EXAMEN EN COMMISSION

MARDI 23 NOVEMBRE 2016

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La commission procède à l'examen du rapport pour avis sur les crédits « Patrimoines » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2017.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme « Patrimoines » . - Le programme que je traite porte sur les crédits relatifs à deux actions principales que sont les musées et le patrimoine.

Le budget connaît cette année une augmentation très sensible de 6 % des autorisations d'engagement et de 4 % des crédits de paiement. Cela correspond à une augmentation des crédits de plus de 55 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de près de 34 millions d'euros en crédits de paiement (CP), pour un budget total de 964 millions d'euros en AE et de 903 millions d'euros en CP. Cette augmentation doit toutefois être regardée à la lumière des budgets précédents. Une baisse de plus de 20 % des CP du programme était intervenue de 2013 à 2016, soit une diminution de 100 millions d'euros. Cette différence est calculée à périmètre constant et tient donc compte de la budgétisation de la Redevance d'archéologie préventive (RAP) qui en a été déduite. L'augmentation du niveau des crédits en 2017 est donc un incontestable progrès au regard de la situation connue les années précédentes, même si elle ne permet pas de rattraper exactement le niveau de 2012, avec un recul des CP de 8 % en 2017 par rapport à 2012, hors RAP.

Ce rattrapage s'accompagne d'un rééquilibrage tant au profit des musées que du patrimoine. Les crédits de l'action 8 « acquisition et enrichissement des collections publiques » qui avaient été réduits de moitié en 2013 connaissent, par exemple, une augmentation de 12,24 %. Autre constat, des efforts budgétaires sont consentis pour financer la mise en oeuvre des mesures de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (dite loi CAP) : 7,9 millions d'euros de crédits d'investissement sont prévus pour accompagner la création des nouveaux sites patrimoniaux remarquables amenés à remplacer les aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine (AVAP), les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et les secteurs sauvegardés et l'élaboration de nouveaux documents de protection sur le périmètre de ces espaces.

Les auditions que j'ai conduites dans le cadre de la préparation de cet avis m'ont montré que les attentes des opérateurs, des associations et des professionnels restaient fortes et leurs inquiétudes vives.

Une première inquiétude financière est liée au désengagement des départements qui, dans un contexte de baisse des dotations, se concentrent en premier lieu sur leurs compétences obligatoires en matière sociale, indépendamment de leurs couleurs politiques. Les communes, qui possèdent 43 % du patrimoine protégé, que ce patrimoine soit inscrit ou classé, résistent mieux et financent plus de la moitié des aides émanant des collectivités territoriales.

La seconde inquiétude vient de la réforme territoriale résultant des fusions décidées de certaines régions et de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe). Beaucoup de professionnels s'inquiètent et pensent que la culture et le patrimoine vont servir de variable d'ajustement aux nouveaux budgets régionaux et que l'harmonisation des pratiques d'intervention dans le domaine culturel dans les régions fusionnées se fera par le bas.

La région Grand-Est, à la commission de la culture de laquelle je siège, n'a toutefois pas fait ce choix. Fruit de la fusion de trois régions, elle a décidé de s'aligner sur les règles de ces anciennes régions les plus profitables pour le patrimoine. Je souhaite qu'il en soit de même dans les autres régions car le patrimoine est un élément très important pour notre pays. Il s'agit, d'une part, de notre mémoire collective, dont la préservation est plus que jamais nécessaire pour surmonter les moments difficiles que nous vivons. Il s'agit, d'autre part, d'un puissant facteur pour notre économie. M. Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux (CMN) m'a rappelé, lors de son audition, le lien fort entre le patrimoine et le tourisme, et donc, in fine, entre le patrimoine et l'emploi. La restauration du patrimoine dans laquelle certaines entreprises que j'ai reçues se sont spécialisées m'ont expliqué qu'un millier d'emplois avait disparu dans ce secteur en France en 2015 et 2016. Outre les drames sociaux que l'on imagine, il s'agit de pertes de savoir-faire que l'on ne retrouvera jamais. Les troisième et quatrième entreprises de ce secteur en France sont actuellement en redressement judiciaire.

Les associations et professionnels appréhendent également un risque de sous-consommation des crédits votés. Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ont été réorganisées, au même titre que les nouvelles régions. Ces réorganisations ont pu engendrer des retards dans la construction des dossiers et la consommation des crédits. La ministre de la culture nous a rassurés sur ce point, lors de son audition le 9 novembre dernier par notre commission, en indiquant qu'après un début d'année difficile, le taux de consommation des crédits était finalement redevenu normal, voire même un peu plus élevé que les années précédentes.

