LE SOUTIEN PUBLIC AU CINÉMA

SECONDE PARTIE - LE SOUTIEN PUBLIC AU CINÉMA

7 janvier, 13 novembre : 2015 a vu la France, nation des Lumières, attaquée dans ce qu'elle a de plus précieux, de plus original et de plus fier, sa liberté d'expression, son art de vivre, sa culture. Pourtant, cette même année, son cinéma, insoumis et talentueux, affirmait encore une fois un insolent succès dans les salles hexagonales et étrangères. 2016, à nouveau blessée par la tragédie niçoise, ne fait pas exception et voit le septième art français toujours rayonner. Frédérique Bredin, présidente du Centre du cinéma et de l'image animée affirme à cet égard avec raison combien « le cinéma nous préserve de l'ignorance par les débats qu'il suscite » . Puisse-t-il poursuivre haut et fort sa mission de tolérance et répandre son message d'espoir.

Une telle longévité dans le succès n'aurait pu être possible, et ne le sera pas à l'avenir, sans un soutien public sans faille au bénéfice de la création. Le quinquennat qui se clôt en porte la marque. Depuis 2012, le ministère de la culture et de la communication a modernisé le financement du fonds de soutien au cinéma et à l'audiovisuel à travers la réforme de la taxe sur les services de télévision et de la taxe sur la vidéo à la demande.

Il a défendu avec force la protection et la promotion de la diversité culturelle à l'ère du numérique, obtenant à la fois l'exclusion du secteur audiovisuel du mandat de négociation de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les États-Unis en juin 2013 et une réforme des règles relatives aux aides d'État dans le cinéma et l'audiovisuel conditionnant leur subvention à la localisation de l'activité sur le territoire national. Les positions françaises ont également été entendues dans le cadre des propositions de la Commission européenne s'agissant de l'implication des plateformes de vidéo en ligne dans le soutien à la création européenne comme de la défense du droit d'auteur.

Pour adapter les politiques publiques aux évolutions technologiques, la lutte contre le piratage s'est vu dotée de nouveaux outils et les salles ont été accompagnées dans leurs travaux de numérisation. Un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sur le prix des places de cinéma, mis en place en 2013, a permis d'attirer vingt millions de jeunes supplémentaires dans les salles obscures grâce à un tarif réduit.

En cinq ans, les aides en faveur de l'audiovisuel et du multimédia ont cru de 10 % et d'importantes réformes, notamment fiscales, ont permis d'encourager la localisation des activités et des emplois en France. Parallèlement, la transparence des relations contractuelles a été améliorée, l'inflation des coûts de production freinée et la diversité de l'offre sur l'ensemble du territoire national assurée. Les mesures en faveur de la distribution et de l'exportation des oeuvres seront l'objet de l'année 2017, fin d'un grand quinquennat pour le cinéma français.

I. LA FRENCH TOUCH : UN SUCCÈS QUI NE SE DÉMENT PAS

A. UNE PRODUCTION PROLIFIQUE

1. 2015 : le cinéma français n'a jamais tant tourné
a) Une augmentation de la production pour l'ensemble des genres

En 2015, 300 films de long métrage de fiction, de documentaire et d'animation ont obtenu l'agrément du CNC , soit 42 de plus qu'en 2014 et le plus haut niveau depuis 1952 , année des premières statistiques relatives à la production.

Nombre de films agréés selon le genre

Source : CNC - Bilan 2015

L'augmentation constatée concerne principalement les films d'initiative française (31 films supplémentaires, soit une augmentation de 15,3 %), dont le nombre atteint le niveau record de 234 oeuvres , tous genre confondus, produites en 2015, presque intégralement tournée en numérique.

Évolution du nombre de films français produits

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Films d'initiative française

203

206

209

208

203

234

Films à majorité étrangère

58

65

70

61

55

66

Total

261

271

279

269

258

300

Source : CNC

La progression du volume de production diffère sensiblement en fonction des catégories d'oeuvres de long métrage.

Ainsi, les longs métrages de fiction enregistrent une croissance dynamique du nombre de productions : 250 ont été agréés en 2015, pour seulement 212 en 2014. 189 sont d'initiative française et se concentrent sur quatre genres seulement : la comédie, la comédie dramatique, le drame et le drame psychologique, aux frontières parfois ténues.

Par ailleurs, le nombre de documentaires se maintient à un niveau élevé avec 47 productions agréées, dont 42 d'initiative française - ce résultat porte la proportion du documentaire français à 15,7 % des oeuvres produites - et 21 premiers films. En 2015, dix titres de plus qu'en 2014 et vingt-six de plus qu'en 2006 ont ainsi été produits.

Nombre de longs métrages documentaires agréés

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Films documentaires agréés

30

21

29

36

31

28

36

42

38

37

dont films d'initiative française

28

20

28

34

27

26

30

38

36

35

Source : CNC

En revanche, en 2015, seuls trois films d'animation, tous français , ont été agréés par le CNC, contre neuf dont cinq d'initiative française l'année précédente.

b) Des investissements en forte progression

En 2015, les investissements dans les films agréés (coproductions majoritaires étrangères incluses) s'élèvent à 1,2 milliard d'euros , en augmentation de 230 millions d'euros par rapport à 2014 (+ 23,1 %).

