II. IL EST TEMPS DE METTRE LES MOYENS NÉCESSAIRES POUR RELANCER NOS PORTS

A. LA CHAÎNE LOGISTIQUE PORTUAIRE FRANÇAISE PEINE À S'AFFIRMER

1. La France dispose de nombreux atouts pour relever le défi de la compétition entre les hubs portuaires

La France compte aujourd'hui environ 66 ports maritimes de commerce : 54 sont décentralisés (avec un trafic supérieur à 100 000 tonnes pour 26 d'entre eux) et les 12 plus importants continuent à relever de l'État. Parmi ces derniers on dénombre : sept grands ports maritimes métropolitains (Dunkerque, Le Havre, Rouen, La Rochelle, Nantes Saint-Nazaire, Bordeaux, Marseille), quatre grands ports maritimes ultra-marins (Guadeloupe, Martinique, Réunion, Guyane) et un port d'intérêt national (Saint-Pierre et Miquelon). Le trafic de marchandises passant par les grands ports maritimes (GPM) représente 80 % du trafic total des ports français .

L'évolution du paysage portuaire français

Avant les lois de décentralisation de 1983, tous les ports maritimes étaient placés sous la tutelle de l'État. Les principaux bénéficiaient du statut particulier de port autonome, et la plupart des autres étaient exploités par la CCI locale.

Dans le cadre de la loi de décentralisation de 1983, 304 ports maritimes de commerce et de pêche ont été décentralisés vers les départements. Dans le même temps, 228 ports de plaisance ont été confiés aux communes. Il s'agissait de ports de taille réduite, représentant au total moins de 5 % de l'ensemble portuaire en tonnage. L'État a conservé dans son giron, en métropole, 17 ports dits d'intérêt national et 6 ports autonomes.

En 2002, les ports d'Ajaccio et de Bastia ont été transférés à la Collectivité territoriale de Corse.

La loi de décentralisation de 2004 a entraîné la décentralisation des 17 ports d'intérêt national métropolitains, confiés principalement aux régions. À l'issue de cette deuxième vague de décentralisation, seuls sont restés de la compétence de l'État les sept ports autonomes métropolitains, le port autonome de Guadeloupe et les ports d'intérêt national ultra-marins.

La loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire et la loi n° 2012-260 du 22 février 2012 portant réforme des ports d'outre-mer relevant de l'État, ont créé le statut de grand port maritime (GPM) dans lequel ont basculé l'ensemble des ports maritimes relevant de l'État, à l'exception de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui a conservé son statut de port d'intérêt national.

La situation géographique de la France métropolitaine présente deux atouts majeurs. Elle est d'abord située au coeur de l'Union européenne, et bénéficie ainsi d'une position de carrefour valorisée par ses réseaux de communication. Sa position centrale en Europe en fait un territoire de transit. Elle dispose en outre d'une double ouverture maritime , avec des façades maritimes sur la mer du Nord, la Manche, l'océan Atlantique et la mer Méditerranée, qui figurent parmi les mers les plus fréquentées du globe.

VUE D'ENSEMBLE DU MAILLAGE PORTUAIRE FRANÇAIS

Source : DGITM

Avec près de 360 millions de tonnes de fret dont environ 50 % de vracs liquides et 13 % de marchandises conteneurisées traitées chaque année, le secteur portuaire français représente 5 % du trafic mondial et 10 % du trafic européen .

La France compte deux ports parmi les 50 plus grands ports mondiaux , Marseille et Le Havre, qui sont respectivement placés aux 5 ème et 6 ème rangs européens en volume total de marchandises traitées. Marseille est le 3 ème port pétrolier au monde, Le Havre est le 10 ème port de conteneurs en Europe et Rouen le 1 er port céréalier d'Europe.

TRAFIC DE MARCHANDISES PAR CATÉGORIE EN 2011 (TONNAGE BRUT)

Source : DGITM

Cependant, depuis les années 2000, l'accélération des échanges mondiaux et le gigantisme des navires jettent nos ports maritimes dans une nouvelle compétition : les quelques ports où les plus grands navires font étape deviennent des « hubs » sur des chaînes logistiques qui dépendent de grandes compagnies transnationales, toujours plus puissantes et mobiles ; les grands ports européens se livrent à une compétition aiguë pour devenir « la porte principale de l'Europe », compétition où les critères de fiabilité et de qualité de service viennent au premier plan, avec l'accès à l' hinterland . D'autant que, vus d'Asie, les grands ports européens sont peu ou prou interchangeables .