Les crédits alloués au CMN, qui gère de grands monuments emblématiques de notre pays, sont très insuffisants au regard des missions qui y sont associées. Ils représentent 19 millions d'euros alors que les frais annuels d'entretien et de restauration du CMN s'établissent depuis plusieurs années au-delà des 30 millions d'euros. Si le CMN a des réserves, elles finissent néanmoins par s'épuiser. Il a donc dû renoncer à mener en 2017 de très grandes opérations initialement prévues, au Panthéon, au Mont-Saint-Michel ou au domaine de Saint-Cloud. C'est regrettable quand on connaît le succès touristique qui suit généralement ces phases de restauration, comme le montre l'exemple récent de la villa Cavrois, avec de fortes retombées sur l'économie locale. Certaines opérations remarquables seront néanmoins réalisées cette année par le CMN, telles que l'achèvement des travaux du château de Ferney-Voltaire qui sera rouvert au public, la réhabilitation de l'hôtel de la Marine place de la Concorde à Paris et la poursuite des travaux de restauration du château d'Azay-le-Rideau qui a, de surcroît, souffert des inondations au printemps.

Les conséquences financières des attentats, qui résident, à la fois dans des pertes de ressources propres liées aux baisses de fréquentation et dans une augmentation de leur charges pour répondre aux obligations de mise en sécurité, sont également un sujet d'inquiétude. L'Arc de Triomphe, monument national le plus visité de France, a connu une baisse de 30 % de sa fréquentation et a nécessité du CMN des investissements importants, compte tenu du symbole qu'il représente. La question des baisses de fréquentation est une préoccupation majeure des institutions patrimoniales. Nous ne disposons pas de statistiques, mais le Musée du Louvre a beaucoup communiqué à ce sujet. Le ministère a donc voulu, cette année, faire un effort particulier au travers de ce budget pour accompagner la nécessaire mise en sécurité. 73 emplois nouveaux ont donc aussi été créés dans ce but au profit de l'ensemble des institutions patrimoniales dont 36 pour le seul CMN. Un dégel intégral de la réserve de précaution a, en outre, été demandé sur 2016 afin de compenser les baisses de fréquentation et les conséquences des inondations du printemps dernier pour ces institutions.

Dernier sujet que je souhaiterais aborder, la Fondation du patrimoine, dont la création est issue d'un rapport du sénateur Jean-Paul Hugot, ancien membre de notre commission. Son financement est assuré au travers des crédits levés par ses souscriptions, mais elle bénéficie également de 50 % du produit des successions en déshérence. Or ce produit a, en deux ans, chuté de 11 millions d'euros à 4,7 millions d'euros. Bercy explique cette baisse, notamment, par les évolutions technologiques récentes qui facilitent la recherche des héritiers. Devant cette diminution du produit, le Gouvernement a décidé d'en affecter 75 % et non plus 50 % au budget de la Fondation du patrimoine, pour couvrir ses dépenses de fonctionnement et abonder les opérations financées par souscription. Le rôle de cette fondation est indispensable, car c'est aussi elle qui permet de soutenir des projets essentiels pour le petit patrimoine rural, non protégé, qui ne bénéficie d'aucune subvention de l'État. La décentralisation avait entraîné la suppression des crédits d'État en faveur de ce patrimoine spécifique au profit des départements.

Pour conclure, l'augmentation du budget global est la bienvenue compte tenu de l'enjeu que représente le patrimoine, mais elle vient après plusieurs années de baisse qui ne sont que partiellement rattrapées. C'est la raison pour laquelle je propose à la commission de donner sur ce programme un avis de sagesse.

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis des crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation culturelle » . - Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est le plus important des trois programmes de la mission « Culture » en volume, puisqu'il finance, pour près des deux tiers de ses crédits, les fonctions de soutien du ministère de la culture et de la communication, c'est à dire les personnels, les locaux, les équipements ou encore les dépenses de communication.

Il connaît, en 2017, une hausse assez importante de ses crédits. Le programme gagne 118 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse de 10,3 %, et plus de 95 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse globale de 8,4 %.

