait au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, n° 710 (2013-2014), 9 juillet 2014.

* 4 Taux de chômage mesurés annuellement par l'enquête emploi.

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