LES GRANDS PORTS MÉTROPOLITAINS ET LEURS CONCURRENTS EUROPÉENS
EN 2015

Source : DGITM

Cette concurrence met en évidence les faiblesses de nos ports. En 1995, le Havre traitait environ 1 million de conteneurs (équivalent vingt pieds ou EVP) et Anvers 2 millions ; en 2015, Le Havre est à 2,5 millions et Anvers à 9,6 millions : la différence est presque passée du double au quadruple. Rotterdam dépasse désormais les 12,2 millions de conteneurs et Hambourg est à 8,8 millions ; Tanger Med, créé de toutes pièces en 2007, a déjà dépassé notre champion national et atteint près de 3 millions de conteneurs en 2015 ! Votre rapporteur déplore depuis de longues années ce manque cruel d'ambition, alors que nos ports sont les mieux placés géographiquement.

2. Des progrès ont été accomplis depuis la réforme de 2008 mais il reste beaucoup à faire

Face à cette situation, les années 2008 à 2013 ont été un temps de réforme pour les grands ports français de métropole et d'outre-mer : il s'agissait de leur donner davantage d'autonomie en les transformant en établissements publics, d'adapter leur gouvernance et de les rendre aptes à répondre aux défis du transport maritime international.

Malheureusement, cette dynamique ne s'est pas traduite dans les chiffres : à ce jour, l'impact positif de la réforme sur la productivité à quai n'est pas flagrant et le tonnage des marchandises a connu une évolution défavorable jusqu'en 2011. L' effet conjugué de la crise économique et de la réforme portuaire (grèves, baisses de trafic) a constitué un choc négatif de grande ampleur pour nos ports.

Depuis, la reprise des trafics est lente à se manifester et les parts de marché ne se sont guère améliorées. Sur les cinq dernières années, de 2011 à 2015, le trafic global recule de 1,2 % par an en moyenne , contre une progression de 1,2 % pour l'ensemble des ports européens étrangers.

Cette contre-performance est globalement due à la baisse structurelle du trafic des produits pétroliers (-4,4 % par an). Nos grands ports sont encore trop dépendants des trafics de vrac liquides, ce qui fragilise leur position dans un contexte de transition énergétique au niveau européen. On observe en revanche des signes positifs du côté des marchandises conteneurisées (+4,2 % par an).

Cette tendance s'observe sur l'ensemble de nos façades maritimes, où la performance française est systématiquement inférieure à celle de nos concurrents étrangers :

- en Manche et mer du Nord, l'ensemble formé des ports de Dunkerque, du Havre et de Rouen, affiche un taux de croissance annuel moyen stable (-0,5 %) sur les cinq dernières années, alors que l'ensemble des dix-huit ports étrangers 6 ( * ) progresse de 0,8 % ;

- sur la façade Atlantique, le trafic français régresse de 2,1 % entre 2011 et 2015, alors qu'il augmente de 3,4 % par an pour les onze ports étrangers 7 ( * ) ;

- enfin en Méditerranée, le trafic de marchandises du port de Marseille se contracte annuellement de 1,9 % par an entre 2011 et 2015, alors qu'il progresse de 1,2 % par an pour les quinze autres ports 8 ( * ) .

ÉVOLUTION DU TRAFIC DANS LES GRANDS PORTS MARITIMES MÉTROPOLITAINS
(EN MILLIONS DE TONNES)

Données : DGITM

ÉVOLUTION DU TRAFIC DANS LES GRANDS PORTS MARITIMES D'OUTRE-MER
(EN MILLIONS DE TONNES)

Données : DGITM


* 6 Aarhus, Amsterdam, Antwerp, Brake, Bremen Bremerhaven, Fredericia (Og Shell-Havnen), Gdansk, Ghent, Göteborg, Hamburg, Helsinki, London, Oslo, Riga, Rostock, Rotterdam, Stockholm, Zeebrugge.

* 7 Bilbao, Ferrol San Cibrao, Dublin, Gijón, La Coruña, Las Palmas, Leixões, Lisboa, Santa Cruz de Tenerife, Setúbal, Sines.

* 8 Algeciras, Barcelona, Cartagena, Constantza, Genova, La Spezia, Lemesos, Livorno, Napoli, Piraeus, Ravenna, Tarragona, Thessaloniki, Valencia, Venezia.

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