Investissements dans les films agréés

( en millions d'euros )

Source : CNC - Bilan 2015

Avec 1,02 milliard d'euros, les investissements dans les films d'initiative française retrouvent un niveau proche de celui de 2013 ; sur ce total, 923,7 millions d'euros correspondent à des investissements publics ou privés français , même si les investissements étrangers ont plus que doublé entre 2014 et 2015 avec 25 films supplémentaires en coproduction internationale, portant leur proportion à 47,3 % des productions agréées.

Nombre de films en coproduction internationale

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Films à majorité française

37

52

51

45

60

55

59

55

51

76

Films à majorité étrangère

39

43

44

48

58

65

70

61

55

66

Total

76

95

95

93

118

120

129

116

106

142

Source : CNC

Le niveau d'investissement, tous partenaires confondus, observé est logiquement corrélé au volume de production aussi bien qu'au coût du devis moyen , qui s'établit en 2015, pour les oeuvres d'initiative française, à 7,4 millions d'euros pour les films d'animation, à 4,4 millions d'euros pour les longs métrages de fiction et à 600 000 pour les documentaires.

S'agissant de la fiction, le devis moyen des films d'initiative française progresse, pour la première fois depuis cinq ans , de 11,1 %. Toutefois, en dix ans, il a diminué de 17,1 %, en raison notamment de la limitation de certains coûts de production liée à l'essor du numérique.

La progression constatée en 2015 s'explique par l'augmentation du nombre de films dits « du milieu », catégorie dont le devis oscille entre 4 et 7 millions d'euros. En outre, 51 fictions, contre 36 en 2014, affichent un devis supérieur à ce plafond et recueillent logiquement 57,5 % des financements. Toutefois, l'année 2014 avait été exceptionnellement basse en termes de niveau d'investissement (environ 800 millions d'euros). Par conséquent, la comparaison de l'année 2015 avec 2013 apparait plus pertinente : on dénombrait alors 48 films d'initiative française présentaient un devis de plus de 7 millions d'euros.

2. Une réussite commerciale inégale
a) Un succès aléatoire et extrêmement concentré

La santé florissante de la production française en volume ne signifie pas pour autant, loin s'en faut, que les oeuvres rencontrent un public équivalent ni même s'avèrent commercialement rentables lorsque leur diffusion demeure trop confidentielle .

Malgré une fréquentation élevée des salles de cinéma (cf. supra ), seuls deux films français ont réalisé en 2015 plus de trois millions d'entrées, contre quatre en 2014. Il s'agit le plus souvent de comédies populaires ou de films d'animation, les oeuvres recommandées « art et essai » ayant traditionnellement plus de difficultés à conquérir un large public : en 2005, elles attiraient 34,8 % des entrées, mais seulement 21,3 % en 2014 malgré l'étonnant classement, cette année-là, du Loup de Wall Street dans cette catégorie. Les dix films les plus performants génèrent en outre plus de 40 % des recettes.

Répartition des entrées selon la recommandation des films 1

( en % )

Source : CNC - Bilan 2015

Le constat, malgré une amélioration notable, n'est guère meilleur pour les documentaires, en raison d'une distribution encore limitée. En 2015, 99 documentaires ont été distribués dans moins de 100 établissements en première semaine d'exploitation, soit 95,2 % de l'ensemble des documentaires distribués. Les documentaires sortent, en moyenne, dans six fois moins d'établissements (22 établissements sur l'ensemble du territoire national) que les films tous genres confondus (136 établissements).

L'année 2015 a toutefois enregistrée un résultat plus favorable à ce genre puisque les documentaires ont représenté 15,9 % de l'ensemble des films de longs métrage sortis en salles pour un total de 2,2 millions d'entrées, en augmentation de 9 % , même si ce niveau de représente que 1,2 % des entrées de l'ensemble des films inédits de l'année.

La concentration du succès sur quelques oeuvres s'accentue également sur le marché de la vidéo à la demande : en 2014, les dix premiers films acquis en paiement à l'acte représentaient 15,1 % des ventes en valeur, contre 10,9 % l'année précédente.

b) Le cas particulier du court métrage

Parmi les oeuvres ayant du mal à trouver un public suffisant, le court métrage, dont la production annuelle atteint 600 oeuvres sous visa d'exploitation du CNC d'une durée moyenne de vingt minutes, a récemment fait l'objet d'une réflexion de l'opérateur et de la filière sur la base des préconisations du rapport remis par Anne Bennet en novembre 2015 2 ( * ) à l'occasion du 30 e Festival européen du film court à Brest.

