III. L'ENJEU DE LA FIDELISATION : DES CAUSES DIVERSES

Le dernier rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) a mis l'accent sur les difficultés de fidélisation que rencontrent les armées. Il cite notamment le résultat d'une enquête conduite par la délégation à l'information et à la communication de la défense (DICoD) selon laquelle 62 % des militaires envisageraient de quitter l'institution pour changer d'activité si l'occasion se présentait .

Certes, les statistiques du ministère ne démontrent pas d'aggravation récente de la tendance en termes de résiliation ou de non-renouvellement de contrats.

Catégorie

2014

2015

2016

Prévisions 2017

Taux de résiliation des contrats*

Officiers

1,04%

0,83%

1,15%

0,62%

Sous-officiers

1,33%

1,38%

1,18%

0,89%

Militaires du rang

0,98%

0,80%

0,77%

0,59%

Total

1,10%

1,01%

0,94%

0,70%

Taux de non-renouvellement des contrats**

Officiers

20,27%

22,48%

22,40%

17,57%

Sous-officiers

15,61%

14,92%

15,84%

14,44%

Militaires du rang

19,23%

17,92%

17,19%

14,17%

Total

18,21%

17,23%

17,03%

14,37%

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Il faut pourtant admettre que la question se pose et qu'elle a des implications, un trop fort turn over ne permettant pas d'amortir les coûts de recrutement et de formation, sans compter le chômage, auquel les militaires ont droit à partir de six mois de service.

Par ailleurs, comme l'a souligné le SGA Jean-Paul Bodin lors de son audition, les difficultés de fidélisation ont des conséquences sur la réalisation du schéma d'emploi du ministère.

Il s'agit d'un problème récurrent et bien connu dans l'armée de terre , qui cherche à fidéliser ses militaires du rang , mais qui se rencontre aussi dans les autres armées. La DRH-MD vient, à cet égard, de lancer une enquête sur la « fidélisation des sous-officiers sous contrat et des militaires du rang », afin de comprendre les mécanismes qui amènent les militaires à renouveler ou non leur contrat.

Suractivité, éloignement du domicile, contrainte des mutations, découragement face au manque de moyens ... sont quelques-unes des raisons pouvant expliquer cette « évaporation ».

Parfois c'est le caractère routinier et astreignant de l'activité qui est en cause , comme chez les fusiliers marins et les fusiliers commandos de l'air, dont les taux de renouvellement des contrats s'établissent respectivement à 50 % et 30 %.

Enfin, il y a la concurrence du secteur privé et l'attractivité de ses salaires pour des métiers tels que contrôleurs aériens, officiers mécaniciens, avionneurs, atomiciens, spécialistes des systèmes d'information...

On le voit, les causes sont multiples et appellent des réponses variées selon les situations.

La revalorisation indemnitaire est bien entendu un levier très souvent utilisé . C'est ainsi qu'en 2017 ont été instaurées une indemnité de mise en oeuvre et de maintenance des aéronefs, une indemnité spéciale de sécurité aérienne et que l'indemnité d'absence du port base a été revalorisée.

Dans certains corps souffrant d'un effectif insuffisant, l'urgence est la venue de renforts .

Étoffer les effectifs est aussi une condition permettant d'envisager une diversification de l'activité et un enrichissement des tâches . Le chef d'état-major de la marine a ainsi expliqué lors de son audition qu'il comptait, lorsqu'il aurait obtenu les effectifs nécessaires, diversifier l'activité des fusiliers marins chargés de la protection des emprises en les employant à la protection de navires civils, comme cela s'est longtemps pratiqué dans l'océan indien au profit des navires thoniers.

L'amélioration de la condition du personnel, auquel contribue le plan Familles présenté cet automne - avec des mesures en faveur de la conciliation vie professionnelle/vie privée, le soutien apporté aux conjoints, l'accompagnement de la mobilité, notamment la prévisibilité des mutations, est aussi une partie de la réponse à cet enjeu qui, au fond, est celui de l'attractivité de nos armées .

Mais il ne faut pas se méprendre. Les armées sont majoritairement contractuelles (177 000 militaires sur 220 000 étant sous contrat) et le resteront du fait de leur impératif de jeunesse. Dans de nombreux métiers, il est en effet difficilement envisageable de rester au-delà d'une quarantaine d'années. Pour les marins embarqués, par exemple, la moyenne d'âge est de trente ans.

Il revient donc aux armées de trouver le bon curseur et de définir, en fonction des besoins et des métiers, la durée adaptée des contrats. Une piste devrait être par ailleurs de bâtir des partenariats avec les opérateurs privés recrutant dans les mêmes secteurs permettant la mise en place, au bénéfice des militaires ayant acquis une expérience recherchée , des parcours et des filières leur garantissant qu'ils pourront, le moment venu, la valoriser en entreprise. Une telle démarche offrirait une visibilité aussi bien aux militaires qu'aux opérateurs privés recherchant leurs compétences, tout en tenant compte des contraintes de gestion des flux auxquelles sont confrontées les armées.

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