Ces augmentations tiennent, pour seulement 25 % à 30 %, au financement de nouvelles mesures de rattrapage indemnitaire des personnels du ministère de la culture et de la communication et à la hausse du point d'indice dans la fonction publique, sur laquelle je ne reviendrai pas. Plusieurs collègues ont déjà eu l'occasion de l'évoquer à propos d'autres missions ces dernières semaines et nos rapporteurs sur la mission enseignement scolaire le feront peut-être à leur tour cet après-midi.

C'est surtout la nouvelle priorité assignée à ce programme en matière d'emploi qui explique une large part des augmentations de crédits. Une nouvelle action destinée à soutenir l'emploi des artistes et techniciens du spectacle fait en effet son apparition dans le programme cette année : l'action 8 « Fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle » ou FONPEPS.

Ce fonds, doté de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 55 millions d'euros en crédits de paiement, doit compléter l'accord du 28 avril 2016 sur le régime d'assurance-chômage des intermittents du spectacle en agissant, cette fois-ci, sur les conditions d'emploi et non sur les conditions du chômage. Il finance différentes aides, primes et subventions pour les entreprises et les artistes et techniciens qu'elles emploient, destinés à faciliter la création d'emplois pérennes au sein des entreprises du spectacle vivant et enregistré. Malheureusement, la répartition exacte des crédits entre les neuf mesures n'est pas encore connue. Il s'agit donc d'un point sur lequel il nous faudra être attentifs l'an prochain.

Je sais que la budgétisation de ce fonds sur le programme 224 plutôt que sur le programme « Création » a soulevé bon nombre de questions, que je me suis moi-même posées. Hors Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) et augmentations de crédit destinées aux fonctions de soutien du ministère, force est de reconnaître que les crédits du programme 224 progressent encore de plus de 5 % en crédits de paiement et sont stables en autorisations d'engagement.

Toutes les actions sont concernées par ces hausses :

- les établissements d'enseignement supérieur sous la tutelle du ministère de la culture avec 5 % d'augmentation des crédits de paiement ;

- l'éducation artistique et culturelle qui, depuis la loi sur la refondation de l'école de 2013, constitue le vecteur privilégié de la démocratisation culturelle avec 5,5 % d'augmentation des crédits de paiement, dont 3 millions d'euros supplémentaires pour les conservatoires qui s'engagent en faveur de la jeunesse et de la diversité.

- l'action culturelle internationale avec une augmentation de 15 % des crédits de paiement, afin de financer un fonds d'intervention d'urgence en faveur du patrimoine en péril, dans la foulée des dispositions adoptées sur ce sujet dans le cadre de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (CAP).

Si l'on pousse l'analyse au-delà des simples évolutions de crédits, plusieurs sujets de préoccupation majeurs demeurent.

J'avais déjà eu l'occasion d'évoquer l'an dernier les difficultés rencontrées par les écoles d'art. Des efforts doivent encore être faits pour leur permettre de combler le retard qu'elles ont pris dans l'intégration des standards de l'enseignement supérieur, ce qui suppose de s'attaquer au développement de la recherche et de diplômes reconnus au grade de doctorat. L'effort budgétaire d'1 million d'euros consenti en 2017 en faveur de la recherche, stable par rapport à 2016, paraît encore insuffisant pour nos 45 écoles d'art.

Aucune avancée n'a non plus été enregistrée en 2016 pour rapprocher le statut des enseignants des écoles d'art territoriales sur celui des écoles nationales, en dépit des annonces faites par la ministre chargée de la culture de l'époque, Fleur Pellerin, devant notre commission en novembre 2015. Il est important que l'État apporte son soutien sur cette question pour éviter que ne se développe un enseignement des écoles d'art à deux vitesses entre les écoles territoriales et les écoles nationales.

Il en va de l'attractivité des écoles d'art françaises et la place de notre pays dans le domaine des arts et de la culture.

Un second sujet de préoccupation, particulièrement cher à notre présidente, est celui des conservatoires. Après avoir annulé en 2015 son soutien aux conservatoires, l'État s'est progressivement réengagé dans leur financement l'an dernier. La loi CAP s'est heureusement penchée sur la question et a clarifié les compétences respectives des collectivités publiques. Elle a, en particulier, réaffirmé le rôle de l'État en matière d'expertise et d'orientation pédagogiques et précisé que le financement du 3 e cycle professionnalisant ne repose pas sur le seul échelon régional, afin d'ouvrir la voie au réengagement de l'État.