Le rapport confirme la nécessité d'adapter et de moderniser le modèle de financement de ce secteur, économiquement fragile , mais vecteur essentiel du renouvellement des talents et du tissu productif de la filière cinématographique et audiovisuelle, mais également d' améliorer la diffusion des oeuvre s. À cet effet, il propose plusieurs pistes de réforme, en particulier :

- le renforcement des capacités de financement du secteur, d'une part par les diffuseurs télévisuels historiques, d'autre part en explorant de nouvelles opportunités (médias numériques, financements participatifs, mécénat, exportations, etc.) ;

- l'amélioration des conditions de diffusion en salles et à la télévision , notamment en incluant systématiquement le court métrage dans les négociations relatives aux engagements professionnels en matière de diffusion, en accordant la recommandation « art et essai » à l'ensemble des productions et en lançant une expérimentation de diffusion de courts métrages en première partie dans un réseau de salles volontaires ;

- l'engagement d'une réflexion avec les diffuseurs sur la mise en oeuvre d'une contribution à la production de courts métrages à hauteur de 0,1 % de leur chiffre d'affaires destinée à alimenter un fonds de dotation ;

- la modification de l'aide aux programmes de production du CNC en privilégiant la prévisibilité de l'aide pour les structures les plus actives et l'accessibilité du dispositif aux nouveaux entrants.

Les pistes qui concernent directement le CNC (renforcement et refonte des financements publics, diffusion en salle de cinéma et classement « art et essai », place du court métrage au niveau européen et international, soutien aux démarches innovantes et à la formation et à l'éducation à l'image, médiatisation du court métrage) ont été le sujet d'un groupe de travail avec les principales organisations professionnelles qui s'est régulièrement réuni entre novembre 2015 et juin 2016 pour expertiser les préconisations concernant les aides à la production, à la diffusion en salle, à l'exportation et à la promotion.

Les mesures qui entreront en application en 2017 contribueront, grâce à une enveloppe supplémentaire de 600 000 euros, à consolider le rôle fondamental du court métrage dans l'accueil des nouveaux talents, en répondant à trois enjeux :

- favoriser une plus grande diversité des oeuvres soutenues, en assurant notamment une plus grande liberté pour les acteurs ;

- améliorer l'accompagnement des talents émergents, en garantissant notamment une progressivité des soutiens et une meilleure attention au parcours ;

- rendre plus lisibles et visibles les soutiens du CNC, en simplifiant les dispositifs et en valorisant davantage les oeuvres, les acteurs du secteur et l'action du CNC.

Les autres mesures envisagées, qui ne dépendent pas directement du CNC mais pour la mise en oeuvre desquelles il pourrait jouer le rôle de « facilitateur », devront en revanche faire l'objet d' une concertation avec les acteurs concernés (cadre règlementaire des obligations télévisuelles, nouvelles sources de financement).

Au-delà de cette indispensable réforme, il convient de rappeler que le CNC mène d'ores et déjà une action ambitieuse en faveur du court métrage, via des aides sélectives et automatiques . En 2015, l'opérateur a maintenu à un niveau élevé son soutien à la production de films courts à hauteur de 13,8 millions d'euros, tandis que ses partenaires (collectivités territoriales et chaînes de télévision notamment) y consacraient 9,9 millions d'euros.

Le CNC intervient également en soutien à la diffusion par des mécanismes d'aides sélectives ou automatiques et par des aides directes à plusieurs associations et organismes qu'il subventionne pour encourager la promotion culturelle et la diffusion commerciale de films de court métrage (agence du court métrage, Unifrance, etc.).

À titre d'exemple, l'Agence du court métrage compte en 2016 plus de 10 000 films déposés par les ayants droit qui bénéficient d'une remontée de droits importante (location à l'acte en salle, programmations constituées par l'agence dont sorties nationales, vente de droits TV en France et à l'étranger, etc.), près de 300 salles de cinéma adhérentes au réseau RADI (réseau alternatif de diffusion), qui diffusent un programme court en première partie de séance. À partir de la rentrée 2016, l'agence, soutenue par le CNC, propose des courts métrages sur DVD pour une utilisation dans un cadre périscolaire.

Existent enfin plusieurs manifestations d'intérêt national et international , parmi lesquels le Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand (162 000 entrées en février 2016) et le Festival européen du court métrage de Brest (29 000 entrées en novembre 2015). Le CNC a initié, en décembre 2011, la manifestation « Le Jour le plus court - Fête du court métrage » dont l'objectif est de diffuser auprès du plus grand nombre des films courts, professionnels comme amateurs, dans les salles, les écoles, à la télévision, etc. Un catalogue de films (134 en 2015) est négocié pour l'occasion et proposé gratuitement aux organisateurs. En décembre 2015, la manifestation a compté plus de 3 000 organisateurs, dont 64 % d'établissements scolaires, 12 % de salles de cinéma et 10 % d'associations culturelles. Les 15 000 projections ont rassemblé 900 000 spectateurs.

Le secteur du court métrage doit, par ailleurs, s'adapter à la diffusion des oeuvres en numérique. Dans l'objectif de maintenir un patrimoine foisonnant susceptible de continuer à être programmé sur ces nouveaux supports destinés à remplacer les copies 35 mm, les courts métrages peuvent avoir accès aux aides mises en place par le CNC pour aider à la numérisation des oeuvres du patrimoine. À ce jour, 190 films de format court en ont profité.


* 2 « Pistes de réflexion pour consolider la production et améliorer la diffusion du court métrage » - Rapport d'Anne Bennet au CNC - Novembre 2015

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