B. INQUIÉTUDES AUTOUR DE LA DOTATION NATIONALE DES MAISONS DÉPARTEMENTALES DES PERSONNES HANDICAPÉES

1. Un financement tripartite

Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) reçoivent des dotations de trois principaux financeurs : les conseils départementaux, l'État et la CNSA. Dans les faits, les conseils départementaux sont le principal interlocuteur financier des MDPH. Ils perçoivent la dotation de la CNSA, préalablement répartie entre eux 4 ( * ) , et la complètent de leur dotation propre. Le concours de la CNSA, stabilisé en 2013 à 60 millions d'euros, s'est élevé en 2014 à 64 millions d'euros, en 2015 à 68 millions d'euros et en 2016 à 70 millions d'euros 5 ( * ) . Le concours des départements, difficilement calculable en raison de la diversité des situations financières, peut-être à peu près estimé à 800 000 euros 6 ( * ) par MDPH .

La participation de l'État est stabilisée depuis quelques exercices à 58 millions d'euros, auxquels vient s'ajouter un fonds de concours financé par la CNSA de 10 millions d'euros. Ces 68 millions d'euros sont ventilés directement entre les MDPH et viennent :

- compenser le remboursement de la rémunération des fonctionnaires d'État mis à disposition des MDPH, dont cette dernière doit s'acquitter auprès de leur administration d'origine,

- compenser les vacances ou les départs à la retraite des fonctionnaires d'État mis à disposition de la MDPH ne donnant pas lieu à de nouveau recrutement.

La politique de recrutement des MDPH et la dotation financière de l'État

La politique de recrutement diffère selon les départements en raison de la nature juridique dont sont revêtues les MDPH : le groupement d'intérêt public (Gip). Ces structures de fonctionnement rassemblent plusieurs partenaires publics et donnent lieu à la signature de conventions constitutives .

Leur contenu est régi par les articles L. 146-4-1 et L. 146-4-2 du code de l'action sociale et des familles . Selon le premier, « la mise à disposition » de « fonctionnaires régis par le statut général de la fonction publique de l'État [...] donne lieu à remboursement » ; selon le second, la convention « fixe en particulier le montant de la subvention de fonctionnement versée par l'État et précise, pour la part correspondant aux personnels mis à disposition, le nombre d'équivalents temps plein qu'elle couvre ».

On rappelle que la mise à disposition d'un fonctionnaire auprès d'une administration d'accueil ne change pas les conditions de sa rémunération, qui reste assurée par son administration d'origine, mais donne lieu au remboursement de celle-ci par l'administration d'accueil. Ainsi, la MDPH est obligée, au titre des fonctionnaires d'État mis à sa disposition, de rembourser leur rémunération à leurs administrations d'origine . Ce remboursement doit être, aux termes actuels de l'article L. 146-4-2, intégralement couvert par la subvention de fonctionnement versée par l'État .

En outre, deux possibilités de recrutements s'ouvrent aux MDPH : aux termes de leur convention constitutive, elles peuvent accueillir des fonctionnaires d'État mis à disposition, ou, au cas où ces postes ne seraient pas pourvus faute de vivier, recevoir une compensation financière de l'État pour conduire leur propre recrutement . D'après l'Igas, la deuxième option rencontrerait davantage de succès, en ce qu'elle permettrait aux MDPH d'opérer des recrutements directs, motivés par l'inadéquation des agents d'État proposés aux postes à pourvoir 7 ( * ) .

La faible attractivité des postes offerts en MDPH ainsi que les difficultés liées aux mises à disposition (les réformes récentes des services déconcentrés de l'État ont réduit à un très faible nombre les fonctionnaires susceptibles d'être intégrés en MDPH) ont conduit à une assez forte activation du mécanisme de la compensation due par l'État aux MDPH . On constatait à cet égard en 2010, une « dette » de l'État vis-à-vis des MDPH au titre de la compensation de près de 20 millions d'euros. Les conseils départementaux ont souvent été contraints de réagir à ces vacances de postes non compensées par des détachements d'agents départementaux .

En 2016, on observe que la dotation budgétaire de l'État, tant au titre de la rémunération des fonctionnaires d'État mis à disposition que de la compensation des vacances non pourvues, concernait 1 548 agents. La question est importante dans la mesure où tout défaut de compensation financière est pris en charge par le conseil départemental , pour des montants pouvant atteindre plusieurs centaines de milliers d'euros 8 ( * ) .