De fait, le projet de budget pour 2017 confirme le réengagement de l'État, pour la deuxième année consécutive, dans le financement des conservatoires. L'enveloppe budgétaire devrait se situer aux alentours de 17 millions d'euros, dont 4,4 millions pour les conservatoires adossés à des pôles d'enseignement supérieur, 1,6 million pour les bourses et près de 11 millions pour financer les projets des établissements. Toutefois, l'enveloppe budgétaire reste très en-deçà du niveau de celle de 2012, qui atteignait 27 millions d'euros. Elle représente, en ce sens, une baisse de 37 %.

L'engagement financier de l'État dans les conservatoires répond à une logique nouvelle, ce que m'ont confirmé mes interlocuteurs au ministère de la culture. L'objectif est de rééquilibrer le soutien étatique, jusqu'ici largement focalisé sur les parcours professionnels, en direction des enjeux de l'éducation artistique. Cela explique qu'il soit également être soumis à conditions. En effet, seuls peuvent prétendre à un financement les conservatoires ayant mis en place une tarification sociale et dont le projet s'appuie sur de nouvelles pratiques pédagogiques, s'ouvre aux musiques actuelles ou prévoit de développer des partenariats avec les acteurs culturels locaux.

Dans ce contexte, le ministère ne semblait pas penser que l'enveloppe avait vocation à retrouver les niveaux qu'elle avait précédemment. Quant à la question du versement par l'État des crédits aux régions qui décideraient de participer au financement du 3 e cycle professionnalisant, aucun crédit n'est inscrit à ce stade, tant que les régions n'ont pas manifesté leur volonté sur ce sujet. Il est donc urgent que nous provoquions la discussion au sein de nos régions respectives.

Compte tenu de ces réserves, qui viennent un peu ternir le portrait de ce budget, pourtant en progression, je vous proposerai de donner un avis de sagesse aux crédits du programme 224.

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Mme Marie-Christine Blandin . - Le groupe écologiste approuve les crédits de la mission. Des inventaires du patrimoine immatériel de notre pays devaient être faits par les DRAC. Je ne sais pas s'ils sont terminés. On ne parle pas assez de ce sujet. Sa plus grande mise en évidence sauverait des métiers dont le savoir-faire disparaît.

La Fondation du patrimoine maritime et fluvial était une fondation sans statut, amiablement rattachée à la Fondation du patrimoine jusqu'à une mésentente laissant le patrimoine maritime en déshérence. Ce problème est-il résolu ? La Fondation du patrimoine a-t-elle absorbé la Fondation du patrimoine maritime ?

Je pondère légèrement l'enthousiasme de M. Assouline sur les crédits de la création car je regrette que les scènes de musiques actuelles (SMAC) aient vu le montant de leur enveloppe stagner. Les musiques actuelles concentrent la pratique de la majorité des Français et semblent pourtant ici oubliées.

Où en est la mise en oeuvre des dispositions de la loi CAP sur la rémunération des auteurs dont l'image des oeuvres est mise à la disposition par les moteurs de recherche sur Internet ? Il s'agit d'une question d'ordre budgétaire qui peut permettre d'abonder les caisses de droits d'auteurs des photographes.

Mme Mireille Jouve . - Je me réjouis que le rééquilibrage territorial par le soutien aux musées en régions se poursuive grâce aux crédits du programme « Patrimoines ». L'augmentation des crédits d'investissement déconcentrés permet la mise en valeur des collections et attractivité des musées de France en régions. Il est nécessaire d'accompagner financièrement la mise en place des agendas d'accessibilité et d'assurer la sécurité des visites.

La priorité sera, en 2017, donnée aux régions avec près de 50 millions d'euros alloués aux DRAC. Il s'agit d'un interlocuteur important pour les collectivités territoriales. Les communes de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur ont, par exemple, reçu une proposition pour rénover leurs monuments aux morts. C'est une bonne chose car chaque commune en possède.

En matière de démocratisation de la culture, je salue la décision du Gouvernement de favoriser l'éducation artistique et culturelle en doublant ses moyens en 2017.

En matière de tourisme, le ministère disposera d'une enveloppe d'un demi-million d'euros en faveur d'actions pour le tourisme culturel.

Je me réjouis de la fréquentation que connaissent les salles de cinéma avec plus de 200 millions d'entrées par an, qui place la France au premier rang européen. Je souligne également que le tarif réduit pour la jeunesse créé en 2013 en contrepartie d'un taux réduit de TVA pour les exploitants de salle a attiré 20 millions de jeunes au cinéma en 2015.

