IV. FOCUS SUR LE FRET FERROVIAIRE

La Cour des comptes a récemment réalisé une série d'enquêtes relatives à l'activité de transport ferroviaire de marchandises du groupe SNCF au cours de la période 2008-2016. Les principaux enseignements de ce travail figurent dans un référé du 3 juillet 2017 adressé au Ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, et à la Ministre chargée des transports, Élisabeth Borne, qui souligne la situation préoccupante de Fret SNCF et les incohérences de l'État dans sa politique de soutien au fret.

A. LA SITUATION PRÉOCCUPANTE DE FRET SNCF

L'activité de transport ferroviaire de marchandises du groupe SNCF est assurée, d'une part, par Fret SNCF , composante de l'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF Mobilités, d'autre part, par Voies ferrées locales et industrielles (VFLI) , filiale de statut privé détenue par SNCF Mobilités et créée en 2008 pour permettre au groupe de s'adapter à l'ouverture à la concurrence du fret, effective depuis 2006.

Après avoir bénéficié d'une recapitalisation de 1,4 milliard d'euros en 2005, Fret SNCF a fait l'objet d'un travail important d'adaptation et de réorganisation , salué par la Cour des comptes. Son personnel a quasiment été divisé par deux entre 2008 et 2015, passant de 14 933 à 7 420 agents. Une grande partie de son matériel roulant, soit 262 engins moteurs, a été vendue à la filiale de la SNCF Akiem, société de gestion d'actifs créée en 2008 pour optimiser la gestion du parc de locomotives de fret de la SNCF. Elle n'en a repris qu'une centaine en location. Ses activités ont également été rationalisées pour subir moins de pertes : l'activité de wagon isolé a évolué vers une offre « multi-lots multi-clients. ».

Mais Fret SNCF reste très pénalisé par le coût et le régime de travail de ses personnels . Sa masse salariale reste importante, malgré la réduction des effectifs. Par rapport à un opérateur privé, le surcoût lié à l'organisation du temps de travail est de 20 %, voire de 30 % si l'on prend en compte l'absentéisme très élevé qu'il subit. Le nombre moyen de jours d'absence par agent et par an chez Fret SNCF, soit 12,8 en 2014, est en effet proche du double de celui observé chez VFLI, soit 6,6.

La loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire devait donner l'opportunité à l'État et au groupe public ferroviaire de réduire le différentiel de compétitivité entre l'opérateur public et les autres entreprises ferroviaires ainsi que les transporteurs routiers. Mais cette occasion a été manquée : dans le contexte des grèves liées à la loi El Khomri et de l'Euro de football, l'État a imposé à la SNCF un accord d'entreprise très favorable aux agents, « qui maintient, voire améliore, pour les salariés de Fret SNCF, leur régime de travail. »

La marge opérationnelle de Fret SNCF est restée constamment négative entre 2008 et 2015, et son endettement financier net a plus que doublé entre 2008 et 2014, passant de 1,8 milliard d'euros à plus de 4 milliards d'euros. Il devrait dépasser les 5 milliards d'euros en 2020.

Ainsi, « la Cour constate, comme le font au demeurant les responsables de la SNCF, que Fret SNCF ne parvient pas, en l'état, à un résultat opérationnel équilibré et, a fortiori , à dégager les marges nécessaires au financement du renouvellement de ses outils de production. Le règlement de cette situation apparaît aujourd'hui comme crucial, d'autant qu'il constituerait un préalable à toute nouvelle aide éventuelle de l'État en capital à Fret SNCF. »

Or, pour être validée par l'Union européenne, une telle aide ne pourrait être versée sans une clarification préalable du référentiel comptable de SNCF Mobilités, qui a été refusé à deux reprises par l'Arafer. En tout état de cause, le statu quo ne saurait être maintenu pour Fret SNCF.

La Cour des comptes préconise à l'État de fixer à Fret SNCF des objectifs significatifs de progression de sa productivité et de s'assurer de leur mise en oeuvre, après avoir relevé que le contrat de performance signé entre l'État et SNCF Mobilités ne prévoit que des engagements très généraux à cet égard, sans indicateur de suivi.

À l'inverse, VFLI a su tirer parti de la souplesse de son offre, de son cadre social et de son modèle économique.

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