2. Les modifications apportées par les textes budgétaires pour 2017
a) Une nouvelle répartition de la charge de la compensation financière entre État et CNSA

On constate, à l'observation de l'action budgétaire rebaptisée « Fonctionnement des MDPH », une diminution drastique des crédits alloués qui passent de 68 millions d'euros en 2016 à 1,5 million d'euros en 2017.

Passée sous silence dans le projet annuel de performance relatif à la mission pour 2017, cette diminution est en fait le fruit d'un transfert à la CNSA 9 ( * ) . Il a paru en effet cohérent de regrouper sous l'égide du même organisme l'ensemble des dotations nationales aux MDPH.

Le reliquat du programme 157 (1,5 million d'euros), qui continue de dépendre du budget de l'État, ne concerne plus que la compensation financière relative aux vacances de postes non pourvues par des fonctionnaires de l'État mis à disposition. La CNSA assurera désormais le financement des remboursements de rémunération des fonctionnaires mis à disposition des MDPH.

b) La compensation financière des rémunérations des fonctionnaires mis à disposition

En conséquence de cela, l'article 23 du PLF pour 2017 apporte une modification notable à l'article L. 146-4-2 du code de l'action sociale et des familles. La subvention de fonctionnement versée par l'État aux MDPH ne pouvait « en aucun cas » être inférieure aux sommes déboursées par ces dernières en vertu des remboursements de rémunérations de leurs fonctionnaires. Cette disposition est logiquement supprimée par la nouvelle rédaction de l'article, l'État n'étant plus chargé de cette compensation financière.

Votre rapporteur s'inquiète néanmoins que cette obligation ait également disparu pour la CNSA, qui ne sera pas légalement tenue d'assurer une compensation financière au moins égale au montant de ces remboursements . En effet, contrairement aux conventions constitutives signées dans le cadre du Gip entre l'État et la MDPH, le concours financier de la CNSA aux départements est régi par une « convention pluriannuelle » mentionnée à l'article L. 14-10-7-2 du code de l'action sociale et des familles, dont le contenu ne mentionne pas les modalités de remboursement des rémunérations des fonctionnaires mis à disposition .

De façon plus générale, votre rapporteur, s'il comprend la logique qui a conduit à faire de la CNSA l'interlocuteur unique des MDPH pour leur financement national, regrette que le montant des crédits de l'État, qui faisait l'objet d'une action budgétaire individualisée, ne soit pas sanctuarisé au sein du budget de la CNSA.

Il paraît plausible, en cas de manquement de la CNSA à compenser les MDPH au niveau des remboursements qu'elles acquittent, que les conseils départementaux auront à intervenir en renfort, soit par des secours financiers, soit par des détachements d'agents départementaux.

c) La compensation financière des vacances de postes

Votre rapporteur est enfin sceptique quant à la capacité qu'auront les crédits demeurant au sein du programme 157 à couvrir toutes les vacances de postes au sein des MDPH.

L'association des directeurs de MDPH (ADMDPH) a en effet alerté votre rapporteur sur les effets du programme de revalorisation de la rémunération de base des fonctionnaires de l'Éducation nationale annoncée le 31 mai 2016 et intervenant dès le 1 er janvier 2017. À ce stade du déploiement de ce programme, cette revalorisation n'est pas prévue pour les fonctionnaires de l'Éducation nationale mis à disposition des MDPH, qui risquent en conséquence de réintégrer massivement leur administration d'origine afin d'en bénéficier.

Les crédits prévus pour la compensation des vacances de postes - 1,5 million d'euros seulement - risquent d'être insuffisants pour pallier ces départs, dont votre rapporteur doute qu'ils aient été anticipés.


* 4 La répartition repose sur deux critères : le nombre de personnes handicapées de 20 à 59 ans et le potentiel fiscal.

* 5 D'après l'annexe 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 : « le Conseil de la CNSA a approuvé une augmentation de 2,6 millions d'euros du concours versé par la Caisse pour le fonctionnement des MDPH ».

* 6 Ce chiffre se fonde sur une extrapolation des proportions présentée dans le rapport de l'Igas, « Bilan du fonctionnement et du rôle des MDPH », novembre 2010.

* 7 Igas, « Bilan du fonctionnement et du rôle des MDPH », novembre 2010.

* 8 Voir la question orale sans débat n° 1021S de notre collègue Eric Doligé, publiée dans le JO du 23 septembre 2010, posée à la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à propos d'une compensation financière non honorée par l'État s'élevant à presque 290 000 euros dans le Loiret.

* 9 Annexes 6 et 8 du PLFSS 2017.

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