Je m'interroge en revanche, même si ma remarque porte là sur les crédits destinés à la presse, sur l'avenir de la protection des sources après la censure de l'article qui y faisait référence dans la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

M. Pierre Laurent . - Je salue le redressement de ces budgets qui est le bienvenu et qui conduira le groupe communiste, républicain et citoyen à voter en leur faveur.

J'ai entendu les avis de sagesse prononcés par nos collègues rapporteurs de droite. J'espère que cette sagesse ne les quittera pas d'ici quelques mois et qu'ils ne procéderont pas à un « jeu de massacre » vis-à-vis des crédits culturels sur lesquels ils se prononcent aujourd'hui. Nous le craignons en effet.

Nous craignons également des menaces sur la liberté de création et la restauration d'un ordre moral inquiétant. Ces craintes sont motivées par la vandalisation et les critiques à l'encontre des affiches de la nouvelle campagne de prévention contre le VIH.

Je souhaite également modérer l'enthousiasme de David Assouline sur ce budget. Si les redressements qu'il met en oeuvre sont les bienvenus, il n'en demeure pas moins que les ambitions culturelles à l'échelle du quinquennat resteront un rendez-vous manqué au regard de nos attentes.

Ce dernier budget du quinquennat est pour moi l'occasion de saluer l'ensemble des mobilisations de la part de toutes les professions culturelles, qui ont sans nul doute permis d'obtenir aujourd'hui ces redressements.

Le Gouvernement a finalement rendu un arbitrage favorable au relèvement du plafond de la taxe affectée au CNV comme l'a noté David Assouline.

Comme Marie-Christine Blandin, je regrette que les SMAC ne voient pas leur budget augmenter de manière significative. Il s'agit d'un exemple du rendez-vous manqué des ambitions que j'évoquais précédemment.

M. Jean-Pierre Leleux . - Notre commission a toujours su marquer une forme d'indépendance d'esprit par rapport à d'autres commissions, comme celle des finances, pour soutenir collectivement un certain nombre de sujets. Tâchons, malgré le calendrier électoral, de rester objectifs.

Je salue globalement, en ce sens, l'augmentation des crédits de la mission « Culture » depuis les deux années précédentes et, particulièrement, l'année dernière. Un effort incontestable a été produit. Mais ne nous leurrons pas, l'analyse de l'évolution des crédits sur l'ensemble du quinquennat montre que nous n'avons pas rattrapé le niveau de 2012, du fait notamment de l'intégration et de la budgétisation de la RAP.

Les augmentations de crédits ne sont toutefois pas, dans le contexte budgétaire actuellement tendu, les bons critères d'analyse d'un budget. Une augmentation continue des lignes de crédit nous emmène effectivement dans le « mur budgétaire ».

Notre ancien collègue Yves Dauge a été chargé d'une mission sur revitalisation des centres historiques, dans la perspective d'élaborer un plan national d'accompagnement des espaces protégés résultant de la loi CAP. J'ai, en ma qualité de président de la Commission nationale des secteurs sauvegardés, été consulté sur ce sujet. Le projet de rapport non définitif de cette mission me semble contenir des points intéressants. Je conseille au rapporteur Philippe Nachbar d'en prendre connaissance car certains de ses aspects ont trait aux finances. J'évoque en particulier la proposition de mettre en place une ligne commune et unique pour différents crédits affectés aux espaces protégés des petites et moyennes communes puisque ces crédits sont, à l'heure actuelle, dispersés entre différents ministères. Ces communes n'ont, en effet, pas bénéficié durant les cinquante dernières années de l'attention que nous aurions espéré pour elles.

J'approuve le relèvement du plafond de la taxe affectée au CNV. Même si elle ne plaira pas à nos collègues en charge de la comptabilité et de la gestion, nous devrions tout de même défendre l'idée d'un déplafonnement et non d'une augmentation du plafond. Ce déplafonnement pourrait être compensé par une variation du taux de cette taxe. Il éviterait ainsi le découragement que provoque le plafonnement et, en outre, de devoir augmenter le plafond à l'occasion de chaque budget en fonction des recettes perçues par l'intermédiaire de cette taxe. Il ne sert, dans ce cas, à rien de plafonner ! Le problème est le même pour le CNC. Le plafonnement a pour but de permettre à Bercy de récupérer des produits de l'activité économique et culturelle. Je suis donc favorable à la mesure annoncée par la ministre en faveur du CNV lors de son audition.

Je partage l'inquiétude de la profession sur l'avenir de Canal +. Le débat est aujourd'hui tendu au sujet de la chronologie des médias que la chaîne essaie de faire évoluer. Au même titre qu'un grand nombre de partenaires du cinéma, il est nécessaire de revoir cette chronologie aujourd'hui dépassée. Il faut bien entendu protéger le cinéma en salle, qui constitue un pilier de la filière, tout en tenant compte du point de vue de Canal + dont l'aide est indispensable au financement du cinéma français. C'est d'autant plus vrai que la chaîne connaît une perte d'abonnés et souhaite modifier le tarif de ses offres alors que les financements prévus par les accords professionnels y sont indexés.

Mme Françoise Férat . - J'avais questionné la ministre lors de son audition sur la RAP au sein du budget en m'étonnant du montant dévolu aux collectivités territoriales. Pour rappel, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) effectue 80 % des diagnostics et les collectivités territoriales les 20 % restants. Or le budget prévoit l'affectation de 73 millions d'euros en faveur de l'INRAP contre seulement 10 millions d'euros pour les collectivités territoriales. Le prorata n'est donc pas respecté.

La ministre m'avait répondu que le montant prévu pour les collectivités était issu d'échanges avec l'Association nationale pour l'archéologie de collectivité territoriale (ANACT) représentant les collectivités territoriales. Or l'ANACT nous fait savoir qu'il n'en est rien. Aucun accord de quelque forme que ce soit n'a été conclu en ce sens malgré les différentes relances de cette association dans le cadre des précédents budgets. Le compte n'y est pas pour les collectivités.

Pour cette raison et pour d'autres évoquées par nos collègues, notre groupe s'abstiendra sur le vote de cet avis.

Mme Françoise Laborde . - Philippe Nachbar a parlé de désengagement des départements en matière de culture, qui serait encore accru ces dernières années. Il me semblait que la loi NOTRe avait pourtant inscrit le principe d'une responsabilité partagée en matière culturelle. Qu'en est-il finalement au niveau du patrimoine ?

David Assouline a évoqué le fonds d'urgence pour le spectacle vivant et les aides aux lieux de spectacle subventionnés. Qu'en est-il des festivals ? Sont-ils soutenus et, le cas échéant, comment le sont-ils, pour faire face aux conséquences des attentats ?

Mme Marie-Pierre Monier . - Qu'elle est ma stupeur de jeune élue à la Chambre haute qui s'estime privée de son droit de parlementaire ! Il constitue pourtant ce pour quoi les grands électeurs nous ont désignés : nous permettre de débattre, examiner, argumenter sur les textes législatifs qui nous sont présentés. Le budget de la nation est un projet ô combien fondamental pour la vie de l'ensemble de nos concitoyens ! Il s'agit de la loi la plus importante de l'année. Nous ne sommes pas tous du même bord sur les bancs du Sénat. Cette pluralité politique garantit la vitalité de notre démocratie. Nous sommes tous ici pour que nos propositions visant à améliorer la vie des Français, nos idées sur la bonne marche de notre pays et nos projets politiques se confrontent publiquement.

La décision de la majorité sénatoriale de ne pas examiner le budget en séance nous prive de ces moments qui sont le sens et le coeur de notre engagement. Cette décision risque d'amplifier le rejet des citoyens vis-à-vis de la politique. Elle met à mal la notion même de bicamérisme et son impact sur l'image du Sénat m'inquiète. Pourquoi la majorité sénatoriale ne propose-t-elle pas un budget alternatif à celui du Gouvernement afin qu'elle assume ses choix politiques devant les Français ?

Le groupe socialiste n'aura donc pas l'opportunité de souligner en séance les avancées notables que constitue ce budget de la culture, qu'il s'agisse de l'accent mis sur la jeunesse avec un renforcement de l'éducation artistique et culturelle associé à une hausse de 17 % des crédits, de la revalorisation des crédits déconcentrés, en progression de 7 %, pour assurer une diffusion sur tout le territoire des artistes et de la culture, en particulier dans les zones défavorisées, ou encore de l'augmentation de 3,8% des moyens en crédits de paiement du budget du patrimoine.

Nous aurions aimé en débattre en séance mais vous n'assumez pas vos divergences sur ces sujets. Nous le regrettons. Les Français jugeront.

Mme Colette Mélot . - Suite à ces observations, le groupe des Républicains s'abstiendra sur les avis présentés.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je souligne que les musiques dites savantes, au même titre que les musiques actuelles, n'ont pas non plus profité de la hausse budgétaire de la culture. J'en veux pour preuve que le syndicat Les Forces musicales et l'Association française des orchestres s'en sont émus auprès de la ministre.

M. Philippe Nachbar . - La Fondation du patrimoine maritime et fluvial (FPMF) était effectivement abritée depuis 1997 par la Fondation du patrimoine mais des problèmes de lourdeur administrative, liés au fait que le bras actif de la fondation, l'Association des Amis de la Fondation du patrimoine maritime et fluvial, devait subsister sous la forme d'association, ont conduit à transformer, au printemps 2015, la FPMF en Association patrimoine maritime et fluvial (APMF), réduisant ainsi les frais de gestion et les sources d'erreur. C'est cette association qui est désormais chargée de la mission de service public de labellisation des bateaux d'intérêt patrimonial et d'inventorier, de sauvegarder, de préserver et de promouvoir le patrimoine maritime et fluvial non protégé par l'État. Un représentant de la Fondation du patrimoine siège au sein de la commission de labellisation.

Quant au patrimoine immatériel, il n'en est pas beaucoup fait état dans le bleu budgétaire, sauf pour évoquer la défense de la pluralité linguistique et le soutien aux projets de commémoration nationale. À moins que vous n'évoquiez les métiers d'art ?

Mme Marie-Christine Blandin . - Le patrimoine immatériel concerne tous les savoir-faire, notamment liés aux métiers d'art ou à l'art lui-même.

M. Philippe Nachbar . - Cela me paraît donc concerner le patrimoine dans sa globalité et relever de l'ensemble des chapitres de son budget. Pour ce qui est des savoir-faire, j'évoquais la possibilité de certaines entreprises, avec l'augmentation des crédits, de se remettre à flot. Je ne dispose pas, pour le reste, de réponse chiffrée.

Je me réjouis que la DRAC de la région PACA accorde une importance toute particulière au patrimoine, comme le souligne Mireille Jouve. En évoquant les problèmes liés aux régions, je faisais référence aux soucis posés par leurs nouveaux périmètres et la difficulté d'harmoniser des méthodes de travail. Les DRAC ont pour instruction de réserver 10 % de leurs crédits d'investissement au patrimoine des propriétaires privés. Ils rencontrent eux aussi des difficultés qui peuvent nuire à l'accessibilité du patrimoine dont ils ont la charge, faute de pouvoir financer des investissements parfois très coûteux.

Je partage l'avis de Françoise Férat sur la RAP et sur le déséquilibre au détriment des collectivités locales vis-à-vis de l'INRAP.

Enfin, la loi NOTRe a effectivement réaffirmé le principe de la compétence partagée en matière de culture et les départements peuvent évidemment continuer à financer le patrimoine. Ces départements rencontrent toutefois des difficultés, notamment liées aux budgets sociaux qui sont à leur charge et qui relèvent de leur compétence « numéro un ». Il est donc à craindre qu'ils se désengagent au profit des régions, même si certains continuent évidemment à s'investir sur les questions de protection des patrimoines.

M. David Assouline . - Ne pas être enthousiaste face à une telle augmentation du budget de la création dans le contexte budgétaire que l'on connaît reviendrait à faire montre de pessimisme. Et c'est souvent ce pessimisme qui tire notre pays vers le bas. Il faut au contraire s'accrocher à ce qui va bien, le valoriser et le faire savoir ! La culture a été très durement frappée à la suite des attentats et a, aujourd'hui, besoin de cela. On aurait pu se demander si les Français qui ont été marqués par les attentats allaient de nouveau se rendre dans les salles de spectacle, faire la queue, aller au cinéma. Mais des signes positifs ont été donnés par l'État et les Français ont répondu présents.

Je réponds à Françoise Laborde que les festivals sont éligibles au fonds d'urgence pour le spectacle vivant. Il ne concerne pas les seules salles de spectacle. D'ailleurs, le fonds avait été réabondé à hauteur de 7 millions d'euros juste avant l'été, pour permettre en particulier de venir en aide aux festivals avant le début du gros de la saison. Les difficultés rencontrées par les festivals dans notre pays sont connues et il est vrai que certains ont disparu. Mais, cette année encore, des créations de nouveaux festivals compensent et dépassent même les disparitions. Les festivals gratuits sont, toutefois, de plus en plus rares par absence de financements locaux, comme de sponsors ou d'investisseurs. Ce point particulier ne doit pas cacher l'engouement extraordinaire que connaît chaque été notre pays en faveur de ces événements culturels.

Penser que ce budget est un budget rêvé ne veut pas dire qu'il est en tout point parfait. Je suis, en général, le premier à dénoncer les points négatifs comme les baisses du budget de la culture de 2013 et 2014, alors même lorsqu'ils étaient le fait d'un Gouvernement de mon bord politique. J'espère d'ailleurs que si la droite revenait au pouvoir, l'actuelle majorité sénatoriale en ferait de même.

Si ce budget ne prévoit aucune augmentation des crédits en faveur des orchestres, les SMAC bénéficient, elles, d'un crédit supplémentaire de 2 millions d'euros. En dépit de l'accroissement du nombre de bénéficiaires, cette augmentation devrait permettre de revaloriser l'enveloppe moyenne qui peut être allouée à chacune d'entre elles.

Il est entendu que les chaînes de télévision sont favorables à une révision de la chronologie des médias puisqu'il est dans leur intérêt de pouvoir diffuser le plus tôt possible les films après leur sorties en salles. Je constate que les neuf mois d'attente prévus se situent parmi les délais les plus courts au monde. Je constate également que ce sont les entrées en salles qui garantissent la bonne santé du cinéma. Il ne faut donc pas qu'une diffusion trop hâtive des films à la télévision se fasse au détriment de la fréquentation des salles. Je ne suis, en revanche, pas contre une modification de la chronologie existante à la marge, mais la demande de Canal + de passer à six mois est excessive et personne, d'ailleurs, ne l'accepte dans le secteur du cinéma.

Enfin, j'indique que l'article instaurant un système de gestion de droits obligatoire pour les auteurs d'arts visuels dont les oeuvres sont reproduites par les services de référencement d'images sur Internet sans leur autorisation doit s'appliquer six mois après l'entrée en vigueur de la loi CAP, soit le 7 janvier 2017. Ce délai n'étant pas encore échu, je ne peux aujourd'hui vous dire ce qu'il en est. J'avais, en ce sens, interpellé la ministre afin qu'elle établisse une notification pour que d'éventuelles procédures de la Commission européenne ne retardent pas la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions. Cette notification a bien été faite et j'espère que notre commission se penchera dans quelques mois sur l'application et l'efficacité de cette mesure.

M. Jean-Claude Luche . - Un certain nombre d'entre nous se réjouissent de l'augmentation des crédits mais je constate que, comparés à ceux de 2012, ces crédits ont connu une baisse. J'ai, par exemple, évoqué le recul de 37 % des crédits des conservatoires. Cette baisse a causé d'énormes dégâts dans notre pays chez les acteurs culturels, d'autant qu'elle s'est ajoutée à une baisse des dotations aux collectivités territoriales. Je confirme que les départements ont d'importantes difficultés financières. Malgré toute leur bonne volonté, certains ont beaucoup de mal à conserver l'ampleur de leur action culturelle, laissant faire les DRAC ou les régions, elles-mêmes confrontées à la difficile mise en place de la nouvelle organisation territoriale. Je suis, en ce sens, très inquiet pour les festivals devant se tenir en 2017.

Je note donc l'augmentation des crédits, ai plaidé pour un vote de sagesse, mais je pense sincèrement que nous pouvons mieux faire. On peut toujours mêler au débat les circonstances électorales de ce budget, mais les chiffres sont têtus. Ils reflètent des réalités et on ne peut que regretter les coupes faites au détriment de nos acteurs culturels. Je pense aux organisateurs d'un certain nombre de festivals ou de manifestations culturelles qui n'ont plus les moyens d'assurer la pérennité de ces événements. À travers eux, c'est l'attractivité de l'ensemble de notre pays qui est mise en péril.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Notre commission avait été saisie pour avis dans le cadre de la loi NOTRe. Puisque la compétence culture restait partagée entre les différents niveaux de collectivités territoriales et que leurs budgets représentent les deux tiers des financements à destination de la culture, la commission préconisait l'instauration d'une commission culture au sein des Conférences territoriales de l'action publique (CTAP). Je constate globalement peu de coordination entre les niveaux de collectivités territoriales alors qu'il est au contraire nécessaire que ces différents niveaux s'organisent pour permettre que perdurent des pans entiers de notre politique culturelle. Je peux citer les conservatoires en exemple mais cela concerne bien d'autres sujets.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission «Culture » du projet de loi de finances pour 2017.

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